Si vous êtes en HLP, ne partez pas, vous êtes au bon endroit pour tout déchirer cette année. Allez voir un peu dans les commentaires les notes obtenues par mes abonnés au bac de philo et vous m'en direz des nouvelles. Je vais vous ficher tout le programme de philo HLP de première et de terminale comme je l'ai fait pour le programme en tronc commun de terminale. Mais tout d'abord, rapide présentation du programme.
Voici le programme. Pour chaque semestre, de la première à la terminale, vous avez un intitulé général qui se décline en trois entrées dans la troisième colonne du tableau. Pour chaque intitulé général, il y aura une courte fiche en vidéo qui vous présentera rapidement une problématique et de quoi on va parler. Ensuite, il y aura une fiche pour chaque entrée, dans laquelle il y aura à chaque fois au minimum une référence littéraire et une référence philosophique pour que votre cours soit le plus complet possible et que ces fiches puissent réellement couvrir tout le programme HLP, pas juste la philo.
Quelquefois, vous aurez l'impression qu'il y a un peu plus de philo que de littérature, mais c'est pas grave, c'est juste qu'en philo, il faut toujours poser. une problématique avec deux auteurs qui s'opposent. De toute façon, vous allez voir que les deux parties sont liées.
Ce sont les mêmes sujets qui sont traités à la fois de manière littéraire et philosophique. En classe, vous avez deux profs différents, un prof de français et un prof de philo. Et c'est parfois difficile pour vous de vous y retrouver pour faire le lien entre les deux disciplines. Alors que là, c'est moi qui traite les deux aspects. Donc je vous propose quelque chose de très cohérent.
Les exemples littéraires viennent illustrer à chaque fois les problèmes philosophiques. Je posterai aussi un commentaire épinglé en dessous de la vidéo dans laquelle je vous dirai quelles sont les références littéraires et quelles sont les références philosophiques et quelles sont les références mixtes à la fois philo et littéraire qui sont utilisées dans la vidéo. Ce que vous pouvez constater sur le programme, c'est que chaque intitulé général, donc dans la deuxième colonne, correspond à une période historique.
Par exemple, l'intitulé du premier semestre, l'art de la parole, s'inscrit dans la période de l'Antiquité jusqu'à l'Âge Classique. Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas citer un auteur d'une autre période, mais on va plutôt privilégier ces périodes-là. Il y a un gros avantage dans votre spécialité, c'est qu'une partie des thèmes abordés sont déjà en partie traités dans le programme de tronc commun de philo terminal.
Donc en révisant votre spécialité en première, vous prenez déjà de l'avance sur votre épreuve de philo en terminal. C'est la raison pour laquelle je ferai des liens en permanence qui vous permettront de réviser de manière optimale. Prenons un exemple, le langage est au cœur du premier semestre HLP, mais c'est aussi une notion qui est traitée en terminal pour l'épreuve de philo. Donc, quand j'aborderai avec vous le premier semestre HLP, Je vous demanderai d'aller voir par exemple sur TikTok ma fiche philo 7 sur le langage.
J'appelle ça des fiches, mais ce sont des vidéos sur mon compte TikTok. Dans chaque vidéo HLP, je vous expose les problématiques principales qui se posent et des références philosophiques, c'est-à-dire des auteurs, qui vous permettront de nourrir votre réflexion et briller dans vos copies. Les pouvoirs de la parole.
Selon le linguiste Saussure, le langage, c'est la capacité innée que nous avons de pouvoir développer un système de communication, autrement dit une langue. et qui s'exprime ensuite dans une parole au niveau individuel. On peut schématiser ça sous la forme d'une pyramide, on part de la base jusqu'au sommet, c'est-à-dire qu'on va du plus général vers le plus particulier. Le langage est partagé par tous les êtres humains, c'est la base, ensuite ça se divise en différentes langues, puis ces différentes langues sont exprimées dans une parole individuelle. Mais dans le langage courant, le mot langage est souvent synonyme de parole et la plupart du temps, vous l'utiliserez l'un pour l'autre dans vos copies, ne vous inquiétez pas, vous n'avez pas besoin de faire la différence en permanence.
Donc le langage, c'est un système de signes qui est utilisé pour établir une communication. La première question qui se pose est de savoir si le langage est une spécificité humaine. Vous allez me dire, les animaux aussi communiquent entre eux, et de manière parfois très efficace. Les abeilles, par exemple, exécutent des danses pour indiquer où se situe le champ de pollen. Peut-on dès lors affirmer que les animaux possèdent un langage au même titre que nous ?
Le philosophe Descartes affirme qu'il y a une différence essentielle. Le langage animal n'est que l'expression de ses besoins corporels. Il ne parle que pour satisfaire son corps. La fin. la soif, éviter un danger ou se reproduire.
D'ailleurs, pour dresser un animal à communiquer avec les hommes, on y arrive toujours grâce à des friandises. Certes, on a réussi à apprendre au bonobo Kanzi plus de mille signes, mais c'est toujours pour exprimer des besoins corporels, finalement. Le philosophe Dominique Lestel affirme Les animaux peuvent parler, mais ils n'ont rien à dire.
Ils expriment des besoins corporels, ils ne racontent pas d'histoire, et encore moins pour parler de choses abstraites comme on peut le faire en philo ou en science. Ce que nous pouvons rajouter à l'analyse de Descartes, c'est que lorsqu'un animal s'exprime, il s'agit plutôt d'un signal qui déclenche une action. Mais ça ne déclenche pas un dialogue comme chez les humains.
Le singe vervé, par exemple, il possède un cri spécifique pour dire si le danger vient du ciel, et alors ses congénères s'enfuient quand ils entendent le cri. Mais cela ne crée pas une discussion. En résumé pour Descartes, le langage humain est l'expression de notre esprit, alors que le langage animal est simplement l'expression du corps, de nos pulsions, de nos besoins corporels. Donc on voit tout de suite que le langage... et donc la parole, n'est pas simplement un outil de communication chez l'homme.
C'est beaucoup plus que ça. Et c'est la raison pour laquelle nous allons l'étudier sous trois aspects qui correspondent aux trois entrées dans le programme officiel et qui vont faire l'objet des trois prochaines vidéos. Voici une courte présentation de ces trois entrées. Tout d'abord, l'art de la parole. La parole est-elle un art ?
Si oui, en quoi consiste-t-il ? Est-ce un art qui nous permet simplement de persuader notre auditoire ? Ou nous permet-il d'accéder à une vérité ? Ensuite, nous verrons l'autorité de la parole.
D'où vient l'autorité d'une parole ? De son origine divine ou au contraire de sa rationalité logique ? Du point de vue politique, qui a le droit à la parole dans notre société ?
Le peuple ou une élite de dirigeants ? Et pour terminer, nous aborderons les séductions de la parole. La parole nous permet de séduire. Cette séduction est-elle néfaste ?
N'y a-t-il pas une dimension positive de la séduction ? Car nous allons voir que le langage est par excellence le lieu où s'exprime le désir. Non seulement le désir physique ou érotique, mais aussi le désir métaphysique. Ce que nous désirons au-delà des corps.
L'art de la parole. Il faut tout d'abord distinguer l'art de la nature. Et pour cela, nous allons nous servir d'un passage littéraire relaté par Hésiode. dans les travaux et les jours, où il nous raconte le mythe de Prométhée. Selon ce mythe, lorsque les êtres vivants ont été créés, chaque animal a reçu des armes d'attaque et de défense.
Le lion possède des mâchoires puissantes, l'antilope court très vite, le serpent a du venin, etc. Mais l'homme est démuni. Il n'a pas de fourrure, pas de croc puissant, pas de griffes. À l'état de nature, il est impuissant. Prométhée va avoir pitié de lui et va voler le feu chez le dieu Héphaïstos.
La maîtrise du feu symbolise ici la transformation de la nature, c'est-à-dire ce que les Grecs appellent la techné, qui veut dire à la fois l'art et la technique. Avec le feu, je peux dominer les animaux en forgeant des outils et des armes. Certes, à l'état de nature, le crocodile est beaucoup plus fort que moi, mais grâce à la technique, je peux créer une arme qui me rend beaucoup plus fort que lui. Donc la force de l'homme, c'est de pouvoir dépasser la nature. En ce sens, nous pouvons dire que la parole est un art, au sens où elle est une technique qui permet de dépasser la nature.
La parole permet de transmettre le savoir et c'est grâce à ce savoir que les hommes vont dominer la nature en créant des outils toujours plus perfectionnés. En philosophie, on fait une grande différence entre ce qui est naturel et ce qui est culturel. Ce qui est naturel, c'est ce qui est inné, comme la digestion par exemple.
Personne ne vous a appris à digérer, c'est inné. Par contre, la langue française, il a fallu l'apprendre. Elle n'est pas naturelle, elle a été acquise par des heures et des heures d'apprentissage.
Petite remarque, tous les enfants qui naissent sans handicap profond possèdent la capacité de langage. Leur cerveau est déjà en quelque sorte pré-câblé pour recevoir le langage. Et en ce sens, on peut dire que le langage est inné, il est naturel.
Mais aucun bébé ne sait directement parler français ou chinois. Ça demande une transmission, c'est pas naturel. Ce n'est pas spontané, mais c'est culturel. C'est la raison pour laquelle nous pouvons dire que la parole est essentiellement culturelle au sens où elle se transmet par la culture. Si c'est pas assez clair, allez voir ma fiche philo 13 sur la nature.
Donc vous avez compris qu'il y a une dimension culturelle dans le langage. Mais il faut encore préciser ce qu'on entend par l'art du langage. L'art du langage rhétorique versus maïotique. L'art en grec, ce n'est pas seulement ce que nous appelons les beaux-arts, la peinture, la sculpture, etc. Car à l'origine, l'art est désigné en grec par le mot techné, qui veut dire technique.
Dans l'art comme dans la technique, je dois maîtriser un savoir-faire qui me permet de fabriquer un objet. En ce sens, on peut parler d'un art de la menuiserie, de la poterie, etc. Pour plus de précisions là-dessus, allez voir ma fiche TikTok 8 sur l'art. Si la parole est une technique, alors elle est un savoir-faire, un moyen, un instrument qui permet d'obtenir quelque chose. C'est ce qu'on appelle la rhétorique.
La rhétorique, c'est un art oratoire qui permet d'être éloquent afin de convaincre son auditoire. A l'époque de Platon, il y a ce qu'on appelle des sophistes. Ce sont des professeurs de rhétorique, qui sont de véritables professionnels de la communication, et qui se font payer leurs cours à prix d'or. L'un d'entre eux s'appelle Gorgias. Et Platon lui consacre tout un ouvrage qui porte son nom.
Selon Gorgias, la rhétorique est l'art au sens d'une technique. Et c'est même la plus prestigieuse de toutes, car elle permet de convaincre les gens. Vous pouvez être le meilleur général d'armée, ou le meilleur médecin au monde, si vous n'arrivez pas à convaincre vos troupes ou à convaincre votre patient de prendre un médicament, Tout votre savoir ne vous sert à rien. Donc la technique la plus utile de toutes, c'est la rhétorique. Voici ce que dira Gorgias dans l'un des dialogues de Platon.
Et si tu savais tout, Socrate, si tu savais que la rhétorique embrasse, pour ainsi dire, la vertu de tous les autres arts ? Je vais t'en donner une preuve bien frappante. Je suis souvent entré avec mon frère et d'autres médecins chez certains malades qui ne voulaient pas prendre de potions. ou souffrir qu'on leur appliqua le fer ou le feu.
Le médecin, ne pouvant rien gagner sur leur esprit, j'en suis venu à bout, moi, sans le secours d'aucun autre art que celui de la rhétorique. Donc on voit bien que la médecine n'est rien sans la rhétorique qui permet aux malades d'être convaincus de prendre le médicament qu'on veut lui administrer. Celui qui maîtrise la parole peut défendre n'importe quelle idée, et c'est d'ailleurs ce que fait Don Juan dans la pièce de Molière, où il fait par exemple l'éloge de l'inconstance.
Et son Valès-Ganarelle lui répondra Vous tournez les choses d'une manière qu'il semble que vous avez raison, et cependant il est vrai que vous ne l'avez pas Ce que nous dit le Valès-Ganarelle ici, c'est que l'éloquence de la rhétorique permet de défendre n'importe quoi, même les pires idées, comme le racisme ou la misogynie. Et c'est d'ailleurs pour ça que Platon va s'opposer aux sophistes, car il leur reproche justement d'instrumentaliser le langage et de le transformer en une pure technique de persuasion, pour un peu manipuler les gens, comme le font par exemple les publicitaires ou les professionnels de la communication aujourd'hui, qui maîtrisent parfaitement l'art de la parole, mais pour vous vendre un produit dont, la plupart du temps, vous n'avez absolument pas besoin. Pour Platon et son maître Socrate, le langage doit nous permettre d'accéder à la vérité. Ce n'est pas seulement une technique pour convaincre les gens et les manipuler.
avec une belle rhétorique. C'est ce que Platon appelle l'art de la maïeutique, qui est l'art de faire accoucher une idée vraie. Socrate se compare à une sage-femme. La sage-femme ne vous donne pas un enfant. Elle vous permet d'accoucher votre propre enfant.
Et bien Socrate, c'est pareil. Il ne vous met pas une idée vraie dans la bouche, mais par les questions qu'il vous pose, il vous permet d'accoucher de votre propre vérité. Ce n'est pas un prof qui vous dirait quoi penser, mais il vous aide à atteindre une vérité par vous-même.
Dans tous ces dialogues, Socrate ne s'oppose jamais en détenteur du savoir, mais il aide ses interlocuteurs à accéder au savoir. C'est la fameuse citation de Socrate qui n'est pas de lui, mais qui exprime bien ses idées. La seule chose que je sais, c'est que je ne sais rien.
En effet, Socrate ne prétend pas détenir le savoir, mais il aide chacun de ses interlocuteurs à accéder à une vérité. En conclusion, voici ce que vous devez retenir de cette deuxième partie. Les philosophes s'opposent aux sophistes.
car ils recherchent la vérité et non simplement à perfectionner leur rhétorique pour convaincre leur auditoire car on peut être un excellent orateur maîtriser la rhétorique parfaitement et dire des choses complètement fausses l'autorité de la parole l'autorité de la parole révélée versus l'autorité de la parole philosophique l'autorité c'est le pouvoir d'agir sur quelqu'un en ce sens certaines paroles se sont imposées à l'humanité en lui imposant l'obéissance c'est le cas des paroles qui seraient révélées par Dieu en personne Si j'arrive à vous convaincre que la parole de la Torah, du Nouveau Testament ou du Coran sont révélées par Dieu, alors vous êtes obligés d'obéir à ce texte. On voit très bien ce lien entre la parole et la révélation divine dès le premier livre de la Bible. Dans la Genèse, Dieu dit que la lumière soit et la lumière fut.
On voit que la parole est créatrice. Pareil dans le Nouveau Testament, au commencement était la parole, et la parole était avec Dieu, et la parole était Dieu. Elle était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle.
En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. On voit bien ici que la parole est sacralisée. La parole représente ce qu'il y a de plus divin en l'homme.
Dieu crée avec la parole, la parole est créatrice. mais c'est vrai aussi de la littérature. Quand Homer écrit l'Iliade et l'Odyssée, il crée en même temps tout un monde de représentations qui auront un impact très fort sur le mode de pensée de ses lecteurs.
Et d'ailleurs les grands poètes grecs disent souvent qu'ils sont inspirés par des muses, c'est-à-dire des déesses, afin de donner à leur parole une autorité plus forte. Homer fait ainsi appel à des déesses dans l'Iliade, mais pour le philosophe Aristote, l'autorité de la parole ne doit pas venir d'une prétendue révélation de Dieu. Pour Aristote, ce qui doit faire autorité, c'est notre raison, notre logos. En grec, logos, ça veut dire à la fois raison et parole.
Donc pour savoir si une parole doit faire ou non autorité, il faut se demander d'abord si elle est vraie. Cet énoncé est-il logique ou illogique ? Cet énoncé est-il en adéquation ou pas avec la réalité ?
Vous pouvez voir la fiche philo 16 sur la vérité pour compléter ce cours. Donc nous avons vu que l'autorité de la parole peut reposer soit sur une prétendue révélation par les dieux, ou alors reposer pour les philosophes sur l'autorité de la parole logique, du raisonnement, ce que les grecs appellent le logos. Venons-en maintenant à la dimension politique de cette autorité. L'autorité politique de la parole. Cette question de l'autorité est aussi politique.
L'autorité de la parole doit-elle être réservée à une petite élite qui commande le peuple, ou tout un chacun a-t-il le droit à la parole ? Platon pensait que l'autorité de la parole devait être réservée aux philosophes qui gouvernent. Mais le peuple qui n'est pas instruit ne peut pas être aux commandes. Il était contre la démocratie, car la démocratie c'est demos kratos le pouvoir au peuple.
Pour Platon, le peuple n'a pas vraiment le droit à la parole, car il est dénué d'instruction. Il ne sait pas ce qui est bon pour l'État. Ainsi, Platon divise la population en trois classes.
La première est celle des travailleurs, des artisans, commerçants, agriculteurs. La seconde est celle des soldats qui protègent la cité. Et la troisième est celle des dirigeants qui sont chargés de gouverner. Ils se doivent d'être philosophes, c'est-à-dire de cultiver leur intellect pour mener à bien leur fonction.
Pour que la société soit harmonieuse selon lui, il faut que chacun puisse réaliser sa fonction en fonction de son degré d'intelligence. et de ses qualités propres. Ces trois classes correspondent aux trois parties de notre âme.
Chacun d'entre nous possède la faculté de raison, la faculté de désirer, et entre les deux la faculté d'avoir du courage et de montrer de l'ardeur au combat. Il y a donc une hiérarchie pour Platon aussi bien au niveau politique qu'au niveau individuel. La raison doit gouverner le courage et le désir, car sinon c'est la catastrophe, on risque de suivre tous ses désirs, même les plus fous et les plus dangereux.
Pour Platon c'est pareil au niveau politique. Car le peuple a des désirs, mais il a très peu de raison. Donc il faut que le désir se soumette à la raison.
Il faut que le peuple se soumette aux dirigeants philosophes. Et c'est pareil au niveau individuel. Si vous vous livrez à toutes vos pulsions, vous risquez fort d'être malheureux.
Il faut donc que ce soit la raison qui gouverne votre pulsion. Ça, c'est au niveau individuel. Et au niveau de la société, au niveau de la politique, il faut également que ce soit les dirigeants philosophes qui gouvernent le peuple. Bien plus tard... Le philosophe Rousseau défendra au contraire la souveraineté du peuple.
C'est-à-dire que le peuple doit être libre de prendre les décisions qui le concernent. Si le peuple a le droit à la parole pour Rousseau, c'est tout simplement parce qu'il est libre de choisir. Ce n'est pas une question de savoir. C'est ce qui va donner ensuite la Révolution française, où on va instaurer progressivement un régime politique qui s'apparente à une démocratie. Donc nous venons de voir que la question de l'autorité de la parole est celle aussi de savoir qui est en mesure de détenir ce pouvoir.
Le peuple... ou une petite élite. Mais nous devons aussi aborder un autre aspect.
Celui de l'autorité même de la parole, au sens où c'est le langage qui nous impose une certaine manière de voir le monde. L'autorité du langage qui nous impose une certaine vision des choses. On va voir ça d'abord à travers une référence littéraire.
Dans son roman dystopique 1984, George Orwell imagine une société totalitaire dans laquelle nous sommes surveillés en permanence par Big Brother. Le héros travaille dans un ministère qui s'occupe de supprimer certains mots pour créer une nouvelle langue, la novlangue, afin d'empêcher le peuple de développer une pensée complexe et personnelle qui pourrait les pousser à se révolter contre le système. Dans la novlangue, le mal n'existe plus, il y a bon et un bon. On vous enlève la possibilité même de penser le mal, car si le mot n'existe plus, il devient très difficile de le penser, et si le mal n'existe plus, il n'y a plus aucune raison de se révolter contre un système totalitaire.
On peut constater ça même dans notre société. Pendant la guerre en Irak, les Américains parlaient volontiers de frappe chirurgicale quand ils faisaient exploser une bombe qui pouvait tuer de nombreux civils. En maîtrisant le langage, on maîtrise le peuple pour lui faire croire ce que bon nous semble. On peut ainsi faire disparaître une réalité horrible derrière un langage plus sexy.
L'opinion est contre le massacre d'une population. Par contre, il est très favorable aux frappes chirurgicales. On change les mots, mais la réalité est toujours aussi terrible. Le philosophe Bergson prolonge cette réflexion. Selon Bergson, les mots sont toujours des généralités qui nous voient la réalité.
Je vous donne un exemple. Si dans votre classe, au lieu d'appeler un de vos camarades par son prénom, vous vous mettez à l'appeler Bouboule ou Lintello. Ou si vous le ramenez sans arrêt à son identité religieuse ou à ses origines ethniques.
Qu'est-ce qui va se passer ? L'individu va disparaître sous une catégorie. La catégorie des personnes en surpoids.
ou la catégorie des intellos, ou la catégorie des noirs, des arabes, etc. Donc vous avez éliminé l'individu au profit d'une catégorie. Et à la fin, vous n'arrivez même plus à voir l'individu qui ne se résume jamais à la catégorie dans laquelle vous l'avez enfermé.
Donc le langage, c'est toujours une généralité. Quand je dis la chaise, je ne parle pas de cette chaise-là en particulier, mais du point commun qui existe entre toutes les chaises. Et c'est pareil dans notre exemple précédent.
Si j'appelle mon camarade l'intello, je ne vois plus l'individu, mais seulement le point commun qui existe entre tous les antélos. Ce que Bergson nous dit, c'est qu'il y a toujours un piège dans le langage qui consiste à ne plus voir le monde tel qu'il est, mais de nous borner à voir seulement les catégories générales dans lesquelles on a enfermé cette réalité. Je vous donne un autre exemple.
Vous promenez à la montagne et voyez un troupeau de moutons. Pour vous, il n'y a aucune différence entre tous les individus de ce troupeau. Donc vous enfermez tous ces individus dans la catégorie mouton.
Mais pour le berger... chacun de ces moutons est différent. Il pourrait vous parler pendant des heures de chacun d'entre eux. Celui-ci aime bien s'enfuir, celle-là est peureuse, etc. Le langage a tendance à créer des catégories.
La catégorie mouton ou la catégorie les arabes ou la catégorie les juifs. Et du coup quand vous rencontrez un arabe par exemple, au lieu de voir la personne que vous avez en face, vous allez voir la catégorie dans laquelle vous avez enfermé cet individu. Mais le langage fonctionne ainsi parce que c'est très pratique de créer des catégories. Ça nous permet de mettre des étiquettes sur les choses et de pouvoir ainsi mieux les identifier. Mais il faut toujours garder à l'esprit que les mots ne sont que des étiquettes.
Et les étiquettes ne correspondent jamais complètement à la chose qu'elles désignent. Regardez cette fille par exemple. Vous allez tout de suite la ranger dans l'étiquette gothique, amatrice de métal hardcore.
Alors que si ça se trouve, elle joue du vieux onsel et lit des romans à l'eau de rose. Le problème c'est que les mots sont des généralités qui sont autant de cases dans lesquelles on enferme les choses et les gens. Gothic, skater, arabe, noir, etc. En conclusion, ce n'est pas parce que le langage est un filtre qui nous masque parfois la réalité que nous devons abandonner le langage.
Mais il faut toujours garder à l'esprit que les mots sont des cases générales qui ne correspondent pas toujours à la réalité et aux individus qui sont toujours plus complexes que les cases dans lesquelles on les a enfermés. Et c'est l'idée que vous devez retenir de Bergson, le langage a un défaut, c'est qu'il enferme la réalité dans des cases générales. Les séductions de la parole.
Séduire au sens étymologique, c'est conduire quelqu'un à part, à l'écart, hors du droit chemin pour le posséder ou le corrompre. Pour parvenir à ses fins, le séducteur doit avant tout être un beau parleur. Tous les coachs en séduction vous le diront. Le plus séduisant, c'est pas le plus bodybuildé, ni même le plus beau, mais celui qui maîtrise l'art du logos, du langage. Il y a toujours une part de séduction dans le discours.
Pas seulement chez les Don Juan et les Casanova du YouTube Game, mais aussi dans le discours des commerciaux, des politiciens, et même chez le prof qui essaye de rendre sa matière sexy auprès des élèves. Ce n'est pas un mal en soi de vouloir séduire. Il ne faut surtout pas diaboliser la séduction.
Mais si ça devient un but en soi, alors une fois passé le charme du jeu de séduction, on risque de se retrouver très vite dans quelque chose de très pauvre, et très creux finalement. C'est la raison pour laquelle Don Juan s'ennuie très très vite une fois qu'il est arrivé à ses fins, et il doit à chaque fois repartir au combat pour une autre conquête. Chez le séducteur compulsif, il y a une sorte de boucle infernale dont il n'arrive pas à sortir à chaque fois qu'il parvient à ses fins, sa conquête ne l'intéresse déjà plus. Dis-moi, j'ai une question. J'étais juste là, feu rouge.
En fait, j'ai eu une sorte de flash. Hello, just one second. Vous êtes française ou vous parlez ? You speak English. Ok.
I like your style, both of you. Deux questions, très rapide. Tu as quel âge ?
On voit donc qu'il ne s'agit pas uniquement de plaire. Et d'ailleurs, quand on se lance sur les réseaux YouTube, TikTok, on est toujours tenté par le putaclic. Et c'est pas un mal en soi d'essayer d'attirer l'attention de son auditoire, mais il faut aussi qu'il y ait quelque chose derrière. Sinon, le spectateur sera forcément déçu, et finalement ça se retourne contre vous.
Ainsi, le poète Horace dira dans l'Art Poétique Le poète a pour but ou d'instruire ou de plaire, ou tous deux à la fois. Quand la maxime est claire et concise, l'esprit la recueille avec soin. Mais ce qu'on dit de trop, il la rejette au loin.
Qui joignons avec art, l'agréable et l'utile, offre charme et leçon à notre esprit docile. En ce sens, nous pouvons dire que la fin justifie les moyens, la séduction étant un simple moyen et non la fin en soi. Parfois on peut même dire que l'élégance du discours est une condition de sa clarté.
Le poète Nicolas Boileau dira même dans l'art poétique Il est certains esprits dont les sombres pensées sont d'un nuage épais toujours embarrassé. Le jour de la raison ne le saurait percer. Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. Cette citation montre bien que le style est important, quand il est au service d'une idée. Le style nous séduit, mais il n'est pas un but en soi. La mythologie grecque est un bon exemple, car elle nous séduit par son imaginaire incroyable. Peuplé de toutes sortes de créatures fantastiques.
Mais derrière ces histoires fabuleuses, il y a toujours une idée. Prenons l'exemple du mythe de Prométhée raconté par Hésiode, dont nous avons déjà parlé au tout début de ce cours, dans l'art de la parole. Ce mythe racontait la création de l'homme de manière complètement fantastique, pour captiver le lecteur. Mais derrière le mythe, il y a toujours une vérité très forte qui est exprimée.
Ici, c'est l'idée selon laquelle l'homme puise sa force, non pas dans sa nature qui est très faible comparée aux autres animaux, mais dans son intelligence qui lui permet grâce à la technique de façonner des outils et des armes. Le langage nous séduit en créant des objets idéaux. Revenons un instant à notre discours amoureux. Au Moyen-Âge, il y a l'amour courtois, c'est une forme de séduction qui idéalise complètement la dulcinée.
Ce terme vient du roman Don Quichotte de Cervantes, où le personnage principal qui se prend pour un chevalier du Moyen-Âge devient fou amoureux d'une femme qu'il n'a jamais vue et qu'il idéalise complètement. Le psychanalyste Jacques Lacan prendra cet exemple de l'amour courtois pour montrer à quel point le langage peut remplacer la réalité en créant un objet idéal, un fantasme. Don Quichotte est amoureux non pas d'une femme réelle, mais d'un fantasme créé de toutes pièces par le langage.
par les romans de chevalerie qu'il a lus. L'être humain, contrairement à l'animal, ne vit pas simplement dans le réel, mais il vit aussi dans un monde qu'il s'est créé par le langage. Et c'est ce qui fait que lorsqu'on tombe amoureux, on a tendance à idéaliser l'objet de nos fantasmes. Entre parenthèses, ça peut même devenir un obstacle dans la séduction, hein, car en plaçant la fille très très haut, elle devient en quelque sorte intouchable. Pour oser aborder la fille qu'on désire, il faut parfois au contraire la faire redescendre un petit peu de son piédestal, la faire redescendre dans le réel.
Finalement. Donc le désir est toujours à la fois un désir physique, mais aussi un désir métaphysique. C'est-à-dire un désir qui va au-delà du physique, au-delà du corps.
C'est ce que nous pouvons constater dans le banquet de Platon. Socrate fait une analogie entre le désir amoureux et le désir philosophique. Alcibiade, qui est le plus beau jeune homme d'Athènes, est séduit par Socrate, qui est considéré comme très laid.
Mais Alcibiade est séduit par le logos de Socrate, c'est-à-dire par le charme de sa parole et de son raisonnement. C'est tout le propos du banquet de Platon. Le désir est toujours un désir de quelque chose qui nous manque.
Car si je suis riche, je ne peux pas désirer être riche, à moins que je désire l'être encore plus. Mais cet encore plus, je ne l'ai pas actuellement. Donc il me manque et je le désire. Socrate pensait qu'il y avait un lien entre le désir érotique pour les corps et le désir de sagesse.
Car dans les deux cas, je manque de quelque chose. Selon Platon, on commence par désirer d'abord des corps, mais le philosophe est celui qui parvient ensuite à s'orienter vers le désir d'esprit. Le désir érotique n'est pas négatif, au contraire, car il prépare finalement une autre forme de désir, celui qui nous guide vers les idées, vers les choses de l'esprit. On retrouve cette idée de continuité et du désir charnel vers le désir spirituel dans le langage poétique du Cantique des Cantiques, un livre qui fait partie de la Bible et qui illustre la relation entre Dieu et son peuple par une relation érotique et amoureuse entre un homme et une femme. Il y a une analogie très forte entre le désir érotique et le désir spirituel, comme dans le banquet de Platon.
Les humains n'arrivent pas à se satisfaire simplement de nourriture matérielle comme les animaux, car ils vivent aussi dans la dimension du langage. Et le langage permet de créer des objets spirituels vers lesquels se tourne notre désir. Dieu n'est pas une réalité matérielle, c'est une entité spirituelle que les humains désirent.
Sur ma couche pendant les nuits, j'ai cherché celui que mon cœur aime. Je l'ai cherché et je ne l'ai point trouvé. Ce texte met en scène le désir. Le désir est désir de ceux qui nous manquent.
Et tous les êtres humains recherchent une certaine forme de plénitude, c'est-à-dire de combler tous leurs désirs, à la fois physiquement, mais aussi au-delà du physique. C'est-à-dire que notre désir est métaphysique, il va au-delà du physique, que ce soit pour Platon avec la philosophie, ou pour le Cantique des Cantiques avec Dieu. C'est ce qui explique même que dans plusieurs religions, les moines ou les sœurs vont même jusqu'à délaisser tous les plaisirs matériels de la société en faisant vœu de chasteté et de pauvreté pour se consacrer à Dieu.
En conclusion, Nous avons vu comment le langage pouvait être un instrument de séduction, mais aussi comment le langage lui-même permettait d'exprimer le désir humain, non seulement dans la séduction amoureuse, mais également dans notre désir métaphysique, c'est-à-dire notre désir d'accéder à un idéal au-delà de notre réalité physique. Voilà, ce premier semestre HLP est maintenant terminé. Abonnez-vous pour avoir accès à la prochaine vidéo sur le deuxième semestre.