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Santé mentale des mineurs non accompagnés

Je vous laisse la parole pour une vingtaine de minutes. Merci beaucoup. Je vous présenterai à la fois les mineurs et les majeurs. Il faut vraiment mettre les deux en parallèle. J'étais maître de conférences associées jusqu'en 2020 et effectivement donc... Aujourd'hui, je travaille intégralement dans un service, dans une unité spécialisée, l'unité transculturelle, où on a un mandat de santé publique pour s'occuper des mineurs non accompagnés, avec un dispositif, pour le coup, je pense, assez original. Si on prend le focus sur la santé mentale chez les mineurs non accompagnés, effectivement, on a des chiffres, avec des limites méthodologiques, que Thierry a pu évoquer tout à l'heure. même s'il y a certaines études, celles de Derluine, de Bill, qui ont créé leurs propres outils validés pour cette population-là. Donc on voit qu'effectivement, il y a des prévalences extrêmement fortes. Il y a une triade de psychopathologiques qui se retrouve constamment dans toutes les études. Il y a à la fois spécifique dans le champ de la protection de l'enfance aux mineurs non accompagnés, mais qui n'est pas spécifique pour les requérants d'asile, puisqu'au fond, c'est la même triade que l'on retrouve aussi auprès des adultes, à savoir des taux extrêmement élevés. d'anxiété, de dépression et de stress, presque traumatique. En fonction des études, en fonction des échantillons, en fonction justement de la provenance aussi de ces groupes, on a des résultats qui varient un peu, mais qui sont quand même très largement supérieurs à tout ce que l'on peut attendre et même très largement supérieurs aussi aux mineurs requérants d'asile qui viennent avec leur famille. Certaines études disent qu'il y a cinq fois plus de détresse psychologique chez les mineurs non accompagnés que chez les mineurs issus de l'asile qui ont été accompagnés avec leur famille. Ce que nous dit aussi l'étude de BIN de 2007, qui est très intéressante et sur laquelle je vais revenir, c'est que le stress psychosocial, donc toute cette insécurité administrative, insécurité linguistique, insécurité liée aussi à l'incompréhension interculturelle, sont des facteurs de stress psychosocial, ce qui veut dire qu'en fait... quand les jeunes n'ont pas de tampon par rapport à ces stresseurs-là. Autrement dit, quand l'accompagnement n'arrive pas à les rassurer par rapport à ces stresseurs-là, on observe, et ça c'est sur vraiment des cohortes qui sont quand même très grandes, des troubles davantage internalisés. Ça veut dire que bien au contraire d'avoir des troubles bruyants comme on en a l'habitude dans la protection de l'enfance, on a plutôt des troubles internalisés, autrement dit des jeunes qui vont davantage se replier sur eux-mêmes et s'isoler dans ces moments-là. Et il va y avoir bien entendu une reviviscence du stress post-traumatique. J'ai moi-même fait une petite étude qui était à ce moment-là la première en France en 2017 sur 68 mineurs non accompagnés. On a interviewé mes étudiants et mes étudiantes de l'époque. individuellement, alors avec des questionnaires standardisés bien entendu, mais on a aussi demandé aux éducateurs qui les avaient en référent dans le quotidien de répondre aussi à un ensemble de questionnaires. Il s'avérait que chez 69% des jeunes, d'après les éducateurs, ceux-ci avaient été exposés à des événements qui pourraient être traumatiques. On ne peut pas dire que l'issue nécessairement c'est le stress post-traumatique, on l'a dit déjà ce matin. Mais en tout cas, ils ont été exposés, d'après le récit que les éducateurs ont du jeûne, à des événements qui pourraient être traumatiques, potentiellement traumatiques. Lorsqu'on a interviewé les jeunes avec un questionnaire pour le coup de dépistage, auto-rapporté, donc on le faisait ensemble, 62% des jeunes, sur un seuil clinique, manifestent tous les signes d'un stress post-traumatique. Alors, stress post-traumatique simple pour le coup, mais stress post-traumatique. En faisant une analyse de variance, on se rend compte qu'en fait, les 62% ne sont pas entièrement à l'intérieur des 69% dont on connaît l'exposition à un événement traumatique. Pourquoi ? Parce que tout simplement, il y a 23% des jeunes qui ont été exposés qui, à ce moment-là, la recherche ne manifeste pas sur un seuil clinique un stress post-traumatique. Il y a en contrepartie 16% des jeunes qui n'ont rien dit de leur récit migratoire et qui, eux, ont tous les signes d'un stress post-traumatique. Et là, on peut réévoquer effectivement toutes ces questions de traite des êtres humains, de viol, de choses comme ça, qu'on ne peut pas dire, sur lesquelles il y a une très grande honte, et qui ne figurent pas dans le récit du jeune. C'est pour ça qu'il y a une indépendance relative entre ces deux résultats. Et je questionnais aussi les éducateurs dans leur quotidien, à partir d'un question qui s'appelle le CBCL, s'ils observaient des signes, des signes de détresse, de repli sur soi, etc. Et en l'occurrence, chez seulement 16% des jeunes, il était observé dans le quotidien des signes évocateurs d'un stress post-traumatique. Autrement dit, il y a un écart extrêmement important qu'on va retrouver dans la littérature entre ce que l'on peut savoir Ce que l'on peut savoir au travers du récit des jeunes pour les éducateurs, mais au fond, ça nous concerne tous, parce que c'est ce que l'on peut savoir par la théorie, c'est ce que l'on peut savoir par les recherches scientifiques. On sait qu'ils ont été exposés à des événements traumatiques. On sait que de 40 à 60 donc en moyenne, il y a un stress post-traumatique. On le sait. Pour autant, on ne le voit pas dans le quotidien. Autrement dit, dans le quotidien, les capacités adaptatives sont préservées. Et effectivement, les signes de détresse aiguës, sont très peu visibles. Chez seulement un tout petit nombre de ces jeunes, elles sont visibles, mais pas du tout pour la majorité. Et il y a encore une fois un décalage extrêmement fort avec ce qui est vécu dans l'intimité. Autrement dit, dans l'intimité, c'est là où on peut parler de l'internalisation des troubles, il y a effectivement une détresse psychologique intense. Une étude un petit peu plus ancienne, de Bean en 2006, montrait qu'effectivement, en interviewant... Les mineurs non accompagnés, 57,8% exprimaient au fond un besoin de soins et une détresse psychologique. Sans la caractériser davantage, mais en tout cas, ils avaient besoin et se sentaient mal. 30% seulement, cette détresse émotionnelle était détectée par les tuteurs et les enseignants, donc la moitié seulement. Et seulement 12,7% accédaient aux services de soins. Et bien évidemment, une majorité de ces mineurs, 48,7% exprimaient que leurs besoins en santé mentale n'avaient pas été suffisamment pris en compte. Ce décalage que j'ai retrouvé en 2017-2018, on le retrouve aussi dans la littérature de la même manière. Il y a un double décalage entre à la fois ce qui est vécu dans l'intimité par le jeune, qui est observé par les professionnels dans le quotidien, est observée dans le quotidien par les professionnels, qui est à peu près la moitié de ce que les jeunes vivent, et qui conduit encore une fois à une déperdition entre ce qui est observé et le fait de réussir à les amener jusqu'aux soins. Alors, pourquoi est-ce qu'il y a un... tel décalage ? Ça, c'est une vraie question à la fois clinique et une question de recherche. J'ai proposé, et Thierry en a parlé ce matin, Sévan aussi, de cette insécurité administrative. J'ai proposé une piste explicative au fond pour pouvoir expliquer vraiment ce décalage entre ce qui est vécu dans l'intimité et ce qui est vu dans le quotidien. J'ai appris... Le paradoxe de l'accueil, en tant que mineurs, ils sont protégés et pris en charge. En France, c'est au titre de la protection de l'enfance, sachant que la France est vraiment une exception en Europe avec l'Espagne, puisque les autres pays européens les accueillent au titre de la demande d'asile. Ce qui conditionne effectivement aussi le profil des jeunes qui sont accueillis. Par exemple, en Suisse, où je travaille aujourd'hui, on accueille très peu de jeunes d'Afrique de l'Ouest parce qu'ils n'ont aucune chance à leurs 18 ans d'être régularisés. Ils sont pris en charge à l'aide d'urgence en tant que mineurs jusqu'à 18 ans, mais à l'heure 18 ans, aucune chance. En contrepartie pour les jeunes d'Afrique de l'Ouest, il y a toute l'histoire coloniale, il y a le français aussi qui nous rapproche. Ils ont énormément plus de chance en France qu'ils en auraient dans d'autres pays. Donc ça aussi, je dirais que les politiques migratoires vont déterminer aussi le profil des jeunes. Et donc en France, en tant que mineurs, ils sont protégés. pris en charge au titre de la protection de l'enfance et en même temps, ils restent exposés à un avenir incertain et menaçant. Ça veut dire qu'à 18 ans, il va se décider administrativement des choses pour eux, qui peut être la reconduite aux frontières, qui peut être un droit de séjour temporaire, qui peut être la clandestinité ou la précarité. Donc il y a vraiment une contradiction de l'accueil entre protection et insécurité. Et eux-mêmes doivent s'adapter. au fond, au paradoxe de l'accueil. Ils doivent apprendre à composer avec à la fois cette sécurité temporaire et cette insécurité à long terme. Comment faire pour s'adapter au paradoxe de l'accueil ? C'est tout simplement de montrer le maximum de volonté à s'intégrer, à normaliser sa situation, puisque à 18 ans, va-t-être décidé si on peut rester ou pas. Sur quels critères est-ce que ça se décide en France ? C'est sur le critère de l'apprentissage de la langue, c'est sur le critère de l'insertion, l'apprentissage dans un métier, souvent des métiers en plus qui sont sous tension. Donc, c'est au fond l'utilité du migrant à la nation. Il faut bien montrer d'ici là le maximum de volonté à s'intégrer, à normaliser sa situation, se sentir menacé. En fait, ils se sentent menacés par l'expression de leur souffrance, ce qui est de surcroît une peur adolescente aussi, même pas effectivement dépendant des autres, en cas de vulnérabilité. Et il faut se dire que le symptôme a une valeur dissociale. Autrement dit, le symptôme nous amène à dysfonctionner dans la société, ce qui veut dire que le symptôme, au fond... il vient hypothéquer la possibilité même que l'on reste à 18 ans, parce qu'au fond, il viendrait ruiner tous les efforts d'adaptation que l'on met en place, mais au fond, que la société aussi qui nous accueille exige de nous. Donc, le symptôme a une valeur d'i-social. Ces éléments-là, ils expliquent en partie, effectivement, les obstacles à l'identification des besoins de soins chez les mineurs non accompagnés. À cela, il faut rajouter que, effectivement, toute la littérature nous le montre, il y a une tendance en situation de détresse à internaliser davantage les troubles, à davantage se replier sur soi. Il y a un maintien des habiletés sociales et des capacités adaptatives malgré la présence d'un stress post-traumatique. Il y a, ce que l'on a évoqué, des manières de souffrir et d'exprimer sa souffrance qui peuvent être différentes. en fonction des cultures. Et puis, il y a aussi une réserve culturelle quant au partage des émotions. Cette réserve culturelle, on la retrouve, ayant beaucoup travaillé en France avec des jeunes qui venaient d'Afrique de l'Ouest, ils me disaient, mais moi, j'aurais jamais dit quoi que ce soit à mes parents, quand on ne va pas bien, on le garde pour soi. Aujourd'hui, j'ai des jeunes afghans à 90%, ils me disent exactement la même chose, quand on ne va pas bien, on ne va pas ennuyer les autres avec ça, on le garde pour soi, puis on trouve une solution. Donc, il y a aussi une réserve culturelle, effectivement, à garder les émotions pour soi. Donc c'est un vrai travail acculturatif, lorsqu'on nous rend compte d'imaginer, parce que ça c'est notre ethno-théorie, de penser que la parole effectivement est libératrice et qu'elle soulage. Et en l'occurrence, ils y croient assez rapidement, cette ethno-théorie, ils se logent assez rapidement dedans. Et on arrive donc à les suivre, et je trouve qu'elles les suivent très bien, mais initialement ce n'est pas spontané. Ce qui veut dire qu'il y a, et c'est jeune, déjà en tant que mineur, mais on va retrouver la même chose en tant que majeur, la présence simultanée de facteurs de résilience, puisqu'ils s'adaptent très correctement, ils jouent le jeu de ce qu'ils auraient demandé très majoritairement aussi. Donc, il y a la présence simultanée de facteurs de résilience et de troubles aigus. Et ça, c'est un élément clé, je pense, qu'il faut avoir en tête. Avec un étudiant en médecine que j'ai supervisé, on a fait une revue de la littérature sur les capacités. adaptatives et capacités scolaires des mineurs non accompagnés. La littérature scientifique est très consensuelle dans ce domaine en fait. Les capacités adaptatives sont préservées et globalement les capacités scolaires et d'apprentissage sont préservées alors qu'ils sont porteurs d'un stress post-traumatique complexe pour une partie, de dépression, d'anxiété et néanmoins ça n'handicappe pas. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une difficulté mais ça n'handicappe pas. les apprentissages et la bonne insertion. Les méta-analyses aussi nous montrent exactement la même chose. J'avais écrit cette phrase-là qui est tirée d'une des méta-analyses. Des preuves suggèrent la coexistence d'un bon fonctionnement global avec des symptômes de mauvaise santé mentale. Et ça, c'est vraiment quelque chose de très fort. Si on ne l'a pas compris avec les mineurs non accompagnés, on risque de passer complètement... à côté de la problématique. Ce qui nous amène à nous questionner au fond sur ce concept de résilience qu'on connaît tous, avec lequel on travaille tous, plus ou moins. C'est un concept aujourd'hui qui est devenu, comment le dire, un concept commun. On pense tous savoir ce que c'est, au fond, quand on parle de résilience. Les critères de la résilience globaux, je dirais, c'est tout simplement... Déjà, la résilience résulte de l'interaction entre l'individu et son environnement, mais d'une manière très globale, la résilience nous permet de surmonter une épreuve traumatique et de continuer à se construire, à se développer de façon adaptée. Sur ce critère global, on pourrait dire qu'ils sont résilients. Néanmoins, on peut avoir des critères un peu plus affinés que ça et se souvenir aussi que la résilience est un processus qui est complexe, multifactoriel, mais aussi dimensionnel, chose qu'on ne dit pas suffisamment. Autrement dit, aujourd'hui, il y a beaucoup d'études sur les personnes âgées qui nous montrent qu'on peut avoir un état de santé qui se dégrade et néanmoins avoir une appétence pour la vie qui est exceptionnelle. Vous voyez, autrement dit, on peut être... en souffrance, mais aussi être résilients. On peut être résilients dans un domaine, mais pas dans un autre. C'est exactement ce qui se passe avec les mineurs non accompagnés. Si on considère que la résilience est un construit dimensionnel, ils sont résilients dans certains domaines, mais pas dans tous. Sur des critères intra-psychiques, la résilience coïncide globalement avec la diminution de la détresse psychologique. Si on décline encore, c'est la diminution de l'anxiété, des pensées intrusives liées au trauma, la diminution de la dépression, de la culpabilité, du stress, un bon équilibre psychosomatique. On en a parlé, la porte d'entrée du soin, c'est le corps et le sommeil, avec les cauchemars. C'est une capacité à rendre compte de ses états intérieurs et une capacité à éprouver un sentiment de bien-être subjectif. Et sur des critères externes, c'est la bonne adaptation du sujet à son environnement aux exigences de lui-ci, donc apprentissage, absence de troubles fonctionnels, bonne insertion, etc. Donc on voit bien, si on a cette lecture dimensionnelle de la résilience, comment effectivement on peut être résilient dans un domaine, l'adaptation sociale, mais au fond, être en grande détresse psychologique, autrement dit, on n'est pas résilient dans tous les domaines. Alors, chez les jeunes majeurs, Chez les jeunes majeurs, on a quelques études longitudinales qui, d'un point de vue de la méthodologie de la recherche, sont quand même très limites. Pourquoi ? Parce que déjà, c'est des petites cohortes, mais ce n'est pas au fond le problème principal. C'est souvent des cohortes de 100, 110 sujets. Mais compte tenu que c'est du longitudinal, il y a ce que l'on appelle une mortalité expérimentale, à savoir qu'on débute avec 110 sujets et puis on arrive avec 50. Donc ça, c'est la difficulté. Mais malgré tout, on a quelques études longitudinales au niveau européen sur le devenir, que je vais appeler les jeunes majeurs isolés étrangers, qui montrent qu'il n'y a pas d'impact sur la santé mentale lié à la durée de l'établissement dans le pays ou autre. Ce qui veut dire qu'au fond, on ne va pas forcément mieux au bout de cinq ans que quand on est arrivé. Première étude un petit peu ancienne. Autre chose aussi que l'on peut voir, l'étude de Jensen en 2014, il n'y a pas d'amélioration en santé mentale pour les mineurs non accompagnés ayant reçu un permis de séjour, mais en contrepartie, une augmentation de la détresse pour ceux qui se voient y refuser l'asile. Donc, on le disait tout à l'heure, le stress post-traumatique. complexe, la dépression, l'anxiété méritent du soin. Il ne suffit pas d'accueillir pour que tout se rétablisse tel quel. Il n'y a pas de rétablissement spontané. Là, on le voit très bien encore, il n'y a pas d'amélioration en santé mentale, mais bien entendu une dégradation lorsque le contexte psychosocial lui-même se dégrade. La détresse psychologique signalée à l'arrivée dans le pays reste stable à 4 mois, puis à 15 mois, puis à 26 mois, dans une étude de Jacobson. Autre étude, encore une fois, le devenir des MNA en Norvège après 6 mois, donc à l'âge de 14 ans, puis après 2 ans, à l'âge de 16 ans, puis après 5 ans, à l'âge de 19 ans, montre qu'il n'y a aucune différence entre 6 mois et 2 ans sur les indicateurs de santé mentale. Il y a une très légère amélioration des symptômes dépressifs après 5 ans, très faible amélioration du stress post-traumatique après 5 ans, mais la prévalence stresse tout de même de 62% de jeunes, donc là de jeunes majeurs. qui montrent toujours des signes aigus de stress post-traumatique. Bien entendu, et ça, toutes les études vont dans le même sens, elles convergent, il y a un impact négatif du stress du quotidien sur la santé mentale et il y a un effet bénéfique, c'est un effet tampon, un effet médiateur ou modérateur du soutien social sur la dépression. Avec des collègues de l'Inserm de Montpellier, on a réalisé ce que je pense être la première... Première étude française sur le devenir des jeunes majeurs isolés étrangers. En France, on a une étude multicentrique, alors qu'il n'est pas une étude longitudinale, c'est une étude transversale. Une étude multicentrique entre Chambéry-Montpellier et La Rochelle, où on a interviewé 110 jeunes majeurs. âgés de 18 à 22 ans, des femmes et des hommes, mais plus des hommes, parce que ça c'est les échantillons, qui ont été pris en charge, c'était l'une des conditions d'inclusion, qui ont été pris en charge par la protection de l'enfance, qui ont pu pour certains avoir même un contrat jeune majeur, mais qui en tout cas étaient au moins depuis six mois sortis de la protection de l'enfance et de tout accompagnement éducatif. Et avec ou sans titre de séjour, ça après c'était vraiment restuel. Je vais vous présenter brièvement quatre résultats pour réfléchir un peu sur le devenir de ces jeunes majeurs isolés étrangers, au regard aussi de ce que l'on a vu de la santé mentale des mineurs. Donc voilà les résultats qu'on a trouvés pour la symptomatologie, donc vraiment sur la santé mentale. Les troubles somatiques, 18,4% des jeunes interviewés ont des troubles somatiques. En population générale, c'est à peu près 9,7%. Donc, on est sur le double. Les troubles anxieux. J'ai à chaque fois mis sur le côté le questionnaire qu'on a donc utilisé. Les troubles anxieux, 17,8 de ces jeunes majeurs manifestent des troubles anxieux. La population générale, c'est à 4,2 Les troubles dépressifs, avec le PHQ-9, 28,7 manifestent des signes aigus d'un état dépressif, d'un trouble dépressif. En population générale, 6,7 État de stress post-traumatique, 33,7%, en population générale sur la vie entière, entre 2 et 8. Donc, on reste sur les jeunes majeurs, sur des prévalences quand même qui sont tout à fait anormales. Là, c'est du qualitatif. Là, pour le coup, on a demandé aux jeunes une auto-évaluation. de leur état, du bien-être, etc., par rapport au moment où la protection de l'enfance a cessé pour eux, où ils sont sortis complètement des dispositifs de protection de l'enfance. Certains, c'est à 18 ans pile, d'autres, ça a pu être à 18 ans et trois mois, en fonction des accompagnements. Et vraiment, ce moment où ils se sont retrouvés sans accompagnement et sans éducateur. 61,5 des jeunes peuvent dire que dans le mois... où ils se sont retrouvés tout seuls, ils ont vraiment observé en eux-mêmes une péjoration de leur état de santé. Ils allaient mal. Ils allaient mal parce qu'effectivement, il fallait tout gérer par soi-même et beaucoup d'insécurité aussi. Néanmoins, on voit aussi que certains peuvent dire qu'ils allaient mieux. 24 tout de suite, dès qu'ils sont sortis, c'était la libération. On n'a jamais des résultats qui sont univoques. On a toujours des proportions. Ils nous font penser la complexité, mais avec une tendance quand même assez franche de se dire qu'effectivement, ce passage, immédiatement après, quand ils sortent entièrement du dispositif de la protection de l'enfance, est un moment de vulnérabilité très fort. 67% disent au moment de l'entretien, en tout mieux qu'avant. C'est aussi une amélioration, j'observe. avec la majorité, sur la santé mentale. Donc, on leur a fait remplir les questionnaires pour mesurer effectivement l'anxiété, la dépression, le stress post-traumatique avec les résultats que je vous ai donnés tout à l'heure. Et on leur demandait, ça c'est quelque chose qu'on a rajouté du qualitatif, on leur demandait, mais par rapport à avant, comment tu juges ? Est-ce que c'était avec une échelle de liqueur ? Est-ce que tu se trouves que... ce que tu nous as dit là, ce qu'on a vu ensemble, c'était moins qu'avant, c'était pareil qu'avant, c'était plus sévère qu'avant. Et là, on voit des résultats très contrastés. On sent qu'en dehors du stress post-traumatique, où très majoritairement les jeunes nous disent qu'au moment de l'entretien, ils ressentent les troubles comme étant moins aigus qu'avant. Tout le reste, c'est beaucoup moins évident parce qu'on est à peu près sur des proportions presque équivalentes à chaque fois. Où il y a un tiers qui dit non, c'est moins sévère qu'avant, je me sens mieux un tiers qui dit au fond, c'est pareil qu'avant, il n'y a pas d'évolution, c'est vraiment chronicisé et puis un tiers à peu près qui dit non, c'est encore pire qu'avant Donc là, on a vraiment des résultats très contrastés. Donc ça, c'est pour vous donner aussi un peu une image sur ce petit échantillon de 110 jeunes dans trois départements différents. de la situation socio-administrative quand on les rencontre. 30 sont en apprentissage, 15 sont en lycée professionnel, 10 presque 11 sont salariés, 34 sont à la recherche d'emploi, donc quand même une situation de précarité, je veux dire. Autre, alors c'est encore d'autres situations, titre de séjour au niveau de la situation d'emploi administratif, 68 ont un titre de séjour, alors c'est des titres de séjour temporaires, mais ils ont quand même... un titre de séjour souvent renouvelable dans la plupart des cas, dans l'attente d'un titre de séjour presque 11%, en demande d'asile 6% et en situation irrégulière 14%. Et 90% ont une formation ou sont en formation ou ont un diplôme. On voit vraiment effectivement ce parcours quand même. Alors, quand on a fait une comparaison statistique entre les jeunes qui ont une situation stable, alors stable, Ça veut dire au moins qu'ils ont un titre de séjour. C'était le cas principal versus instable. Ils n'ont pas de titre de séjour ou sont dans l'attente ou sont dans une situation irrégulière. On voit, mais sans surprise, parce que toute la littérature nous dit la même chose aussi, que bien évidemment, il y a un niveau significativement beaucoup plus élevé de symptômes somatiques, de troubles anxieux, de stress post-traumatique et bien entendu, un score de résilience plus faible. Comme je vous le disais, on est sur une étude transversale et non pas longitudinale. Donc, c'est difficile, effectivement. Là, pour le coup, on ne sait pas quelle est l'évolution de ces jeunes. En tout cas, eux ont l'air de percevoir quand même une diminution du stress post-traumatique avec la majorité. Effectivement, il y a 33% des jeunes qui ont les critères d'un stress post-traumatique, ce qui est beaucoup moins que ce que j'avais trouvé pour... pour l'échantillon adolescent, mais ce qui est sensiblement moins que ce que l'on trouve globalement pour les mineurs non accompagnés. Donc moi, je suppose, contrairement aux études qui ont été faites en longitudinal, où je pense qu'il y a une forme de captation des personnes qui vont le plus mal, qui sont restées un petit peu captives du groupe, et une forme de surreprésentation de ceux pour lesquels il n'y a pas eu de changement du tout. On peut supposer que ceux qui vont mieux sont peut-être ceux qui retrouvent un peu de mobilité. sortent complètement de nos radars, justement, et qu'on n'arrive pas à réintégrer dans la recherche. Donc, en tout cas, on peut supposer quand même qu'il y a une légère amélioration, mais néanmoins, les prévalences restent, par rapport à la population générale, extrêmement élevées, et on voit qu'on est sur des troubles qui sont largement chronicisés. La transition vers l'autonomie, disons qu'elle coïncide aussi, au moment même de la transition, à une péjoration de l'état de santé, ce qui veut dire que là, on est vraiment sur un moment de vulnérabilité. Mais globalement, la majorité coïncide quand même pour beaucoup avec un sentiment de mieux être perçu. L'évolution des troubles en santé mentale, elle est contrastée, c'est celle qu'on vient de voir. On n'arrive pas au fond à trancher. On a beaucoup de troubles chronicisés, c'est ce qu'il faut garder. Et bien entendu, l'insécurité, lorsqu'elle perdure de façon structurelle, il n'y a pas de secret, elle pégeore l'état de santé. Je vous ai mis les références bibliographiques aussi, il y en a pas mal. Et puis je vous signale aussi, avant que je l'oublie, qu'avec Sévan, avec Thierry, avec une trentaine d'auteurs, on a travaillé sur un ouvrage collectif qui sera édité au mois d'octobre chez Inset, sur les mineurs non accompagnés, repères pour une clinique psychosociale transculturelle. Parce qu'effectivement, Sévan l'a beaucoup dit aussi, Thierry, mais on est vraiment sur une clinique du présent. On travaille beaucoup le passé, certes, on travaille beaucoup le psychotrauma, on travaille énormément aussi le présent, la sécurisation du présent. Et ce qui nous est amené en premier lieu, c'est effectivement l'insécurité, le stress et la détresse psychosociale. Et il faut en prendre un bout pour réussir à traiter le reste. On ne prend pas ce bout-là, on ne peut pas traiter le reste. Ça, c'est une certitude.