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Comprendre l'électricité renouvelable et ses enjeux

Bonjour à tous et bienvenue dans cette vidéo où je vais vous parler des offres d’électricité 100% renouvelables vendues sous le terme d’électricité verte, offres dont vous avez déjà très probablement entendu parler. Et vous allez voir qu’il y a beaucoup de choses importantes à comprendre avant de se faire un avis sur l’intérêt de souscrire à une telle offre. Avant de parler des offres d’électricité vertes, il va falloir que je vulgarise le fonctionnement du marché de l’électricité en partant de ta facture. Tu payes ton électricité à un fournisseur, ou si tu ne le fais pas quelqu’un le fait pour toi sinon tu ne serais pas en train de regarder cette vidéo. Ce fournisseur assure le rôle de commercialisateur: il sert d’intermédiaire financier entre d’un côté, toi, le consommateur et de l’autre côté le producteur d’électricité et le réseau électrique. L’électricité est produite par des centrales qui peuvent être de différentes technologies qu’on va regrouper en trois catégories: les centrales fossiles utilisant du charbon, du pétrole ou du gaz naturel, les centrales nucléaires et les centrales renouvelables. L’électricité, une fois produite est injectée sur un réseau électrique qui permet de l’acheminer jusqu’au consommateur. Ce réseau électrique est un monopole d’état. Il y a donc un seul réseau électrique en France. Et c’est une excellente chose pour maintenir l’efficience du système et une certaine égalité sociale d’accès à l’électricité. Même d’un point de vue environnemental, il serait absurde de multiplier les réseaux électriques. Comme le réseau est un monopole public, aucun producteur ne peut livrer directement un consommateur, il doit passer par un réseau électrique qui ne lui appartient pas. Ce qui est ouvert à la concurrence c’est la production et la commercialisation de l’électricité. Et des fournisseurs d’électricité, vous pouvez voir qu’il y en a aujourd'hui beaucoup ! Okay… Donc quand je paye ma facture d’électricité, je paye les moyens qui ont produit cette électricité et le réseau qui l’a acheminé. Et le fournisseur dans tout ça il sert juste d’intermédiaire qui envoie des factures ? Non. Déjà un fournisseur peut à la fois commercialiser et produire de l’électricité. Par exemple, EDF est un fournisseur d’électricité mais il possède également des moyens de production, notamment les centrales nucléaires. Par contre, un fournisseur n’est jamais responsable de l’acheminement de l’électricité entre un lieu de production et ta prise électrique. Surtout, le fournisseur a un autre rôle très important. Il faut savoir que pour que le réseau électrique reste stable dans le temps et qu’on continue à avoir de l’électricité, il faut qu’il y ait en permanence autant d’électricité injectée, c’est-à-dire produite et mise sur le réseau, que d’électricité soutirée, c’est à dire consommée. Pour ça, un fournisseur doit estimer pour chaque demi-heure la consommation de ses clients en France et trouver un producteur qui puisse injecter cette quantité d’électricité à ce moment précis sur le territoire français. Le périmètre choisi pour l’équilibre du réseau électrique est donc un périmètre national. Ça veut dire qu’un producteur peut injecter de l’électricité dans le Nord Pas de Calais pour couvrir la consommation de clients marseillais d’un fournisseur même si physiquement le réseau ne permet pas un tel transfert. Ce qu’il faut comprendre c’est que la réalité physique est simplifiée pour permettre aux acteurs du marché de jouer leur rôle. Ce rôle très important des fournisseurs est appelé la responsabilité d’équilibre. Ton fournisseur assure la stabilité du réseau électrique en estimant la consommation de ses clients et en trouvant des producteurs qui peuvent y répondre. Si un fournisseur fait bien son travail, il sait que quelque part en France, il y a de l’électricité injectée dans le réseau qui correspond à la quantité que consomment ses clients. Par contre, il ne saura jamais d’où vient précisément cette électricité. Mais si il y a un écart entre la consommation des clients et la production injectée , il se passe quoi ? C’est le gestionnaire de réseau, RTE, qui gère ça. Imaginons qu’il y ait un écart entre la consommation électrique des clients d’un fournisseur et les engagements qui sont censés couvrir cette consommation. Alors, l’acteur qui n’a pas respecté ses engagements, donc le fournisseur ou le producteur, devra payer des pénalités à RTE. Et les différents acteurs dont je parle ici, on les retrouve sur la facture. Si je prends le tarif réglementé de vente proposé par EDF, le tarif de l’électricité est de 15,6 centimes le kWh. Ce prix est constitué à 33% de diverses taxes et contributions que je ne vais pas détailler ici. La rémunération du réseau électrique constitue 32% de ce prix et le reste rémunère la production et la commercialisation de l’électricité. Ces pourcentages vont être les mêmes pour les autres fournisseurs mais le coût de production et de commercialisation peut varier entre les différentes offres puisque la production et la commercialisation sont ouvertes à la concurrence. Et bien merci comme cela je comprends un peu comment fonctionne ce marché de l’électricité. Mais y a un truc que je ne comprends pas: comment on sait d’où vient l’électricité que je consomme ? Et bien… c’est tout le problème, on ne sait pas ! Dès qu’il y a plusieurs producteurs sur le réseau électrique, il est impossible de déterminer physiquement de quel producteur vient l’électricité que tu consommes. D’un côté on sait combien les différents moyens de production ont injecté d’électricité dans le réseau et de l’autre côté on sait combien les utilisateurs ont consommé, notamment grâce aux compteurs électriques. Et on ne peut pas faire de liens physiques entre les deux. Mais, si on veut se faire une idée de l’impact de notre consommation électrique, ce serait important de réussir à faire un lien. On est donc face à un problème d’allocation: Comment on alloue la production électrique et les impacts associés aux consommateurs ? Et bien il y a deux approches pour ça. Avec une approche géographique, on considère un territoire donné, en général un pays. Ensuite, on regarde quels moyens de production ont produit de l'électricité et en quelle quantité. On prend également en compte les échanges d’électricité aux frontières de cette zone. Puis, on se réfère à des études scientifiques qui estiment les émissions de CO2 par kWh d’un moyen de production donné. Je te mets les émissions directes et les résultats issus de l’analyse du cycle de vie pour que tu puisses te faire une idée de la différence. Ces estimations varient entre les pays donc je te donne ici des estimations pour le cas français. L’analyse du cycle de vie prend en compte les émissions directes mais également la construction, le démantèlement et tout ça. Evidemment, les émissions estimées par cette analyse du cycle de vie sont du coup plus élevées que les émissions directes. Tu vois que les moyens renouvelables et le nucléaire n’émettent pas directement de CO2. Tu vois surtout que les moyens de production fossile émettent beaucoup plus de CO2 que les autres moyens de production. Avec ces informations, on peut connaître le total des émissions de CO2 sur un territoire et pour une période donnée. En divisant ça par la quantité totale d’électricité, on peut se faire une idée de ce qu’on appelle l’intensité carbone de l’électricité, c’est-à-dire la quantité moyenne de CO2 émis par kWh d’électricité consommée . Pour aider la compréhension de ce sujet, on va prendre un exemple que je vais utiliser plusieurs fois. Imaginons un village qui a son réseau électrique isolé avec pour seuls moyens de production des éoliennes et une centrale fossile utilisant du gaz naturel. Ces deux centrales utilisant le même réseau électrique, il n’y a aucune façon de n’être raccordé qu’à une des deux. Et pour me simplifier la vie, je n’ai aucune perte dans le réseau, toute l’électricité produite arrive au consommateur. L’année dernière la centrale au gaz a produit 9 MWh d’électricité et les éoliennes 6 MWh. Tout ça a induit des émissions directes et indirectes de CO2. Pour te montrer la différence que ça peut faire, je te mets les quantifications ne prenant en compte que les émissions directes en bleu et les émissions utilisant les estimations d’analyse du cycle de vie en brun. En l’absence de pertes, il suffit de diviser les émissions de CO2 par l’électricité consommée pour obtenir l’intensité carbone en appliquant l’allocation géographique des impacts L’allocation géographique donne la même intensité carbone pour tous les habitants et il suffit ensuite de multiplier cette intensité carbone par la consommation électrique pour obtenir les émissions de CO2 induites par cette consommation. Et pour moi qui n’habite pas dans ton petit village, comment je peux estimer les émissions liées à ma consommation électrique ? Pour calculer les émissions liées à sa propre consommation, le plus simple et juste est probablement d’utiliser une moyenne annuelle calculée pour prendre en compte les échanges avec les voisins et les pertes en ligne sur le réseau. C’est ce que fait l’ADEME pour la France en donnant une intensité carbone de 57 g de CO2 par kWh pour 2018, ce qui est bien plus bas que la moyenne européenne de 420 g de CO2 par kWh; grâce à la part importante de nucléaire dans la production électrique française. Si vous êtes en France et que vous multipliez le nombre de kWh que vous utilisez à l’année par cette valeur, vous aurez une approximation des émissions de CO2 dues à votre consommation électrique. Cette approche géographique est une approche moyenne. Si on faisait le même calcul à l’échelle régionale, on verrait des différences apparaître, notamment entre les régions qui ont encore un peu de production à partir de gaz ou de charbon et les autres. Si on calculait au mois, on verrait également une différence entre un mois de janvier et un mois de juillet parce qu’on fait tourner plus de moyens fossiles en hiver quand la consommation est plus importante. D’ailleurs, à des fins pédagogiques, je vous recommande de regarder les estimations en temps réel que fait l’outil ECO2MIX de RTE en ne considérant que les émissions directes pour l'électricité française. Vous pouvez aussi regarder les estimations que fait Electricity Map pour l’Europe entière en considérant les quantifications issues de l’analyse du cycle de vie. Suivant la façon dont une consommation électrique est répartie sur le territoire et dans le temps l’impact peut donc être différent de la moyenne. L’allocation des impacts avec une logique géographique comporte donc des choix arbitraires comme le périmètre sur lequel on fait le calcul mais la comptabilité qui en découle ne contredit pas les observations physiques que l’on peut faire sur le réseau électrique. Et si je veux une électricité qui émette encore moins de CO2 par kWh, comment est-ce que je peux faire ? Avec l’approche géographique, la maîtrise que tu as sur l’électricité qu’on t’alloue est très limitée. Tu pourrais soutenir économiquement des moyens de production ou essayer d’influencer la politique énergétique nationale via tes votes, mais le changement ne peut se faire que sur un temps long au fur et à mesure qu’on change les moyens de production. Je vois… donc je me retrouve avec ce qui a été construit dans mon pays et les choix de mes concitoyens. Et bien je suis content de ne pas être dans un pays qui repose massivement du charbon… Mais, en même temps, j’ai pas l’impression d’y être pour grand chose... Et bien justement ! Pour offrir la possibilité de choisir l’électricité qu’on t’alloue, une seconde méthode d’allocation a été mise en place par le législateur, une approche contractuelle qui s’appuie sur le mécanisme des garanties d’origine. Et pour comprendre tout ça, il faut que je t’explique ce qu’est une garantie d’origine. Une garantie d’origine est un document électronique qui certifie qu’un MWh a été injecté au réseau électrique et spécifie le moment de cette injection, le moyen de production et l’adresse de la centrale. Par exemple une garantie d’origine peut certifier qu’un parc éolien en Alsace a produit un MWh en juillet. C’est en quelque sorte la carte d’identité de l’électricité produite. Par contre tous les moyens de production n’émettent pas de garantie d’origine. Les conditions d’émission de ces garanties d’origine dépendent de chaque pays de l’union européenne ou pour être plus précis de chaque pays de l’espace économique européen puisque la Norvège et l’Islande font parties du marché des garanties d’origine. Parce qu’il y a un marché des garanties d’origine ? Genre on s’échange et on paye pour des documents électroniques ? Oui. la garantie d’origine appartient au producteur qui a injecté le MWh d’électricité sur le réseau, et il peut ensuite la céder ou la vendre à qui il veut au sein de son pays mais également au sein d’autres pays européens. C’est très important de comprendre que la garantie d’origine est vendue indépendamment de l’électricité qui passe par le mécanisme de la responsabilité d’équilibre. Un producteur peut vendre son électricité à un fournisseur et sa garantie d’origine à un autre. Une garantie d’origine a, aujourd’hui, une validité d’un an. Passé ce délai, elle est détruite. Un acteur disposant d’une garantie d’origine peut l’utiliser et la production électrique correspondante lui est alors allouée. Les garanties d’origine sont évidemment détruites à l’utilisation pour ne pas être utilisées par d’autres. C’est la force de ce mécanisme. Il évite le double comptage c’est-à-dire la possibilité pour deux consommateurs différents de revendiquer l’utilisation de la même électricité produite. C’est le seul mécanisme qui permet de revendiquer légalement que ton électricité est d’origine renouvelable. Cette logique pourrait être utilisée pour n’importe quel moyen de production mais elle est aujourd’hui essentiellement utilisée pour les moyens renouvelables. Et... je pense que tu as compris où je veux en venir. Et bien je suppose que tu vas enfin nous parler d’électricité verte ! Et ça tombe bien parce que je ne comprends vraiment pas ce qu’il y a derrière. Le terme “d’électricité verte” est utilisé pour désigner une offre 100% renouvelable. Dans la suite, on va donc plutôt parler d’offre renouvelable parce que c’est plus court que 100% renouvelable et c’est mieux qu’infantiliser les consommateurs avec des couleurs connotées, pas merci le marketing. L’électricité renouvelable peut provenir de l’hydroélectricité, de l’éolien, du photovoltaïque et dans une plus faible mesure de la biomasse, du biogaz, du solaire à concentration ou, encore, de la géothermie. Ces productions ont évidemment des impacts environnementaux comme la majorité des activités humaines. Mais, elles en ont en général beaucoup beaucoup moins que l’usage des ressources fossiles: charbon, pétrole et gaz naturel. En particulier, elles émettent beaucoup moins de CO2 que ces ressources fossiles comme on l’a vu précédemment. Bref, les énergies renouvelables sont en général largement préférables à l’utilisation de ressources fossiles d’un point de vue environnemental. Et je sais... qu’il y en a déjà qui sont en train de taper un commentaire énervé à propos du nucléaire. Evidemment on n’échappera pas à la sous question du nucléaire avec ce sujet mais on va le faire en un bloc dans un passage précis pour que le reste de la vidéo soit audible peu importe la sensibilité des uns et des autres sur le sujet. Et bien du coup je vais faire comme tout le monde je vais garder mes remarques sur le nucléaire ou son absence pour le moment où tu en parles.... Donc si j’ai bien suivi jusque là les offres renouvelables s’appuient sur ce mécanisme des garanties d’origine. Oui. Si tu as souscrit à une offre d’électricité renouvelable, ton fournisseur d’électricité doit acheter et utiliser des garanties d’origine provenant de moyens renouvelables pour une quantité d’électricité correspondant à ta consommation. Ainsi, il s’assure qu’il y ait eu autant d’énergie renouvelable injectée sur le réseau électrique que tu en as consommée. Mais on est d’accord que changer de fournisseur ne change rien à mon électricité ? Oui, on est d’accord. Quelque soit ton fournisseur, tu auras la même électricité que ton voisin et tu vivras les mêmes coupures de courant car tu utilises le même réseau. Par contre, si tu as une offre d’électricité renouvelable, ton fournisseur doit utiliser des garanties d’origine pour que ton électricité soit considérée comme renouvelable, ça permet de t’allouer la production électrique associée à la garantie d’origine et donc de t’allouer les impacts de cette production. Vu que cette production renouvelable t’a été allouée, tu peux légalement revendiquer que tu consommes de l’électricité renouvelable qui n’a pas émis directement de CO2. Et c’est exactement la même chose si une entreprise souscrit à une offre d’électricité renouvelable. J’appelle ça une allocation contractuelle de l’électricité et de ses impacts parce que c’est une allocation qui est basée sur des contrats. L’immense avantage de cette approche c’est que tu peux choisir l’électricité qu’on considère que tu consommes. Pour répartir toute les émissions avec une allocation contractuelle, on alloue d’abord les impacts aux individus et entreprises qui ont utilisé des garanties d’origine. Mais c’est un jeu à somme nulle. On l’a dit, ce mécanisme porte sur de l’électricité déjà produite. Donc si certains obtiennent plus d’énergie renouvelable, forcément d’autres obtiennent plus d’énergie fossile et nucléaire par rapport à l’allocation géographique. Reprenons l’exemple de mon petit village et imaginons que les trois foyers consomment exactement 5 MWh. Les habitants d’un de ces foyers viennent de souscrire à la toute nouvelle offre d’électricité renouvelable. On leur alloue donc 5 MWh d’éolien sur les 6 MWh produits. Les deux autres foyers se retrouvent donc avec tout le gaz naturel et un petit MWh d’éolien. Si on regarde l’intensité carbone de l’électricité obtenue en appliquant l’allocation contractuelle, on voit que les clients de l’offre renouvelable s’en sortent beaucoup mieux que les autres. Mais, ça n’a rien changé aux émissions totales de CO2 dues à la production électrique. L’existence de l’allocation contractuelle a juste permis aux clients de l’offre renouvelable de rejeter sur les autres les émissions dues au gaz naturel qui leur auraient été allouées avec une allocation géographique. On peut faire le même type de calcul au niveau européen mais c’est évidemment bien plus compliqué parce qu’il faut prendre en compte les échanges de garantie d’origine entre les pays. Comme c’est un jeu à somme nulle, si un pays importe plus de garanties d’origine qu’il en exporte, il va rejeter une partie de l’impact de l’électricité qui n’est pas tracée par des garanties d’origine sur les pays européens qui importent moins de garanties d’origine qu’ils n’en exportent. Je ne vais pas rentrer en détail dans la méthodologie mais vous la trouverez sur la page où je référence mes sources dont le lien se trouve en description. Ce qu’on obtient à la fin c’est un mix dit “résiduel” pour chaque pays. Ce mix sera attribué par défaut à tout consommateur de ce pays n’ayant pas utilisé de garanties d’origine. C’est cette allocation qui est présentée sur ta facture si tu n’as pas d’offre renouvelable. Si tu es client d’une offre renouvelable, le mix obtenu par l’allocation contractuelle est 100% renouvelable. Après tout, c’est le principe. Sur une offre renouvelable ce mix peut être davantage précisé puisque les garanties d’origine utilisées sont connues. C’est majoritairement de l’hydroélectricité dans la plupart des cas. Avec ces mix et les quantités d’électricité consommées, on peut également calculer ce qu’on appelle le mix fournisseur. C’est le mix de l’électricité totale consommé sur le territoire si on suit l’allocation contractuelle. Si on prend le cas de la France la différence entre le mix obtenu par une allocation géographique et le mix obtenu après allocation contractuelle est très faible. Attention, les estimations données pour les émissions de CO2 par kWh ne prennent compte que les émissions directes. Vu qu’on a une grosse part de production nucléaire et que celle-ci n’émet pas de garanties d’origine, on ne peut pas se faire piquer ce moyen de production bas carbone par l’allocation contractuelle. Tu vois quand même qu’on exporte plus de garantie d’origine qu’on en importe puisque la part de renouvelable décroît quand on passe de l’allocation géographique à l’allocation contractuelle. Mais, l’effet de l’allocation contractuelle sur le mix électrique est vraiment visible pour d’autres pays comme les Pays Bas ou la Norvège. A gauche, tu vois la production et l’intensité carbone calculées avec une allocation géographique. Et à droite, tu as le mix obtenu après allocation contractuelle. Tu vois donc que dans ces cas la prise en compte de l’allocation par les garanties d’origine change considérablement l’intensité carbone de l’électricité. Les Pays-Bas en achetant des garanties d’origine à d’autres pays européens se retrouvent, sur le papier, avec une électricité bien plus propre que celle qu’ils produisent. A l’inverse, la Norvège en exportant massivement des garanties d’origine se retrouve avec une électricité bien plus sale que celle qu’elle produit. Et je rappelle que tout ça est un jeu à somme nulle. Les émissions totales de CO2 sur l’Europe restent exactement les mêmes,l’allocation contractuelle n’est qu’un changement de l’allocation des émissions de CO2. Au moins avec cet exemple on peut voir que ça peut avoir un effet énorme ! Mais,c’est ça la seule utilité des offres d’électricité renouvelable ? C’est de pouvoir rejeter la production qu’on ne veut pas sur les autres ? Evidemment que non… sinon ce serait tout de même un peu triste en plus d’être moralement discutable. Si c’était juste une question de payer pour rejeter les émissions sur les autres ce serait pas top. Dans une offre commerciale, en échange de cette allocation contractuelle, tu payes un supplément qui couvre le prix des garanties d’origine. Souscrire à une offre d’électricité renouvelable permet donc d’amener un complément de rémunération aux moyens de production renouvelables qui ont émis les garanties d’origine qui ont été utilisées pour toi. Ces moyens de production renouvelables sont déjà payés pour l’électricité qu’ils injectent. En plus de ça, ils sont également payés par ce mécanisme complémentaire des garanties d’origine qui valorisent, ici, le caractère renouvelable de l’énergie exploitée. Ce mécanisme permet donc d’apporter une rémunération supplémentaire, un soutien volontaire, aux moyens de production dont les garanties d’origine intéressent les particuliers et les entreprises. Et, c’est plutôt une bonne idée de permettre aux consommateurs d’avoir une influence sur les modes de production électrique. Après tout, on choisit bien la nourriture ou les vêtements que l’on achète, pourquoi ne pas également pouvoir choisir l’électricité qu’on voudrait avoir ? Donc, si je suis client d’une de ces offres, une partie de ma facture sert à construire des nouveaux panneaux solaires et des nouvelles éoliennes? Pas directement. Vu que la garantie d’origine est émise à l’injection d’un MWh sur le réseau électrique, les garanties d’origine que tu payes ne peuvent rémunérer que des moyens renouvelables qui existent déjà. Aujourd’hui, beaucoup de garanties d’origine européennes proviennent de barrages hydroélectriques qui sont construits depuis plusieurs décennies. C’est bien de les soutenir, ce sont des moyens de production très utiles, mais il ne faut pas croire qu’il y a une éolienne récemment construite derrière chaque garantie d’origine… ce serait une vision très éloignée de la réalité. L’idée des garanties d’origine est donc de réduire à terme les émissions de CO2 grâce à l’investissement dans les énergies renouvelables. Mais l’impact n’est pas immédiat car les garanties d’origine portent sur de l’électricité déjà produite. Mais alors comment l’achat de garantie d’origine peut aider à déployer des nouveaux moyens de production renouvelables ? Le constructeur d’un nouveau moyen de production examine la rentabilité en prenant en compte toutes les rémunérations possibles: le prix de vente de l’électricité, le prix de vente de la garantie d’origine et les éventuelles subventions publiques. Donc, en théorie, des garanties d’origine avec des prix suffisamment élevés et stables dans le temps pourraient rendre les moyens renouvelables plus attrayants et inciter leur développement et/ou réduire l’importance des subventions publiques pour le déploiement de ces moyens renouvelables. Un autre avantage de ce mécanisme c’est l’optimisation du potentiel renouvelable au niveau européen. Si on imagine une garantie d’origine avec un prix stable et élevé au niveau européen, ça aurait un énorme avantage par rapport aux investissements publics nationaux parce que ceux-ci ne sont pas nécessairement pertinents au vu des ressources renouvelables disponibles sur chaque territoire. Que l’Allemagne déploie des panneaux solaires, c’est bien. Mais, si les mêmes panneaux solaires avaient été déployés dans des pays plus ensoleillés de l’union européenne, ça aurait été mieux. C’est un point important puisque ça ferait des garanties d’origine, un moyen pour des citoyens français d’induire des baisses d’émissions de CO2 dans des pays avec une électricité bien plus carbonée que la France. Mais, ce n’est vrai que si le prix des garanties d’origine augmente au niveau européen. En résumé si suffisamment de gens souscrivent à des offres d’électricité renouvelable, le prix des garanties d’origine augmentent et déployer du renouvelable devient plus rentable. Et aujourd’hui, souscrire à une offre d’électricité renouvelable n’a pas déjà cet effet ? Aujourd’hui, l’effet des garanties d’origine est très faible parce que les prix sont très bas. Les garanties d’origine se vendent, en 2020, autour 25 centimes le MWh. Si on ramène ce prix à ta facture, l’achat de garantie d’origine représente moins de 0,2% du prix que tu payes si tu as une offre renouvelable. Evidemment, ton fournisseur peut se faire une marge sur l’offre renouvelable. Tu ne sais pas combien il paye sa garantie d’origine. Ce prix très faible est une bonne nouvelle pour ta facture mais c’est une mauvaise nouvelle pour le soutien que ça apporte au déploiement du renouvelable. Un prix aussi faible des garanties d’origine ne peut aider les moyens renouvelables que très marginalement. Regardons le cas français d’un peu plus près. En 2019, le soutien aux renouvelables électriques a représenté une dépense de plus de 5 milliards d’euros pour l’état. En 2019, les garanties d’origine ont rapporté à l’état pour ces moyens renouvelables 32 millions d’euros donc moins de 1% du coût de leur soutien. Le coût du déploiement du renouvelable en France est donc porté pour une toute petite part par la fraction des consommateurs qui soutiennent volontairement ce déploiement via le mécanisme des garanties d’origine. Mais, l’immense majorité de ce coût est porté par la collectivité via les différentes taxes notamment sur les produits pétroliers. Et oui… Une partie des taxes payées sur l’essence et le diesel finance le déploiement des panneaux solaires et éoliennes. Quand vous achetez de l’essence, vous financez la transition énergétique. D’ailleurs on voit ici que le mécanisme des garanties d’origine et les subventions peuvent être des mécanismes complémentaires, ils ne s’excluent pas. Donc pour que ce système ait une plus grande portée, il faudrait que les garanties d’origine soient plus chères. Et comment on peut faire ça ? Et bien en augmentant la demande ou en réduisant l’offre. Le premier aspect se comprend bien. Si beaucoup plus de consommateurs se mettent à acheter des offres d’électricité renouvelable, l’augmentation de demande pourrait faire grimper les prix des garanties d’origine. Pour réduire l’offre,il y a plusieurs pistes possibles,par exemple vous pourriez imaginer qu’une partie des producteurs ne vendent pas leur garantie d’origine. En France, beaucoup de garanties d’origine sont la propriété de l’Etat. Mais, les français achètent moins de garantie d’origine que la France en émet. Donc les français ont plutôt tendance à faire baisser les prix de la garantie d’origine au niveau européen. Si l’état français choisissait d’attribuer les garanties d’origine gratuitement à la population, ça en retirerait du marché européen. Ce serait aussi possible de réduire l’offre en mettant des conditions plus contraignantes sur les échanges entre les pays, par exemple en les plafonnant à la capacité des lignes électriques transfrontalières ou en ne les autorisant qu’entre pays voisins. Je reviendrai sur cet aspect un peu plus loin. Pour réduire le volume disponible à tout moment, on pourrait aussi réduire la durée de validité d’une garantie d’origine en la passant, par exemple, à un mois. Ce qui va être le cas en France. Dès janvier 2021, les offres d’électricité renouvelable devront utiliser des garanties d’origine émises dans le mois suivant la consommation d’électricité qu’elles couvrent. Mais, ça ne devrait pas beaucoup changer le marché français vu qu’il y a beaucoup plus de garanties d’origine émises en France que consommées. Vu qu’une garantie d’origine spécifie le lieu et le moyen de production, des offres d’électricité renouvelable peuvent cibler un territoire ou un moyen de production donné. On a observé par exemple des prix assez élevés des garanties d’origine éoliennes néerlandaises, entre 4 et 8€/MWh pendant 4 ans alors que le prix de la garantie d’origine moyenne restait beaucoup plus bas au niveau européen. Ce prix des garanties d’origine a aidé à construire de grands parcs éoliens offshore au Pays-Bas. En France, privilégier des offres françaises permet au complément de rémunération de rester sur le territoire mais aura peu d’effet à court terme parce que la France émet beaucoup plus de garanties d’origine que les consommateurs français en utilisent. A noter que raisonner avec une préférence nationale pour faire monter le prix des garanties d’origine fait perdre les avantages qu’aurait un prix élevé des garanties d’origine au niveau européen dont on a parlé un peu plus tôt. Si des offres renouvelables laissent cette possibilité, on peut aussi choisir d’acheter des garanties d’origine qu’à des moyens renouvelables qui ont, par exemple, moins de 10 ans. Si beaucoup de consommateurs font ce choix là, ça ajouterait une prime aux moyens de production récents et ça pourrait pousser à en construire de nouveaux parce qu’aujourd’hui la majorité des garanties d’origine proviennent de barrages hydroélectriques qui ont été construits il y a plusieurs décennies. Tu peux voir que dans les quelques solutions que j’ai évoquées, certaines dépendent du législateur mais d’autres dépendent des choix des fournisseurs et des consommateurs. Comme les garanties d’origine donnent plein d’informations un fournisseur pourrait très bien proposer une offre avec que du photovoltaïque français si il en a envie. Donc on devient tous clients d’offres renouvelables ça fait monter le prix des garanties d’origine et ça permet de stimuler le déploiement du renouvelable. C’est ça le plan ? C’est l’idée. Mais une augmentation du prix des garanties d’origine veut aussi dire une augmentation des prix des offres d’électricité renouvelable. La question est de savoir jusqu’où ce prix monterait. Combien d’argent un consommateur est prêt à mettre sur la table pour soutenir volontairement le déploiement de moyens renouvelables ? Bon, pour les particuliers ça ne change pas grand-chose. Si on imagine des garanties d’origine autour de 5€ le MWh, soit 20 fois plus qu’aujourd’hui, ça coûterait environ 20 € à l’année au lieu d’un aujourd’hui. Mais pour les entreprises c’est une autre histoire ! On peut observer par le passé que le prix des garanties d’origine a un peu augmenté. Les grandes entreprises et les fournisseurs ont dû en payer le prix pour tenir leurs engagements. Parce que le prix des garanties d’origine a déjà été plus élevé qu’aujourd’hui ? Oui. Tu peux voir que pendant le second semestre de 2018, on était autour de 2€ pour le prix des garanties d’origine. Selon certains acteurs du marché, les prix auraient augmenté durant l’été 2018 suite à la forte sécheresse dans les pays scandinaves dont on a redouté l’effet sur la production hydroélectrique de ces pays qui inonde le marché européen de garanties d’origine. Que le prix soit monté à 2€ veut dire que les acteurs du marché sont prêts à payer ce prix. Mais, cette sécheresse a eu des effets plus faibles que prévus. Dans la foulée, l’état français a ensuite annoncé qu’il allait émettre des garanties d’origine qu’il n’émettait pas auparavant. Cette augmentation soudaine de l’offre a fait chuter les prix à un niveau qui est encore très bas aujourd’hui. Cette volatilité du prix des garanties d’origine n’est pas une bonne chose. Pour que la garantie d’origine soit un signal-prix permettant le développement de nouveaux moyens renouvelables, il vaudrait mieux un prix stable et prévisible dans le temps. Mais est-ce qu’il y aura suffisamment de personnes et d’entreprises intéressées par ces offres pour que le prix monte? Aujourd’hui, un peu plus d’un tiers de l’électricité européenne est d’origine renouvelable. Si les particuliers et entreprises intéressés par ces offres consomment moins d’un tiers de la production électrique européenne, les garanties d’origine provenant de moyens renouvelables resteront trop abondantes pour que les prix augmentent. Mais, la demande n’a fait qu’augmenter ces dernières années. Si cette tendance se prolonge, on peut espérer que la demande pour des garanties d’origine se hisse au niveau de l’offre dans les années à venir. Un rapport de Grexel estime que cette situation de tension au niveau européen pourrait survenir d’ici 2025. Souscrire à une offre d’électricité renouvelable est un pari que l’on fait sur la capacité de ce mécanisme de marché à venir compléter, voire à se substituer à des investissements nationaux, et à réussir à stimuler le déploiement de moyens renouvelables. Et il y a là-dedans un aspect que je n’arrive pas du tout à juger. Je ne saurais pas quantifier l’impact d’une garantie d’origine à quelques euros sur le déploiement du renouvelable. Okay, c’est un pari mais, au pire, ça sert à rien…et on a dépensé un tout petit peu d’argent pour rien mais c’est pas très grave, est-ce que cela peut faire du mal ces offres ? Et bien c’est une excellente question et je vais maintenant essayer de vous présenter quelques désavantages ou imperfections que je trouve à ce système. On va se pencher sur les limites des garanties d’origine et de l’allocation contractuelle. Commençons par le nucléaire, Sur le nucléaire on va se limiter à ce passage et vous pouvez le sauter en utilisant la barre de lecture si la question du nucléaire vous agace. Comme on l’a vu le nucléaire émet peu de CO2 même en considérant l’ensemble de son cycle de vie. Le nucléaire a malgré tout des défauts et on en a longuement parlé sur la chaîne. C’est un moyen de production qui demande de lourds investissements, qui engage sur des temps longs, qui présente des dangers et qui consomme une ressource non renouvelable: l’uranium. Mais, il est indéniable que c’est un moyen de production bas carbone. Les émissions directes de CO2 du nucléaire sont de 0 comme pour les moyens renouvelables, d’où son intégration dans beaucoup de scénarios de lutte contre le changement climatique. J’ai passé beaucoup de temps à parler de climat sur cette chaîne. Pour moi, la transition énergétique a pour priorité la réduction des émissions de CO2. A partir de là, on peut s’étonner que le mécanisme des garanties d’origine ne soit pas utilisé pour mettre en avant le caractère bas carbone de l’énergie nucléaire comme il le fait pour le renouvelable. En regardant la directive européenne qui concerne le marché de l’électricité, j’ai eu la surprise de constater que l’autre indicateur utilisé pour qualifier l’impact environnemental de la production électrique est la quantité produite de déchets radioactifs de haute activité. Okay, reste calme… Je comprends pourquoi ça t’énerve mais prends le temps de respirer un grand coup. Je ne suis pas tellement énervé, je suis plutôt incroyablement déçu. Si l’enjeu de ce second indicateur était d’apporter d’autres informations sur les problèmes environnementaux induits par la production électrique, il y aurait plein d’indicateurs beaucoup plus pertinents concernant la perte de biodiversité, des impacts sanitaires ou encore l’utilisation de ressources métalliques. De tous les choix possibles, c’est un critère très peu pertinent du point de vue environnemental qui a été sélectionné et c’est pour ça que je n’en ai pas parlé avant. On ne va pas s’étendre sur cette question parce qu’on a déjà beaucoup parlé du nucléaire sur cette chaîne mais la production de déchets radioactifs est très très très loin d’être le deuxième problème environnemental le plus grave après le changement climatique. Maintenant que j’ai râlé un petit coup, il est important de noter que l’absence du nucléaire dans ce mécanisme n’est pas une fatalité, il serait possible de l’inclure. Le nucléaire ne serait évidemment pas une électricité renouvelable puisqu’il consomme de l’uranium. Mais le nucléaire pourrait émettre des garanties d’origine comme les moyens renouvelables. Ces garanties d’origine nucléaire pourraient être intégrées, par exemple, à des offres d’électricité bas carbone qui s’adresseraient aux personnes voulant lutter contre le changement climatique et l’utilisation de ressources fossiles avec tous les moyens disponibles. Il serait grand temps de sortir de l’affrontement stérile entre renouvelables et nucléaire en mettant ce type d’offre en place. La transition énergétique du réseau électrique à l’échelle de l’Europe a besoin des deux pour se débarrasser au plus vite des énergies fossiles et en particulier des centrales au charbon. Certes des offres d’électricité bas carbone augmenteraient les garanties d’origine disponibles pour y répondre en intégrant la production nucléaire mais elles permettraient d’orienter la transition énergétique vers la réduction des émissions de CO2. Pour lutter contre le changement climatique, c’est les centrales fossiles qu’il faut remplacer et non les centrales nucléaires. Ce serait un changement facile à mettre en place qui permettrait un soutien du consommateur au nucléaire comme le système actuel permet un soutien du consommateur au renouvelable.Et c’est quelque chose de possible. En Suède, il existe une offre 100% nucléaire par exemple et elle existe en mettant en avant une démarche environnementale qui se défend. La gestion des garanties d’origine dépend des pays donc je suppose qu’en Suède une production nucléaire peut émettre des garanties d’origine nucléaire. La France pourrait très bien décider elle aussi que la production nucléaire émette des garanties d’origine nucléaire. Evidemment, les offres d’électricité renouvelable continueraient d’exister, en parallèle d’offres bas carbone, pour ceux qui mettent dans le même sac nucléaire et fossile. D’ailleurs, on pourrait appliquer la même logique pour produire des offres 100% charbon mais j’espère que ce coup ci le marché est trop petit pour être intéressant. C’est ce qu’on appelle le “full disclosure”, toute la production serait étiquetée et différentes offres existeraient sur le marché en fonction de l’électricité que tu veux qu’on t’alloue ou de celle au contraire que tu veux vraiment éviter de soutenir. D’accord… Mais pratiquement personne ne paierait pour avoir du charbon ! Mais ce serait toujours la logique des garanties d’origine qui s’applique. Une partie des consommateurs paierait un supplément pour se voir attribuer un moyen de production particulier ,et la consommation restante serait répartie entre ceux qui ne paient pas. Donc oui probablement ceux qui ne paient pas recevront plus de charbon. Et maintenant, je vais essayer de vous présenter ce que je pense être des défauts de la logique de l’allocation contractuelle en commençant par quelques points où l’allocation contractuelle est physiquement moins cohérente que l’allocation géographique. Je dois mentionner ce point parce qu’il reviendra sinon en commentaire. L’Islande n’est pas reliée électriquement aux autres pays européens mais peut acheter et vendre des garanties d’origine à l’Europe pour des raisons liées à la construction juridique de ces marchés économiques. La présence de l’Islande dans le mécanisme est physiquement absurde mais a peu d’implications. Il n’y a que 350 000 habitants en Islande et la production électrique y est de 20 TWh, même pas 1% de la production électrique européenne. On notera quand même parce que c’est amusant la difficulté logique à expliquer aux islandais qu’ils consomment des ressources fossiles et produisent des déchets nucléaires alors qu’ils n’ont pas de centrale nucléaire ni de centrale fossile sur leur territoire et que leur réseau électrique est isolé…. . Un aspect qui a bien plus d’implications est celui des échanges de garantie d’origine par rapport aux échanges physiques réellement observés. Prenons le cas de la Norvège qui est très représentatif du problème que je veux vous montrer. En 2018, la Norvège a exporté 138 TWh de garantie d’origine provenant de ses moyens de production hydroélectrique. Mais, les exportations physiques d’électricité, qu’on peut mesurer, étaient seulement de 18 TWh. Il y a donc une incohérence entre l’allocation contractuelle et la physique du réseau électrique. Ce qui n’est pas forcément un problème. Après tout, une allocation est un choix et ce choix peut être le bon même si il ne représente pas fidèlement la physique. Mon problème c’est que cette inadéquation a des conséquences. Reprenons un élément que je t’ai montré plus tôt: la différence que l’allocation contractuelle fait sur l’intensité carbone de l’électricité norvégienne et néerlandaise. La production en Norvège est dominée par l’hydroélectricité. Mais les particuliers et les entreprises norvégiennes n’utilisent que peu de garantie d’origine. Cette production est donc en grande partie allouée à d’autres. La Norvège se retrouve, après allocation contractuelle, avec de grandes quantités de ressources fossiles. Il y a donc des particuliers ou des entreprises, notamment dans des pays reposant encore largement sur les ressources fossiles comme les Pays-Bas, le Luxembourg ou l’Allemagne qui achètent des garanties d’origine norvégienne et s’attribuent les qualités environnementales de cette électricité. Et ils ont le droit de le faire vu que les garanties d’origine sont un moyen légal d’allocation. Ils peuvent revendiquer le caractère écologique de leur consommation. Mais, imaginons que tu es norvégien. Tu sais que l’électricité de ton pays est produite en majeure partie par des barrages hydroélectriques détenus par l’état et payé par la collectivité et tu sais qu’il est impossible d’en exporter une grande partie. Donc tu considères que ton électricité est propre et que tu n’as pas besoin d’acheter de garantie d’origine pour qu’on t’attribue l’électricité que tu consommes physiquement. Tu raisonnes donc avec une allocation géographique qui saisit mieux la physique du réseau électrique. On a alors deux consommateurs qui revendiquent la même production avec des logiques différentes, une logique légale pour l’allocation contractuelle et une logique physique pour l’allocation géographique. Le problème c’est que du coup aucun des deux consommateurs n’a de raisons de faire quoi que ce soit pour réduire ses émissions ou développer le renouvelable puisque les deux consommateurs considèrent qu’ils ont de l’électricité renouvelable. Cette situation peut donc perdurer indéfiniment. Autrement dit, l’existence de deux logiques pour comprendre l’impact de son électricité a un effet bloquant qui à mon avis limite ce mécanisme. Mais,du coup, il suffirait juste d’imposer la même logique pour tout le monde ? Le problème, c’est qu’il peut être difficile de faire comprendre et accepter une logique quand elle va à l’encontre de la physique comme dans le cas norvégien que je développe ici.Et ce serait la même chose dans le cas islandais. Une solution serait d’ajouter à l’allocation contractuelle des contraintes physiques. Par exemple, le législateur pourrait décider que l’export de garantie d’origine est limité par l’export de l’électricité physiquement constaté. Ce qui pourrait réduire l’écart entre ces deux logiques et aurait, en plus, l’avantage de réduire le volume de garanties d’origine renouvelable disponible au niveau européen et donc de faire monter les prix de ces garanties d’origine. Aspect dont on a discuté plus tôt. Le second problème, c’est que ces deux logiques renseignent sur des choses différentes et continueront probablement d’avoir toutes les deux une légitimité suivant la question à laquelle on veut répondre. Si tu veux soutenir les moyens renouvelables tu peux accepter la logique de l’allocation contractuelle ou considérer que c’est un mal nécessaire pour motiver les entreprises à souscrire aux offres renouvelables. C’est une façon pour toi de marquer tes préférences et de revendiquer une production électrique particulière. C’est donc une démarche qui peut être politique: montrer que tu es prêt à mettre de l’argent sur la table pour soutenir le déploiement des moyens renouvelables et lutter contre le changement climatique. Mais cette approche n’aura d’effets concrets que si le prix de la garantie d’origine est assez élevé pour générer des signaux d’investissements. Mais, je te conseillerai de continuer à réfléchir avec une approche géographique, même si tu as une offre d’électricité renouvelable. Donc tu es en train de me dire que même si je suis 100% renouvelable sur le papier, il faut que je réfléchisse comme si je ne l’étais pas ! Prenons un exemple pour illustrer ça. En France, il peut y avoir des périodes où on est obligé de faire davantage appel aux énergies fossiles pour combler l’écart entre ce que produisent le nucléaire et les renouvelables et ce que consomment les français. Essayer de réduire ta consommation pendant ces périodes de tension a plus d’impact sur les réductions de CO2 que de réduire ta consommation à d’autres moments. Tu peux par exemple consulter le site écoWatt pour voir quand la situation est tendue et donc quand il vaut mieux faire attention. Bref, si on veut raisonner au mieux pour limiter les impacts de sa consommation électrique, il faut raisonner avec une allocation géographique. Mais ça c’est parce que dans l’allocation contractuelle, on ne prend pas cet aspect temporel en compte ? L’aspect temporel des injections et des soutirages sur le réseau électrique est absolument primordial pour sa stabilité. C’est déjà pris en compte dans le prix que tu payes pour ton électricité. Mais, ça n’est pas du tout reflété dans l’allocation contractuelle et je pense que c’est un défaut important de cette allocation et donc des garanties d’origine et des offres d’électricité renouvelable. Ta consommation annuelle d’électricité renouvelable peut aujourd’hui être couverte par des garanties d’origine qui ont été achetés sur une seule semaine de l’année. L’électricité qui t’es attribuée n’a pas été produite au moment où tu as consommé de l’électricité. On peut bien le montrer avec mon petit exemple, les clients de l’offre renouvelable continuent d’avoir de l’électricité même quand les éoliennes ne fonctionnent pas et ils payent pour ça comme tous les autres consommateurs mais ils ne se voient pas du tout allouer l’impact de la production qui leur permet de pouvoir consommer de l’électricité à tout instant. Je pense que chacun devrait porter une partie des impacts des moyens de production nécessaire pour la stabilité du réseau électrique. Malheureusement, je ne crois pas qu’il y ait de solution élégante pour intégrer ça dans l’allocation contractuelle. Pour finir, il y a aussi des aspects qui me dérangent dans la façon dont les entreprises utilisent ces offres d’énergie renouvelable. Pour une entreprise, l’allocation contractuelle peut-être considérée comme une contrepartie. Une entreprise paye un tout petit peu plus chère son électricité en passant par des offres d’électricité renouvelable. Et, en échange elle peut afficher qu’elle ne consomme que de l’électricité renouvelable et que les émissions directes de cette consommation sont de 0. Je pense que le gain d’image est complètement démesuré par rapport à l’effort consenti et aux effets sur le monde réel. Pour l’instant, souscrire à des offres d’électricité renouvelable modifie l’allocation de la production électrique mais a des effets concrets très limités sur le déploiement du renouvelable ou la baisse des émissions. Je ne peux rien faire contre cet aspect des offres renouvelables mais j’espère que vous aurez en tête le fonctionnement de ces offres quand vous serez confrontés à une entreprise qui fait la publicité de son engagement environnemental grâce à elles. Pour une liste d’entreprises revendiquant une consommation d’électricité renouvelable vous pouvez par exemple regarder l’initiative RE100 qui en regroupe 236. Attention, je ne dis pas qu’il faut les blâmer ou les critiquer pour ça. C’est mieux d’avoir une offre d’électricité renouvelable que de ne rien faire. Mais il ne faut pas surestimer les efforts consentis et les effets induits par une démarche qui, si elle s’arrête là, ne change vraiment pas grand chose et ne porte que la possibilité de pouvoir changer des choses à l’avenir dans le cas où les prix des garanties d’origine augmenteraient. Si une partie de ces entreprises se désengagent dans le cas éventuel où le prix des garanties d’origine grimpent, elles seront, par contre, très critiquables. Et maintenant, je crois qu’il est temps de conclure. Reprenons un peu ce qu’on a raconté. Les garanties d’origine sont des documents électroniques qui peuvent s’échanger et permettent d’identifier et d’allouer une production électrique donnée et ses impacts. Ces garanties d’origine permettent de soutenir volontairement les moyens renouvelables en échange de l’allocation de la production associée. Une offre d’électricité renouvelable est donc une façon accessible pour le consommateur de montrer sa préférence pour ces moyens de production. Aujourd’hui le soutien économique que ça induit est très faible et ces offres ont donc un effet très limité sur la transition énergétique et la lutte contre les émissions de CO2. Mais, d’un autre côté, elles ne coûtent pas grand chose ! Souscrire à une offre d’électricité verte c’est faire le pari que les prix des garanties d’origine augmenteront et motiveront des investisseurs à construire des nouveaux moyens de production renouvelable. Finalement le plus gros risque associé à ces offres renouvelables c’est que le consommateur surévalue l’impact de ces offres à la fois quand on lui vend et quand il est confronté au discours marketing de certaines entreprises mettant leur consommation d’électricité renouvelable en avant. Pour être honnête et direct, je pense que si vous décidez de faire 10 km de moins en voiture cette année, ça aura plus d’effet à court terme sur les émissions de CO2 que de souscrire à une offre d’électricité renouvelable. Donc ne croyez surtout pas qu’avoir un contrat d’électricité verte compense votre aller-retour Paris-New York. Souscrire à une offre d’électricité verte c’est quelque chose qu’on peut faire en plus pour pousser le système dans la bonne direction mais si c’est utilisé pour justifier des émissions ailleurs, je pense que ce système devient néfaste. Il y aurait sans doute des améliorations à apporter au système et il y a des avis très différents sur ce sujet: inclure la possibilité de souscrire à des offres bas carbone et non uniquement renouvelable me paraît un point important mais c’est l’opinion de quelqu’un qui est plus préoccupé par le changement climatique que par le nucléaire. Merci à tous d’avoir regardé cette vidéo qui aborde un des sujets les moins scientifiques de la chaîne du moins dans les vidéos récentes . J’espère que cette vidéo vous a plu et qu’elle vous sera utile. Comme vous pouvez le constater en regardant le temps qui sépare cette vidéo de la précédente, c’est un sujet sur lequel je me suis un peu cassé les dents. J’ai pris le temps de discuter avec des personnes ayant des points de vue très différents, ce qui a pas mal fait évoluer mon opinion mais prend du temps. Je remercie d’ailleurs toutes ces personnes pour le temps qu’elles m’ont consacré. Je vais maintenant bosser sur l’hydrogène, un sujet au moins aussi polémique et clivant que les offres d’électricité renouvelable. En fait, ce sont mes recherches sur l’hydrogène qui m’ont poussé à m’intéresser à ce mécanisme des garanties d’origine. Et si vous ne voyez pas le rapport, j’en parlerai probablement dans la vidéo dédiée à l’hydrogène que j’aimerais vraiment réussir à produire avant Noël. Je remercie énormément tous ceux qui permettent à ce travail d’exister en me soutenant financièrement sur Tipee ou Utip. C’était le Réveilleur et à bientôt sur le net.