Au deuxième tour, c'était Sarkozy Royal. Et je me souviens, Pépère, tu étais venu chez moi. C'était à l'époque où j'habitais encore avec sa maman, Yves et Simon. Et puis on t'avait invité à déjeuner.
Et en partant, c'était la veille de l'élection. Voilà, c'était ça. Quelques jours avant l'élection, tu descends l'escalier, puis tu te retournes, puis tu te dis...
Et puis, votez bien ! Pour qui votait-on ? Non, c'était Votez bien !
C'était pas Allez voter ! Comme tout bon républicain et citoyen français. Non, c'était Votez bien !
Et je me suis dit, qu'est-ce qu'il veut de moi ? Il veut que tu voulais que je vote quoi ? Ah mais ça, je le dis bien, je le dis pas moi. Non mais t'as pas dit, hein. Je te l'ai pas dit.
Je te l'ai pas dit, Votez bien ! Ça veut dire long, là. On vote selon ses idées, c'est tout.
Je sais pas, on impose. On ne va pas forcer les gens à dire si. Celui qui pense quelque chose, il reste sur ce qu'il a pensé. Sauf que je savais que tu allais voter Sarkozy. Moi, je respecte tout le monde.
Seulement, il y en a qui vont trop loin. C'est tout ce que j'ai à dire. Je ne vais pas plus loin parce qu'il faut tenir sa langue des fois.
Musique Musique Musique Musique Musique Musique Musique La famille c'est une histoire. C'est une histoire qui se construit et vous habite avec ses personnages, ses légendes, ses amours, ses zones d'ombre et ses conflits. C'est une histoire où circulent des sentiments, mais aussi des idées, des croyances et des valeurs. C'est en famille que l'on parle le plus de politique.
On en parle bien plus qu'avec ses amis ou ses collègues de travail. Les choix politiques peuvent se transmettre et rassembler. Mais la politique peut aussi fâcher et entraîner de vraies ruptures.
Parfois, c'est le silence qui l'emporte et on peut préférer ne pas en parler. La politique existe-t-elle au sein du couple, entre parents et enfants, entre frères et sœurs ? En un mot, quelle est sa place dans la vie privée ?
Quelquefois je me dis... Et si j'avais été élevée dans une famille complètement à l'opposé sur le plan de l'engagement politique, est-ce que je serais ce que je suis aujourd'hui ? Pas sûr. Parce que j'ai mes convictions, mais on est imprégné, je crois, de notre éducation qui fait notre socle, de ce que nos parents nous inculquent, des valeurs, qu'elles soient politiques ou autres.
Et du coup, on vit avec ça, on s'en imprègne. Qu'ils soient de gauche, de droite ou d'ailleurs, deux Français sur trois sont du même bord politique que leurs parents. La famille véhicule des systèmes de valeurs et peut façonner de véritables traditions politiques.
Chez les Brocard, tous travaillent sur le domaine vinicole. Et de génération en génération, presque tous sont de droite. Les parents étaient gaullistes.
Des vrais gaullistes. Ils avaient mille raisons d'être communistes, de dire on n'a pas assez à manger. Gaullistes, silencieux, respectueux des autres, de leur place, etc.
C'est la France profonde qu'on ignore et qu'on n'est jamais allé voir de trop près. C'est dommage. C'est des vraies valeurs. Parce que le reste c'est du discours. Ce qui compte ce sont les faits.
Saint Bernard disait qu'il n'y a de vertu que dans l'exercice de celle-ci. Personne ne dit rien derrière moi là, attendez, allez-y ! C'est le patriarcat qui parle !
C'est vrai qu'on baigne dedans depuis toujours et on a toujours entendu ses valeurs et au fond finalement... on a tendance à les renouveler, à continuer dans ce chemin-là, et de les perpétuer avec nos propres enfants. Et nous, enfants, on entendait toujours on paye trop d'impôts Je me souviens de ça, on paye trop d'impôts Je savais automatiquement, enfant, que j'étais de droite, puisque j'entendais ça. C'est vrai que ça m'a un peu mappé. Entre parents et enfants, c'est aussi une façon de se représenter le monde environnant et de lui donner sens qui se transmet.
Très concrètement, des valeurs sont mises en avant et fixent des repères. Marie-Ange, architecte à Sens, plutôt à gauche, a montré très tôt à ses enfants qu'il y avait des principes et des idées auxquelles elle tenait. Je me souviens, quand les enfants étaient petits, j'avais un peu des postures... Je ne voulais pas acheter des chaussures Nike. parce qu'il n'y a pas d'éthique, il n'y a pas de tout ça.
C'est vrai que ça râlait à la maison. T'es la seule mère, des caprices dans la voiture. Mais par contre, après, ils revenaient de l'école et par rapport aux copains, ils leur faisaient la morale. On disait, moi, tu te rends compte, ils achètent des Nike.
Ils sont totalement inconscients. Je sais que ça, je l'aurai dans la tête pour toujours. Et ça, c'est des choses... Et ça se trouve, notre éducation politique, je pense qu'elle a commencé là, mais vraiment là. Et je pense que ces anecdotes du McDonald's et des Nike, etc., ça restera toujours.
Et moi, je sais que ça m'a marquée. Et je me sentais mal la première fois que j'en ai mis au pied. J'avais l'impression d'entraver les droits de l'homme. C'était vraiment quoi !
Une famille de journalistes et de graphistes, on est à la gauche de la gauche. Pour parents et enfants, les compromis politiques sont difficiles à accepter, pas question de transiger avec certaines valeurs. Ils n'accepteraient pas de travailler dans une boîte, parce qu'ils sont très engagés dans...
Dans la chanson, ils sont très engagés dans le théâtre, dans la peinture, mais ils ne pourraient pas travailler comme moi, depuis toujours. Moi, je ne pourrais jamais faire une maquette pour des gens de droite, comme Marie t'a dit tout à l'heure. Je pense qu'ils sont pareils à ce niveau-là.
On ne pourrait pas. Quitte à gagner bien moins notre vie qu'on aurait pu. On n'a pas de discussion avec aucun enfant qui tourne aux questions de fric. C'est-à-dire, je vais gagner plein de pognon ou il me faudrait... On n'a pas de discussion comme ça.
Non, je vais mettre un. Le travail ou le non-travail, c'est pas par rapport au fric. C'est pas sans poser de problème. Dans la région de Perpignan, Monique Langlais est allée encore plus loin. Plus que des valeurs, c'est un vote qu'elle a voulu transmettre.
Et au-delà, un véritable ralliement politique. Alors en ce qui concerne mon premier vote Front National, pour en revenir à la famille, ma fille le lendemain me téléphone et elle me dit Alors pour qui tu as voté ? Je lui dis Front National.
Elle fait quoi ? C'est pas vrai ! Ah ben j'ai dit si ! Et le lendemain, elle me rappelle et elle me dit, tu sais, j'ai dit à Tony, Tony c'est mon petit-fils, qui était un petit gamin à l'époque, et elle me dit, j'ai dit à Tony, Manu, elle a voté Front National. Et le gosse lui a répondu, elle n'a pas fait ça.
On parlait politique, il savait qu'on était au Front National, mais ils n'ont jamais jeté la pierre. Il y avait la photo de Jean-Marie Le Pen qui était... qui était sur le meuble.
Et ils se rendaient petit à petit à nos arguments, en reconnaissant qu'effectivement, ça n'allait pas. Et en 2002, ils ont voté Front National. Tous, comme un seul homme. La transmission paraît d'autant plus naturelle et évidente lorsque les parents sont engagés politiquement.
La valeur d'exemple est alors essentielle. Chez les Carpédrons, Militant au Parti Socialiste d'abord, puis à la Ligue des Droits de l'Homme, les enfants restent aujourd'hui fidèles au choix et à l'engagement de leurs parents. Je me souviens juste, à la dernière élection présidentielle, je me suis dit, en sortant de l'isoloir, quel que soit le bulletin que j'ai pu mettre dans l'enveloppe ou pas, de me dire, au moins je ne fais pas affront à ce qu'on a vécu, à ce qu'on nous a appris, à mes parents, voilà.
Donc à la fois sortir du bureau de vote en disant, ils peuvent être encore fiers de moi parce que... C'est une leçon. Je n'avais pas pensé à ça, vraiment pas. Je découvre un peu. Oui, là on découvre.
Franchement, on découvre parce que non, je n'ai pas pensé que c'était aussi profond que ça. C'est pour ça que je disais, ce n'est pas péjoratif, mais une forme de pression quand même. Il y a, on a, enfin, on ne pourrait pas...
Je ne me vois pas dire à mes parents, j'ai pas été votée. C'est même pas envisageable. D'abord, j'aurais honte, je crois.
Je leur dirais pas, je crois que je... Je crois que je dirais, bah oui, je suis allée voter. J'aurais...
Enfin, je sais pas, j'aurais peur qu'ils portent un regard... Alors que non, parce qu'ils respecteraient complètement mes choix. Je pensais pas que c'était aussi...
C'était aussi profond pour vous. J'ai pas eu cette impression, moi. Bah, ça faisait partie de notre...
Parce qu'on nous dit peut-être dedans. Voilà, ce qui fait que... Ce qui fait que, non, on avait un regard d'enfant, en plus. Donc, avec...
Voilà, un regard d'enfant Et c'est vrai que ça faisait quand même partie de notre quotidien On montait dans la voiture, il y avait les tracts à l'arrière On passait près des panneaux d'affichage C'est mon papa qui l'a collé cette affiche Lui, il scandait partout C'est la rose à papa C'est les affiches à mon papa Donc on était au clair là-dessus Ou alors, on était en... C'est bon On était en file indienne les uns derrière les autres, ils nous donnaient le top départ, on attrapait les pointes des affiches de l'opposition et... Parfois, c'est même la politique professionnelle qui entre dans la famille.
Patrick Tuffet est centriste. Aujourd'hui chef d'entreprise, il a exercé plusieurs mandats locaux en Bourgogne. Sa femme et ses fils ont dû s'accommoder d'un mari et d'un père, élus de la République, pris par la politique.
Quand Patrick s'est lancé en politique, on en a parlé deux secondes parce que c'est vrai que ça a engagé toute la famille. Ça voulait dire que moi j'allais m'occuper des petits. Ils ont été, sans qu'on s'en aperçoive, élevés dans un milieu où la politique c'était pas quelque chose d'éloigné, d'étranger. Quand on était en campagne, Pierre, on allait tracter comme ça se fait habituellement, dans les boîtes aux lettres, on mettait les professions de foire, on ne me rappelle plus ce que c'était d'ailleurs. Et donc je l'avais amené avec moi, on faisait toutes les boîtes aux lettres.
Et donc il est venu trater avec moi, donc il sait ce que c'est que faire une campagne électorale, en tout cas une partie de la campagne. Que c'était plus un jeu, nous on mettait des feuilles dans toutes les boîtes aux lettres, c'était marrant, hop, et puis... Et puis finalement on aidait, nous ça... Ça nous faisait rire je pense. On me rappelle du bureau de vote.
Ouais, c'est bien. Ouais, moi aussi, le bureau de vote. On était juste derrière l'urne. Ouais. On se sentait important à 8 ans.
C'est peut-être plus dur de se faire une opinion aussi, sa propre opinion, quand on parle beaucoup de politique et qu'on a déjà... un père qui est engagé politiquement. Donc il faut peut-être déjà un peu plus de maturité pour se faire vraiment une opinion. C'est vrai que ça, je ne vous l'ai jamais dit, mais souvent j'ai un très bon ami qui me reprochait souvent d'avoir des idées déjà... fixé de ne pas réfléchir par moi-même parce que j'avais un père déjà engagé.
La façon dont on est élevé permet de se faire une idée bien sûr et aussi l'entourage en dehors de la vie familiale nous donne d'autres idées. Finalement c'est un mélange des deux, c'est la vie de famille et la vie personnelle entre les amis. Nos études, du coup on se forge notre avis, mais il y a forcément des similitudes avec ceux de nos parents. C'est une obligation parce que la façon dont on est élevé fait que finalement on a les mêmes idées que nos parents sur certains points.
Ça me paraît une évidence. Les maires ont un rôle important. Elles transmettent les idées politiques, mais autrement.
Je pense que notre mère ce qu'elle nous a réellement apporté c'est que on a appris à être le moins égoïste possible. Tu savais pas tout ça ? Non je savais pas.
Qu'est-ce t'as à lire ? Ouais mais je sais pas. C'est assez touchant d'entendre ce que j'entends, parce qu'effectivement, j'ai jamais entendu ça. Mais c'est vrai qu'on parle depuis tout à l'heure de politique, mais plus dans ce qu'il y a de spectaculaire et de visible.
alors qu'en fait, pour moi, la politique, c'est avant tout un rapport à l'autre. Ça veut dire des valeurs, ça veut dire du respect pour qui que ce soit, y compris pour des gens qui ne pensent pas comme nous, qui ne vivent pas comme nous. Pour Marie...
La fille des Paco, tout se passe dans le quotidien. Ça se fera naturellement. Je ne vais pas prendre mon gamin, l'asseoir en face de moi et lui dire Voilà, maman est de gauche, elle te demande de respecter ses idées.
Non, je ne peux pas faire ça. Ça se transmet au quotidien parce que je râle sur le voisin quand il tient des propos racistes devant moi, parce que je râle beaucoup. Je pense que ça se transmet comme ça. Toutes les histoires de famille se tisent dans la grande histoire. Certains événements, comme des guerres ou des révolutions, peuvent laisser leur empreinte sur plusieurs générations et orienter les choix politiques pour la vie entière.
L'histoire d'Irina Kortanek permet de comprendre son engagement nationaliste et radical. Depuis ma majorité, je vote Front National, parce que je viens d'une famille qui a quitté la Russie à la Révolution, et on se transmet l'histoire de la famille de génération en génération. Et c'est ma grand-mère qui m'a appris le russe.
et qui m'a expliqué la fuite de la Russie, l'histoire de notre famille. Je sais que tous les autres membres de la famille ont essayé de fuir et ont été massacrés. C'est quelque chose qui marque en étant enfant. Et c'est aussi ma grand-mère qui m'a appris l'amour de la France et respecté ce pays qui nous avait accueillis. De temps en temps, il y avait des décalages.
Je me souviens, à l'école primaire, on enseignait encore nos ancêtres, les Gaulois. Et puis la première fois que j'ai entendu ça, j'ai levé la main et j'ai dit Madame, les Gaulois ne sont pas mes ancêtres. Bon, on m'expliquait que ici c'était la France, que les Gaulois étaient nos ancêtres. Vu le ton, j'ai pensé, j'ai dû dire une bêtise. Quand j'ai raconté ça à la maison, mon Dieu !
Je me suis dit, qu'est-ce que t'as été raconté ? On ne se fait pas remarquer, on reste calme. Du coup, ma grand-mère m'a expliqué qui étaient les Gaulois.
Bon, affaire classée, ok, j'accepte. Bien des années plus tard, Irina Kortanek traduira l'héritage de cette histoire familiale dans un engagement politique très concret en tant que candidate du Front National en langue d'oc roussillon. Elle va même jusqu'à passer le flambeau à son fils. Mon fils a été candidat l'année dernière au cantonal. Il s'est beaucoup investi, ça lui a énormément plu.
Tous les deux, on a fait un deal. On a dit, si tu m'aides sur mon canton, moi je t'aide sur ton canton. Ce qui fait qu'on a travaillé ensemble sur les deux cantons. On était fiers l'un de l'autre.
On était contents de s'investir dans cette campagne. Et puis de pouvoir aussi compter l'un sur l'autre. Si dans la plupart des cas la politique se transmet, les refus d'héritage existent aussi. Je vais mettre ça à la poubelle.
On peut vouloir marquer sa différence et s'affranchir des choix de ses parents. Jean-Paul Gatti et sa compagne Claudine sont tous les deux éducateurs spécialisés à Auxerre. Lui a aujourd'hui sa carte au Parti Socialiste. Moi je ne sais pas ce que vote ma propre mère et je ne sais pas ce que votait mon père.
Mais j'ai des idées par rapport à ça. Je pense que mon père était probablement pétainiste. Et je pense que ma mère doit voter...
à droite. Mais je n'en ai aucune certitude. Et si mon père était vraiment pétainiste, en tout cas de droite, une manière de liquider mes problèmes avec mon père et les problèmes de mon père avec moi était d'être en opposition à celui-ci.
Tuer symboliquement son père, ça peut être aussi voter différemment de ce qu'il me semble qu'il pouvait voter. Je dis bien qu'il me semble. a pris ses distances avec la culture communiste imposée par son père.
J'ai tout envoyé et pété, quoi. Que ça soit la famille, la politique, tout. Mes parents, voilà. J'ai pas fait une grande déclaration, j'ai pas fait un papier dans le journal, j'ai pas déchiré ma carte en public, je l'ai pas brûlée devant le siège du Parti communiste. J'ai pas fait ça, c'est tout, je l'ai laissé tomber.
C'était plus mon truc. Dans certaines familles, on ne parle pas de politique. Parce qu'on peut être d'accord sans se le dire, mais aussi parce que ça ne se fait pas.
C'est le cas de la famille de Michel Darche, longtemps professeur de lettres et d'allemand à Auxerre. Mes parents, qui étaient donc d'origine paysanne, et qui sont devenus petits ouvriers, j'aime pas beaucoup le mot petit, on dit toujours petit instituteur, mais on dit jamais petit professeur par exemple, mais bon, étaient des gens qui ne parlaient pas beaucoup. et qui parlaient peu de politique. Je dois dire que quand mes parents, mais ça n'était pas rare à l'époque, allaient voter, ils ne se disaient pas pour qui ils votaient. Et pendant la guerre, je me rappelle qu'à la maison, alors qu'on nous enseignait l'hypothèse, l'idée qu'il ne faut pas mentir.
Eh bien, on écoutait évidemment Radio Londres. Mais il ne fallait pas le dire aux voisins. Je dois dire qu'à table ou avec mes enfants, je ne parlais jamais, jamais politique.
À tel point que quand hier je vois mon fils, qui a maintenant 35 ans l'animal, et qu'il me laisse vaguement dire pour qui je votais, il en a été étonné. C'est vous dire. Ce silence perdure, mais ça sert.
Parce que si vous êtes avec quelqu'un qui a les mêmes opinions politiques que vous, on n'a plus rien à se dire. Et si vous êtes avec quelqu'un qui a des opinions politiques complètement différentes des vôtres, au bout d'un moment, on n'a rien à se dire non plus. Il y avait une phrase de Jean-Paul Sartre qui disait On ne peut discuter qu'avec quelqu'un qui pense comme vous Certaines personnes, et en particulier les femmes, sont plus silencieuses. Sur le plan politique, je suis gauche bien sûr, mais je suis quelqu'un d'assez réservé pour parler, pour discuter.
pour amener des arguments, je ne suis pas très douée là-dedans. Elle se dévalorise. Oui, non, ce n'est pas une question de se dévaloriser, mais c'est vrai que j'ai... Bon, et puis comme il y a des bavards comme lui qui prennent la parole, je ne vois pas, des fois, je ne vois pas ce que j'aurais à rajouter, puisque je suis en accord avec ce qu'il peut dire à la plupart du temps. Pour Jérôme Clerc, éducateur spécialisé et sa compagne Laurie, Institutrice, parler ou pas de politique est une vraie question.
Je n'ai jamais eu l'habitude de débattre de politique chez moi, ce n'est pas un sujet qu'on abordait. Le vote c'était secret, on vote ce qu'on a envie, mais surtout on n'en parle pas, c'est intime, c'est secret, donc on n'en parle pas. Et j'ai encore eu confirmation de ça pour le vote des présidentielles, j'en ai parlé avec mes parents.
Ma mère m'a dit non de toute façon le vote c'est secret. Donc c'est vrai que pour moi c'est nouveau de débattre de politique avec mon cercle intime. J'ai plus tendance à écouter, j'écoute, je dis si je suis d'accord ou pas d'accord mais je vais pas forcément donner mes idées ou je veux dire je suis pas d'accord. Je te dis je suis pas d'accord mais voilà juste je ne suis pas d'accord avec toi mais... Pour moi c'est pas suffisant.
Je ne suis pas d'accord donc c'est... Voilà, bah faut aller plus loin quoi. C'est-à-dire que...
C'est-à-dire, t'es pas d'accord. Et donc c'est là-dessus des fois où... Il peut y avoir certaines frictions.
Oui, c'est pas des frictions mais en tout cas c'est... Là on touche vraiment la relation en tant que telle quoi. Le vote du premier tour, on s'est un petit peu pris le bec sur ce sujet-là, parce que je te parlais, je te disais, mais pourquoi tu vas voter Hollande alors que voter utile c'est voter Hollande ?
Alors on a eu un sujet là-dessus, je disais... j'étais pas d'accord avec ça, parce que voter utile, implicitement, c'était voter au loin. Toi, t'aimes tellement ça que de toute façon, tu parles, tu parles, tu parles, et quand je te réponds, t'écoutes pas, tu parles, tu parles, tu parles, tu continues sur ton sujet, et du coup, à la fin, je dis oui, tu as raison.
Et donc, tu m'as dit quelque chose à ce moment-là, tu m'as dit, je suis d'accord avec toi sur tout ce que tu dis, mais simplement, la façon dont tu me le dis, j'ai envie de voter autre chose. Oui. C'est ça que tu m'as dit ? Oui. Et je me demande si Hollande il a pas gagné une voix grâce à ça.
Ah peut-être. La famille Claire a des racines rurales. Ils se retrouvent souvent chez le grand-père, Fernand, dit Pépère, ancien producteur de cidre, dans un petit village de Bourgogne. Et ils n'ont pas les mêmes opinions. Moi je suis centriste, puis c'est tout.
Je ne cache rien. Je suis 60. Oui, vous n'avez jamais cherché à nous influencer. Non, non, non. Mais bon, on sait à peu près quand même.
Non, mais on connaît tes opinions, papa. Les opinions ? Ah si, tes opinions.
C'est-à-dire que je ne suis pas excessif, c'est tout. C'est quoi ses opinions ? Non, les opinions, je sais, j'ai toujours su ce que papa, pour qu'il votait dans le sens où il votait, je savais. Quoi ? Ici, la verté, c'est...
C'est M. Sarkozy qui est arrivé. C'est assez conservateur, franchement. Quoique, maintenant, à la campagne, il y a beaucoup qui ont voté Le Pen.
Oui, mais ça, c'est l'époque actuelle. Automatiquement, tout le monde en a marre. On ne sait plus comment faire. Oui, c'est ça.
Tu as trouvé le mot, papa. C'est ça, on ne sait plus trop comment faire. On verra. Aujourd'hui, c'est l'Europe qui a fait le mal. Je ne critique pas, mais chaque pays a ses moeurs.
Ce n'est pas facile à diriger. Quand on ne peut pas se diriger soi-même, on ne va pas se diriger les autres. Mes parents partaient en voyage pour le second tour des élections présidentielles de 2012, cette année.
Ils me demandent si je peux, pour un d'entre eux, aller voter à leur place. Je leur demande. Je me demande très naturellement pour qui je vais voter, en sachant très bien que c'était à gauche.
Mes parents me disent On te fait confiance, tu voteras qui tu veux Et là, j'ai commencé à bouillir, à me dire Mais non, c'est quoi ? Ce n'est pas à moi de savoir à votre place pour qui voter. En fait, je ne savais pas trop quoi voter.
Alors donc, ça m'était un peu indifférent, si tu veux. Mais ce n'était pas parce que je te faisais confiance pour... Je ne connais pas moi non plus tes opinions politiques vraiment. Je ne sais pas si tu étais vert, si tu étais rose, si tu étais... Parce que tu as changé toi aussi.
Finalement, j'aurais voté n'importe quelle couleur. Ça aurait été bon. Un peu dans mes idées quand même. Bah, oui, je savais que t'allais pas voter pour Sarkozy, ça je savais.
J'aurais voté Eva Jolies, ça aurait été bon pour toi. Ça aurait été bon, oui, ça aurait été bon. Même quand on pense tous pareil, cela n'empêche pas les discussions et les confrontations. Surtout pendant les périodes d'élection.
Les PACO sont tous à gauche, mais ne votent pas forcément pour le même candidat. J'aurais voté Jolie pour la personne, mais j'aurais pas voté pour Europe Ecologie des Verts, donc du coup c'est compliqué quoi. Donc du coup je voterais Mélenchon, ça c'est sûr.
C'est pour ça que j'ai dit que... Je me suis trompée en disant vote utile, mais je voulais dire que... Pour le moment, c'est presque un vote utile pour moi. Si je ne vote pas pour Elisa Jolie... Ce n'est pas un vote utile comme on l'entend.
Si, c'est un vote utile, mais pas dans la perspective de la présidentielle, mais dans la perspective de la construction de quelque chose. Oui, et des législatives aussi, ce qui va arriver derrière. Les brocards, pourtant presque tous bien ancrés à droite, discute de Jean-Luc Mélenchon. J'ai beaucoup aimé le charisme de Mélenchon, Dieu sait si je suis pas de... J'ai pas de gauche, mais je suis de gauche pour ce qu'il a dit.
Il a surtout beaucoup d'éloquence, moi je pense. Je crois que c'est ça, mais je trouve... Les idées qu'il met en avant, c'est dépassant. On peut l'aider dans ses projets, nous.
Il les prendra, nos projets. Je pense qu'on peut l'aider, on peut proposer des projets. L'éconte, c'est d'aller quelqu'un qui a un charisme. T'es d'accord Fred ?
Ouais mais franchement quand il me dit qu'il voulait faire les poches de tous ceux qui gagnaient plus de 5000 euros je crois. A mon avis, moi ça va, mais bon, je sais pas. Faut-il avoir les mêmes opinions politiques pour bien s'entendre avec ses proches ? Ou bien y a-t-il place pour le désaccord ?
Nos enfants votent dans notre mouvance. Je ne me pose même pas la question. Quelqu'un aurait choisi autre chose, que ce soit politiquement ou en religion, etc. Bon ben, on s'en serait accommodé.
Mais à terme, quelle relation on aurait eue ? On n'aurait pas pu avoir des fêtes de famille, des repas, comme ça. C'est tout. Aussi sympa. Aussi sympa.
Parce que c'est vraiment très sympa, les fêtes. Et c'est important. Je pense que ça ne serait pas aussi sympa.
Tu vois, on ferait des statu quo, quoi. Il y a des choses qu'on n'aborderait pas. D'abord, ça nous aurait interpellé. Pourquoi eux font un chemin qui est autre ?
Ça aurait pu. Ouais, enfin... Je pense qu'on aurait discuté. Oui, de comprendre pourquoi. Et l'explication de l'un ou de l'autre, si ça avait été le cas, c'était plutôt une discussion.
Et puis après, accepter la différence. Moi, je l'aurais très mal vécu. Ça aurait été une trahison envers l'histoire familiale. Et puis je crois qu'il aurait eu de gros, gros problèmes avec son papa aussi. Parce que son papa a grandi avant la chute du mur de Berlin, donc il aurait pu lui expliquer, et d'ailleurs il l'a fait, ce que c'était la vie à l'Est.
Quand mon frangin m'envoie des courriels encensant Sarko et démolissant Hollande, je ne vais pas lui dire merci de me les envoyer, encore que c'est de bonne guerre. on voit des choses qui sont au bord du racisme, là, je me retiens que de ne pas l'appeler en lui disant mais tu ne te rends pas compte, ce que tu propages venant de ton copain est tel, c'est limite, limite, très limite. Dans le couple, on préfère être d'accord.
Partager les mêmes choix politiques est plutôt la règle. Ma mère elle parlait politique ? Non, jamais les parents non.
Ils avaient leurs idées mais on ne se donnait pas trop le... Il n'y avait pas d'excitation comme aujourd'hui. Par contre ma mère elle votait vraiment comme... Elle votait pas, pareil, elle se posait pas de questions. Tu veux dire que ma mère elle votait comme toi ?
Ah oui, parce qu'elle avait... Au moment où elle était, c'était la crème des femmes. Oui mais d'accord papa, tu dévis là, non.
Non, c'était... Non mais non mais... Au moment où c'était, c'était ça. quelqu'un. C'est pas ça, on parle de la politique.
La maman, elle votait toujours comme toi. Toujours. Elle avait foi en moi comme moi j'avais foi en elle.
C'était tout, on était unis. C'est tout. Les trois quarts des Français sont du même bord politique que leurs conjoints. Bien s'entendre, c'est aussi avoir les mêmes idées.
Avoir des idées complètement opposées politiquement avec ma conjointe, avec ma compagne, ça me semblerait difficile. Oh ! D'abord, ça n'a pas pu marcher.
Oh non ! Non, non, c'est pas possible. Oh non, je ne m'entendrai pas avec un communiste.
On a beau s'aimer beaucoup, mais au bout d'un moment... J'arrêterai pas de me balancer le goulag dans la figure. Ça marche plus ?
c'est pas possible. Ah non, non, non, non, non. C'est pas possible.
Même le plus fort l'amour va durer qu'un certain temps. Et au bout d'un moment, ça va être de la lassitude avec l'autre qui est tout le temps contre vous. Ça peut pas fonctionner. Non, je me vois pas aller à des meetings.
et puis toi, aller agiter le drapeau rouge avec la faucille et le marteau, c'est pas possible, on se battrait. Ah non, non, j'aurais pas pu. De la même façon que j'aurais pas pu m'entendre avec quelqu'un qui n'aurait pas aimé les animaux, par exemple. Vous voyez, c'est un autre exemple. Mais ça aurait été la rupture tout de suite.
C'est pas possible. On a des affinités où on les a pas. J'ai eu un amant assez longtemps qui était plutôt de droite catholique.
mais je pense que la vie de couple n'était pas envisageable. Et c'était bien que ça s'arrête. Voilà, c'est aussi simple que ça.
On désaccorde tout le temps. Sur les enfants surtout. Sur l'éducation, sur la vie, même sur les variétés, sur la littérature.
Tu sens qu'il n'y a rien quoi. Alors il y a quelque chose qui se passe avec les corps, puis à un moment ça ne suffit pas quoi. J'en sais rien, j'aurais peut-être pu...
rencontrer quelqu'un, tomber amoureuse de quelqu'un, c'est pas ce que je demandais, je lui demandais la première fois que je rencontrais s'il était de droite ou de gauche, donc effectivement ça aurait peut-être pu m'arriver, mais il s'est trouvé que les gens que j'ai rencontrés étaient plus, la plupart du temps, plus de gauche que de droite. Je pense que de la diversité naît la richesse, donc quelqu'un... de droite qui a de la gueule, je pense, de l'intérieur essentiellement, par rapport à quelqu'un de gauche qui a de la gueule, ils ont tous les deux de la gueule. Ils sont tous les deux éminemment intéressants. Je vois autour de moi des gens qui vivent en couple et je suis bonheur qu'ils n'ont pas tout à fait les mêmes opinions politiques.
Il ne faut pas divorcer pour autant. Non. Certains se risquent à accepter le désaccord et à vivre des choix différents.
C'est le cas de Juliette et Xavier. Installés dans la région parisienne, ils vivent ensemble depuis plusieurs années. Elle est de gauche, il est de droite.
Je ne me dis pas oui, je préférerais qu'il soit de gauche parce qu'une fois encore ça ne change rien. concrètement dans notre relation si vraiment là on s'intéresse à l'intime, enfin la relation près d'une couple etc. Par contre, même si j'essaie jusqu'au bout de comprendre etc.
J'essaie de comprendre mais fondamentalement je suis pas d'accord. Il y a des choses sur lesquelles j'ai du mal à comprendre que tu puisses penser comme ça. J'ai jamais essayé de la convaincre, non ça c'est sûr. Je crois qu'à mon avis, c'est cause perdue.
Quand on aime quelqu'un, qu'on partage ses jours, on n'a pas envie que sa personnalité change. Chacun change, on évolue, on vieillit, on grandit, on apprend d'autres choses. on n'a pas envie non plus de la transformer, je ne voudrais pas qu'elle soit grande et blonde. Pour faire simple. Si j'étais de droite, je me transformerais en grande blonde.
Donc non, je ne vois pas l'intérêt d'essayer de la changer, parce que c'est aussi une source d'inspiration, une source de connaissance, une source à la porte de la matière, une compréhension différente qui peut amener soi-même aussi à... à voir les choses ou à timorer son discours aussi, parce qu'après il y a certains sujets où on peut s'emballer et discuter d'une manière assez tranchée et puis on peut arriver à débattre, un vrai débat quoi. Pas une opposition de de deux béliers l'un face à l'autre, mais des gens qui s'écoutent et qui progressent ensemble quelque part. Le pouvoir décisionnaire économique il est plus aux... enfin les patrons du CAC 40, ce genre de choses c'est à eux de faire bouger les choses je pense et à présentuer.
Présenter les choses... C'est eux qui décident, c'est eux qui possèdent les avoirs, qui possèdent les entreprises. C'est à eux, je pense, d'améliorer plutôt qu'on les contraigne, finalement, et qu'au final, on les fasse fuir. Parce qu'il y a ce problème-là aussi, quoi.
Voilà. Non, voilà, je rentre pas... Sinon, on pourrait y passer la journée pour le coup, en reparler de ces sujets-là, sur le rôle des grands patrons et tout ça, mais...
Dis ce que tu as sur le patron. Si j'étais plus extrémiste dans mes convictions de gauche, je pense qu'on aurait peut-être plus de mal aussi à s'en parler. Et évidemment, si t'étais toi, plus extrémiste aussi... J'aurais du mal à me parler. Oui.
Non, non, non, il y a évidemment, c'est bien pour ça que j'insistais sur les valeurs. Le maître mot pour moi, c'est la tolérance et c'est l'ouverture d'esprit. Et c'est comme ça qu'on arrive à vivre ensemble d'une part, à vivre ensemble en couple et à vivre ensemble en société.
Donc ça, c'est extrêmement important. 4. Confrontez les désaccords. Cela peut être une situation à haut risque. La politique peut fâcher. Elle peut faire l'objet de conflits à répétition.
La dispute politique en famille est une sorte de cliché. Mais c'est aussi une réalité. Moi j'ai le souvenir, étant petite, de sujets, enfin de soirées qui ont vraiment dégénéré, où tout le monde partait...
En s'engueulant parce que c'est des sujets qui animent vraiment particulièrement les gens et pour peu qu'on soit à table, qu'on ait un petit peu bu, etc. On sait que ça peut facilement dégénérer. Quand c'était des réunions dans Ma Belle Famille, des réunions complètes, il y avait un mélange étonnant et un petit peu détonnant parce qu'il y avait beaucoup d'enseignants et un officier, un général parachutiste.
Donc ça entretient la conversation. Ça entretient la conversation. Et les grands repas de famille, qui étaient des repas traditionnels, comme je les aime finalement, c'est-à-dire où il y avait, comme j'ai l'habitude de dire, deux entrées, deux viandes, deux légumes.
Alors au départ, on était content de se retrouver, les embrassades et tout et tout. Et puis ensuite, au champagne, ça déliait un peu les gens. Les jambes, la langue, et ça commençait. Et donc, il y avait des gros, gros, gros tiraillements politiques qui montaient avec le repas. Au moment du fromage, c'était assez avancé.
Et puis ensuite, ça se calmait. Et je me disais, en fait, il se retrouvait enfant. Et quand on parlait de l'Algérie, des Arabes, évidemment, tout ça, c'était des prétextes. Parce qu'enfin, une fois que le repas était fini, le ton avait fort monté pendant le repas, puis à la fin, on redevenait une famille. Dans la famille de Marie-Ange Lange, on est unis.
Mais lorsque tout se retrouve avec les grands-parents, on évite les sujets qui fâchent. Quand on a des réunions de famille, que Nicolas est là et qu'il y a mes grands-parents, j'espère que le sujet n'arrivera pas. On ne parle pas beaucoup de politique parce qu'on connaît leurs idées et on n'essaie même pas d'entamer la conversation sur la politique.
Ça nous est arrivé une ou deux fois, mais vous voyez, ça c'est... Ce sont leurs idées, qui ne sont pas les miennes. Et on respecte !
Quand je respecte leurs idées, ils finiront bien par se rendre compte, du moins je l'espère, quand par eux-mêmes, de la valeur de leurs idées. Avec mon grand-père, colonel de l'armée française, qui a œuvré en Indochine et ailleurs. Je crois qu'il y a, malgré toute l'ouverture d'esprit dont j'essaie de faire mienne, j'ai l'impression qu'il y a un gap trop grand et presque infranchissable.
Je ne sais pas s'il est définitivement infranchissable, mais il y a des visions du monde qui sont tellement... qui sont tellement éloignés, radicalement éloignés, que j'ai l'impression que ce fossé-là n'arrive pas à se combler, à se résorber. Alors que je peux par ailleurs, dans le cadre de mon travail, très bien longtemps, on est parlé de manière tout à fait constructive et sereine, avec des gens de droite, c'est pas du tout la question. Mais là, je sais pas s'il y a un affect trop important, ou idéologiquement, effectivement, quelque chose de trop loin, qui nous éloigne, de très conflictuel, dans le non-dit, tout ça reste très tacite, qui fait que...
le dialogue n'arrive pas de manière véritable ou franche à s'engager. C'est une non-relation. Une non-relation. Avec ma femme, on a suffisamment vécu à l'étranger. On a vu des gouvernements qui sont du bord de mon petit-fils, voir le mal qu'ils ont fait, mais surtout le mal qu'ils ont fait aux petits peuples.
Excusez le terme de petits peuples, mais c'est aux plus faibles qu'ils ont fait énormément de mal. Je ne peux pas admettre ce qui s'est passé en Chine, ce qui s'est passé en URSS, et puis même ce qui s'est passé à une certaine époque au Vietnam Nord. Tous les jeunes aujourd'hui comme moi qui sont arrivés depuis 5 ans au Parti communiste, c'est des gens qui, à aucun moment donné, ne veulent être comptables, effectivement, de l'histoire ou des crimes orchestrés au nom d'une certaine idée ou d'une certaine représentation complètement faussée du communisme.
Comme nous, on est, quand on sait, français, qui sommes allés sur place, qui l'avons vu, on a du mal à accepter ce qu'on a pu voir. Avec ma grand-mère... chassés par les communistes.
Je vis un paradoxe incroyable qui est le fait de dire que moi, je vois la qualité humaine, intellectuelle formidable des communistes français et de voir qu'en même temps, ma grand-mère a une expérience de quelque chose effectivement qui a été commis en utilisant de manière complètement abjecte de ce concept-là, communiste, mais pour réaliser des choses qui m'ont révulsé au plus haut point. Moi je lui disais que nos parents avaient fui le Vietcong parce que... Ils n'ont pas le droit de s'exprimer, ils n'ont pas le droit, rien, aucun droit. On est réduit à n'avoir qu'un seul bol de riz et puis les gens ne sont rien, en fait, c'est ça. Le non-respect de la personne humaine.
Et donc moi je lui ai dit, mais parce que tu ne vis pas dans ce milieu-là, donc tu ne peux pas comprendre et c'est tout. Bon, avec beaucoup de respect, il m'avait répondu, ce n'est pas comme ça en France. Tu ne leur laisses pas trop le choix quand même à Nicolas, puisque c'est vraiment l'opposé.
Et c'est avec un peu de mépris des fois, je dis honnêtement. La politique et ce qui va avec peut avoir une influence très très forte sur les liens affectifs entre les gens. Et puis en plus c'est encore plus violent parce que quand on n'est vraiment pas d'accord sur par exemple un sujet... qui nous tient réellement à cœur avec quelqu'un qui nous tient réellement à cœur, c'est très dangereux, je pense. Marie-Thérèse Fessenbeck a des responsabilités au Front National dans le sud de la France.
Quand elle rencontre l'un de ses frères, pour préserver leur relation, il ne parle jamais de leurs opinions. Mon frère, qui pourtant a fait Saint-Cyr, lui a complètement épousé les idées de sa femme, et donc un peu plus à gauche. Donc c'est vrai qu'entre tous les deux, on essaie de ne pas parler politique. Alors qu'il est maire d'une petite commune, moi je suis conseillère régionale, alors nous parlons de notre mandat, mais nous ne parlons pas politique, puisque nous n'avons pas les mêmes idées.
Donc il me raconte ce qu'il fait au point de vue pour son village. Et moi, je lui raconte ce qui se passe au conseil régional, mais sans parler politique. Comme ça, on a passé un deal et donc on ne se dispute pas.
Il arrive que le désaccord soit insurmontable. Si les opinions sont différentes, on se dispute. Et parfois ça peut monter très loin et puis c'est la cassure, c'est la fracture, on ne se fréquente plus.
Le conflit politique est alors poussé à son paroxysme. Plus rien ne peut se dire, plus aucun arrangement, aucun compromis. gens ordinaires mais pas forcément gentils, pas forcément généreux, pas forcément, je veux dire, voilà. Donc, je n'avais pas d'affection.
Tu vois, des fois, tu te dis, bon, ils sont comme ça, mais il y a de l'affection. Mais là, vraiment, c'est une rupture. Les extrémismes politiques peuvent susciter des rejets et de vrais clivages à l'intérieur des familles, qui sont la plupart du temps mal vécues. Avec une certaine partie de la famille, ça se passe très bien, mais avec d'autres, pas du tout. Ils se sont complètement détournés de moi.
C'est très dur. Donc c'est vrai que je me suis recréé une autre famille, la famille politique. Ma fille, je pense, a épousé un peu les idées politiques de son mari. Et donc, nous ne parlons jamais politique. Je pense qu'elle ne comprend pas mon engagement.
Donc, on n'en parle pas. Comme avec les autres membres de la famille. Ça n'empêche pas du tout l'affection, mais quand même il y a une retenue. Or, entre parents et enfants, on ne devrait pas en avoir.
Le non-dit amène le froid entre nous, alors que l'affection est toujours là. Voilà. Dans certains cas, c'est la rupture définitive.
Les origines politiques de mes parents. Mon père était communiste, mon frère aîné était communiste. Lorsque je suis parti à l'armée, sachant que j'allais finir ma carrière militaire en Algérie, puisque c'était comme ça en 1956, mon frère aîné m'a dit, si tu pars là-bas, je te casse la gueule. Belle réflexion. pour un frère.
Il était communiste. Pour moi, ma famille n'existe pas. Il faut dire qu'il en reste plein de choses non plus.
Ma famille n'existe pas. Je n'ai pas de famille avant. C'est tout. J'ai tiré un trait. Je suis comme ça.
J'ai tiré un trait. C'est terminé. À cause de ces gens qui essayent toujours de vous imposer autre chose que vous ne pensez. C'est ce qui se passe avec tout socialiste d'ailleurs. On vous impose.
On ne discute pas. On impose. Là, c'est pareil. Dans ma famille, c'était on impose Ça ne te plaît pas ?
Moi, c'est simple. Dans ces cas-là, c'est la rupture. Il n'y a plus de conversation, il n'y a plus rien. Les vrais conflits politiques existent.
Ils sont toujours une réalité dans la vie des familles. Les engagements comme les passions n'ont pas disparu. Mais au fil du temps... La politique s'est malgré tout banalisée. Les grandes idéologies en portent moins les convictions.
Avec la télévision, la politique s'invite tous les jours à la table familiale et suscite commentaires et discussions. Mais les choix de chacun s'expriment de façon plus libre et plus autonome et on s'accommode sans doute davantage des différences. D'une génération à l'autre, la politique s'est sans doute dédramatisée. Il y avait du monde qui était politisé.
Parce qu'il y avait la proximité de la guerre, il y avait eu la résistance, tout ça. Et ça s'est déroulé comme ça pendant au moins une dizaine d'années, après la guerre. Jusqu'à l'arrivée de De Gaulle.
en 58 quoi, la génération de nos enfants, donc ils ont plus de 40 ans là maintenant, donc ils sont nés à un moment où, enfin il y a eu 68, tout ça, mais eux-mêmes, sont venus à la vie politique à un moment où la courbe était tombée, surtout après 68. Nous vivons une époque beaucoup moins idéologique et je m'en réjouis personnellement. J'ai connu une époque où il était difficile d'avoir un prof de fac qui ne soit pas plus ou moins marxiste. un prof de fac, d'histoire ou de philo, dans les années 60, qui ne soit pas marxiste, c'est aussi rare qu'un trait d'esprit chez Georges Marchais ou une contrepétrie chez Pidouze.
Ça n'existait pas. Je ne pratique pas comme mes parents. Moi aussi, je vais à des manifs, des choses comme ça.
Mais je ne suis pas inscrite dans un mouvement politique où on se rassemble à la maison, comme c'était le cas chez nous. J'ai le sentiment qu'il y a un manque d'utopie, il y a peut-être une angoisse de demain. c'est comme dans l'entreprise, dans son quotidien comme dans l'entreprise, on travaille en flux tendu tous les jours et demain est un autre jour.
Et puis en dehors de ça, nous on avait besoin de se battre pour la pilule, pour l'avortement, pour tout ça. C'était fait, ils ont vu les événements, enfin tout ce qui les a engarrés. les dégâts, voilà.
Et je crois qu'ils sont sur la... pas sur la réserve, mais... ils sont méfiants, je crois. Ils sont méfiants et lucides. C'est pour ça qu'ils ne s'engagent pas.
On ne rêve plus de paradis. On ne rêve plus de grand soir. Donc, d'une certaine façon, la discussion est plus possible. Parce qu'on parle de choses réelles, de la gestion. de la politique et non plus d'une idéalisation fictive qui permet de tout espérer.
On peut se parler, on peut tout se dire, il y a toujours une discussion, on arrive toujours à terminer bien. Ma petite fille, une fois, elle me dit, quand même, si papy est au Front National, c'est que ça ne doit pas être un parti si mauvais que ça. Si tu devais me présenter, ça m'amuserait de te soutenir, mais je ne voterais peut-être pas pour toi. Si, je voterais pour toi.
pour toi, bien sûr. Ah voilà, il voterait pour moi. Peut-être la seule manière que tu vas me donner de voter à gauche, il faut que tu te présentes.
Exactement. C'est pas très rigolo ? Ouais. On dit rien à ma mère.
La famille est un terrain de l'aventure démocratique. Sur la scène publique, comme sur la scène privée, la démocratie se façonne et se renouvelle dans l'obligation qu'elle a, sinon d'unir les contraires, en tout cas, de leur permettre de coexister. Il y a quelque chose qui m'a fait plaisir, c'est d'entendre Simon me dire, quand j'ai écouté Nicolas Sarkozy faire son discours, discours pour dire au revoir j'étais triste j'étais triste pour lui il m'a dit c'est monsieur à du coeur oui c'est bien de dire ça c'est ancré dans la personne du début et donc revenons à mon fils s'il te plaît donc là à ce moment là je me suis dit c'est comment dire ça m'a touché parce que je me suis dit voilà Là, pour le coup, il y a quelque chose de sensé qui sort tout d'un coup, parce que finalement, il n'y a pas le bon ou le mauvais candidat qui est élu.
Ce n'est pas si manichéen que ça. Et puis, il y a des sensibilités comme ça. Et puis, sur le coup, ça m'a fait bizarre.
Comment ça, Sarkozy ? On ne va pas le plaindre, quand même. Et donc, mon fils qui me dit ça, c'était la première discussion politique qu'on avait tous les deux. Musique