Il y a 70 ans, la bombe atomique a modifié à jamais le monde dans lequel nous vivons. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, nous sommes devenus capables de détruire notre propre espèce. la bombe affecte tout ça a marqué le début de la guerre froide tous les citoyens américains allait devoir être en alerte maximale la bombe a produit l'une des pires tensions psychologiques de l'histoire une course mondiale à l'armement des confrontations et des catastrophes éviter de justesse la bombe a affecté la politique la culture et même la sexualité il y avait une espèce de frisson Ils sont autour de la bombe.
On a créé des industries entières pour la construire. De nouvelles caméras, de nouvelles pellicules et des techniques pour la filmer. Aujourd'hui, grâce à la restauration des négatifs d'origine, nous pouvons regarder d'un œil neuf l'incroyable puissance d'une technologie qui a changé le cours de l'histoire.
La bombe est moins présente dans l'imaginaire du grand public, mais elle est toujours là. Son ombre plane encore sur nous. Tout le monde est affecté, on ne peut se réfugier nulle part. C'est un problème environnemental, politique, moral. C'est la plus grande question à laquelle nous sommes confrontés.
La bombe. Elle est apparue pour la première fois dans le désert du Nouveau-Mexique. Un endroit surnommé en espagnol Jornada del Muerto, la journée de travail du mort. C'est ici, au milieu de nulle part, que la bombe est née. Cela a remis en question les bases mêmes de notre monde.
C'est en 1938, en Allemagne, ce qui est loin d'être sans importance, que naît la plus grande révolution technologique du siècle. A Berlin, deux chimistes allemands, Otto Hahn et Fritz Strassmann, découvrent qu'en bombardant l'uranium de neutrons, ils obtiennent une substance différente, le barium. Ils ne savent pas pourquoi. Mais leur amie Lise Meitner, une physicienne, comprend qu'ils ont fissionné le noyau de l'atome d'uranium.
Elle nomme cela une fission. Lise Meitner publie la découverte dans la revue scientifique Nature. La nouvelle commence à se répandre dans la communauté scientifique internationale. Les conséquences de cette expérience étaient évidentes pour les physiciens du monde entier.
À partir d'une quantité de matériaux réduites, on pouvait produire une énergie formidable. Cela arrive au pire moment. L'Allemagne nazie est en pleine ascension.
Hitler est sur le point de déclencher la Seconde Guerre mondiale. À partir de la découverte de Lise Meitner, les physiciens du monde entier comprennent rapidement que la fission nucléaire risque de peser sur l'issue du conflit. L'uranium peut être fissionné, si on le percute avec un neutron, produisant une quantité d'énergie, beaucoup d'énergie, selon l'équation d'Einstein, E égale mc2.
Tous les physiciens savaient, dans le monde entier, qu'une bombe atomique pouvait être fabriquée par les nazis. Après tout, cette découverte avait été faite en Allemagne, un pays qui avait de très bons physiciens. Et si Hitler fabriquait la bombe ? La perspective que l'Allemagne obtienne la bombe en premier fait froid dans le dos. Et si nous étions en train de faire la course avec eux ?
Mais pour l'instant, cette course n'existe que dans l'esprit des savants. Personne d'autre ne comprend le danger de cette bombe encore virtuelle. Le physicien Léo Szilard est convaincu que la seule manière d'arrêter Hitler est d'avoir la bombe en premier. Szilard dicte une lettre, un avertissement sur la menace d'une bombe atomique nazie. Pour lui, la meilleure stratégie consistait à demander à Albert Einstein le système de la bombe atomique nazie.
scientifique le plus connu au monde de signer une lettre adressée au président Franklin Roosevelt. La lettre de Szilard et la renommée d'Einstein produisent leur effet. Le président Roosevelt donne le feu vert à un projet de recherche sur l'uranium. Deux ans plus tard, les forces japonaises attaquent Pearl Harbor. Hitler déclare la guerre aux Etats-Unis, qui se retrouve à combattre sur deux fronts, contre l'Allemagne en Europe et contre le Japon dans le Pacifique.
Le projet de recherche sur l'uranium revêt alors une importance primordiale. Ce qui n'était au départ qu'une expérience devient un programme intensif visant à fabriquer une bombe. La bombe est née grâce à de nombreux laboratoires, tous gérés par le corps des ingénieurs de l'armée des Etats-Unis. Dans ce bâtiment situé sur Broadway, à New York, le génie aménage un bureau. Au 18ème étage, le plus important projet scientifique gouvernemental de l'histoire des Etats-Unis commence à prendre forme.
Pour que son objectif reste secret, on lui donne comme nom de code le district où il se trouve, Manhattan. Au total, plus d'un million de personnes participent au projet Manhattan. Elles seront menées par cet homme, l'ingénieur militaire Leslie Richard Croves.
Il a été chargé de construire le Pentagone et des camps d'internement pour les nippos américains. Désormais, il attend avec impatience l'étape suivante de sa carrière, une mission de combat à l'étranger. C'est alors qu'il reçoit une nouvelle étonnante de son supérieur. Il lui dit, j'ai un projet pour vous. Quand Groves voit ce que c'est, il se dit, oh non, pas ça.
Il voulait partir à l'étranger. Il était très déçu. Il a l'impression d'être dans une... impasse professionnel, chargé de créer une bombe imaginaire basée sur des particules invisibles et qui ne fonctionnera sans doute jamais.
De toute façon, il devait obéir aux ordres en faisant de son mieux. Il a appuyé sur l'accélérateur et il a foncé. Il commence par négocier une augmentation.
Il exige d'être promu général, arguant que les scientifiques ne respecteront pas un simple colonel. Il se met ensuite au travail. Vendredi, premier jour, acheter 1200 tonnes de minerais d'uranium. Samedi, négocier un classement prioritaire pour le projet. Lundi, rendez-vous avec le conseiller scientifique du président, Van War Bush.
Mercredi, aller dans le Tennessee acheter 22 600 hectares de terrain pour des usines. Ensuite, se rendre dans des universités et rencontrer des scientifiques. À Columbia, Harold Ury. À l'Université de Chicago, Arthur Compton. À Berkeley, en Californie, Ernest Lawrence.
Retour à Washington. En moins de deux mois, Groves met en place ce qui va devenir un vaste complexe industriel. Il ne manque qu'une seule chose, la bombe elle-même. Il va falloir des années avant que le combustible nucléaire soit prêt, puisque l'uranium est produit particule par particule.
Quand ce combustible sera disponible, Groves aura besoin d'un concept opérationnel de bombe. Et pour cela, il a besoin de scientifiques. Il en a rencontré beaucoup à Columbia, Chicago, Berkeley. Ils sont très doués, c'est certain, mais ils l'agacent.
C'était un militaire. C'était le choc des cultures. Groves était un homme très intelligent, très instruit sur de nombreux sujets, mais il ne connaissait pas grand-chose à la physique.
Il n'appréciait pas d'être regardé de haut par des gens qui avaient des diplômes alors que lui n'en avait pas. Des intellos, c'est ce qu'ils pensaient d'eux. Des types déconnectés de la réalité, pas très dégourdis, et souvent avec des opinions politiques suspectes.
Ils trouvaient qu'ils parlaient trop, sans se soucier de la sécurité, alors que ce projet était ultra secret. Pour Groves, il allait falloir mettre de l'ordre là-dedans, les empêcher de trop bavarder. Groves a besoin d'un scientifique avec lequel il puisse collaborer, capable de fabriquer une bombe en état de marche, de diriger un labo et de gérer une équipe exceptionnelle, constituée d'esprits éminents et irascibles. Contre l'avis de la plupart des scientifiques les plus respectés du pays, il a choisi Robert Oppenheimer.
Oppenheimer ? Oppenheimer avait animé des séminaires à l'université pour 15 étudiants. C'était tout. Il n'était pas capable de tenir un stand de hamburger.
Il avait très peu d'expérience. Les conseillers en sécurité de Groves étaient totalement contre. Ils étaient affligés.
Son épouse était communiste, son frère était communiste, sa belle-sœur était communiste. Pourtant, le général si pragmatique détecte une qualité particulière chez ce brillant rêveur. Oppenheimer était très doué pour expliquer les choses.
Et il l'a fait d'une manière tellement réussie et respectueuse au général Groves que celui-ci a été ébloui et a tenu à l'engager. C'est celui qu'il me faut. C'était une excellente décision, très perspicace.
Plus que quiconque, Oppenheimer avait conscience de ce qu'il y avait à faire. Oppenheimer, de son côté, voyait en Groves quelque chose d'absolument essentiel, la capacité de lui fournir tout ce qu'il voulait, sur le plan humain ou matériel. Le général Leslie Groves et le docteur Robert Oppenheimer sont à l'opposé l'un de l'autre, mais ils sont tous deux des virtuoses, chacun à sa manière.
Ils sont faits pour ce projet. Leur destin était lié. Chacun voyait en l'autre, ce que j'appellerais, la voie vers l'immortalité. Nous sommes en 1942. Maintenant que Groves a un scientifique pour mener le projet, il a besoin d'un type particulier d'uranium, l'U-235, la seule substance capable de produire une explosion atomique.
L'uranium naturel, l'U-238, ne convient pas, ce qui pose problème. Comme l'uranium qu'on extrait du sol ne contient que 0,7% du 235, nous avons été obligés de trouver comment séparer l'uranium 235 de l'uranium 238. Ce n'est pas possible de manière chimique avec ce métal. Groves fait construire un énorme complexe à Oak Ridge, dans le Tennessee, pour produire de l'uranium 235. Mais le procédé est effroyablement lent. Ce n'est pas difficile d'obtenir des quantités minuscules du 235. Mais comme il faut en avoir un atome à la fois, c'est une tâche colossale. Il faudra des kilos de cette matière pour une seule bombe.
Atome par atome, cela va prendre des années. Le physicien Glenn Seaborg trouve une autre solution, le plutonium. Il peut être produit plus vite que l'uranium dans un réacteur nucléaire.
Groves fait donc construire un autre complexe, des réacteurs à Hanford, dans l'état de Washington, pour produire du plutonium. Tout cela va prendre du temps, alors que les deux conflits sont mal engagés. Dans le Pacifique, les Japonais envahissent les Philippines.
Ils forcent 60 000 prisonniers de guerre affaiblis et affamés à marcher 90 km avec très peu d'eau et de nourriture. C'est la marche de la mort de Bataan. Si on s'arrêtait, on était tués.
Si on n'arrivait plus à avancer, on était tués. Un coup de baïonnette... abattus ou décapités selon l'humeur des Japonais.
C'est tout aussi catastrophique face à l'Allemagne. Les sous-marins nazis font des ravages dans l'Atlantique. Les armées d'Hitler occupent l'Europe et l'Afrique du Nord tout en pilonnant l'Union soviétique. De plus, personne ne sait où en sont les nazis dans la fabrication de la bombe atomique.
Évidemment, Groves brûlait de savoir ce que faisaient les allemands. Les nazis sont déjà en train de commettre des atrocités. Si Hitler obtient la bombe, nul ne pourra l'arrêter. La bombe a été créée par des hommes. Pour y arriver, ils ont eu besoin d'un endroit isolé, ultra secret, où ils pouvaient se concentrer.
Ici, dans les monts Remes, ils ont eu la possibilité de réfléchir, de vérifier leurs données, de bien poser leurs équations. Le site de Los Alamos, au Nouveau-Mexique, où les scientifiques travaillaient, a été créé par et pour la bombe. De nos jours, on ne trouve que quelques traces de ses débuts. Un vieux mess, une caserne de l'armée, la maison de Robert Oppenheimer, et le pavillon principal de ce qui était une école privée pour garçons.
En 1942, Oppenheimer explique à Groves que c'est l'endroit parfait pour installer un laboratoire secret. C'était sur un plateau, au milieu d'une forêt nationale, avec une seule ligne téléphonique reliée au monde extérieur. C'est isolé. Ces savants seront loin de toute distraction et nous pourrons garder un oeil sur eux.
L'école a été fermée, le projet a été lancé. À présent, Oppenheimer doit persuader certains des meilleurs savants du pays de venir s'installer au milieu de nulle part et de vivre derrière des barbelés pendant une durée indéterminée. Ils avaient besoin d'un bon VRP pour persuader ces savants de venir à Los Alamos, et Oppenheimer était très bon dans ce rôle.
Des milliers de personnes sont recrutées pour travailler sur la bombe. Al Bell était ingénieur en aéronautique. Lily Hornig et son mari Don étaient des scientifiques.
Pour eux, tout a commencé par une conversation cryptique. J'étais face à un major assis derrière son bureau qui m'a dit J'ai un travail d'élite pour vous, mais on n'engage que les volontaires. J'ai dit D'accord, dites-moi tout.
Il m'a répondu Je ne peux pas. Ils ont demandé à Dunn Est-ce que vous voulez un nouveau travail, Dunn ? a dit, il faut que vous m'en disiez plus. Le gradé a répondu, je ne peux pas.
Dites-moi où je serai. Je ne peux pas. Dans quelle partie du pays ? Au nord, au sud, à l'ouest ? Non, je ne peux rien vous dire.
J'ai demandé, dites-moi ce que je ferai. À nouveau, je ne peux pas. Je me suis écrié, si vous pensez que je vais me porter volontaire, vous êtes cinglés. Je ne vais pas risquer mon avenir sur quelque chose dont je ne sais rien du tout. C'est ridicule.
Elle m'a dit, Ornig, vous connaissez ces affiches qu'on trouve dans les bureaux de poste où l'oncle Sam pointe son doigt vers vous ? Don a trouvé cela très ringard, mais on a compris le message. Le lendemain, j'étais en route pour Oak Ridge, dans le Tennessee. Même dans cette situation d'urgence extrême, les vieux préjugés misogynes subsistent.
À Los Alamos, les femmes s'occupaient des écoles, des bibliothèques, elles faisaient beaucoup de calculs, mais c'était un milieu très masculin. Certaines étaient aussi dactylo ou opératrices. Mais sur les 400 scientifiques présents à Los Alamos, moins de 10 étaient des femmes.
Lily Hornig était l'une d'elles. On m'a demandé si je tapais vite. J'ai répondu que je ne savais pas. Mais alors vous espérez avoir un travail ici ? J'ai expliqué que j'avais un diplôme de chimiste et que j'avais un an d'expérience.
J'ai fini par avoir un travail dans le département chimie. Ils embauchaient des femmes, mais en nous faisant clairement comprendre que nous n'étions pas la priorité. Première leçon pour tout le monde, la confidentialité est cruciale. Officiellement, Los Alamos n'existe pas.
On l'appelle le city grec ou la colline. Quand on parle de la bombe, on la désigne comme le gadget. Il fallait en savoir juste assez pour faire son travail, pas plus. Ne jamais demander d'autres informations. Tout était très secret.
On allait où on nous disait d'aller. Personne ne m'a briefé au départ. Ils savaient exactement qui j'étais et pourquoi j'étais là.
Moi-même, je n'en savais pas autant. Je savais très peu de choses sur ce projet. J'avais seulement entendu dire que là-bas, ils construisaient des dirigeables et des sous-marins.
On ne parlait pas de bombes, d'atomes, d'uranium. On ne disait rien de tout ça. Ma femme ne savait pas ce qu'on faisait. Oak Ridge, où l'uranium est produit, a quasiment été créé du jour au lendemain. Là-bas, un an auparavant, il y avait seulement une ferme.
Et tout d'un coup, il y avait maintenant une grande ville avec 70 000 habitants, des maisons, des rues. Le site de Los Alamos, au Nouveau-Mexique, est beaucoup plus isolé et moins étendu. L'un des scientifiques qui s'y trouve, Hugh Bradner, a emporté sa caméra. Ces films amateurs donnent à voir des images rares de la vie à Los Alamos. Ils sont exceptionnels par leur simple existence.
Ils permettent de savoir à quoi ressemblait le site le plus secret au monde, bien caché dans l'ouest des Etats-Unis. Ils étaient beaux fous à venir de milieux urbains, universitaires. Là, ils se retrouvaient à mener une vie presque primitive.
On vivait à la dure, comme au Far West. Quand on ouvrait un robinet, on pouvait très bien voir des vers de terre en sortir. Il y avait de la boue pendant la saison des pluies, mais il y avait aussi des fêtes.
Et Oppenheimer était un excellent chef de labo. Le punch était corsé avec de l'alcool pur à 100 degrés. La vie pouvait être douce.
L'âge moyen est de 25 ans. Les personnes présentes savent que leur travail constituera peut-être le seul moyen d'empêcher une bombe nucléaire nazie. Je suis arrivé dans ce pays à 12 ans, après avoir fui l'Allemagne nazie.
C'était principalement ça qui me motivait. On leur a dit qu'ils pouvaient écourter la guerre grâce à leurs efforts, ce qui était une information suffisante à l'époque. Au printemps 1944, un concept est trouvé, proche de celui du canon.
Deux morceaux de combustible nucléaire se percuteront, créant une masse critique et une explosion nucléaire. C'est simple, mais il n'y a pas assez de combustible pour le tester. La production d'uranium est si lente qu'il faudrait des années pour en fabriquer assez pour une seule bombe.
Comme le plutonium peut être produit plus rapidement, il va servir à fabriquer plusieurs bombes. Le succès de tout le projet dépend de la viabilité du plutonium. Mais lorsque le physicien Emilio Segre obtient le premier échantillon de plutonium venu de Hanford, il fait une découverte accablante. Une bombe au plutonium sur le principe du canon fond au lieu d'exploser. Une bombe au plutonium sur ce modèle ne pouvait pas fonctionner.
C'était un désastre. Il y avait juste assez d'uranium pour une bombe basée sur le principe du canon. Si le plutonium ne pouvait pas servir, il n'y aurait qu'une seule bombe.
Peut-être que les 350 millions de dollars déjà dépensés n'avaient servi à rien si le plutonium était inutile. Oppenheimer a vraiment envisagé de démissionner à ce moment-là. C'est une impasse.
A Los Alamos, les chercheurs écartent ce concept de bombe au plutonium et reprennent leurs travaux. Après des années de travail, ils ne peuvent compter que sur une bombe à uranium. Nous sommes maintenant à l'été 1944. Les alliés ont débarqué en France, mais l'issue du conflit reste incertaine.
Les savants nazis créent de nouvelles armes effrayantes. Un missile de croisière. Le premier avion de chasse à réaction et une fusée supersonique. Ils sont peut-être proches d'avoir la bombe atomique.
Nous savions qu'ils y travaillaient, mais nous ignorions où ils en étaient. La guerre était perdue si l'Allemagne l'avait en premier. À Los Alamos, on développe une nouvelle approche, une nouvelle manière possible d'utiliser le plutonium, l'implosion. C'est le contraire d'une explosion dirigée vers l'extérieur.
Là, ils envisageaient de comprimer une boule de plutonium. Nul ne sait s'il est possible de comprimer une boule de plutonium grâce à des explosifs, mais c'est le seul espoir restant. C'était le plus grand défi, trouver comment utiliser le plutonium.
Ils ont réorganisé le laboratoire en se focalisant sur l'implosion. Pour résoudre ce problème, on fait venir le chimiste George Kistiakowski de Harvard. Il passera le reste de l'année 1944 et même plus à faire tout son possible pour que l'implosion fonctionne. Keith Tsiakovsky et sa petite équipe ne se sentent pas de taille face à ce défi complexe.
Ils demandent de l'aide aux Britanniques, qui envoient plusieurs savants à Los Alamos. Groves voulait qu'ils soient tous contrôlés par mesure de sécurité. Les Britanniques ont répondu tout va bien, on s'en est occupés Parmi les nouveaux venus se trouve un réfugié allemand discret et étrange.
Il s'appelle Klaus Fuchs. C'était un très bon physicien, il était très coopératif. Mais il était un peu bizarre, il me mettait mal à l'aise.
Brillant et intriguant, Klaus Fuchs est aussi un communiste dévoué, même si alors personne ne s'en doute. Dans quelques années, sa présence à Los Alamos reviendra hantée Grove et Oppenheimer. Nous sommes début 1945. En Europe, la guerre entre dans ces derniers mois.
L'Allemagne nazie est prise en tenaille entre les forces américaines, britanniques et françaises à l'ouest et soviétiques à l'est. A Los Alamos, le concept de bombe à uranium basé sur le principe de canon est prêt. Tout ce qui manque, c'est l'uranium. Il devrait y en avoir assez pour une bombe d'ici l'été.
Du côté de la bombe au plutonium, les savants travaillent toujours sur l'implosion. Soudain, en avril, c'est la tragédie. Quand il a entendu que son chef était mort, sa simple humanité s'est exprimée dans ces mots à Mme Roosevelt.
Qu'ai-je à faire pour l'aider ? Mes devoirs et mes responsabilités sont clairs. J'en ai assumé.
Mais une énorme responsabilité n'est pas claire du tout. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Truman n'a jamais entendu parler de la bombe. Il hérite d'une charge dont il ne sait absolument rien, parce que Roosevelt ne lui en a pas parlé.
Il avait été vice-président pendant 82 jours. Il avait rencontré Roosevelt une fois pour poser avec lui sur une photo. Au fait, vous êtes responsable d'un projet capable d'anéantir l'humanité.
Merci beaucoup. En mai, l'Allemagne capitule. La guerre est terminée en Europe. C'est la fin d'Hitler et de la peur d'une bombe nucléaire nazie, c'est-à-dire de ce qui a engendré tout ce projet.
Mais dans le Pacifique, la guerre contre le Japon fait encore rage. Ce n'était pas encore fini. Au printemps 1945, j'avais 7 ans et je me rappelle très bien qu'on déplorait la mort de jeunes soldats au combat tous les jours. Certes, cette course à l'armement a été lancée par peur de l'Allemagne, mais le Japon est à présent le seul ennemi.
Il sera donc la cible de la bombe. La toute première bombe a été surnommée le gadget. Après trois ans de recherche et deux milliards de dollars dépensés, la voici.
Une sphère d'un mètre quatre-vingt de diamètre, remplie de batteries, de pièces électroniques, d'explosifs, couverte de câbles servant à la déclencher et à mesurer son effet. En son centre se trouve une boule de plutonium de la taille d'un pamplemousse, le noyau. Si cette bombe fonctionne, le destin du monde s'en trouvera changé à tout jamais. Tout se joue lors d'un essai dans le désert du Nouveau-Mexique au nom de code de Trinity.
Nous sommes en juillet 1945. Les préparatifs durent depuis des mois. On trace des routes, on construit des abris et des bunkers, on installe des kilomètres de câbles. C'est l'expérience scientifique la plus importante de l'histoire.
Si elle est concluante, la première explosion atomique au monde sera déclenchée. Personne ne sait à quoi elle peut bien ressembler. Il faut tout mesurer, enregistrer, photographier. Les niveaux de radiation, les ondes de choc, les températures.
Tout cela est inconnu et doit être noté. A des milliers de kilomètres de là, à Potsdam en Allemagne, le président Harry Truman négocie avec Staline. A-t-il une carte atomique dans son jeu ?
Tout dépend de l'essai Trinity. Pendant ce temps, au Nouveau-Mexique, Kistiakowski rencontre un problème. On craignait que la bombe n'éclate pas.
Lorsque l'explosif était versé en corps chaud, des bulles pouvaient se former. Kistiakowski a donc décidé de remplir ces bulles avec de l'explosif liquide. Kistiakowski doit maintenant percer des trous dans l'explosif et remplir soigneusement chaque bulle.
L'issue de l'essai dépend de ses réparations. Il n'y a aucun moyen de savoir si cela va fonctionner. Il y a eu un test le 14 juillet, avec des explosifs, qui s'est très mal passé.
Ce qui les a inquiétés encore un peu plus. Le temps presse. Il faut se dépêcher en espérant que tout ira bien.
La bombe va être hissée au sommet d'une tour en acier de 30 mètres de haut. Des matelas sont entassés en dessous, au cas où. Des années de travail sont en jeu. La dernière pièce cruciale, le noyau de plutonium de la taille d'un pamplemousse, est livré par voiture depuis Los Alamos.
Cette petite boîte vaut 350 millions de dollars. À Potsdam, Truman attend. L'essai est prévu pour le soir même, à l'heure allemande.
Il commence à pleuvoir, il faut reporter, tout le monde est très nerveux. Tout le monde était très inquiet à cause de tous ces branchements électroniques. Il y avait un milliard de choses qui pouvaient mal se passer. La météo est défavorable, mais Groves refuse d'annuler. Il s'est mis à décider lui-même de la météo.
Il a déclaré, nous allons faire l'essai à 5h30. Le temps sera assez dégagé pour ça. L'aube commençait tout juste à poindre.
Nous avons entendu le compte à rebours. Nous sommes le 16 juillet 1945. Trois ans de recherche. Des centaines de milliers de personnes impliquées. L'avenir de Groves et d'Oppenheimer. Leur carrière était en jeu.
Deux milliards de dollars avaient été dépensés. Ce test est risqué, alors que le président attend. Mais il pourrait aider à mettre fin à cette terrible guerre.
Réussira-t-il ? Le monde ne sera plus jamais comme avant. Parmi les hommes présents, personne n'oubliera.
Je n'en revenais pas. Je voyais l'explosion, même les yeux fermés. C'est la chose la plus incroyable que j'ai jamais vue de ma vie. Au début, c'était d'un jaune éclatant, presque blanc, puis c'est devenu rouge, orange, violet et bleu.
Je suis resté bouche bée. L'ingénieur Jack Abbey avait son appareil photo sur lui. J'ai ouvert l'obturateur en grand. Le cliché qu'il a pris est la seule photographie couleur correctement exposée de cette nuit-là. Une nouvelle ère s'ouvre.
La bombe est sur le point de tout changer. Je dois dire que je n'ai pas ressenti grand-chose, sauf une grande joie, parce que nous avions réussi. Ce n'est que plus tard que nous avons réalisé.
La bombe fonctionnait. Le plutonium produit dans les réacteurs de Hanford allait pouvoir être transporté à Los Alamos. Groves sait maintenant qu'il est possible de fabriquer des bombes à implosion, tant qu'il y a du plutonium pour cela.
À Potsdam, Truman est informé. Que faire avec les Soviétiques ? Faut-il leur dire ? Que se passera-t-il après la guerre ?
Truman dit à Staline que les États-Unis disposent d'une nouvelle arme très puissante. Mais Staline réagit à peine. Il est déjà au courant. Klaus Fuchs a déjà tout révélé aux soviétiques. Staline et les gens de son cercle proche étaient très régulièrement informés de la progression du projet Manhattan.
C'est en partie pour cela qu'à Potsdam, Staline n'a presque rien dit quand on lui en a parlé. Aux États-Unis, maintenant que le projet de bombe atomique s'est concrétisé, certains savants commencent à avoir des doutes quant à son utilisation. Léo Szilard, qui avait mis en garde contre une bombe nazie, lance une pétition adressée au président, lui demandant de prendre en compte les conséquences morales.
Je dirais qu'une moitié des savants étaient contre et l'autre pour. Les scientifiques craignent également qu'en utilisant des armes nucléaires maintenant, les États-Unis se retrouvent en danger après la guerre, en encourageant Staline à chercher à avoir la bombe. L'argument, c'était qu'en utilisant une bombe à ce moment-là, les États-Unis déclencheraient une course à l'armement nucléaire avec les Soviétiques.
D'autres savants demandent à ce qu'on procède à une démonstration de la bombe pour donner aux Japonais une chance de se rendre. Mais aux yeux des Nippons, l'arrédition ne semble pas envisageable. Ils envoient des kamikazes, c'est-à-dire des pilotes en mission suicide contre des bateaux américains.
Bataille après bataille, leurs soldats préfèrent se tuer plutôt que d'être capturés. Les États-Unis lancent à présent des bombes incendiaires sur leur ville. Une nuit, 100 000 Japonais meurent rien qu'à Tokyo.
Toute résistance semble vaine, mais le Japon ne se rend toujours pas. L'étape suivante paraît inévitable, l'invasion du Japon. Des milliers d'Américains et peut-être des millions de Japonais risquent de mourir.
Pour Harry Truman, la bombe semble être le moindre des deux mots. Il a préféré une option lui permettant d'écourter la guerre et d'éviter d'avoir à mener un conflit terrestre contre le Japon. Le 26 juillet, les japonais reçoivent un ultimatum.
Soit ils se rendent sans condition, soit ils seront anéantis. Les japonais ne voulaient pas se rendre sans condition. Ils voulaient que leur empereur reste au pouvoir. Ils voulaient superviser leur propre procès pour crimes de guerre.
Ils ne voulaient pas que les Etats-Unis occupent leurs îles. Les japonais rejettent l'ultimatum. Maintenant, toutes les pièces du puzzle s'assemblent. Les dirigeants japonais qui ne veulent pas rendre les armes. Un projet scientifique colossal à 2 milliards de dollars.
Une course pour construire la bombe. Un président face à un conflit dévastateur qui entrevoit une autre solution. Ce qui va se passer ensuite, c'est-à-dire le largage de deux bombes atomiques sur le Japon en août 1945, deviendra l'une des décisions les plus controversées dans l'histoire des États-Unis.
Sur l'île Tinian, dans le Pacifique, la bombe à uranium surnommée Little Boy est prête. Elle n'a jamais été testée, mais elle est tellement simple que tout le monde est sûr qu'elle fonctionnera. La bombe est chargée sur le B-29 Enola Gay.
Quelques heures avant l'aube, le 6 août, l'avion décolle. Il parcourt 2400 km dans la nuit. A 8h15 du matin, au-dessus d'Hiroshima, il largue la bombe. Lorsqu'elle est à 580 m du sol, elle explose.
Une boule de feu de 400 mètres de diamètre atteint 5000 degrés. Tout ce qui est près du centre est vaporisé. Ensuite, une onde de choc fait exploser les bâtiments, détruisant tout sur son passage.
Dans un rayon d'un kilomètre et demi, tout est quasiment détruit. Seules quelques structures en béton subsistent. Là où quelque chose ou quelqu'un a absorbé la chaleur, une ombre est laissée. Au moins 80 000 personnes meurent.
D'autres bombardements ont fait plus de victimes, mais ce qui est nouveau ici, c'est la facilité. Un seul avion, une seule bombe. Pourtant, même après cela, les Japonais ne capitulent pas.
Le choc de la première bombe n'a pas eu l'effet escompté. Au début, les japonais n'ont même pas voulu reconnaître qu'Hiroshima avait été bombardée. Les japonais ont leur propre plan pour mettre fin à la guerre.
Ils sont en pourparlers secrets avec les soviétiques, dans l'espoir que l'URSS négocie une reddition avec condition pour eux. Mais deux jours plus tard, l'URSS déclare la guerre au Japon. Le marché escompté par les Japonais est enterré. Malgré cela, ils ne veulent toujours pas se rendre.
Le degré de résistance du gouvernement japonais était extrêmement difficile à comprendre. Il était très élevé. Sur Tinian, les équipes préparent la bombe suivante, surnommée Fat Man, tandis que le président Truman s'adresse à la nation.
Le 9 août, un B-29 transportant la bombe Fatman décolle. Sa cible, Kokoura. Mais la ville est cachée par les nuages.
L'avion se dirige alors vers la cible de rechange. A cause de la météo, des milliers d'hommes seront épargnés, tandis que des milliers d'autres mourront à leur place. La seconde ville touchée par une bombe atomique ne sera pas Kokura, mais Nagasaki.
Non loin de là, dans le camp de prisonniers de guerre 17, Lester Tenney voit l'explosion. Nous avons vu cet incroyable nuage se lever. C'était très déroutant.
On aurait dit qu'il avait un socle. Nous ne savions pas du tout ce que c'était. 70 000 personnes meurent. Pourtant, même après l'invasion soviétique et deux bombes atomiques, les dirigeants japonais refusent toujours de capituler.
Après avoir été envahis par les soviétiques, ils ne se sont pas rendus. Après la seconde bombe, l'empereur a décidé de se rendre. Mais là, l'armée nippone ne voulait toujours pas déposer les armes. La position japonaise était abominable. L'empereur et ses conseillers n'avaient absolument aucune considération pour la vie de leurs concitoyens.
Ils n'accordaient aucune importance à la souffrance de leur peuple. Pendant que les dirigeants japonais essaient de prendre une décision, Groves prévoit d'autres frappes nucléaires. L'ordre a été donné de continuer à utiliser les bombes dès qu'elles étaient prêtes. C'est une formulation très importante.
Encore une bombe après Nagasaki si nécessaire, une bombe après cela si nécessaire, et une autre après si nécessaire. Les États-Unis veulent lancer des bombes au rythme de leur construction, trois ou quatre par mois. Finalement, Truman a dit stop.
Plus de bombes sans autorisation du président. Le lendemain de Nagasaki, le Japon accepte enfin de capituler à une seule condition, que l'institution impériale soit épargnée. Truman accepte, bien qu'il parle de capitulation sans condition.
C'était le seul espoir du Japon, négocier une condition pour pouvoir affirmer qu'ils avaient eu leur mot à dire. Dans le camp de prisonniers de guerre n°17, les détenus sentent qu'il se passe quelque chose, mais ils ne savent pas quoi. Lester Tenney tente une expérience risquée, s'adresser à un garde sans faire la révérence. Quand on voyait un garde japonais à 50 mètres, il fallait s'arrêter, se tourner vers lui et le saluer bien bas, sinon on était fouettés.
Ce jour-là, je suis sorti et j'ai vu un garde japonais tout près. Je suis allé le voir et avec mon meilleur accent, je lui ai dit Konnichiwa Tomodachi Mais sans m'arrêter, ni le saluer. Il m'a regardé et cinq ou six secondes plus tard, il s'est incliné. C'est lui qui m'a salué. La guerre était finie.
Voilà, la guerre était finie. C'est aussi simple que ça. Le 2 septembre 1945, le Japon signe les actes de capitulation. La seconde guerre mondiale s'achève.
C'était enfin terminé. Le soulagement était immense. C'est le moment de fêter non seulement la fin de la guerre, mais aussi la remarquable nouvelle bombe qui a aidé à la remporter. Après des années de secrets, le gadget fait soudain la une des journaux. Non seulement ce n'était plus un secret, mais c'était dans les journaux.
J'en ai acheté une bonne demi-douzaine ce jour-là. Et je n'en revenais pas. C'est une nouvelle ère qui commence, l'ère atomique, avec sa propre légende. Les villes secrètes, les usines immenses, le savant de génie et le général font tout à coup partie de la société. La presse s'est déchaînée.
Tout à coup, le secret était vanté. C'était nouveau. Une invention américaine.
Le laboratoire de Los Alamos. Le plutonium. L'uranium. Et au centre de tout cela, Robert Oppenheimer, le père de Robert Oppenheimer. de la bombe atomique.
L'une des personnes les plus célèbres aux Etats-Unis. Plus fort qu'Einstein. C'est le triomphe de la bombe.
Pour la majorité de la population, la guerre a été remportée grâce à la science. C'est bien qu'on l'ait larguée, on a gagné la guerre avec, on a épargné des Américains. Fin de l'histoire.
La bombe a apporté une réponse à une interrogation. Comment remporter la guerre ? Mais elle a aussi soulevé son lot de questions.
La plus brûlante est celle-ci. Quand les soviétiques auront-ils l'arme atomique eux aussi ? Les savants qui avaient averti qu'Hitler risquait d'avoir la bombe craignent maintenant que les États-Unis et l'URSS se lancent dans une compétition pour construire des bombes toujours plus nombreuses et puissantes.
Une course à l'armement nucléaire. Ils sont loin de se douter qu'il est déjà trop tard. Cette course a débuté à la minute où Staline a vu des photos d'Hiroshima.
Tout à coup, ce projet très théorique devient réel. Et le potentiel de destruction de cette bombe est indéniable. Les soviétiques se sentaient très vulnérables, ce qui a incité Staline à passer à l'action.
C'est après les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki que Staline met au point un programme intensif pour rattraper le retard soviétique en matière d'armes nucléaires. Les soviétiques ont une avance précieuse grâce à leurs espions. Ce ne sont pas un, mais deux savants qui jouent ce rôle à Los Alamos. Klaus Fuchs, qui était allemand, et un autre espion américain, un jeune étudiant d'Harvard, qui s'appelait Ted Hall.
C'était extraordinairement fort de la part de l'espionnage soviétique d'avoir deux sources indépendantes infiltrées. À titre de comparaison, imaginez qu'à l'époque où Apple préparait l'iPhone, les concurrents de la marque et deux personnes dans la même pièce que Steve Jobs allaient écouter et énumérer ses difficultés et ses problèmes. Cela leur aurait évité de refaire les mêmes erreurs de leur côté. C'est ce qui rend Fuchs et Hall si utiles et si extraordinaires dans l'histoire de l'espionnage et l'histoire de la science.
Aux États-Unis, personne ne sait si les soviétiques sont prêts d'avoir la bombe. Maintenant que la guerre est terminée, les Américains reprennent une vie normale et profitent de la paix. Mais la bombe atomique est désormais comme un point d'interrogation suspendu au-dessus de leur avenir. A l'été 1945, Trinity, Hiroshima et Nagasaki ont ouvert une nouvelle ère.
Mais il faut attendre l'été 1946, un an plus tard, pour que se dessine l'avenir de la bombe. Nous sommes ici pour choisir entre les rapides et les morts. Cela commence en juin aux Nations Unies, quand les États-Unis proposent au monde entier un plan pour se débarrasser de la bombe.
Une manufacture d'atomiques bombes doit commencer. Deux bombes existantes doivent être disposées en fonction des termes de la traité. Les États-Unis abandonneront leurs bombes atomiques si les autres pays s'engagent à ne pas en construire et acceptent d'être inspectés.
C'est un principe qui sera résumé plus tard par la phrase faites confiance, mais vérifiez Les Soviétiques refusent de s'engager à quoi que ce soit tant que les États-Unis ne désarment pas en premier. La bataille pour sauver l'humanité de la détruire est encore en débat. C'est plus tard que nous pensons. Les débats se poursuivent.
Mais à la fin juin 1946, la course aux armements va bientôt exploser. Le temps est maintenant maîtrisé en secondes. 5, 4, 3, A peine quelques semaines plus tard, dans l'océan Pacifique, une énorme flotte de vaisseaux de guerre est coulée par la bombe atomique. Ils sont toujours là, dans le lagon de l'atoll de Bikini. En juillet 1946, le grand public allait être invité à assister à une explosion atomique pour la première fois.
L'armée américaine allait découvrir sa vulnérabilité à sa propre bombe, et l'avenir du laboratoire de Los Alamos serait garanti. Tout cela à la suite de l'opération Crossroads, c'est-à-dire la croisée des chemins. L'essai aura lieu au milieu de l'océan Pacifique, sur la minuscule île de Bikini. La marine évacue les habitants et réunit une flotte qui servira de cible. Plus de 90 bateaux de guerre au total, prises de guerre allemandes et japonaises, ainsi que des bateaux américains en surplus.
Il y aura trois explosions, Abel, Baker et Charlie. Une dans les airs, deux sous l'eau. Crossroads est une opération gigantesque. 100 millions de dollars, 42 000 hommes, 240 bateaux en plus des cibles. Des instruments de mesure, des caméras et des appareils photo à n'en plus finir, des kilomètres de pellicules, mais aussi des animaux pour que les médecins puissent étudier l'effet de la bombe sur les êtres vivants et des journalistes venus du monde entier.
C'était un véritable spectacle. Le 1er juillet 1946, le spectacle commence. Pour le premier test, Abel, la bombe sera larguée depuis un avion.
L'avion approche. La bombe est lancée. La bombe, construite sur le même modèle que Fatman, larguée sur Nagasaki, a la puissance de 20 000 tonnes de TNT.
On envoie des B-17 commandés à distance dans le champignon pour y faire des relevés. C'est la première explosion nucléaire vue par le grand public. Mais les spectateurs sont à 29 kilomètres de là. Et après tout ce battage médiatique...
On ne voyait pas de bateau projeté dans les airs. La première réaction, ça a été Oh, la bombe atomique, c'est pas si impressionnant Trois semaines plus tard, un deuxième test, Baker. Cette fois-ci, la bombe explose sous l'eau. Les savants trouvent que c'est une très mauvaise idée. Ils affirment qu'une explosion nucléaire sous-marine risque de créer un terrible mélange radioactif libérant assez de plutonium pour empoisonner toute l'armée américaine.
Ils savaient très bien qu'une explosion sous-marine produirait une contamination massive. Malheureusement, leur parole n'a pas pesé assez face à l'amiral Blandy. C'est l'amiral de la marine William Blandy qui est responsable de l'opération Crossroads. Dès le départ, il a un problème de communication. Beaucoup de gens pensaient que c'était du gaspillage.
Je pense que la marine a subi une pression énorme pour essayer de convaincre la population que cela en valait la peine. Le 5ème bombe atomique. La bombe et les instruments sont mis en action.
Avoir le bateau de la L'Alemos, les nerfs sont étrangers au point de débrief. 5 circuits de contrôle radio vont débrouiller le blast dans ce prélude à la guerre de la push-button. 3, 2, 1, fire !
L'onde de choc sous-marine est nettement visible. Rien que dans la première seconde, 2 millions de tonnes d'eau de mer sont soulevées dans les airs. En se soulevant, l'eau crée une colonne de près de 750 mètres de largeur.
Maintenant, elle commence à retomber. Cela crée une vague à la base de la colonne, comme la brume au pied d'une chute d'eau. Cette vague, haute de près de 300 mètres, enveloppe complètement les bateaux cibles. Personne n'a jamais vu quelque chose de pareil.
La puissance et la magnitude de la bombe atomique à l'état pur. Mais pour l'instant, malgré ces deux bombes, les résultats ont l'air assez positifs pour la marine. 75 bateaux intacts contre 20 coulés. Les militaires ont eu l'impression d'avoir passé l'épreuve haut la main.
Blandy a déclaré oui, la marine peut résister à la bombe atomique. La marine envisage de faire embarquer les matelots sur les bateaux et de les faire rentrer en fanfare aux Etats-Unis. Mais il y a un problème.
Au début, il y avait peu de dégâts, mais les jours suivants ont dit une autre histoire. La vague d'eau de 300 mètres de haut qui a aspergé les bateaux était fortement radioactive. Les navires sont à présent contaminés. Les counter-gigants ralentissent. L'endroit est retenu de gamme, neutrons et autres rayons lethaux.
Et il n'y a pas de protection complète contre ce mortel invisible. Au début, l'armée refuse tout simplement d'y croire. La radiation est inodore, intangible. Ces matelots étaient prêts à retourner sur leur bateau et montrer qu'ils pouvaient survivre à la bombe. C'est la panique à bord.
L'ignorance régnait en maître. Il n'y avait rien de prévu pour décontaminer. On essaie d'asperger les bateaux avec de l'eau de mer.
Le problème, c'est que cette eau est devenue très radioactive, elle aussi. Et quand les matelots retournent sur leur propre bateau pour se changer, ils les contaminent également. L'homme chargé des mesures de sécurité, le médecin militaire Stafford Warren, tente de faire annuler l'opération. Stafford Warren ne voulait pas que les matelots retournent sur les bateaux, mais c'est très difficile de s'opposer à la marine américaine tout entière.
En désespoir de cause, Stafford Warren récupère un poisson dans le lagon et le place contre un morceau de pellicule. Le poisson est tellement radioactif qu'il expose la pellicule à lui tout seul. L'amiral Blindy et la marine sont enfin convaincus.
L'opération Crossroads est interrompue. Elle a été décrite comme le premier désastre nucléaire au monde. On réussit à décontaminer seulement 9 bateaux.
La plupart des autres sont remorqués et coulés volontairement. Pour l'instant, l'armée de l'air garde le contrôle de la bombe. Mais Crossroads s'avère bénéfique pour Los Alamos.
Je ne pense pas que le laboratoire serait resté longtemps ouvert si nous n'avions pas eu de client. Mais la marine est arrivée et nous a donné du travail. Cela a permis au laboratoire de continuer à fonctionner.
Après juillet 1946, le laboratoire de Los Alamos s'agrandit. Il construit et teste de plus en plus de bombes dans les décennies suivantes. Crossroads intègre aussi la culture populaire.
Aujourd'hui encore, l'image de l'essai Baker reste l'image la plus emblématique de la puissance de la bombe. Quelques semaines à peine après le second essai de Crossroads, Un événement inattendu donne au peuple américain un regard beaucoup plus sombre sur la bombe et lance le premier grand débat public sur son utilisation. Le 31 août paraît le nouveau numéro du New Yorker.
Sur sa couverture, un portrait fantaisiste de Central Park un jour d'été. À l'intérieur, un portrait très différent d'une autre ville un jour d'été. Le numéro tout entier est composé d'un seul article, un essai de John Hersey, sur ce qu'ont vécu les habitants d'Hiroshima à travers le récit de six survivants. Il y a un prêtre catholique, la veuve d'un tailleur, deux médecins, ce sont des gens avec lesquels la population américaine pouvait sympathiser.
Ce numéro spécial est épuisé en quelques heures. Hiroshima par John Hersey. Ce reporté incroyable écrit pour le New Yorker magazine a affecté des milliers d'Américains. En Grande-Bretagne, au Canada, en Australie et aux États-Unis, les radios remplacent leurs programmes habituels par des lectures de ce texte. Ce chronicle de souffrance et de destruction n'est pas présenté en défense d'un ennemi.
Il est broadcasté comme un alerte que ce qui s'est passé aux gens de Hiroshima il y a un an pourrait se passer n'importe où. Chapitre 1. Un flash sans bruit. A exactement 15 minutes past 8 in the morning, personne n'avait prévu les conséquences d'une bombe nucléaire. Ce n'est que plus tard qu'on a commencé à en comprendre la signification. En août 1946, un an après Hiroshima, un essai donne une perspective complètement neuve sur la bombe.
Ce texte a eu des conséquences énormes. Il a commencé à modifier l'avis des gens à propos des armes nucléaires. Cependant, la puissance nucléaire devient l'élément clé de la dissuasion américaine. La bombe avait une certaine aura.
Elle était à la fois terrifiante et impressionnante. C'était l'autre côté de l'ère atomique. les rayons X, la médecine, l'énergie nucléaire, toutes ces choses censées améliorer la vie quotidienne. Hiroshima et Nagasaki payaient un grand prix pour leurs peines. Quand, en face de la Terre, leurs combats ne pouvaient pas gagner.
Le système pacifique, plus que juste un rêve de laboratoire, est ici aujourd'hui, en train de se débrouiller. Vous savez que un jour, cette machine de vous sera en train d'opérer sur des puissances atomiques ? Je peux la faire sur un kerosène si je veux, tantôt que je suis encore sur la switch.
Avec l'augment de l'utilisation de l'énergie nucléaire, et plus de... Le début de l'ère atomique a laissé des traces encore visibles aujourd'hui. D'où vient le mot bikini ?
Le créateur de ce maillot l'a dessiné quatre jours après l'essai sur l'île de Bikini, à cause de son potentiel explosif. Alors que le pays s'habitue à vivre à l'ère atomique, Les savants d'Atomic City cherchent à améliorer l'engin qui a tout déclenché. Toutes les bombes possédées par les États-Unis suivent le modèle à implosion testé à Trinity et largué sur Nagasaki, Fat Man. Il s'agit en fait d'un objet assez rudimentaire.
Fatman était un projet presque amateur. Ce n'était pas une arme destinée à être produite. Elle a été assemblée à la main, ce qui a demandé environ une semaine. Deux ans après Crossroads, Los Alamos a un nouveau concept à essayer.
On procédera à trois tirs sur l'île d'Ennihuitoc dans le Pacifique. Nom de code de l'opération, Sandstone. Il y a eu trois tests pour Sandstone.
X-Ray, Yoke et Zibra. Chacun testant un nouveau type d'arme. Cette fois-ci, le public et la presse ne sont pas invités. 5, 4, 3, 2, Sandstone marque la fin d'une époque.
En janvier 1947, la bombe est placée sous contrôle civil et administrée par la Commission de l'énergie atomique, l'AEC. On remplace Fatman par un nouveau modèle, la première arme nucléaire produite en masse. On couvre également un nouveau laboratoire pour construire les bombes conçues à Los Alamos.
C'est le début d'un complexe d'armatonique, un mastodonte qui teste et fabrique des bombes pendant des décennies, sous plusieurs administrations, jusqu'à la fin de la guerre froide. L'année suivante, en Stone, un autre test a lieu. Cette fois-ci, il ne se déroule pas à Bikini, Eniwitok ou dans le Nouveau-Mexique, mais au Kazakhstan.
À la surprise générale, l'Union soviétique a testé sa première bombe atomique. L'équilibre entre les superpuissances s'en est trouvé brutalement bouleversé. Ce premier test nucléaire en URSS a été capital, parce qu'il a rétabli l'équilibre.
Quand on acquiert une arme à son tour, on se sent plus en sécurité. Psychologiquement, nous étions maintenant au même niveau que les États-Unis. Les Américains ne pouvaient plus nous donner d'ordre.
Si la puissance de l'atome était le don de Dieu à l'Amérique, il venait d'en faire également don à son ennemi. C'était un moment très effrayant pour les États-Unis. Comment réagir au fait que l'URSS avait la bombe ? Nous devions maintenant faire un bond prodigieux pour les surpasser et conserver notre avance.
Certains pensent que la réponse, c'est la fusion de l'hydrogène, c'est-à-dire la même énergie qui alimente le Soleil. Une bombe à hydrogène ou thermonucléaire pourrait être beaucoup plus grande qu'une bombe atomique. Il n'y aurait pas de limite théorique à la taille de la bombe qu'on fabriquerait. Le plus grand partisan de la bombe à hydrogène est le physicien Edward Taylor.
C'était un homme assez imbu de lui-même, non sans raison, puisqu'il était très intelligent. En tout cas, il n'était pas commode. Il avait des idées à revendre, dix par jour. Avoir une idée par mois, c'est déjà bien, mais lui en avait dix par jour. Il a toujours eu envie d'aller au-delà d'une bombe atomique, en fabriquant une arme thermonucléaire.
Je l'admire énormément pour avoir été fidèle à ce projet. Le problème, c'est que personne ne sait comment construire une bombe à hydrogène. C'est peut-être même impossible. Nous savions fabriquer des bombes atomiques.
Nous pouvions remplir les entrepôts avec. Mais nous ne savions pas comment faire des bombes à hydrogène. Pourquoi risquer de passer d'une arme que nous maîtrisions à une arme inconnue ?
Par ailleurs, certains savants pensent que c'est l'occasion de sauver le monde en choisissant d'arrêter. Ça pourrait être un tournant dans l'histoire de l'humanité. Nous pouvons chercher à fabriquer une bombe à hydrogène, mais rien ne nous y oblige. Nous pouvons envoyer un message positif à la communauté internationale, mettre la pression sur les soviétiques pour qu'ils ne continuent pas à construire des armes nucléaires.
En fait, nous pouvons donner l'exemple. Deux mois après la bombe atomique soviétique, un comité mené par Robert Oppenheimer se prononce à l'unanimité contre un programme intensif portant sur la bombe à hydrogène. Lewis Tross et Edward Taylor sont outrés.
En dernier recours, la décision revient au président Harry Truman. Le débat sur la bombe à hydrogène implique que les États-Unis se restreignent sans possibilité de restreindre les Soviétiques alors qu'ils s'étaient montrés capables de fabriquer une bombe. Cela représentait un risque énorme à prendre en tant que président des États-Unis.
Les Soviétiques semblent déterminés à s'étendre. Il contrôle déjà l'Europe de l'Est. En 1948, il coupe Berlin-Ouest, espérant en prendre également possession. Pour Harry Truman, la réponse semble évidente.
L'endiguement. Il fallait endiguer l'Union soviétique, ne pas lui permettre de se développer, de progresser ou de gagner en influence. Sinon, la situation allait empirer jusqu'à ce que les Russes soient dans nos cuisines. À la fin janvier 1950, Truman annonce que les États-Unis vont bel et bien construire une bombe à hydrogène. Truman décide de répliquer avec une arme encore plus grande et destructrice.
Cela marque le début de la course à l'armement, le début d'une escalade qui durera des décennies. Quelques jours seulement après que Truman a approuvé la bombe H, le physicien Klaus Fuchs, qui travaillait à Los Alamos, est arrêté pour espionnage. On annonce qu'il y a des fuites dans le système et qu'il faut les colmater.
Ça a été un choc. C'est l'un des événements majeurs qui a marqué le début du maccartisme et de la peur des rouges. Cinq mois plus tard, la Corée du Nord, communiste, soutenue par l'Union soviétique, envahit la Corée du Sud, soutenue par les États-Unis. La guerre froide ne portait pas bien son nom.
Elle a été chaude dès le départ. Les deux grandes puissances se livraient des guerres par procuration partout dans le monde. Lorsque la guerre de Corée tourne au mal, les États-Unis se préparent à utiliser l'arme atomique et se heurtent alors à un problème.
Comme la Corée est un pays très montagneux, on craignait que les bombes n'aient pas beaucoup d'effet. Cela les aurait rendues moins menaçantes aux yeux des soviétiques. Elles n'ont donc pas été utilisées en Corée. Pendant que la guerre de Corée s'enlise, les soviétiques font des tests atomiques avec des bombardiers.
En 1947, des savants atomiques ont inventé un symbole pour montrer que le monde est tout près de la catastrophe nucléaire, l'horloge de l'apocalypse. Au début, ils la règlent à minuit moins 7. Alors que la course à l'armement nucléaire s'accélère, elle est réglée à minuit moins 3. Trois minutes avant le désastre total. Avec la menace de bombardiers soviétiques transportant des armes nucléaires, les Américains doivent s'habituer à une nouvelle réalité. Ils risquent d'être touchés chez eux. Pendant la guerre froide, la ligne de front c'était le coin de la rue.
Il fallait se protéger. Mais comment ? On ne pouvait que se cacher sous son bureau, s'abriter dans sa cave et espérer survivre. Le gouvernement procède à des tests pour voir ce qui arriverait à des Américains typiques.
On a placé une famille de mannequins en habit de tous les jours dans une maison de banlieue. On a mis des meubles, de la nourriture en conserve, et on a tout fait sauter. En réalité, les mannequins se sont retrouvés plus ou moins démembrés.
Mais ce que les administrateurs de la défense civile ont retenu, c'est qu'en prenant les bonnes précautions, on pouvait s'en sortir. Mais seulement en s'y prenant bien. La maison à droite, un oiseau.
L'arbre n'est pas peint. Et regardez les papier, les feuilles et le choc dans le jardin. Tous les marques d'un jardin n'est pas peint. La maison au milieu, en bonne condition, avec un jardin neuf. Voyons ce qui se passe sous l'électricité atomique.
Le trachat est un échec pour le bois sec. L'inconnu de la maison de protection de la terre a dénigré cette maison. La maison au milieu, nettoyée, peinture et réglée, exposée à la même atomique de serrage. Le but, c'était de dire qu'en nettoyant son jardin, en enlevant les choses qui traînent, on pouvait survivre à une explosion nucléaire.
C'est votre choix. Le remède peut être la survie. C'est à vous de le faire. Le gouvernement ne peut pas le faire pour vous.
C'est votre responsabilité. Si vous êtes blessé, c'est de votre faute. Cela ne suffit pas forcément de nettoyer sa maison. Il faut peut-être la réorganiser.
Bon, les gars, je suis heureux que vous puissiez venir voir mon château de la mort. J'ai juste terminé de le peindre hier soir. Cette chambre peut être utilisée pour d'autres usages aussi.
Oui, Walt, vous pouvez l'utiliser comme un extrait pour la compagnie. Cela a marqué le début d'une espèce de militarisation géniale. où l'on demandait à chacun d'être préparé. C'était une culture de la préparation. En quoi consiste la défense civile ?
C'est un théâtre domestique pour des raisons diplomatiques. La défense civile a conforté l'idée selon laquelle les armes nucléaires devraient être la base de la politique étrangère américaine. Elle a donc joué un rôle important. Si notre adversaire pense que la société est capable de survivre, cela apportera plus de crédibilité à notre propre menace nucléaire.
Alors même que le gouvernement tente de convaincre la population qu'il est possible de survivre à une guerre nucléaire, dans le Pacifique, les savants sont prêts à tester le premier prototype de ce que Taylor appelle la Super, une bombe à hydrogène. Le test est secret, mais enregistré dans un film gouvernemental maintenant déclassifié. Il s'agit moins d'une arme que d'un projet scientifique.
Ce n'est pas tant une bombe qu'un bâtiment. Comme l'hydrogène liquide doit être amené à moins 240 degrés, la bombe est en partie une usine de réfrigération. L'ensemble pèse plus de 70 tonnes. Tout cela pour voir si le concept thermonucléaire fonctionne. C'est le premier test de full-scale d'un dispositif de hydrogène.
Si la réaction est bonne, nous sommes dans l'ère thermonucléaire. C'est maintenant 30 secondes à zéro. Mettez vos coques ou tournez-vous.
N'enlèvez pas vos coques ou le visage d'abord, jusqu'à 10 secondes après la première lumière. 3 La bombe explose avec l'énergie de 10 millions de tonnes de TNT, soit 600 fois plus de puissance que la bombe qui a détruit Hiroshima. 7 millions de murs, 6 naspires, sobranou, scarbo. A peine 9 mois plus tard, les soviétiques font exploser leur première bombe à hydrogène.
Elle est moins puissante que la bombage des Etats-Unis, mais assez petite pour être transportée par avion. L'Union soviétique a consolidé son emprise sur l'Europe de l'Est, obtenu la bombe atomique, soutenu une guerre en Corée, et maintenant, elle a une bombe à hydrogène largable par avion. Les États-Unis ont lancé une chasse aux sorcières.
Ils veulent débusquer ceux qui sont censés avoir aidé les communistes. Dans ce climat de peur et d'accusation, Robert Oppenheimer est sur le point de devenir une cible, à cause de Lewis Tross. C'était une personne effroyable. Dans cette histoire, c'est vraiment l'un des pires individus.
Il cherchait un moyen d'attaquer Oppenheimer et de l'humilier. Strauss n'a jamais pardonné à Oppenheimer de s'être opposé au programme de recherche sur la bombe à hydrogène. Quand il est nommé président de la commission de l'énergie atomique par le président Eisenhower, il y voit l'occasion de se venger. La première chose qu'il a faite en prenant ses fonctions a été de lancer un processus pour enlever son accréditation à Oppenheimer.
L'AEC organise une audience. Strauss choisit les juger le procureur. Il leur fournit des dossiers secrets sur Oppenheimer, remontant aux années 1930, et il fait appel au FBI.
Le FBI a mis sur écoute la ligne téléphonique d'Oppenheimer et celle de son avocat, puis a rapporté les informations glanées à l'accusation. C'était vraiment une parodie de justice. Ils ont retracé sa vie étape par étape, erreur par erreur. Certaines personnes l'ont défendue, d'autres l'ont attaquée.
Les femmes de sa vie... Tous ont passé communiste. Oppenheimer se faisait de plus en plus peur. petit sur sa chaise au milieu de la salle d'audience. Le moment de vérité arrive quand on demande à Edward Taylor Pensez-vous qu'Oppenheimer constitue un risque envers la sécurité nationale ?
Très intelligemment, Taylor ne répond pas par l'affirmative. Mais il dit qu'il se sentirait plus en sécurité Si Oppenheimer n'était plus chargé de conseiller le gouvernement, ça a été le coup de grâce. Le père de la bombe atomique perd son accréditation et se trouve expulsé du gouvernement à tout jamais. Pendant que l'AEC s'acharne contre Oppenheimer, dans le Pacifique un autre essai a lieu. La première bombage fonctionnelle.
Si elle explose, ce sera une arme thermonucléaire largable. Le 1er mars 1954, il est évident que la bombe fonctionne bien, même trop bien. A cause d'erreurs de conception, elle est deux fois plus puissante que prévu. 15 mégatonnes, soit l'équivalent de 15 millions de tonnes de TNT.
Elle était environ 1000 fois plus puissante que Little Boy. C'était une arme vraiment monstrueuse. Le champignon atomique s'élève à plus de 24 km d'altitude, répandant de la radioactivité dans l'atmosphère.
Les retombées contaminent des îles habitées et un bateau de pêche japonais, au nom ironique, de dragon chanceux. L'un des pêcheurs japonais meurt, plus de 200 habitants des îles tombent malades. Le test était secret, mais à cause des retombées, il se transforme en incident international. Il a attiré l'attention du monde entier sur le problème des essais atmosphériques. Dans la mesure où la radiation qu'il dégage est emportée par le vent et risque de contaminer n'importe qui.
La puissance incroyable de la bombe fait éclater au grand jour la futilité de la défense civile. Avant la bombe à hydrogène, on cherchait encore à savoir Comment se protéger ? Mais après, cette question ne se posait plus. Il n'y a aucun moyen de se mettre en sécurité, à part en fuyant. Puisqu'il est impossible de survivre à une bombage soviétique, la seule solution consiste à empêcher l'ennemi d'attaquer.
Pour cela, le président Eisenhower met au point une nouvelle politique. Toute agression soviétique sera suivie de représailles nucléaires massives portées par le Strategic Air Command, ou SAC. Le SAC est dirigé par Curtis LeMay, qui comprend que la bombe a changé la guerre à tout jamais.
Il a très vite compris que les guerres ne dureraient plus que quelques jours ou même quelques heures. Et donc que tout devait se régler au début. Le May prévoit de procéder à une énorme frappe initiale sur l'URSS.
Prêt à réagir en un éclair, ses équipages sont en alerte permanente. Tout à coup, vous avez 90 avions qui prennent les airs avec des armes nucléaires à leur bord. Le pilote décolle, mais sans savoir si c'est vraiment une mission ou pas.
C'est ultra secret, il n'aura ses instructions qu'une fois en vol. Et la même chose se produit dans 8 ou 10 autres bases. On a donc une flotte d'avions en vol prête à fondre sur l'URSS. Si jamais l'Union soviétique ne recule pas, elle risque d'être anéantie. Cette stratégie de représailles massives donne une place prédominante à l'armée de l'air dans la défense américaine.
47% du budget de la défense nationale était alloué à l'armée de l'air. La marine et l'armée de terre ont commencé à se dire qu'elle ferait mieux d'avoir des bombes atomiques elles aussi. Avec cette compétition entre corps de l'armée, les stocks d'armes nucléaires américains grossissent et se diversifient. Los Alamos était ravi d'en fabriquer et l'armée était ravie d'en acheter.
Chaque fois qu'elle passait commande, le labo répondait oui, pas de problème. Les armes nucléaires étaient considérées comme des armes normales mais juste un peu plus grosses. Combien de prototypes différents pouvait-on fabriquer ?
Des grosses bombes, des petites bombes, des grosses ogives, des petites... Un canon nucléaire pour l'infanterie. Et même une bombe individuelle pour sac à dos, un moyen d'empêcher des milliers de tanks soviétiques d'envahir l'Allemagne. On pouvait bloquer les voies d'accès en créant des inondations, des cratères, des éboulements de terrain, en attaquant des routes, des autoroutes ou des ponts. avec des munitions atomiques de démolition.
Cette tendance à fabriquer une version nucléaire de tout et n'importe quoi finit par dégénérer. Il y avait le bazooka nucléaire qui remporte la palme de l'arme la plus ridicule. Certains physiciens ont même dit qu'on pourrait fabriquer une grenade nucléaire.
Le seul problème serait de trouver quelqu'un d'assez idiot pour la jeter. Les stocks américains ont grandi à vue d'œil. En 1947, nous avions 13 armes nucléaires. En 1953, plus de 1100. A la fin des années 60, nous avions plus de 30 000 armes nucléaires, de 36 types différents.
Est-ce qu'on avait vraiment besoin de tout ça ? A mon avis, d'une part, ce sont les militaires qui pensaient que c'était nécessaire, et d'autre part, c'était purement politique. On en a plus que vous.
L'exemple ultime de ce comportement puéril survient en octobre 1961, quand les soviétiques font exploser la plus grosse bombe de l'histoire de l'humanité. Tsar Bomba. 50 mégatonnes, soit 50 millions de tonnes de TNT.
Quand le pilote a atterri, il a dit que l'avion était complètement tordu. Il n'a plus jamais volé. Il a dit qu'il avait rempli sa mission pour la patrie et il a pris sa retraite. C'est un symbole, rien de plus. Une bombe de cette taille n'a pas vraiment d'utilité.
On ne tue pas beaucoup plus de gens avec une bombe comme celle-là qu'avec deux petites bombes. C'était un duel entre deux superpuissances, chacune cherchant à empêcher l'autre de frapper en premier. Pour cela, il fallait être assez fort pour pouvoir anéantir l'ennemi si jamais il frappait d'abord. La destruction mutuelle assurée. En anglais, ça fait mad, c'est-à-dire fou.
Et c'était effectivement une folie. Cela dit, comme chacun savait que l'autre avait le même pouvoir d'annihilation... La paix a été maintenue.
Mais de justesse parfois. En octobre 1962, le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev voit l'occasion de faire un coup audacieux tout près des Etats-Unis. Khrouchtchev a décidé de placer des missiles à Cuba pour influer sur l'équilibre des pouvoirs.
C'était très effrayant. J'ai vraiment cru qu'une guerre allait éclater. Chaque fois que j'allais au bureau, je pensais que c'était ma dernière journée sur Terre. Finalement, Kennedy et Khrouchtchev regardent tous les deux dans l'abîme nucléaire, puis s'en éloignent. Les deux dirigeants ont repris cette crise en main.
Ils ont décidé de ne pas déclencher de guerre et de résoudre cet incident de manière diplomatique. C'est un moment de prise de conscience par rapport à la puissance nucléaire. Quand ils ont compris les conséquences possibles, Khrouchtchev a complètement changé de position, très rapidement. Khrouchtchev retire les missiles. En échange, Kennedy accepte secrètement d'enlever les missiles américains le long de la frontière soviétique.
On l'a un peu oublié depuis, mais on a frôlé la catastrophe au moment de la crise des missiles cubains. Les deux camps se comportaient de façon très impulsive. Mais une fois qu'ils ont compris à quoi ressemblait le vrai danger, ils ont fait des concessions et sont devenus très raisonnables. On pourrait même dire que la crise des missiles cubains a lancé le processus de contrôle de l'armement.
En tant que président des États-Unis, j'ai maintenant signé les instruments de ratification de ce traité. Les États-Unis, l'URSS et la Grande-Bretagne signent le traité d'interdiction partielle des essais nucléaires, interdisant les essais nucléaires dans l'atmosphère, dans l'espace et sous l'eau. De plus, en moins d'un an, la première ligne directe entre Washington et Moscou est établie.
Au plus fort de la course à l'armement nucléaire, les États-Unis et l'URSS possédaient à eux deux 60 000 armes nucléaires. Aujourd'hui, à part ces deux pays, six autres nations ont également la bombe, plus l'Afrique du Sud, qui l'a eue et s'en est débarrassée, et Israël, qui refuse de confirmer ou d'infirmer qu'elle la possède. Nous n'avons pas de contrôle sur ces pays.
Les cas les plus préoccupants sont ceux de l'Inde et du Pakistan. D'après certains experts, une guerre nucléaire entre l'Inde et le Pakistan, même limitée, serait catastrophique pour nous tous. Il y aurait tellement de fumée à cause des villes en feu que cela entraînerait une espèce d'hiver nucléaire dans le monde entier. Les températures chuteraient, anéantissant toutes les récoltes. Environ 2 milliards d'êtres humains mourraient de faim.
Les gens ne sont pas conscients du danger. Ils ne comprennent pas qu'il y a de gros risques que cela se produise, avec des effets hautement dévastateurs. Il y a plus de 70 ans, quelques équations griffonnées sur un tableau noir ont fait entrer le monde dans une nouvelle réalité. Des décisions fatales ont ensuite mené l'humanité vers les armes nucléaires. Je ne me sens ni coupable, ni fautive.
Je pense que si nous n'avions pas créé la bombe, quelqu'un d'autre l'aurait fait. Et elle serait parmi nous, de toute façon.