Netflix, Disney +, Amazon Prime, Apple TV+ et j’en passe. Toutes ces plateformes de streaming rencontrent actuellement un gros problème qui ne va faire qu’empirer jusqu'à provoquer leur mort. Ce n’est pas le wokisme. Ce n’est pas l’augmentation des prix. Ce n’est pas la qualité médiocre des productions. Ce n’est rien de ce que vous avez entendu jusqu'à aujourd’hui. Ce problème est beaucoup plus grave mais il est caché intentionnellement par les plateformes. Sauf que les hommes mentent mais les chiffres ne mentent pas. Et ces chiffres, je les ai trouvé et ils sont inquiétants. Entre 1970 et les années 2000, les studios Paramount étaient au sommet de la gloire avec des sorties qui ont marqué l’histoire du cinéma : Le Parrain, Le Parrain 2, Apocalypse Now, Forrest Gump ou encore Titanic. Avance rapide jusqu’en 2021, en plein milieu de la pandémie, le conglomérat médiatique bat des ailes et décide de se lancer dans l’aventure du streaming avec Paramount +. Avec des entrées cinés et les abonnements aux chaines payantes en baisse, Paramount + est la dernière tentative du studio pour se transformer en boite technologique, sauce Netflix et retrouver son heure de gloire. 3 ans plus tard, en 2024, Paramount annonce avoir dépassé la barre des 70 millions d’abonnés à Paramount + mais la situation du groupe est encore plus catastrophique qu’avant. L’entreprise a la pire notation de crédit, au même niveau que les subprime de 2008, son action a perdu 90 % de sa valeur depuis son plus haut historique en 2021. Et au dernier trimestre 2023, Paramount a annoncé une perte de 500 millions de $ sur son activité streaming. Mais comment une marque aussi iconique et mainstream peut-elle perdre autant d’argent en ayant autant d’abonnés qu’il y a d’habitants en France ? La réponse est simple : le modèle économique du streaming est complètement éclaté et fonctionne à l’inverse du reste. Chaque mois, les plateformes de streaming comme Netflix font face à la tâche quasi-impossible d’engager et de réengager des dizaines de millions d’abonnés. Pour éviter des annulations massives, ces plateformes doivent proposer un vaste mélange de contenu adapté à un large éventail de goûts d’utilisateurs. Plus il y en a pour tous les gouts, plus y a d’abonnés qui dépassent l’objectif interne de Netflix de temps de visionnage, par exemple de 20 heures par mois. Quand cet objectif est atteint, le taux de rétention des abonnés augmentent : un utilisateur reste un mois de plus. Bref, Netflix a compris que plus tu regardes Netflix, plus t’as de chances de rester abonner. C’est pour cette raison que la production de contenu est à la fois le principal moteur de croissance de la plateforme et le principal ingrédient pour la fidélisation continue des utilisateurs. Si les plateformes sous-investissent dans la production de contenu et d’achat de license, elles commenceront à perdre des abonnés, à générer moins d’argent pour encore pouvoir moins investir et ainsi de suite dans un cercle vicieux jusqu'à disparition complète. Ce fut le sort de la plateforme française Salto. Netflix, le leader incontesté du marché du streaming, a le plus grand catalogue au monde. Presque 2 400 séries télé soit 3 fois plus que Paramount + et 5 fois plus que Disney +. Et comment Netflix a réussi à atteindre une telle quantité ? Avec de l’argent bien sûr. En 2022, l’entreprise a dépensé plus de 18 milliards de $ dans la création et achat de contenu. Un chiffre en constante augmentation et deux fois plus qu’en 2019. Battant haut la main les plateformes concurrentes. Et bien sûr, comme on l’a vu tout à l’heure, en dépensant une telle somme, Netflix n’achète pas du contenu pour son catalogue, elle achète de la rétention. Netflix est encore une fois en tête du classement du taux de rétention des nouveaux inscrits au cours des six premiers mois. 85 % des nouveaux abonnés le restent au bout de 6 mois. Ce taux est de 45 % pour Paramount +. Netflix est également leader de la rétention mensuel avec 98 %. C’est à dire qu’en moyenne, chaque mois, sur 100 abonnés, 98 le restent et 2 se désabonnent. En d’autres termes, un utilisateur reste abonné à Netflix pendant 50 mois en moyenne. Tandis qu’il le reste 16 mois sur Paramount + et 12 mois sur Apple TV+. A cette vitesse, Apple et Paramount doivent remplacer une grande partie si ce n’est toute leur base client chaque année, ce qui signifie d'énormes dépenses en marketing et en production. Et plus ces services ont de clients, plus ça coute cher à remplacer quand ils se désabonnent et donc plus ils perdent de l’argent. Bon, jusqu'à maintenant, tout semble cohérent et le lien entre la création de contenu et le succès d’une plateforme est clair. Plus y a de contenu, plus les gens regardent, plus ils restent abonnés et plus il y a de nouveaux abonnés. Tout ce qu’une plateforme a à faire est de proposer de nouveaux contenus de bonne qualité tous les mois Mais alors pourquoi toutes les plateformes rencontrent de gros problèmes de croissance malgré le fait qu’elles rajoutent de plus en plus de films et séries à leur catalogue ? On pourrait penser que chaque nouvelle série ajoutée à la plateforme apporte autant de valeur qu'une autre de même qualité. Mais ce n'est pas vrai. Par exemple, quand la première saison de "Stranger Things" est sortie en 2016, il y avait moins de séries sur Netflix. Comme la sérié a été un succès planétaire, elle a grandement contribué à la performance financière de la plateforme. Cette saison 1 était un gros poisson dans un petit étang. Presque 10 ans plus tard, le catalogue de Netflix se compte en milliers de titres. Quand la saison cinq de Stranger Things sortira cette année, même si elle fait autant voir plus de vues que la saison 1, elle n’aura pas autant d’impact sur l’entreprise car c’est désormais un gros poisson dans un océan. Ce phénomène s'appelle la loi des rendements décroissants où dans le cas des plateformes de streaming chaque nouveau contenu ajouté réduit la valeur des contenus suivants et a de moins en moins d’impact. Donc, même si les plateformes dépensent beaucoup d'argent pour créer de nouvelles séries, chaque nouvelle série apporte moins de nouveaux abonnés ou de temps de visionnage supplémentaire. Chaque euro investi devient donc de moins en moins rentable. Cette réalité économique met trois options face aux plateformes de streaming. Premièrement option : imploser comme Salto ou encore Paramount +. Deuxième option : produire moins de contenu. Car en produisant moins de contenu, elles perdront moins d’argent selon la loi des rendements décroissants. Sauf qu’en produisant moins de contenu, une plateforme aura moins d’abonnés et pas de croissance. Résultat : implosion à venir. Et troisième option : produire des contenus moins chers. Car pas tous les contenus se valent. Certains sont plus populaires, certains sont moins chers et certains sont les deux. Un film de science fiction par exemple coute extrêmement cher et a une popularité moyenne, tandis qu’une télé-réalité coute des cacahouètes tout en étant très populaire. D’un point de vue business, comme on a vu que chaque euro investi devient donc de moins en moins rentable, il est évidemment plus logique de faire des télé-réalité que des films Sci-Fi. Si tu as un abonnement Netflix, tu l’as forcément constaté. La plateforme a clairement choisi la troisième option en sa lançant à fond ces dernières années sur la production de documentaires faits réels comme Making a Murdered et de télé-réalité comme Séduction haute tension ou On en mangerait? ou pas. On le voit clairement quand on regarde l'évolution du type de contenu qui est ajouté à la plateforme chaque année. La non-fiction n’existait quasiment pas en 2013 jusqu'à devenir majoritaire 10 ans plus tard. Avec du recul, ce pivot vers des programmes pas cher était inévitable. Les plateformes brûlent énormément de cash lorsqu’elles sont encore au début de leur aventure pour produire des blockbusters comme Masters of the Air pour Apple ou encore Fallout pour Amazon Prime dans le but d’accrocher et fidéliser de nouveaux abonnés. Mais une fois le seuil des rendements décroissants atteint, les plateformes se réorientent vers plus d’efficacité et de rentabilité. Voilà pourquoi les films et séries Netflix sont de plus en plus merdiques et de plus en plus orientés jeux et télé-réalité. Sauf que faire ça ne fait que retarder l’inévitable. La loi des rendements décroissants ralenti mais ne s’arrête pas. Toujours en quête d’efficacité et de rentabilité, les plateformes de streaming finissent par avoir recours à la montée des prix. En 10 ans, le prix de l’abonnement Netflix a doublé. Ca combiné à la férocité de la concurrence et à la baisse de qualité, début 2022, l’entreprise a annoncé pour la toute première fois de son existence une baisse de son nombre d’abonnés. 200 000 désabonnements sur 221 millions d’abonnés soit 0,1 %. Cette baisse ridicule pour Netflix a pourtant suffit pour provoquer un tremblement de terre à Wall Street. L’action a instantanément perdu plus de 70 % de sa valeur. Evaporant 220 milliards de $ en un claquement de doigts. Netflix avait absolument besoin de trouver un moyen de rendre leur business model durable et mettre fin à la loi des rendements décroissants. Un moyen leur permettant de diversifier leurs sources de revenus tout en recrutant des abonnés supplémentaires. Et ce moyen, ca a était l’introduction des publicités sur le plan Standard le moins cher. Mais attends une minute. Des publicités, des prix plus élevés, des contenus peu qualitatif et des offres souvent packagés, ca vous rappelle pas quelque chose ? Comme un arrière gout du passé. Au hasard, ca vous rappelle pas… la télévision ? Le futur de Netflix et de toutes les plateformes de streaming, c’est le passé avec un retour aux ingrédients qui sont les fondamentaux même de la télé. La seule différence sera que les publicités Netflix seront beaucoup plus ciblées car basées sur nos données privés et nos habitudes de visionnage. 10 ans de disruption et de plateformes pas rentables pour revenir au point de départ. Ca me fait penser au principe de la clôture de Chesterton. C’est une théorie inventée par l'écrivain anglais Chesterton dont le principe est simple. Avant de détruire une clôture, même si elle semble inutile, réfléchissez afin de comprendre pourquoi on l’a construite.. Si une barrière est placée à travers une route, c’est sans doute parce que l’on avait une bonne raison de le faire. La clôture de Chesterton nous enseigne qu’avant de modifier un système, il est nécessaire de l’étudier et de le comprendre. Ce principe s’applique parfaitement à la télévision et à la tentative de Netflix et autres plateformes de streaming de la révolutionner. Pourquoi la télé est ce qu’elle est et pourquoi elle a toujours survécu ? Au final, la seule chose qu’aura réussi à faire Hollywood, c’est cannibaliser sa propre industrie du cinéma et des chaines payantes qui rapportaient gros pour réinventer la télé beaucoup moins rentable. Bref, une balle dans le pied. En parlant de balle dans le pied, celle de Netflix n’est rien comparée à celle que la marque de luxe Gucci s’est tirée et qui l’a littéralement obligé à commencer à faire des soldes. Si cette histoire t’intéresse, je t’invite à cliquer sur la miniature qui s’affiche à l'écran. Tu ne vas pas en croire tes yeux. Allez, salut.