Bonjour à tous et bienvenue dans cette seconde vidéo sur l'hydrogène. Ici, on va voir que l'hydrogène est un enjeu industriel important. Les évolutions dans la façon dont on produit l'hydrogène ou l'évolution de ses applications industrielles peuvent avoir des effets non négligeables sur la réduction des émissions de CO2.
Pourtant, j'ai l'impression que la question de l'hydrogène dans l'industrie est très peu discutée et on va donc essayer d'y remédier dans cette vidéo. Alors, j'ai fait quelques améliorations de matériel. J'espère que je n'aurai pas trop de problèmes techniques et j'espère également que vous verrez une amélioration, notamment du son.
Dans la précédente vidéo, j'ai décrit les différentes voies qui existent pour produire de l'hydrogène. J'avais parlé de la production à partir de ressources fossiles, de la possibilité d'y ajouter des technologies de capture et de séquestration de carbone et on avait également abordé la production d'hydrogène par électrolyse de l'eau ainsi que des voies technologiques moins matures. D'ailleurs, je vous avais annoncé que je parlerai plus en détail de l'électrolyse, je compte toujours le faire mais ce sera pour la prochaine vidéo.
La dernière fois, je vous avais montré cette figure extraite d'un récent rapport sur l'hydrogène produit par l'Agence Internationale de l'Énergie, l'AIE. On peut y voir qu'en 2018, l'immense majorité de la production dédiée d'hydrogène se fait à partir de gaz naturel et de charbon. La production actuelle d'hydrogène consomme donc des ressources fossiles et émet des quantités importantes de CO2. Dans cette vidéo, on va voir cette figure en entier en se penchant sur l'hydrogène coproduit mais également et surtout sur la façon dont l'hydrogène est utilisé aujourd'hui.
On va détailler chacun de ces usages. Mais vous pouvez voir que la majorité de l'hydrogène utilisé aujourd'hui l'est pour des procédés industriels, raffinage, production d'ammoniaque, de méthanol ou d'acier. La part de l'hydrogène consacrée au transport est très faible. L'hydrogène est aujourd'hui très peu utilisé comme vecteur énergétique mais beaucoup plus comme réactif.
Ça me rappelle quelque chose, on en avait déjà parlé la dernière fois il me semble de cette différence entre vecteur énergétique et réactif. Oui, on avait dit que l'hydrogène a deux utilisations très différentes sur lesquelles il faut appliquer différentes logiques d'analyse. Quand l'hydrogène est utilisé comme vecteur énergétique, il est produit à partir d'une source d'énergie, par exemple de l'électricité provenant de barrages hydroélectriques et sert à fournir de l'énergie ailleurs, par exemple pour propulser une voiture.
Un vecteur énergétique est un intermédiaire entre une source d'énergie et son utilisation. Quand on examine un vecteur énergétique, les notions de rendement sont très importantes. Parce qu'on veut que cet intermédiaire s'accompagne du moins de pertes possibles.
Quand l'hydrogène est un réactif, c'est l'atome d'hydrogène qui nous intéresse et il est donc souvent impossible de substituer l'hydrogène par autre chose. Du coup, il faut apprendre à le produire en émettant moins de CO2 qu'aujourd'hui. Vu qu'on va surtout parler d'hydrogène en tant que réactif dans cette vidéo, tu devrais vite comprendre ce point. Je veux bien mais je ne vois pas trop pourquoi son utilisation en tant que réactif nous intéresse.
Tu fais une série sur l'énergie, pas sur l'industrie. C'est indispensable de creuser ce sujet parce que comme on l'a vu, l'hydrogène est aujourd'hui utilisé dans l'immense majorité des cas en tant que réactif et non comme vecteur énergétique. En plus, changer la façon dont on produit l'hydrogène utilisé dans l'industrie ou lui trouver d'autres usages industriels peut apporter d'intéressantes réductions des émissions de gaz à effet de serre.
Et si on produit de l'hydrogène avec peu d'émissions de gaz à effet de serre, il va y avoir une compétition entre les usages possibles. 1. Si on en a, est-ce qu'il vaut mieux utiliser de l'hydrogène bas carbone dans les transports ou dans l'industrie ? Bah, pour répondre à ce type de question, il faut bien comprendre toutes les utilisations de l'hydrogène et ici, on va détailler les utilisations industrielles.
Merci. L'ammoniaque est une molécule contenant un atome d'azote et trois d'hydrogène. L'ammoniaque entre dans la fabrication des produits d'entretien, des explosifs, de certains solvants et plastiques ou encore dans le traitement de denrées alimentaires.
De façon plus générale, cette molécule va être une matière première de base pour l'industrie chimique. Si un produit de synthèse contient un atome d'azote, il y a de fortes chances que de l'ammoniaque soit présent quelque part dans le procédé de fabrication. C'est cependant dans la production d'engrais pour l'agriculture que l'ammoniaque trouve son usage principal.
Cette industrie représente à elle seule 80% de l'ammoniaque consommé dans le monde. Et vous le savez peut-être parce que l'explosion dans le port de Beyrouth de l'été 2020 était une explosion de nitrate d'ammonium destiné à l'agriculture, ce qui avait mis ce produit industriel sous le feu des projecteurs. En France, l'explosion Toulouse en 2001 était également une explosion d'un stock de nitrate d'ammonium. Ok, ça a l'air un peu risqué… ce qui m'amène à me demander pourquoi on utilise ces engrais ? L'azote sous forme de diazote compose 78% de l'air que l'on respire.
Mais la molécule de diazote est extrêmement stable et le vivant n'arrive que très peu à extraire de l'azote de l'atmosphère. L'azote présent dans le sol sous une forme assimilable par les plantes y est souvent en quantité limitée, ce qui contraint leur croissance. Ajouter de l'azote permet donc en apportant un nutriment essentiel d'aider la croissance des végétaux. L'utilisation d'engrais azotés est un des facteurs qui a permis de fortement augmenter la production agricole à l'hectare en sortie de seconde guerre mondiale. Et ça, ça a été rendu possible par un des procédés les plus importants de l'histoire.
Le procédé Haber-Bosch inventé par Fritz Haber en 1909 et appliqué pour la première fois en 1913. Je vais vous épargner les détails techniques et simplement vous donner la réaction bilan du procédé. Et oui, il s'agit de faire réagir du dihydrogène avec le diazote de l'air pour obtenir de l'ammoniaque. Vous saviez peut-être déjà que la production d'engrais azotés émet pas mal de CO2. Mais ce n'est pas juste parce que cette production demande de l'énergie, c'est aussi parce qu'on utilise du gaz naturel pour obtenir le dihydrogène nécessaire pour produire l'ammoniaque.
Réduire les émissions de CO2 associées à la production d'ammoniaque implique de réussir à produire de l'hydrogène en émettant peu de CO2 puisqu'on ne peut pas produire d'ammoniaque sans hydrogène. En 2018, 31 millions de tonnes d'hydrogène ont été utilisées pour produire de l'ammoniaque dont environ 80% a servi à produire des engrais agricoles. Ces engrais synthétiques apporteraient aujourd'hui environ la moitié de l'azote utilisé par l'agriculture, le reste provenant directement de l'environnement ou d'engrais naturels comme le lisier ou le fumier. Mais est-ce qu'on a vraiment besoin de ces engrais ?
Oula, ça c'est une question complexe et je vais juste donner quelques pistes de réflexion. L'intérêt qu'il y aurait à sortir de l'utilisation de ces engrais vient de l'impact de leur production, mais pas uniquement. Si la concentration d'azote et de phosphore est trop élevée, ça provoque une forme de pollution dont on a déjà parlé sur la chaîne, l'eutrophisation. Cette forme de pollution pas très connue est particulièrement grave pour les écosystèmes d'eau douce et côtiers.
Cette pollution est par exemple responsable des marées vertes en Bretagne, ces dépôts d'algues dont vous avez peut-être déjà entendu parler. Pour lutter contre cette pollution, il faut relarguer moins d'azote et de phosphore vers l'environnement et donc utiliser moins et ou mieux les engrais azotés qu'on parle d'engrais de synthèse ou de produits naturels comme le lisier ou le fumier. Cette pollution est provoquée par un excès d'azote et de phosphore qui peut survenir avec différentes sources dont les engrais azotés de synthèse. D'un autre côté, les engrais permettent d'avoir une production agricole élevée à l'hectare. Si cette production diminuait, il faudrait davantage de place pour produire la même chose, ce qui ne serait pas non plus une bonne nouvelle pour la biodiversité.
On en avait déjà parlé sur cette chaîne mais la première pression qui s'applique sur la biodiversité, c'est la destruction des milieux naturels, le fait que les espèces sauvages aient de moins en moins de place disponible. Mais on n'est pas obligé de produire la même chose, on pourrait produire moins. Si on change ce qu'on mange, ça a un impact, non ? Oui, si on mange moins de viande, on a besoin de moins d'espace pour subvenir à nos besoins alimentaires.
Mais la logique reste la même pour ces besoins restants. Plus l'agriculture est productive à l'hectare, moins on a besoin de surface pour produire notre alimentation. Il y a un intérêt écologique à avoir de bons rendements agricoles à l'hectare.
S'ajoutent à ça des questions techniques et économiques. Ces engrais sont aujourd'hui utilisés en grande quantité dans l'agriculture et c'est l'augmentation des rendements agricoles qui a permis, entre autres, la croissance de la population mondiale. Faire évoluer ces pratiques en assurant la production alimentaire mondiale ne sera pas facile dans un monde où le changement climatique va en plus venir perturber l'agriculture. Et évidemment, si on parle des impacts de l'agriculture, il faudrait parler de ce qu'on mange et notamment de la part de viande dans notre alimentation.
Et on sait que ce sont des sujets qui peuvent vite devenir bloquants. Ce sont des sujets complexes et parfois clivants qu'il faudrait prendre le temps de développer. Traiter de l'emploi des engrais synthétiques et présenter les différents modèles agricoles est au-delà du cadre de la vidéo. Je sais que l'agriculture mériterait d'être plus présente sur la chaîne et on me réclame régulièrement ce type de sujet.
Mais je n'ai pas le temps de tout faire, malheureusement. En tout cas, ces changements ne se feront pas du jour au lendemain. Donc, il faudrait réduire les émissions de CO2 associées à la production d'ammoniaque existante aujourd'hui. D'autant plus que l'ammoniaque est utilisé pour d'autres choses que les engrais et qu'il pourrait voir son utilisation augmenter.
C'est ce qu'envisage l'AIE pour les décennies à venir. Avant de voir ce qu'on pourrait faire pour réduire les émissions de CO2 induites par la production d'ammoniaque, détaillons les autres usages. de l'hydrogène dans l'industrie.
Le raffinage a consommé en 2018 38 millions de tonnes d'hydrogène. Le pétrole qu'on extrait du sous-sol est constitué de beaucoup de molécules différentes, dont seule une partie peut être utilisée directement. Le reste doit subir des traitements et transformations pour être plus adapté à nos besoins et c'est ce qu'on appelle le raffinage.
Le raffinage permet aujourd'hui de valoriser une grande partie du pétrole sorti du sol et couvre de nombreux procédés industriels différents allant de la simple séparation de différents produits à des transformations complexes. Ici, deux procédés nous intéressent particulièrement. D'abord, les procédés d'hydro-cracage.
Ce sont des procédés permettant de transformer des grosses molécules sans trop de valeur en des mélanges de molécules plus utiles comme du kérosène ou du gazole. Pour faire ces transformations, on a besoin d'apporter des atomes d'hydrogène. Donc on a besoin de l'hydrogène pour transformer le pétrole en truc qu'on peut utiliser directement dans nos voitures et nos avions. Ça c'est le premier procédé dont tu voulais parler et c'est quoi le second ?
L'hydrogène permet également de désulfurer les produits pétroliques. c'est-à-dire d'en retirer le soufre. Et c'est important parce que si on le laisse, la combustion des carburants produits avec ce pétrole va émettre du dioxyde de soufre. Le dioxyde de soufre est un polluant de l'air qui a des impacts sanitaires et également responsable des pluies acides.
Pour lutter contre les pluies acides et la pollution de l'air, on retire du soufre des carburants depuis les années 70. La réglementation se durcit régulièrement et il faut toujours plus désulfurer les produits pétroliers. Ce qui fait de la désulfuration un procédé indispensable du raffinage. Pour résumer, l'hydrogène est utilisé dans le raffinage pétrolier pour produire des molécules utiles à partir du pétrole extrait du sous-sol et pour désulfurer les produits pétroliers afin de réduire les émissions d'oxyde de soufre, un vilain polluant. Il faut noter que l'usage d'hydrogène dans le raffinage pétrolier varie en fonction de beaucoup de paramètres, comme la nature du pétrole traité. Le pétrole extrait du sous-sol n'a pas la même composition partout.
Les produits qu'on veut obtenir en sortie de raffinerie ont aussi une importance. Par exemple, si on veut plus de diesel, il faut plus d'hydrogène. Enfin, l'évolution des réglementations fixant la tolérance pour différentes impuretés joue également un rôle.
Si on veut réduire encore les émissions d'oxyde de soufre, il faut davantage d'hydrogène. Et ces paramètres vont aussi influencer l'hydrogène produit par le raffinage. Attends, tu viens de me perdre là.
Le raffinage. Raffinage. Ça consomme de l'hydrogène ou ça en produit ? Le raffinage consomme de l'hydrogène et il en produit.
Globalement, il consomme plus d'hydrogène qu'il n'en produit. Sur les 38 millions de tonnes d'hydrogène qu'ont utilisé les raffineries en 2018, environ 13 millions ont été produites dans ces raffineries par certains procédés, notamment le reformage catalytique qui permet d'obtenir de l'essence à partir du naphtha lourd. Cette production d'hydrogène est ce qu'on appelle une coproduction parce que le but de ces procédés n'est pas de produire de l'hydrogène. Mais cet hydrogène coproduit peut être récupéré et utilisé dans la raffinerie ou par d'autres acteurs. Cette coproduction d'hydrogène diminue donc les besoins d'hydrogène pour le raffinage.
Donc, si on veut réduire les émissions de CO2 induites par la production de l'hydrogène employée dans les procédés de raffinage, on ne s'intéresse en fait qu'aux deux tiers des besoins d'hydrogène du raffinage. Ça m'amène une question. T'as déjà dit qu'on pouvait utiliser l'hydrogène pour faire avancer des voitures.
Du coup, pourquoi on n'utilise pas directement cet hydrogène pour des voitures plutôt que d'utiliser dans le raffinage de produits pétroliers qui sert à faire des carburants qui sont ensuite utilisés par des voitures ? Excellente question qui aurait plutôt sa place dans une autre partie de notre petite série. Il y a de nombreuses raisons mais concentrons-nous ici sur l'aspect énergétique. En 2019, l'humanité a extrait près de 4500 millions de tonnes d'hydrogène.
de pétrole. Si on brûlait tout ce pétrole, on dégagerait autant d'énergie qu'en brûlant environ 1500 millions de tonnes d'hydrogène. Or, pour raffiner tout ce pétrole, on a besoin d'un peu plus de 25 millions de tonnes d'hydrogène.
Donc, si on utilisait directement l'hydrogène utilisé pour le raffinage, on aurait 50 fois moins d'énergie mise à disposition de nos sociétés qu'en l'utilisant pour raffiner le pétrole. On n'utilise pas directement cet hydrogène parce qu'on ferait avancer beaucoup moins de gens qu'avec l'essence et le diesel qui sortent des raffineries. Bon, c'est un calcul de coin de table et on reviendra beaucoup plus longuement sur la question de l'hydrogène dans les transports dans une autre vidéo mais ça permet de comprendre pourquoi ce n'est pas illogique d'utiliser cet hydrogène dans le raffinage au lieu de l'utiliser directement. Mais le pétrole, on n'en a plus pour longtemps alors c'est besoin de raffinage. Ils vont disparaître.
On retrouve ici un sujet qu'on a déjà traité sur la chaîne, celui du pic pétrolier. C'est vrai qu'on est globalement proche d'un maximum de la pétrole. production pétrolière.
Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y aura plus de pétrole après, on aurait plutôt une lente décroissance. Les caractéristiques physiques du pétrole font que c'est la ressource fossile dont il va être le plus dur de se passer et on a encore très probablement plusieurs décennies de raffinage devant nous, même si on assiste à une réduction subie ou non de l'extraction pétrolière. L'AIE propose d'ailleurs deux scénarios sur les besoins en hydrogène dans le raffinage pour la prochaine décennie. Un cas où les besoins augmentent légèrement et un autre où ils diminuent.
Dans la décennie à venir, on aura encore besoin d'hydrogène pour le raffinage, probablement entre 30 et 40 millions de tonnes par an. Il faut rajouter à ça que le raffinage ne se fait pas exclusivement sur les produits pétroliers. Produire des molécules intéressantes à partir de la biomasse, par exemple faire des biocarburants, nécessite également des procédés de raffinage et de l'hydrogène. Pour résumer la question du raffinage, l'hydrogène permet de maximiser les quantités de produits à forte valeur ajoutée ou adaptées à la demande à partir du pétrole qu'on sort du sous-sol.
L'hydrogène permet également de réduire les problématiques de pollution de l'air liées aux émissions d'oxyde de soufre. Tant qu'on utilisera du pétrole, il vaut mieux avoir de l'hydrogène pour le raffiner. Après, il est certain qu'il faudrait en consommer de moins en moins et qu'il faudrait sortir au plus vite de notre dépendance au pétrole. Ce n'est pas moi qui dirais le contraire. Pour les émissions de CO2, moins on consomme de pétrole, mieux c'est.
Le raffinage répond à environ un tiers de ses besoins avec de l'hydrogène coproduit. Pour les deux tiers restants, il faut réussir à produire de l'hydrogène en émettant moins de CO2 si on veut faire décroître les émissions liées au raffinage. Et à part le raffinage, est-ce qu'il y a d'autres procédés qui coproduisent de l'hydrogène ? Oui, il y a notamment le procédé chlore-alcalie qui permet de produire du chlore et de la soude en faisant l'électrolyse de la saumure qui est de l'eau saturée en sel.
Ce chlore est une brique élémentaire pour d'autres industries et sert pour l'assainissement ou la désinfection par exemple sous forme d'eau de Javel. La soude a également de nombreuses applications, production de savon et de détergent, traitement des eaux ou encore fabrication de la pâte à papier. Lors du procédé chloralcalie, du dihydrogène est produit mais c'est un coproduit, ce n'est pas lui qui motive ce procédé.
Cet hydrogène pur peut être capté et vendu à d'autres industries par exemple aux raffineries qu'on a évoqué précédemment. C'est toujours ça de moins à produire avec des ressources fossiles. Le volume est cependant faible, environ 2% de la production mondiale d'hydrogène pur de 2018. Pour ce qui concerne la coproduction d'hydrogène, on a donc parlé du raffinage du pétrole et du procédé chlore-alcalie.
Il nous reste un gros bout fort intéressant, celui de la production de l'acier. L'acier est utilisé pour de très nombreuses applications qui vont d'immenses ponts et gratte-ciel aux vis ou aux couverts en passant par les boîtes de conserve, les voitures, les bateaux ou encore les rails de chemin de fer qu'on devrait plutôt appeler des rails de chemin d'acier. En 2018, le monde a produit 1800 millions de tonnes d'acier. Sachant que le célèbre Golden Gate a demandé 75 000 tonnes d'acier, la production mondiale est suffisante pour en construire 24 000 par an.
Ça fait quand même pas mal ! Malheureusement, cette énorme production s'accompagne d'impacts environnementaux et notamment d'émissions de gaz à effet de serre et pas qu'un petit peu. La production mondiale d'acier a émis directement et indirectement 3,6 milliards de tonnes de CO2 en 2018, donc environ 10% des émissions mondiales de CO2 induites par la combustion de ressources fossiles.
Vu l'ampleur des risques induits par le changement climatique, il faut s'attaquer à toutes les émissions et il faut réussir à produire de l'acier en émettant moins de CO2. Surtout que l'acier est une matière dont on aura besoin pour certains secteurs clés de la transition énergétique. Evidemment, si j'en parle dans cette vidéo, c'est parce que l'hydrogène a peut-être son mot à dire.
Mais pour le comprendre, il faut savoir comment l'acier est produit aujourd'hui. D'abord, une bonne nouvelle, l'acier est un matériau entièrement recyclable et facile à séparer d'autres déchets. Ces qualités en font un des matériaux avec un haut taux de recyclage mondial, quelque part entre 70 et 90%.
En poids, l'acier est LE matériau le plus recyclé du monde. Ce recyclage couvre 22% de la production mondiale d'acier. Attends, si on recycle à genre 80%, comment on peut couvrir que 20% de la production mondiale d'acier ? Il y a un truc que je ne comprends pas là.
Eh bien tout simplement parce que la demande en acier augmente et qu'on forme des stocks dans la société. Je n'ai pas attendu qu'on déboulonne le Golden Gate et qu'on le recycle avant d'acheter une boîte de conserve en acier. Vu que l'acier peut rester longtemps dans les ponts ou les immeubles et qu'on ne cesse d'en construire, on doit produire toujours plus d'acier et celui qu'on a déjà produit.
Lui peut rester utilisé pendant des décennies dans nos sociétés avant d'être éventuellement recyclé. Suivant les hypothèses qu'on fait sur l'évolution des besoins en acier, la part du recyclage dans la production d'acier peut monter jusqu'à 50% vers 2050. Donc même dans 3 décennies, le recyclage ne sera pas suffisant pour répondre aux besoins. Ce bon taux de recyclage est une bonne nouvelle mais ça n'implique pas que l'acier recyclé n'a pas d'impact puisqu'il faut de l'énergie pour ce recyclage.
Et oui, malheureusement, les ferrailles récupérées ne se fondent pas spontanément en de l'acier tout neuf. Pour produire de l'acier recyclé, on utilise le plus souvent des fours électriques. L'impact environnemental de ce recyclage dépend donc beaucoup de l'électricité produite dans la région où ce recyclage a lieu et de quelques centaines de kilos d'équivalent CO2 par tonne d'acier recyclé pour les pays avec une électricité peu carbonée. Ce recyclage a toujours moins d'impact que la production primaire d'acier qui est particulièrement polluante. En moyenne, recycler l'acier émet 5 fois moins de CO2 que la production primaire et jusqu'à 10 fois moins si l'électricité utilisée pour le recyclage provient de moyens de production bas carbone.
Et cette production primaire dont tu parles, c'est quoi ? La production primaire, c'est la production d'acier neuf en opposition à la production secondaire qui désigne le recyclage. La majorité de la production primaire d'acier se fait aujourd'hui avec des hauts fourneaux.
Cette production nécessite évidemment du minerai de fer. mais également des quantités importantes d'un type de charbon qu'on appelle la houille. Cette houille est d'abord transformée en coque en le chauffant pendant plusieurs heures avec peu d'oxygène.
Ce coque et des granulés obtenus à partir du minerai de fer vont être utilisés dans les hauts fourneaux pour produire de la fonte qui va ensuite être affinée en acier. Petite précision technique pour que vous compreniez ce que je viens de dire. La fonte est un alliage de fer et de carbone contenant plus de 2% de carbone.
L'acier est aussi un alliage de fer et de carbone mais le pourcentage de carbone est compris entre 2% et 0,02%. L'acier est traditionnellement obtenu à partir de l'alimentation de l'acier. à partir d'une fonte ayant une teneur en carbone de 4 à 5% en réduisant sa teneur en carbone jusqu'à typiquement 0,25%. Pour ça, on injecte du dioxygène dans la fonte en fusion qui sort du haut fourneau, ce qui fait sortir du carbone sous forme de CO2 et baisse la teneur en carbone de l'alliage. C'est dans le haut fourneau qu'a lieu la réaction la plus importante.
Le coq sert de combustible, apporte le carbone qui sera contenu dans la fonte mais permet surtout de réduire l'oxyde de fer extrait de l'environnement au maximum. en fer métallique. Du coq réagit dans le haut fourneau pour former un mélange de gaz contenant beaucoup de monoxyde de carbone et un peu de dihydrogène. Ces deux gaz sont capables de réduire l'oxyde de fer. Cette réaction de réduction du fer dégage beaucoup de CO2.
La production du coq et l'affinage de la fonte en acier émettent également du CO2 mais environ 3 fois moins que l'utilisation du coq dans le haut fourneau. Bon, pour les émissions de CO2 associées à la production d'une tonne d'acier brut, j'ai trouvé beaucoup de quantifications différentes et parfois incompatibles entre elles. Je vais donner les quantifications produites par l'AIE dans un souci d'uniformité.
Ces quantifications prennent en compte les émissions directes du procédé de production d'acier et les émissions directes liées à la production d'électricité et de chaleur pour ces procédés. Mais ce ne sont pas des quantifications basées sur l'analyse du cycle de vie. Par exemple, elles ne prennent pas en compte les émissions liées à la construction des bâtiments, l'extraction du minerai de fer et du charbon.
ou encore les transports. Avec ce périmètre, l'AIE donne une quantification à 2,2 tonnes de CO2 par tonne d'acier produite. Et l'acier recyclé dont on a parlé précédemment est estimé à 0,4 tonnes de CO2 par tonne d'acier produite. C'est avec ce périmètre qu'on estime que la production d'acier est responsable d'environ 10% des émissions de CO2 induites par la combustion de ressources fossiles.
Quantification que je vous ai donnée un peu plus tôt. Bon. Bon, là je ne vois pas encore le rapport avec l'hydrogène. Un premier lien, c'est que dans ce procédé de l'hydrogène éco-produit.
Quand on produit du coq à partir de la houille, on forme des gaz contenant de 50 à 70% d'hydrogène. Et on a vu qu'un peu d'hydrogène est également produit dans le haut fourneau où peut participer à la réduction du fer. La production d'acier à partir de coques a entraîné en 2018 la coproduction de 14 millions de tonnes d'hydrogène.
Sur ces 14 millions, 9 sont utilisées par les aciéries elles-mêmes, souvent pour brûlés pour répondre aux importants besoins de chaleur. C'est mieux que de simplement rejeter l'hydrogène dans l'atmosphère mais ce n'est pas la façon la plus intéressante de valoriser l'hydrogène. Les 5 millions restants sont utilisés par d'autres industries, par exemple pour la production de méthanol dont on parlera un peu plus loin ou pour de la production d'électricité. La technologie de production d'acier L'acier dans les hauts fourneaux a couvert 71% de la production d'acier en 2018. Et pour comprendre un peu mieux quel rôle pourrait avoir l'hydrogène, on doit se pencher sur une technologie qui couvre aujourd'hui 5% de la production mondiale. L'approche dite de réduction directe du fer.
Dans ce cas, la réduction du fer se fait plus bas en température, avec du minerai de fer solide qui est exposé à des agents réducteurs. Pour les agents réducteurs, on utilise du gaz de synthèse. Ce mélange de monoxyde de carbone et d'hydrogène obtenu par vapeur au formage du gaz naturel ou gazéification du charbon, les deux grands procédés industriels permettant aujourd'hui de produire de l'hydrogène. Cette réduction se fait donc avec un pourcentage d'hydrogène plus important que dans les hauts fourneaux.
Une fois que le minerai de fer est réduit, on le transforme en acier en le fondant dans un four électrique identique à ceux utilisés pour recycler l'acier. Le carbone nécessaire à l'acier provient du gaz de synthèse et donc aujourd'hui de ressources fossiles. Avec cette technologie de réduction directe du fer, l'hydrogène n'est pas un coproduit.
C'est une production dédiée qui s'est levée à 4 millions de tonnes d'hydrogène en 2018. Les émissions de CO2 de cette technologie sont plus faibles que la production en haut fourneau. Environ 1,4 tonnes de CO2 par tonne d'acier en prenant les quantifications de l'AIE au lieu de 2,2 tonnes de CO2 par tonne d'acier dans le cas d'une production en haut fourneau. Si ce procédé fonctionne avec de l'hydrogène, est-ce que ce serait possible d'utiliser plus d'hydrogène ?
Excellente question et la réponse est oui. On peut modifier le procédé de réduction directe du minerai de fer pour utiliser majoritairement voire uniquement de l'hydrogène. C'est par exemple ce que propose le projet Hybrit actuellement en construction en Suède. Vu qu'il faut avoir du carbone dans l'acier, on doit l'ajouter si on utilise uniquement de l'hydrogène pour la réduction du minerai de fer. Pour ça, on peut utiliser un peu de ressources fossiles.
gaz naturel ou charbon ou utiliser de la biomasse comme du bois. La substitution de la majorité des ressources fossiles par de l'hydrogène peut permettre une importante réduction des émissions si c'est de l'hydrogène bas carbone. Si on garde le périmètre de l'AIE et donc qu'on ne considère que les émissions directes du procédé de la production de chaleur et de l'électricité, alors les émissions peuvent descendre à pratiquement zéro si l'hydrogène est produit par électrolyse avec des moyens de production renouvelables ou nucléaires qui n'auront aucune émission sur ce périmètre.
Évidemment, si on prend en compte l'impact de l'extraction du fer et de la construction des moyens de production électrique, des électrolyseurs et des aciéries, il resterait des émissions de CO2 résiduelles. Et il faudrait des transformations importantes d'autres secteurs, comme la construction, les transports ou l'extraction minière, pour faire tendre tout ça vers zéro. A noter que dans les impacts qui ne sont pas pris en compte par l'AIE, le remplacement du charbon part de l'hydrogène dans la production d'acier permettrait aussi d'éviter les impacts liés à l'extraction du charbon.
Je ne peux pas vous fournir d'estimation d'analyse du cycle de vie pour des procédés qui n'existent pas encore à grande échelle. Retenons donc que si on peut produire de l'hydrogène par électrolyse à partir de moyens de production bas carbone, on peut réduire considérablement les émissions de CO2 de la production d'acier et éviter des émissions de CO2 de l'ordre de 2,2 tonnes de CO2 par tonne d'acier produite. Et j'apporterai peut-être quelques compléments dans la prochaine vidéo où on parlera plus en détail de l'électrolyse.
Même l'utilisation d'hydrogène obtenu par vaporeformage du méthane couplé avec de la capture et séquestration de carbone permettrait une réduction significative des émissions de CO2. Si vous voulez vous faire une idée des différentes voies de production d'hydrogène bas carbone, des avantages, des inconvénients et des émissions de CO2 associées, je vous renvoie vers la précédente vidéo de cette petite série. Du coup, si on se met à faire de l'acier avec de l'hydrogène bas carbone, ce serait une bonne nouvelle.
Ça permettrait effectivement de réduire les émissions de CO2. Mais l'hydrogène n'est pas la seule voie prometteuse pour réduire les impacts de la production d'acier. En fait, il y a deux grandes voies pour décarboner la production d'acier.
La première consiste à capturer le CO2 émis par le procédé pour le séquestrer définitivement dans le sous-sol. Une aciérie située dans les Émirats Arabes Unis dispose déjà de cette technologie. et utilise le CO2 pour de la récupération assistée de pétrole.
J'ai longuement parlé de tout ça dans la vidéo sur les technologies de capture et séquestration de carbone et je vous y renvoie. La seconde voie consiste à changer le procédé pour ne pas émettre de CO2 lors de la production d'acier. Comme ça, on n'a même pas besoin de s'embêter à le capturer.
Pour Pour ça, il y a la possibilité de recourir à de l'hydrogène bas carbone qu'on a évoqué. Mais il y a également d'autres possibilités. Différents projets essayent par exemple de réduire directement l'oxyde de fer par électrolyse.
Dans l'idée, on se rapprocherait de la production d'aluminium qui se fait aujourd'hui par électrolyse en consommant beaucoup d'électricité. Que l'on fasse la réduction par électrolyse ou avec de l'hydrogène, ça permet de recourir massivement à l'électricité plutôt que d'utiliser directement. des ressources fossiles.
Évidemment, cette stratégie n'est pertinente que pour les pays capables de produire de grandes quantités d'électricité avec peu d'émissions de CO2. Dans un pays où c'est encore le charbon qui domine la production, tout passer à l'électricité serait probablement pire que de ne rien changer. Et on en discutera la prochaine fois. Il n'est pas facile de faire une prévision sur l'évolution de la production d'acier dans les décennies à venir.
Les technologies d'acier bas carbone sont balbutiantes, faire évoluer l'industrie est un processus lent et complexe et beaucoup d'éléments dans tout ça sont des secrets industriels bien gardés. Pour se faire une idée de ce qui pourrait arrivé, on peut regarder cette projection qu'on trouve dans un rapport de 2020 de l'AIE. Cette projection concerne un scénario développé par l'AIE dans lequel les pays mettraient en place des transformations très ambitieuses pour réduire leurs émissions de CO2. C'est un scénario optimiste. Dans ce scénario, la production primaire de fer nécessaire à la production d'acier décroît lentement parce que le recyclage non représenté augmente jusqu'à couvrir la moitié des besoins en 2070. La production primaire met plusieurs décennies à évoluer en ajoutant de la capture et séquestration à différents procédés dont certains que je n'ai pas couverts dans cette vidéo et en utilisant la réduction directe du fer par l'hydrogène.
Il est intéressant de voir que, dans ce scénario, en 2070, la capture et séquestration de carbone et la réduction directe du fer par l'hydrogène couvrent chacun environ la moitié des besoins. On voit que dans ce scénario, l'hydrogène fait partie des technologies permettant de mettre en place des réductions ambitieuses des émissions de CO2 pour la production d'acier. Ok, donc on a vu la production d'ammoniaque, le raffinage, la production d'acier… Je crois qu'il ne manque qu'un truc de la figure du début, c'est le méthanol.
Le méthanol est une brique élémentaire pour la chimie organique. Il va être utilisé pour produire des matières plastiques, des résines synthétiques, notamment pour fabriquer du contreplaqué, des peintures et plein d'autres produits d'usage courant. La synthèse du méthanol consomme environ 10% de l'hydrogène produit dans le monde.
Cette production ne consomme pas de l'hydrogène sous forme pure mais le mélange de monoxyde de carbone et d'hydrogène qu'on a rencontré plusieurs fois et qui est souvent désigné par le terme de gaz de synthèse. Ici, la présence du monoxyde de carbone est indispensable parce que la molécule de méthanol contient un atome de carbone qui doit bien provenir de quelque part. Ce gaz de synthèse est obtenu par gazéification du charbon ou, plus souvent, par vaporeformage du méthane. En Chine, du gaz provenant de la production de coque pour les aciéries est utilisé pour produire du méthanol.
C'est une manière de valoriser la coproduction dont on a parlé précédemment. Pour cette production, remplacer l'hydrogène produit à partir de ressources fossiles va être encore plus difficile que pour le raffinage ou la production d'ammoniaque et je pense que tu vois pourquoi. Oui et tu l'as dit, comme dans les cas précédents, l'hydrogène est un réactif mais il faut en plus du carbone qui vient des ressources fossiles.
Exactement. On a vu dans la dernière vidéo qu'il y avait plusieurs voies envisageables pour réduire les émissions de CO2 de la production d'hydrogène. Mais pour le méthanol et plus généralement pour toutes les molécules organiques que nous utilisons, il faudra également réussir à extraire du carbone de l'environnement en diminuant notre dépendance aux ressources fossiles.
Ce sujet, on l'abordera peut-être un jour sur cette chaîne, c'est celui de la capture du carbone, non pas pour le séquestrer mais pour l'utiliser. C'est parti. Dans un cas idéal, ce carbone provient de l'atmosphère par le biais de la biomasse.
Dans ce cas, on utilise du carbone provenant de plantes au lieu de celui provenant de ressources fossiles. On parle alors de fermeture du cycle du carbone et je pense que mon modeste schéma permet de facilement comprendre pourquoi. Et on peut pas faire comme dans la capture et séquestration dont on a parlé ? Genre, choper le carbone où il y en a plein. Je sais pas, en sortie d'une centrale à charbon ou un truc de ce style.
C'est une bonne idée, même si on pourrait plus facilement récupérer le carbone au niveau, par exemple, de la production d'ammoniaque. Ce serait donc là qu'on mettrait probablement en place la récupération de carbone dans un premier temps. Aujourd'hui, on utilise des ressources fossiles pour produire l'ammoniaque et le méthanol et ces deux productions induisent des émissions de CO2.
Si on mettait en place de la capture et utilisation de carbone pour récupérer les rejets de la production d'ammoniaque, ce carbone finirait quand même dans l'atmosphère. Donc, ce ne serait pas neutre pour le climat et l'utilisation du carbone pour le méthanol ne ferait qu'ajouter un délai entre le moment où le carbone a été capturé au lieu d'être émis et le relargage vers l'atmosphère en fin de vie du produit. Mais, on évite la consommation de ressources fossiles qui permettaient initialement de fournir du carbone à la production de méthanol. Et on réduit donc les émissions de CO2, même si ce n'est ni parfait ni durable.
C'est un sujet important mais vaste et complexe donc on ne va pas rentrer dans les détails ici. Retenez juste que pour les molécules, Comme le métanol qui ont besoin d'hydrogène et de carbone issus de ressources fossiles, la réduction d'émission de ces procédés est plus difficile que pour la production d'ammoniaque ou le raffinage parce qu'il faut trouver une nouvelle source pour l'hydrogène mais également une nouvelle source pour le carbone. Avec la précédente vidéo de cette série, vous devriez avoir une bonne idée sur la manière de substituer les sources d'hydrogène existantes.
Mais il faudrait développer ailleurs la question de la fermeture du cycle du carbone et donc de la substitution des sources de carbone fossiles. Du coup, je ne vais pas m'étendre davantage sur le méthanol. Industriellement, ce sera plus simple de s'intéresser d'abord au procédé où l'hydrogène est utilisé sous forme pure comme dans le raffinage ou la production d'ammoniaque et on pourra s'attaquer aux trucs plus compliqués comme le méthanol ensuite.
Bah voilà, je crois qu'on a fait le tour des grands usages industriels de l'hydrogène. C'était plutôt cool. On a effectivement fait le tour des grands usages. Même s'il y a d'autres procédés qui coproduisent ou utilisent de l'hydrogène, les quantités en jeu sont moins importantes.
Avant de tirer quelques conclusions, je vais en profiter pour mettre en avant deux points importants qu'on sera amené à discuter. dans les prochaines vidéos. On a vu que l'industrie utilisait de grandes quantités d'hydrogène.
Mais vous avez peut-être remarqué qu'on parle de l'hydrogène depuis un bon moment mais qu'on n'a pas encore parlé de son transport ou de son stockage. Et bien il y a une bonne raison à ça. Pour l'instant, on ne stocke quasiment pas l'hydrogène et on le transporte très peu.
L'hydrogène utilisé par l'industrie est le plus souvent produit sur site et à la demande puisqu'il est bien plus facile de transporter et stocker le charbon ou le gaz naturel utilisé aujourd'hui pour produire l'hydrogène que l'hydrogène. 85% de l'hydrogène consommé dans le monde est directement consommé sur son lieu de production. Ok mais ça veut aussi dire qu'il reste 15% donc on sait un peu le transporter et le stocker. Ces 15% restants sont échangés sur de courtes distances en utilisant des pipelines dédiés ou pour de plus petits volumes par camion. Pour l'instant, l'hydrogène est peu stocké et peu échangé et quand il est échangé, c'est sur de courtes distances.
Pour échanger de l'hydrogène sur de plus longues distances ou pour le stocker, on envisage de le transformer en autre chose. Par exemple, dans cette vidéo, on a vu qu'on pouvait produire de l'ammoniaque à partir d'hydrogène. Eh bien, on peut faire la transformation inverse.
Evidemment, ces deux transformations s'accompagnent de pertes énergétiques mais c'est une possibilité pour le transport longue distance de l'hydrogène. L'ammoniaque peut également être utilisé directement pour produire de l'énergie. Il est, comme l'hydrogène, un vecteur énergétique. En interaction avec l'hydrogène, il y a d'autres molécules qui peuvent permettre de stocker temporairement l'hydrogène ou être utilisées directement pour produire de l'énergie. Je ne vais pas tout développer ici mais on devra peut-être revenir sur ce point dans les vidéos suivantes.
Vous voyez qu'il me reste des choses à expliquer dans la suite de cette série sur l'hydrogène. Pour finir cette vidéo, je vais tirer les principaux enseignements de ce que j'ai raconté jusque là. Le raffinage et la production d'ammoniaque utilisent de l'hydrogène pur mais provenant quasi exclusivement de ressources fossiles.
Aujourd'hui, beaucoup de stratégies de déploiement de l'hydrogène, y compris la stratégie française, se concentrent d'abord sur ses usages industriels pour la production d'ammoniaque. plusieurs bonnes raisons. D'abord parce que ces procédés sont fortement émetteurs de CO2 et qu'il faut réduire ses émissions.
Ensuite parce que les besoins sont importants ce qui permettrait de faire monter en puissance la production d'hydrogène bas carbone. Aujourd'hui, on peut déjà déployer des filières de production d'hydrogène avec peu d'émissions de CO2 parce que la demande est déjà là. L'utilisation de volumes importants pour les usages industriels de l'hydrogène évite de devoir construire en même temps de nouvelles voies de production d'hydrogène. et de nouvelles manières de le consommer.
On peut d'abord mettre en place de nouvelles voies de production pour répondre à la demande existante. L'existence d'une grosse consommation d'hydrogène produit à partir de ressources fossiles à laquelle de l'hydrogène bas carbone pourrait se substituer est donc une excellente opportunité. Le fait que ce soit une priorité pour beaucoup de stratégies d'hydrogène national est donc parfaitement logique même si ce ne sont pas les usages de l'hydrogène dont on parle le plus souvent. Et pour cet hydrogène bas carbone ?
On envisage quoi comme manière de le produire ? De tout ce qu'on a évoqué la dernière fois, on considère surtout deux voies. Soit ajouter de la capture et séquestration de carbone aux procédés existants, ce qui serait une bonne idée parce que c'est plus facile ici que dans d'autres industries et ça permettrait de développer ces technologies dont on risque d'avoir besoin.
Soit de produire l'hydrogène par électrolyse de l'eau. Dans ce cas, le gain dépend beaucoup de la façon dont on produit l'électricité. Ça aurait également des avantages qu'on évoquera dans la prochaine vidéo. La préférence pour une de ces deux voies dépend de nombreux paramètres dont la possibilité de séquestrer localement le CO2 ou le caractère bas carbone de l'électricité disponible. A l'échelle mondiale, ces deux voies seront seront très probablement présentes.
En tout cas, le chantier est énorme. En 2018, la production dédiée d'hydrogène était de 69 millions de tonnes dans le monde. La dernière fois, on avait vu en prenant des quantifications d'analyse du cycle de vie que produire de l'hydrogène à partir de gaz naturel émettait 13 kg d'équivalent CO2 par kg d'hydrogène produit et 20 kg d'équivalent CO2 si on le faisait à partir de charbon. Si ces quantifications sont exactes, ça veut dire que la production dédiée d'hydrogène est responsable de l'émission d'un milliard de tonnes d'équivalent CO2.
Ajouter de la capture et séquestration de carbone ou produire de l'hydrogène par électrolyse avec des moyens de production de bas carbone permettrait de réduire ça de 60 à 90% suivant les hypothèses que l'on fait et la technologie qu'on choisit pour produire de l'hydrogène bas carbone. Si on devait produire tout ça par électrolyse, il faudrait au niveau mondial 3600 TWh d'électricité. Pour avoir un point de repère, les pays de l'Union Européenne ont produit en 2018, et donc à 28, près de 3300 TWh.
3600 TWh de plus au niveau mondial, c'est à la grosse louche la production de 600 réacteurs nucléaires de 900 MW ou de 700 000 éoliennes de 3 MW. Je ne donne pas ces quantifications pour dire que la tâche est impossible. C'est une transformation qui se pense au niveau mondial et sur plusieurs décennies. Mais ça vous donne une idée de l'ampleur du chantier. Aujourd'hui, cette production d'hydrogène dédiée sert majoritairement à la production d'ammoniaque, de méthanol, d'acier par le procédé de réduction directe du fer et au raffinage.
Si on veut garder ces productions en réduisant les émissions de CO2, il n'y a pas d'autre choix que de réussir à faire de l'hydrogène en émettant beaucoup moins de CO2 qu'aujourd'hui. Si on ajoute la possibilité de remplacer le procédé de production d'acier dans les fourneaux... par un procédé de réduction directe du fer utilisant uniquement de l'hydrogène et en me basant sur les chiffres de 2018, il faudrait 88 millions de tonnes d'hydrogène de plus, ce qui revient à 4600 TWh d'électricité si on doit produire tout ça par électrolyse.
Une quantité encore plus impressionnante que ce que j'ai détaillé juste avant. Si l'électricité utilisée est bas carbone, ça éviterait environ 2,8 milliards de tonnes de CO2. Avec ces quantifications, on peut voir qu'utiliser l'hydrogène pour remplacer la production en eau fourneau permettrait d'éviter plus de CO2 par kilo d'hydrogène que substituer la production existante qui est dédiée par exemple au raffinage. C'est logique parce que la production d'acier repose aujourd'hui sur le charbon, plus émetteur de CO2 que le gaz naturel qui est utilisé pour produire l'hydrogène dans le raffinage et la production d'ammoniaque.
Mais il faut garder à l'esprit que le raffinage et la production d'ammoniaque utilisent déjà de l'hydrogène. Donc, remplacer celui-ci par de l'hydrogène bas carbone est bien plus facile que de changer entièrement les installations de production d'acier existantes. Il ne serait pas étonnant qu'on se concentre dans un premier temps sur la réduction des émissions de la production d'hydrogène existante pour cette raison. Et cette évolution, elle se fera naturellement ?
L'ajout de capture et séquestration de carbone ou l'utilisation d'hydrogène obtenu par électrolyse représente un coût supplémentaire par rapport aux procédés existants. Sinon, ce serait déjà en place. Ces coûts seront portés directement ou indirectement par la société.
Mais il faut se rendre compte que ne rien faire, donc continuer d'émettre de grandes quantités de CO2 aura aussi des conséquences importantes pour nos sociétés. Et que ça aura aussi des coûts. C'est pour ça que les états annoncent des investissements conséquents dans l'hydrogène.
La réduction des émissions de CO2 associées aux procédés industriels qu'on a évoqués est nécessaire pour lutter contre le changement climatique. Mais que ce soit nécessaire, ne veut pas dire que ce sera facile ou peu cher. Quand on parle de l'industrie, il y a également quelque chose à prendre en compte.
Des usines comme des aciéries sont conçues pour fonctionner souvent en continu pendant des décennies. Il faut donc construire le plus tôt possible des sites de production bas carbone parce que la substitution se fait lentement au fur et à mesure qu'on remplace les installations existantes et parce que les moyens de production restent en place pendant longtemps. En Europe, la question du remplacement des aciéries devrait se poser sérieusement dans les prochaines années, vu l'âge des installations existantes.
Construire des centrales reposant sur la production traditionnelle d'acier en haut fourneau qui utilise beaucoup de charbon et émet beaucoup de CO2 serait une faute vis-à-vis du climat. Mais si on a plein d'hydrogène bas carbone, est-ce qu'on ne peut pas réduire davantage les émissions de CO2 en l'utilisant pour autre chose ? Par exemple, les transports. Excellente question à laquelle j'ajouterai celle-ci.
Si on utilise de l'électricité pour produire de l'hydrogène, est-ce qu'on ne pourrait pas réduire davantage les émissions de CO2 en faisant autre chose que de l'hydrogène avec cette électricité ? On essaiera de répondre à ces deux questions dans la suite de cette petite série. En tout cas, et je finirai là-dessus, on a vu que pour certains usages industriels, l'hydrogène est un actif non substituable. C'est ça.
il n'y aura pas d'autre solution pour réduire les émissions de CO2 que de réussir à produire des quantités importantes d'hydrogène bas carbone. Cet aspect à lui tout seul justifie que la production d'hydrogène bas carbone est indispensable pour réduire en profondeur les émissions de CO2 de nos sociétés. Mais ça ne nous dit pas si c'est un aspect prioritaire ou quelque chose de complexe qu'on ne fera qu'une fois que d'autres chantiers auront bien avancé. Merci à tous d'avoir regardé cette vidéo, j'espère que vous avez appris des trucs intéressants. Personnellement, j'ai trouvé ça très intéressant de me pencher un peu sur des procédés industriels que je connaissais très peu, mais qui sont derrière beaucoup d'objets que j'utilise tous les jours.
Comme souvent, ce sujet est particulièrement complexe et je ne remercierai jamais assez les personnes qui me relisent et qui me permettent d'éviter certaines lourdeurs, erreurs ou approximations regrettables. Comme toujours, j'essaierai d'épingler un commentaire avec d'éventuelles corrections et vous trouverez les sources en description, j'essaye de les référencer proprement sur mon propre site web. Je remercie sincèrement toutes les personnes qui me soutiennent financièrement et qui continuent de le faire, même quand il n'y a pas de vidéo pendant plus d'un mois. Sans ce soutien financier, ce contenu vidéo n'existerait tout simplement pas. D'ailleurs, j'ai choisi de changer un petit peu la fin et je suis désolé pour ceux qui tenaient à voir leur nom défiler.
Maintenant, mettez tous vos pseudos sur une page dédiée de mon site que je mettrai régulièrement à jour. Ce qui devrait me permettre à la fin de la vidéo d'afficher des suggestions de vidéos qui pourraient vous intéresser et qui doivent s'afficher autour de moi. Et surtout, n'oubliez pas de vous abonner si vous voulez suivre mon travail et les futures vidéos sur l'hydrogène pour finir cette belle série. C'était Le Réveilleur et à bientôt sur le net. Ah, j'ai enfin eu le droit de finir une vidéo.