Générique Bonjour, je m'appelle Pierre Lecause, je suis professeur de philosophie à la Faculté de médecine de Marseille et dans le cadre de l'unité d'enseignement droit-législation, je me propose de... vous faire un cours sur les droits de l'homme. Alors dans mon exposé, je présenterai quatre chapitres consacrés à cette question.
comment sont apparus les droits de l'homme puisqu'ils n'ont pas toujours existé. On a commencé à en parler à partir du 18e siècle seulement et seulement en Occident. Dans un deuxième temps je vous présenterai un certain nombre de critiques qui à partir du 19e siècle ont été adressées à la philosophie des droits de l'homme. Dans une troisième partie nous verrons un peu quelle est la réalité.
Quels en sont aujourd'hui les retombées ? Quels sont les aspects contemporains de ce débat sur les droits de l'homme ? Et puis dans ma dernière partie, je m'interrogerai plus particulièrement sur le régime politique.
Est-ce qu'il faut être forcément en démocratie pour faire respecter les droits de l'homme ? Et comment, si tel n'est pas le cas, pouvons-nous imaginer une organisation politique, même non démocratique, démocratique qui quand même respecte les droits de l'homme. En considération préliminaire, je voudrais attirer votre attention sur le fait que lorsqu'on parle des droits de l'homme, on entend homme au sens générique du terme, l'homme avec un H masuscule qui inclut donc les femmes, les enfants, ce sont donc les droits de la personne humaine en général. Par exemple...
Par ailleurs, les droits de l'homme sont des droits d'ordre général, c'est-à-dire qu'on ne doit pas les confondre avec des droits particuliers, ce que l'on appelle des droits positifs, c'est-à-dire des droits qui sont posés, inscrits dans des textes de loi, par exemple les droits de la personne malade, les droits du patient, etc. Tous ces droits sont des déclinés. en fait de ses droits fondamentaux ses droits universels et naturels Donc comme je l'avais annoncé dans mon plan, je vais dans une première partie évoquer le contexte culturel d'émergence, comment sont apparus ces droits universels de l'homme.
Alors dans un premier temps, j'aimerais vous dire quelques mots du philosophe Descartes, parce que Descartes symbolise la société moderne, une société qui est fondée sur l'émancipation. Des cartes, on s'en souvient, avaient écrit dans le discours de la méthode Je pense, donc je suis Cette phrase est restée célèbre, pourquoi ? Parce que C'est une formule emblématique de l'individualisme, c'est-à-dire d'une conception culturelle où l'homme s'affirme, se libère de la tradition, de la famille, du passé aussi. La modernité, c'est une culture qui privilégie le présent par le passé. rapport aux traditions.
Donc je pense, c'est à dire je m'affirme, je suis à partir de mes propres pensées, je suis le résultat de mes propres oeuvres, je ne suis pas le fils d'un tel, la fille de tel ou tel. Car à l'époque de Descartes, quand on se présentait, on répondait à la question qui êtes vous monsieur, qui êtes vous madame, et bien je suis le fils de... de Je suis la fille d'un tel Et l'époque moderne, avec Descartes, inaugure une ère nouvelle au cours de laquelle l'homme, c'est-à-dire l'être humain naturellement, décide de prendre en charge sa vie, d'inventer lui-même un style de vie et encore une fois Descartes représente de façon symbolique. Le désir de s'affranchir des chaînes de la tradition, de conquérir de nouveaux territoires, de nouvelles connaissances, de transformer le monde.
La modernité, c'est un terme qui comporte dans son préfixe le mot mode La mode, c'est ce qui change en permanence. Et donc Descartes va inaugurer une époque où... Le changement, le mouvement, l'imagination, la création vont devenir un mode de vie, une expression de la subjectivité. Il y a deux phrases qu'il faut retenir de Descartes.
Donc c'est d'une part je pense donc je suis le sujet qui s'affirme, qui se libère du poids. du village, de la tradition, de la communauté et du passé et la deuxième à la fin du discours de la méthode quand Descartes écrit nous devons nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature c'est à dire que le sujet, le moi, la personne se libère aussi du jou, de la puissance de la nature il veut prendre les commandes Par exemple, la contraception, l'avortement, parfois même tardif, quand on détecte une anomalie fétale dans le ventre maternel, finalement, ces interventions de l'homme, y compris pour contourner la stérilité, par exemple, en recourant aux techniques d'assistance à la procréation, C'est aussi quelque chose de typiquement moderne. L'homme veut se libérer de ce que lui impose la nature, qui ne fait pas toujours bien les choses. Il y a des maladies génétiques, il y a la stérilité, il y a toutes sortes d'inconvénients, de dysfonctionnements dans la nature et l'homme se donne le droit de reprendre à son compte.
la situation avec aujourd'hui parfois aussi des contreparties, des revers de la médaille qui sont la pollution, la couche d'ozone, etc. Alors pour schématiser, on pourrait dire que dans la société d'aujourd'hui, on peut distinguer des personnes... qui appartiennent à des sociétés traditionnelles, des cultures plutôt adossées au passé, le respect des textes sacrés, le respect des représentants de Dieu sur terre, le respect de la tradition, le respect des ancêtres, et qui se méfient un peu de l'innovation du présent, du mouvement et de la liberté individuelle. On appelle ces sociétés... des organisations holistiques.
Holiste veut dire, étymologiquement, le tout, l'ensemble, holos. Et donc, dans ces sociétés, l'homme est subordonné au corps social. L'individu est au service de la société.
En revanche, dans les sociétés modernes, se produit tendanciellement un mécanisme inverse. On appelle ces sociétés individualistes, c'est-à-dire qu'elles accordent à l'individu, à sa liberté, une valeur absolue. On peut schématiquement dire les choses autrement.
La partie, l'élément, a plus de valeur que la totalité. Par exemple, un homme qui est très dépressif, mélancolique, ou d'autres qui ont des problèmes psychiatriques, neurologique ou un patient très âgé atteint d'une maladie d'Alzheimer, on pourrait considérer que ces personnes finalement n'ont plus d'utilité pour la société et bien dans une société individualiste comme l'individu est roi, comme la personne est roi, et sacré, la société devra trouver l'argent nécessaire pour lui permettre de continuer à vivre jusqu'à son terme. Donc pour résumer, les sociétés traditionnelles sont des sociétés holistiques où le passé fait autorité, c'est-à-dire que nous ne devons pas trop nous écarter de la parole de Mahomet, de Moïse, de Jésus et d'autres prophètes ou représentants. de Dieu sur terre.
J'avais retenu également une citation d'un poète bien connu du 19e siècle, Victor Hugo, qui d'un trait résume très bien l'esprit de la modernité. L'homme sans projet, sans but, sans vision, sans qu'il n'ait déjà plus qu'une tombe en ruine. Et on voit ici l'esprit typique de la modernité qui va...
à privilégier la créativité, l'émancipation de l'individu contre les structures un peu sclérosées, étouffantes du groupe, du village, de l'ethnie, où on est épié de tous les côtés, où on doit faire exactement le même métier que ses parents. Si on a été fils de paysan, on sera paysan. Si on a été fils d'artisan, on sera artisan.
Oui. etc. Et sans compter que la femme évidemment n'a d'autre destin que de s'occuper du foyer.
Donc c'est un temps très statique, ce sont des sociétés qui n'évoluent pas vraiment ou très peu, alors que dans les sociétés modernes, on va permettre à l'individu de choisir un métier, de choisir un conjoint aussi, ce ne sont plus les pères qui se concertent. pour décider avec qui vous devez faire votre vie, mais vous êtes libre de vous marier ou de ne pas vous marier, ou de divorcer, etc. Et même dans notre société, d'avoir une vie avec une personne du même sexe que vous. Donc voilà l'univers, l'environnement culturel dans lequel les droits de l'homme vont prendre corps. Alors dans...
La rencontre avec les patients, les soignants vont très schématiquement avoir affaire à trois types, trois profils de personnes. Les traditionnalistes, je viens d'en parler, qui sont plutôt dans une attitude de méfiance ou de réticence à l'égard de la modernité et qui vont plutôt privilégier les devoirs envers Dieu que les droits de l'homme. droits de l'homme et à l'intérieur des philosophies modernes qui elles sont laïques, c'est-à-dire qu'elles privilégient les droits de l'homme par rapport aux devoirs envers Dieu, et bien il y aura deux grands courants que l'on appelle les utilitaristes, c'est-à-dire des philosophes qui pensent que la société... ne doit plus s'organiser autour de l'obéissance au commandement divin, mais autour d'un principe qui est de réaliser le plus grand bonheur du plus grand nombre d'individus possible.
La société est donc fondée sur le bonheur collectif. Le plus grand bonheur du plus grand nombre, on pourrait dire aussi, est d'élargir le différentiel entre les plaisirs... et les souffrances.
Plus de plaisir et moins de souffrance, voilà ce que la philosophie utilitariste va prôner à partir de la fin du 18e siècle. Dans une deuxième orientation philosophique, nous trouvons au sein de la modernité ce que l'on peut appeler une philosophie égalitariste, ou, c'est un mot un petit peu plus compliqué, déontologiste, c'est-à-dire que la personne doit être respectée dans sa valeur absolue, sa dignité, et à partir de là, l'accessibilité. La question du bonheur devient plus secondaire.
On considère que le bonheur est trop aléatoire, trop subjectif, trop lié au hasard. On ne peut pas en faire un droit. Et la déclaration des droits de l'homme... en France en tout cas, ne prévoit pas un droit au bonheur. Donc elle est plutôt d'inspiration déontologiste, elle va plutôt miser sur l'égalité de tous en dignité.
Voilà, donc ça nous donne finalement des gens qui sont plutôt portés vers le plaisir, le bien-être et qui voient le sens de leur vie plutôt comme étant l'épanouissement dans le bonheur, ce qu'on appelle aussi l'aider. C'est-à-dire la philosophie du plaisir, toujours plus de plaisir, de divertissement, d'amusement, une société ludique, etc. D'autres qui ont une vision un petit peu plus stricte.
c'est vrai, un peu plus moral et qui pensent que le but de la vie n'est pas forcément d'être heureux, mais plutôt d'introduire du sens en respectant la dignité de la personne, en lui prêtant assistance. Et puis d'un autre côté, les communautaristes, ceux qui pensent que quand il y a une décision à prendre, on ne doit pas s'en remettre à la question de la dignité ou du bonheur individuel, mais aussi de la dignité. mais il faut demander une réponse auprès d'un représentant du culte, un aumônier, un prêtre, un pasteur, etc. Encore un point à propos des droits de l'homme.
privilégié par rapport aux devoirs envers Dieu, c'est que dans la philosophie des droits de l'homme et les utilitaristes autant que les déontologistes sont tout à fait d'accord là-dessus. Il n'y a pas de mal en l'homme, il n'y a pas de péché originel, ce sont des croyances religieuses qu'il considère comme étant superstitieuses. Si on transforme le monde, si l'on respecte les droits de l'homme, il y aura moins de violence, moins d'humiliation, le monde sera plus humainement habitable, et donc le mal est plutôt lié à une mauvaise organisation politique et non pas à la violence. à un vice, une méchanceté qu'il y aurait dans la nature humaine.
Donc il croit profondément qu'on peut transformer l'homme, le monde, alors que la religion aurait plutôt tendance à dire que l'homme est mauvais en lui-même et que seul le secours de la grâce de Dieu peut le libérer du péché et du mal. Développons des écoles et nous fermerons des prisons. Ici vous avez une reproduction de Adam et Ève qui ont été chassés du paradis parce qu'ils avaient commis le péché, à savoir goûter du fruit de la connaissance. transgresser l'interdit divin, la philosophie des Lumières est tout à fait opposée à cette conception de la nature humaine, à savoir que vouloir connaître, savoir quel est le bien, le mal n'est absolument pas un péché, au contraire, le développement des possibilités humaines, les nouvelles connaissances, la mise en mouvement de ses facultés intellectuelles fait partie de la destinée humaine et lui permettra d'aller vers un monde en paix.
Autrement dit, dans cette philosophie des droits de l'homme, on retient que le mal sur terre vient de l'ignorance et aussi du mépris des droits de l'homme par des despotes, par des... tirants alors que la liberté humaine et l'égalité entre tous permettra un respect mutuel et une vie sociale cohérente sans qu'on ait besoin des secours de la religion. Autrement dit, les droits de l'homme sont par nature laïcs.
La laïcité n'est pas l'opposition à la croyance en Dieu. On peut être à la fois laïc et croyant, mais la laïcité signifie la neutralité de l'État en matière de croyance spirituelle. Il ne peut pas y avoir de religion d'État. L'État n'a pas à prendre partie.
pour telle ou telle religion, dire que telle croyance est plus rationnelle que d'autres, il n'intervient pas sur ces questions-là. La philosophie des droits de l'homme... peut être appelé progressisme, c'est-à-dire qu'en travaillant la Terre, en développant nos possibilités, nous transformons le monde et le paradis sur Terre n'a rien à voir avec le paradis que nous présente la Bible où Adam et Ève n'ont strictement rien à faire de la journée à part contempler le paysage, roucouler sous un marronnier.
et d'éclamer des poésies d'amour, mais tout cela est très ennuyeux au bout d'un moment. Et donc la philosophie des Lumières et la philosophie des droits de l'homme veulent complètement revoir la création par des techniques, des constructions, et permettre à chacun de prouver sa valeur au monde en développant des possibilités intérieures. Schématiquement, à quoi ressemble le texte lui-même des droits de l'homme ? Là, je ne parle plus simplement des idées philosophiques qui ont constitué le bain culturel à partir duquel la déclaration des droits de l'homme s'est constituée. Il y a une série d'articles.
Article dont nous n'allons pas faire l'inventaire, naturellement, mais dont on retiendra qu'elle a été élaborée en août 1789, parce qu'il y a eu la Révolution française, bien sûr, le 14 juillet 1789, mais naturellement, les choses ne se sont pas faites du jour au lendemain, et ceux qui avaient à rédiger... La déclaration des droits de l'homme a pris un certain temps, environ un mois, et ils ont finalisé un certain nombre d'articles fondamentaux. Alors dans le préambule, on retrouve l'idée dont je vous ai parlé tout à l'heure, l'idée des philosophes des Lumières, de Diderot, de Rousseau, de Kant, de Montesquieu. Eh bien, cette idée que la souffrance des hommes est liée au mépris des droits de l'homme, on la retrouve dans le préambule.
L'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements. Je voudrais faire une petite remarque sur ce préambule à la Déclaration des droits de l'homme. Il y a probablement un optimisme un peu excessif, car effectivement, si la société est mieux organisée, bâtie, sur la déclaration des droits de l'homme, il y aura moins de violence, moins d'exploitation, moins de domination. Mais de là à dire que toute la souffrance des hommes vient exclusivement du non-respect des droits de l'homme, Il y a un pas qu'on ne peut pas franchir car on voit très bien que même dans une société démocratique il y aura toujours des maladies, des drames, des catastrophes naturelles aussi et malheureusement on ne peut pas mettre toute la souffrance humaine sur le compte d'un manquement au respect des droits de l'homme. Donc ceci pour dire un peu aussi...
Les limites d'une philosophie peut-être un peu trop enthousiaste et qui a tellement misé sur les droits de l'homme qu'elle en est venue à penser qu'on supprimerait carrément la souffrance de l'humanité, ce qui paraît assez illusoire. Alors on ne va pas, je le disais, passer les articles des droits de l'homme en revue, ils sont nombreux, mais on peut s'arrêter sur... quelques-uns d'entre eux les plus connus. D'abord dans l'article 1, les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Alors on note que le terme naissance renvoie à la nature, et la nature ici ce n'est pas les oiseaux, les paysages et l'environnement écologique, c'est...
L'essence, c'est-à-dire que par nature, dès qu'il vient au monde, dès qu'un nouveau-né apparaît, il est protégé. protégé par des droits, droit à la vie, droit à la protection, droit à recevoir des soins appropriés. Ce n'est pas un objet, c'est un sujet.
Même si c'est un enfant dont on se rend compte par exemple qu'il est porteur d'une trisomie 21, à partir du moment où il est là, il est au monde, parmi nous, il fait partie de la communauté humaine et il a les mêmes droits que les autres. Voilà pourquoi... Les rédacteurs de la Déclaration des droits de l'homme ont commencé par dire les hommes naissent libres et égaux en droit.
Même si, bien entendu, le petit bébé ne peut rien faire de lui-même, c'est dans son... et sont très caractéristiques, on ne peut pas lui faire violence, on ne peut pas le jeter à la poubelle, c'est un homme qui a des droits. Dans la deuxième partie de cet article premier, On note que les déclarants ont écrit que les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
Autrement dit, les rédacteurs, les intellectuels, les politiques, les parlementaires qui ont rédigé cette déclaration n'étaient pas communistes. Ils admettent, c'est tout à fait évident dans ce texte, qu'il y ait des distinctions, qu'un médecin qui a fait dix ans d'études gagne un peu plus qu'une infirmière, qu'un professeur des universités gagne un peu plus qu'un instituteur, etc. Mais, disent-ils, ces différences de salaire, de statut, de reconnaissance ne sont pas liées au fait que les uns ont plus de dignité que les autres, c'est simplement que pour les motifs de la vie, à faire dix ans d'études pour reprendre l'exemple de la médecine, il faut permettre aux gens d'avoir des possibilités de gains économiques. supérieure à ceux qui veulent faire un cursus d'études plus court car sinon ils n'auront aucune motivation et donc on sera peut-être dans une société communiste mais du coup ce sera contraire à l'utilité commune qui veut qu'on on excite un peu les intérêts les passions les désirs de richesse et donc il n'est pas contraire à la déclaration des droits de l'homme l'homme qu'on ne soit pas logés tous à la même enseigne. Alors on verra que les communistes vont un peu critiquer justement la déclaration des droits de l'homme tout à l'heure.
En particulier cet article, l'article 4, car on dira mais l'homme est libre, qu'est-ce que ça veut dire ? L'homme n'est libre. Bon, alors les rédacteurs de la déclaration des droits de l'homme ont réfléchi à cette question et ils ont défini dans l'article 4 la liberté comme étant tout ce qui ne nuit pas à autrui.
Alors là, on est dans une généralité la plus totale, car à partir de quand on nuit à autrui, quand il s'agit de coups et blessures, de vols, de violences, de viols... Bon, là ça va, on arrive à peu près à comprendre. Mais ensuite, est-ce que le harcèlement moral, le harcèlement sexuel, est-ce qu'on nuit à autrui ? Là, on va voir que les avocats devront se charger de tous ces problèmes très concrets. est très compliqué à partir de quand un homme qui fait sa cour à une autre femme est en train de la harceler sexuellement, ou est-ce qu'un patron qui reproche à un salarié d'arriver en retard au travail fait du harcèlement moral, etc. ou est-ce que vraiment il l'humilie en public, là on va rentrer dans des droits positifs.
Mais dans la déclaration des droits de l'homme, on s'en tient à des principes très généraux et on fait des choses très concrètes. Ensuite, les magistrats, les avocats essaieront de dénouer les cas particuliers. Dans un autre article, on pourra remarquer que la déclaration des droits de l'homme est en même temps portée par une philosophie libérale, c'est-à-dire que vous êtes libre d'entreprendre. Vous êtes libre même de vous enrichir en créant une société, une grande entreprise.
La loi n'a pas le droit de vous interdire de chercher à vous enrichir. Elle n'interdit que les actions nuisibles à la société. En ce sens, on peut dire que cet article a une petite dimension utilitariste, c'est-à-dire que je dois chercher mon plaisir, j'ai le droit de chercher mon plaisir, un plaisir si possible partageable, un plaisir qui augmente aussi le plaisir des autres. Mais à partir du moment où ce que je fais est nuisible à la société, Imaginons que je m'enrichis dans une entreprise et qu'en même temps, de façon cynique, j'exploite mes salariés et je peux les écarter de leur emploi une fois qu'ils ont permis à ma société de prospérer en les traitant comme de simples coûts de production, diminuer ma masse salariale. À ce moment-là, on peut considérer que je ne respecte pas les droits de l'homme.
J'ai un devoir de les traiter autrement que comme de simples objets pour m'enrichir. Je dois tenir compte du fait que ce sont des sujets porteurs d'une dignité, avec une famille, avec des besoins. Parfois, les articles vont se télescoper.
C'est-à-dire qu'il n'y a pas forcément une cohérence absolue. Et je voudrais prendre un exemple tiré de la pratique en maternité du prélèvement du centre de cordon ombilical. En effet, récemment, le Conseil constitutionnel a eu à se prononcer sur l'autorisation... des banques privées de collecte, de prélèvement, de conservation du centre cordon ombilical et du cordon lui-même après la naissance d'un enfant. Alors où est le problème ?
Eh bien, à la naissance... On prélève dans certaines maternités, et ce n'est pas la majorité des cas, le cordon ombilical avec le consentement des parents. Ce cordon ira dans ce qu'on appelle une biobanque et il pourra être transféré dans un service hospitalier pour aider un enfant malade.
qui présente une maladie du sang par exemple et on va lui injecter ou redémarrer la moelle osseuse pour produire à nouveau des cellules hématopoïétiques. Et ainsi, vous avez fait dans un esprit de solidarité, don du sang de cordon de votre enfant pour sauver un enfant atteint d'une leucémie, un enfant malade. Oui mais voilà, pourquoi n'auriez-vous pas le droit après tout de garder le sang de cordon de votre enfant ?
Puisque parallèlement au progrès de la recherche médicale, on voit se développer un petit peu partout en Europe des biobanques privées qui gardent le sang de cordon de leur enfant. avec cette perspective de médecine régénérative, c'est-à-dire qu'en cours de route, on peut imaginer qu'un enfant ou un adulte présente une insuffisance cardiaque, rénale, un problème de déficience organique quelconque, et avec les cellules... Du sang de cordon qu'on pourrait transformer, voire le cordon lui-même, on pourrait récupérer des cellules souches dans la paroi interne du cordon, les cultiver, les développer et on ferait de la médecine régénérative.
On vous les transfuse, on vous régénère des tissus malades et donc ce serait une auto-guérison, un auto-traitement à partir de vos propres cellules. Alors où est le problème par rapport à la déclaration des droits de l'homme ? Eh bien, l'État n'a pas suffisamment de ressources pour créer des biobanques et des infrastructures matérielle qui permettrait de récupérer tous les sangs de cordon dans toutes les maternités. Il y a 800 000 naissances en France, l'opération est assez technique, compliquée donc elle Donc, elle supposerait plus de moyens matériels, plus de personnel. On ne va pas aller chercher 3 milliards d'euros.
On se demande bien où c'est qu'on va les trouver. À partir de là, les banques privées disent au couple, si vous le voulez, pour 2 000 euros, nous allons conserver le sang de cordon de votre enfant. Ah, mais 2 000 euros, alors du coup, on crée une médecine à deux vitesses.
Si vous êtes pauvre, le cordon de votre enfant va partir pour soigner un autre enfant et vous le perdez à jamais pour votre propre enfant. Et si vous êtes riche, à ce moment-là, vous gardez le cordon pour vous et vous le mettez dans une biobanque privée. Pourquoi y a-t-il un problème entre deux articles ? Parce que dans l'article 1, les enfants... Naissent tous libres et égaux en droit ?
Or là, on nie cette égalité, puisque seuls les enfants de couples riches pourront. Donc seuls les enfants de couples riches pourraient avoir à leur disposition au cours de leur vie le cordon ombilical et pouvoir se réparer, se régénérer. alors que les enfants de couples pauvres n'auraient pas à leur disposition le cordon ombilical.
Donc il y aurait une atteinte aux droits de l'homme, en tout cas dans l'article 1. Les enfants ne sont pas à égalité. Donc soit l'État permet à tous d'avoir un cordon à leur disposition, soit il ne le fait pas. Mais l'article 5 plaide plutôt en faveur de l'instauration de banques privées.
En effet, des avocats des banques privées de conservation du centre cordon pourraient dire Mais prouvez-moi que ces parents qui gardent le cordon... cordon ombilical de leur enfant nuisent à la société. Donc là se posera un dilemme moral.
Un deuxième point que je voulais évoquer avec vous, c'est celui de la liberté. Car aujourd'hui nous sommes dans une société où la religion continue à exister, pas toujours sous la forme qui fut la sienne il y a encore quelques décennies, c'est-à-dire que nous ne sommes plus forcément... catholique, on a assisté à une déchristianisation des esprits à partir des années 60, mais la religion existe sous d'autres formes, il y a des courants spirituels, j'en parlerai un peu tout à l'heure. Il y a d'autres religions aussi qui émergent et on peut se demander si parfois dans les hôpitaux, les personnes qui ont une confession religieuse, religieuses d'appartenance qui leur dictent des actes incompatibles avec les droits de l'homme, doivent être écoutées, entendues, et est-ce que le médecin, le soignant, ne risque pas de manquer aux droits de l'homme ?
Alors, nul dit l'article 10. ne peut être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que leurs manifestations ne troublent pas l'ordre public établi par la loi. Donc c'est un principe très général et ensuite dans les cas concrets, les gens ne vont pas forcément tous l'interpréter de la même manière. Alors si évidemment il y a un commando anti-avortement qui bloque, un couloir à ce moment là pour empêcher des femmes de recourir à un avortement, on peut considérer qu'il y a un trouble à l'ordre public et on ne sera pas très très scrupuleux ou n'auront pas d'état d'âme pour aller chercher les forces de l'ordre.
Mais maintenant imaginons qu'un homme ne souhaite pas que sa femme soit accouchée par un gynécologue obstétricien, un médecin coucheur qui serait de sexe masculin. Normalement, un médecin soigne la personne humaine, il respecte les droits de l'homme en général, y compris les femmes, et il ne regarde pas une partie intime, un sexe. Lui, ce qu'il voit, c'est une personne dans son corps en souffrance.
Alors, dans les faits... Si on a un médecin accoucheur femme, on peut peut-être éviter...