Il y a la question qui se pose, c'est celle de l'antisémitisme éternel, selon laquelle là où il y aurait des juifs, forcément il y aurait de l'antisémitisme. Il y a des moments, il y a des endroits dans l'histoire où on ne trouve pas de traces, en tout cas d'antisémitisme ou de problèmes majeurs en ce qui concerne l'intégration des juifs. Y a-t-il une haine multiséculaire des juifs ? Attention que cette idée ne soit pas une construction des antisémites. Vous avez toujours été haïs, donc il y a un problème chez vous.
Et en fait, si on reconstruit l'histoire, il faut être très attentif au fait que il n'y a pas de haine universelle et atemporelle. Comment se défendre de l'antisémitisme et comment réduire l'antisémitisme ? Comment expliquer ce caractère viral d'une passion contre un groupe ?
Comment cela prend ? Punition divine, identité maudite. L'idée que l'antisémitisme serait inhérent à l'existence du peuple juif est une construction humaine. Où ce phénomène a-t-il pris racine ? Comment a-t-il participé à la manière dont les sociétés se conçoivent et se construisent ?
Ces questions sont au cœur d'une longue histoire qui a traversé les siècles, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. Dater les origines de l'anti-judaïsme est très complexe. La réponse est partielle.
Nous ne savons pas grand-chose, par exemple, sur ce que les Babyloniens pensaient des Juifss. Peut-être qu'ils avaient de nombreux préjugés sur les Juifss. Mais nous n'en avons aucune trace.
Donc nous ne pouvons pas vraiment savoir. Mais si nous devons parler de l'une des plus anciennes sociétés où l'anti-judaïsme est devenu puissant, ce serait l'Égypte. C'est à Alexandrie, en l'an 38, que l'on situe la première trace repérable de violences anti-juives.
A cette période, l'Empire romain a établi son emprise sur la presque totalité du pourtour méditerranéen, où vivent 4 millions de juifs. Un million d'entre eux habitent dans le petit royaume de Judée depuis plus de 3000 ans. Les autres se sont déplacés au gré des conflits.
A Alexandrie, une des plus grandes villes du monde, une communauté juive prospère est installée depuis plusieurs siècles. Sous domination romaine, chacun vit selon ses traditions et pratique librement sa religion. Comme ailleurs dans l'Empire, la religion juive, prosélite à cette époque, séduit et attire de plus en plus de populations en son sein. Centre culturel et religieux d'Egypte, Alexandrie est une ville cosmopolite.
Sa population est composée de Romains, Grecs, Égyptiens et Juifss. Les juifs sont arrivés dans le sillage d'Alexandre le Grand, parfois un peu comme esclaves, mais surtout comme militaires. Ils ont prospéré à Alexandrie. Ils avaient tous les métiers possibles.
Donc il fait très bon d'être juif à Alexandrie. Après, il y a... Une petite unanimosité qui n'est pas petite de la part des égyptiens. Le peuple juif se distingue par un ensemble de lois comme l'interdiction de travailler le septième jour ou de consommer du porc.
Seul peuple à croire en un dieu unique dans l'Empire romain, ils ont obtenu l'autorisation exceptionnelle de ne pas rendre de culte à l'empereur dans leur synagogue. Un privilège qui exaspère les égyptiens. En l'an 38, à Rome, Agrippa est nommé nouveau souverain juif de Judée par l'empereur Caligula. Pour rejoindre son royaume, il décide de faire une halte à Alexandrie.
Sa présence va cristalliser le ressentiment de la population égyptienne sous le jour romain. Agrippa, la figure du souverain prospère, en bonne entente avec les Romains, voire favorisé par le pouvoir romain, va rentrer à Alexandrie avec une espèce de magnificence, avec des lecteurs, avec des insignes du pouvoir romain. Il en a peut-être fait trop. Peut-être qu'il incarne la jalousie des Égyptiens.
En marge du défilé d'Agrippa, des Égyptiens se réunissent dans un amphithéâtre et organisent un grand spectacle, une parodie de sa visite. La populace d'Alexandrie prend un simple d'esprit, on lui met une couronne et on va singer la visite d'Agrippa. Il incarne la jalousie des Égyptiens.
On se venge de ce qu'on pense des Juifss sur Agrippa. Dans la foule des spectateurs se trouve Apion, le directeur de la prestigieuse bibliothèque d'Alexandrie. Depuis des années, il essaie de dresser la population contre les juifs. Apion a écrit de nombreuses accusations contre les Juifss. Il les qualifie de misanthropes, d'hypocrites et prétend qu'ils seraient sur le point de détruire l'Égypte.
Vous commencez alors à avoir plusieurs Égyptiens qui racontent et relaient des histoires au sujet des Juifss. Ils seraient la cause de la chute de l'Égypte aux mains des Perses, des Grecs, puis des Romains. En fait, ils deviennent la cause de tous les moments difficiles que l'Égypte a connus. L'autre idée, qui n'est pas moins absurde non plus, c'est que les Juifss feraient des sacrifices humains dans leur temple. Cette rumeur, c'est aussi Apion qui l'a colportée.
Les Juifss n'ont pas de statut à l'intérieur de leur temple, ce qui fait qu'on commence à fantasmer sur les Juifss et on dit qu'à l'intérieur des synagogues, on prend un païen, on l'élève, on le fait engraisser et le jour de la Pâque... La célébration de la sortie d'Égypte consiste à trucider le païen, puis mettre du sang dans les azimes. La situation a vraiment explosé lorsque Flaccus, le gouverneur romain d'Alexandrie, a autorisé la plèbe à s'attaquer aux Juifss.
Il aura en quelque sorte donné carte blanche. Vous pouvez faire ce que vous voulez, je vous laisserai faire. La nuit venue, la foule, excitée par le spectacle et les accusations d'Apion, décide de passer à l'acte. Et après le pillage, il va y avoir carrément l'attaque physique, comme dans tout pogrom, avec le massacre de Jean.
Et tout ça nous est bien décrit par le philosophe Philon d'Alexandrie. Philon d'Alexandrie a vécu ce massacre. La populace se jeta sur nous avec une fureur sauvage. Chacun montrait son butin aux passants, souvent sous les yeux de ceux qu'ils avaient dépouillés. C'était cependant moins affreux que ce qui suivit.
La populace d'Alexandrie s'était postée tout autour de l'étroit quartier dans lequel on avait refoulé les Juifss. On les blessait à coups de pierres, d'autres furent brûlés. On n'épargna pas même les femmes, on en arrêta beaucoup qu'on prie pour Juifs. Celles qui refusaient de toucher la viande de porc étaient livrées aux bourreaux pour subir les pires supplices.
En réaction, Philon va écrire le premier texte de l'histoire s'élevant contre la haine des juifs. Ce qui rend le massacre d'Alexandrie si particulier, c'est qu'on a tué des juifs uniquement parce qu'ils étaient juifs. C'est vraiment le modèle, en quelque sorte. C'est là que l'on trouve la première trace d'un passage à l'acte absolument tragique.
Durant l'Antiquité, les émeutes d'Alexandrie restent un cas isolé. Mais le mal est fait. Apion sera l'un des premiers anti-juifs connus de l'Histoire.
Auteur de Sacrifices humains comploteur pour dominer le monde, Les accusations qu'il a propagées vont traverser les siècles. Dans l'Antiquité, on a des crises d'anti-judaïsme et d'anti-sémitisme, à Alexandrie, à Babylone, en Égypte, où vous voulez. C'est des crises, c'est violent, et puis après la vie reprend. Il y a des traditions de mépris dans la pensée romaine vis-à-vis des Juifss, mais il n'y a pas une civilisation...
anti-juive qui se bâtit, alors qu'avec le christianisme, il y a des civilisations anti-juives qui naissent et qui s'installent. À Jérusalem, au centre du petit royaume de Judée occupé par les Romains, différentes tendances du judaïsme s'affrontent depuis plusieurs années. Jésus, né dans une famille juive, se présente comme le Messie tant attendu par les Juifss. Il est à la tête d'une petite communauté dissidente qui prend de l'importance. Ce sont les futurs chrétiens.
Le christianisme a émergé et s'est détaché relativement lentement du judaïsme. Au début, le judaïsme et le christianisme pouvaient être considérés comme des sectes d'une même communauté religieuse. Dans le sillage du personnage de Jésus, il y avait des juifs qui croyaient en Jésus.
En fait, les premiers chrétiens sont des juifs, sont absolument des juifs. Donc c'est très difficile de définir un juif d'un chrétien au début. Ils partagent des textes, la pratique de l'interprétation, une langue et un même espace comme la synagogue.
La question devient alors quels sont les points communs et les points de séparation entre ces deux religions ? Et quelle est la place de ce processus de séparation dans la montée de l'antisémitisme ou de l'antijudaïsme ? C'est le philosophe chrétien Augustin qui le premier appelle à une séparation entre le judaïsme et le christianisme. À Naplouse, vers l'an 135, un siècle après la mort du Christ, il met en scène cette rupture dans un dialogue avec un juif imaginaire.
Il lui déclare que Dieu a abandonné les juifs et que désormais les chrétiens ont vocation à prendre leur place. La nouvelle loi est pour tous les peuples. Substituée à la première, elle l'abroge entièrement.
Nous sommes aujourd'hui le véritable Israël. Nous formons la race sainte, nous qui n'avons connu le vrai Dieu que par Jésus. Ce qu'on appelle la théologie de la substitution, selon laquelle tout simplement c'est l'Église qui remplace le judaïsme, que le judaïsme est caduque. Certes, il y a eu un moment privilégié, une alliance réelle entre Dieu et le peuple juif, mais désormais elle est caduque. Le christianisme est une religion qui veut convertir, qui veut récupérer des gens qui auraient été sensibles au message moral du judaïsme.
Donc on va utiliser la figure du juif comme repoussoir. Donc on va convertir les païens. sur le dos des juifs, en montrant que les juifs sont dans l'erreur. On est dans des situations d'extrême concurrence où finalement tous les coups sont permis.
Et je dirais tous les coups et donc tous les bobards, et donc toutes les fake news. C'est alors que naît le premier mythe négatif de la chrétienté à propos des juifs, le déicide. L'un des apôtres, Juifss, juif comme ils le sont tous, est accusé d'avoir dénoncé Jésus et par conséquent d'être le responsable de sa mort. Les juifs dans leur ensemble sont désignés comme les assassins de Jésus.
Juifss, ce n'est pas n'importe quel homme, et ce n'est pas n'importe quel nom, puisque Juifss, ça signifie juif en quelque sorte, ou judé si vous voulez, et de faire de juif celui qui trahit Jésus, est une trouvaille absolument extraordinaire, puisque c'est une manière de criminaliser les juifs. Si vous avez un Dieu tout amour, alors qu'est-ce qu'on fait de la haine ? Qu'est-ce qu'on fait du mal dans le monde dans lequel nous sommes ?
Eh bien, à ce moment-là, il faut l'attribuer, il faut que d'autres en soient porteurs. Il fallait bien que quelqu'un vienne incarner dans la mythologie religieuse chrétienne cette part fondamentale de haine, d'agressivité. C'est à partir de ce moment-là qu'on va commencer lentement mais sûrement, à partir du IIe siècle, à faire porter la responsabilité du déicide sur les Juifss et les Juifss seuls.
Parce qu'en accuser les Romains, ce serait empêcher de faire du latin la langue de Dieu et de faire de Rome la capitale. En 70, Le judaïsme perd son centre religieux historique en Judée. Le temple est détruit par les Romains. Quelques décennies plus tard, après une dernière révolte, les Juifss perdent définitivement leur autonomie sur ce royaume.
Pendant trois siècles, beaucoup vont quitter cette région et rejoindre les communautés installées sur plusieurs continents. y compris dans la région du Konkan en Inde et bientôt en Chine. A Constantinople, le judaïsme est une religion encore prosélite. A cette époque, elle poursuit ses conversions en nombre. Païens, juifs et chrétiens cohabitent et partagent leurs fêtes.
Le déicide n'est pas encore devenu une croyance populaire malgré les serments anti-juifs de l'évêque de la ville. Mais le christianisme gagne en influence, notamment auprès des romains. En 337, une véritable révolution civilisationnelle bouleverse l'Empire.
Depuis cette cité qu'il a construite comme une seconde Rome, l'empereur Constantin décide de rallier l'Église. Le christianisme s'impose comme religion de l'Empire. On célébrera désormais un empereur qui tient sa légitimité du Christ.
Un seul Dieu, un seul empire, une seule religion. Et donc, la question est, comment le christianisme, en tant que religion d'État, va se comporter et agir envers ceux qui ne partagent pas la même foi ? Et c'est à ce moment-là que s'inscrit une étape supplémentaire voire un pas décisif dans la construction de l'anti-judaïsme et de l'antisémitisme. Les successeurs de Constantin défont lentement les mesures de tolérance instaurées jadis par Rome. En 439, l'Empire se dote d'un code juridique, le code théodose.
Pour la première fois dans l'histoire, les Juifss ont un statut officiel. Ils sont désignés juridiquement. Dans ce document, ils sont aussi l'objet de discrimination. On leur interdit de construire de nouvelles synagogues, puis on les exclut de certaines professions, avocats, fonctionnaires ou militaires. Les juifs deviennent progressivement des citoyens de seconde zone.
C'est à partir de ce moment-là qu'une condition, qu'une catégorie juridique particulière a commencé à s'établir. Ils étaient bien des citoyens avec des droits particuliers, mais avec des droits limités. qui ne les rendaient pas équivalents à ceux des autres populations chrétiennes. C'est comme ça que ça commence, le statut d'échéance des Juifss. C'est une construction au fil des siècles aussi.
Yponne, en Afrique romaine, l'actuelle Annaba, dans l'est de l'Algérie, est alors l'un des plus grands centres culturels de l'Empire. A 2000 km de Constantinople, un homme élabore une théorie religieuse qui conditionnera la vie des juifs en terre chrétienne pendant des siècles. C'est l'évêque de la ville, Augustin, un des plus grands penseurs du christianisme. Il essaye de réfléchir à la place des juifs dans la cité et quelle base légitime leur reconnaître.
Il hérite de tout ce qui le précède comme anti-judaïsme déjà là et il ajoute une couche qui est la question de pourquoi les juifs demeurent. Il se la pose parce qu'il est un homme responsable, pas politiquement, mais responsable de la cité et qu'il voit qu'il y a des synagogues et qu'il doit rendre compte du phénomène. Les juifs auraient dû se convertir, puisqu'ils auraient dû avoir, plus que les autres, conscience de la révélation, du fait que le Messie était venu. Au fond, continuer à être juif, c'est nier le statut de Jésus comme Messie. En 413, à partir de sa lecture des textes religieux, Augustin élabore sa thèse dans son ouvrage monumental La cité de Dieu Les juifs y sont définis comme le peuple témoin.
Si les juifs ne sont pas prêts à renoncer à leur foi propre, s'ils ne sont pas prêts à recevoir le message du christianisme, il faut donc faire avec. Faire avec, c'est-à-dire faire d'eux des reliquats. du passé. Augustin l'a théorisé d'une manière extrêmement cohérente, extrêmement subtile, extrêmement intelligente.
Il a articulé la logique selon laquelle les Juifss ne devraient pas être tués. Les Juifss doivent être protégés au sein de la société chrétienne parce qu'ils sont ce qu'il appelle des fossiles vivants. Les juifs que l'on trouve partout nous rendent témoignage que les prophéties relatives à Jésus ne sont pas notre invention.
Eux ont les livres qu'ils lisent en aveugle, et nous nous tenons le Christ. Qu'est-il donc aujourd'hui ce peuple, si ce n'est une espèce d'archiviste des chrétiens ? En s'équipant ainsi d'un concept du juif qui porte les livres mais qui ne sait pas les lire, il donne une place politique, et c'est son but, aux juifs dans une cité qui est gouvernée par les chrétiens. mais qui est une place de minération. Il a donc clairement posé les conditions selon lesquelles les Juifss pourraient être autorisés à survivre dans une société chrétienne.
Et il est même possible de dire, et certains l'ont dit, que s'il ne l'avait pas fait, les Juifss auraient peut-être disparu du monde chrétien. Pour Augustin, dans son livre La cité de Dieu les Juifss doivent être maintenus en vie dans des conditions de servitude et d'humiliation. Un statut qui doit témoigner de ce qu'il en coûte de ne pas avoir reconnu Jésus comme le Messie. Transmis à travers le temps par 400 manuscrits copiés ou imprimés, son texte latin sera traduit et enseigné dans les royaumes chrétiens. Durant plus de 1000 ans, sa doctrine servira de référence pour les politiques anti-juives en Europe.
A 3000 km de la ville d'Augustin, dans le désert, les Juifss d'Orient ont déjà vécu une longue histoire. Présents depuis 600 avant Jésus, ils vivent principalement dans l'actuelle région d'Irak et dans le cœur de la péninsule arabique. Certains descendent des Hébreux et en fuient la Judée durant les siècles passés. D'autres sont des Arabes convertis, car les conversions au judaïsme sont courantes à cette époque. Résidant au milieu de tribus polythéistes, ils n'ont jamais été la cible d'hostilité en raison de leurs croyances.
Les luttes sont de nature tribale et non religieuse. Mais les juifs d'Arabie vont bientôt vivre sous le règne d'une nouvelle religion. Bientôt, un homme déclare sa vocation à transmettre une nouvelle parole divine.
Mahomet donne sa propre interprétation de la Bible et fonde une nouvelle religion, l'Islam. Banni de sa tribu polythéiste, il se rend à Médine et espère être reçu comme le nouveau prophète par la population juive. Contrairement aux attentes de Mahomet, les juifs de Médine ne l'ont pas reconnu comme prophète.
Et ce fut le début... l'origine d'une forme de tension. À ses débuts, l'islam est confronté à des problèmes très similaires à ceux du christianisme primitif.
Que faire des représentants vivants d'une autre tradition prophétique plus ancienne, celle des juifs, que l'islam prétend également englober et interpréter ? Pour se définir en tant que société, les musulmans devaient concéder une certaine légitimité aux juifs et aux chrétiens en disant Vous croyez en Dieu. Certes, vous ne croyez pas vraiment aux bonnes choses, mais vos intentions sont bonnes.
Nous ne pouvons pas vous forcer à croire en l'islam. Nous ne pouvons pas vous forcer à suivre nos lois. Nous allons donc vous permettre de suivre vos lois. Cependant, parce que vous êtes dans l'erreur, vous aurez un statut inférieur dans notre société. En prenant le contrôle de la ville de Médine, Mahomet impose un statut spécifique aux minorités juives, l'adima, terme signifiant en arabe soumission, mais aussi protection.
En une dizaine d'années, il conquiert toute l'Arabie. Et il conclut cet accord de Dima avec les populations juives et chrétiennes locales. Celles-ci peuvent continuer à pratiquer leur culte, mais elles doivent s'acquitter d'un impôt.
Après la mort de Mahomet, Ses successeurs étendent les conquêtes sur trois continents. L'islam couvre alors un large territoire. Pour mieux le contrôler, les califes décident de codifier le statut de Dima et de l'inscrire dans un document officiel, le pacte d'Oumar. Dorénavant, juifs et chrétiens devront porter un signe distinctif.
Ils ne seront pas autorisés à monter à cheval ni à porter d'armes. Leurs lieux de culte devront être érigés moins haut que les mosquées. Si l'on regarde de près les plus anciens documents, ceux qui ont survécu à la conquête musulmane, on voit que ces obligations imposées aux non-musulmans, aux dhimis, qu'ils soient chrétiens ou juifs, étaient en réalité beaucoup plus flexibles. En fait, cela se résumait à Honorez-nous et ne vous rebellez pas contre nous, n'aidez pas nos ennemis En fait, c'était essentiellement cela. Et l'une des raisons pour lesquelles ces règles étaient au début si légères et vagues repose sur le fait que les Arabes n'avaient qu'un contrôle très ténu du territoire qu'ils avaient conquis.
Imaginez combien de personnes vivent dans la péninsule arabique au 7e siècle. Quelques milliers ? Et pourtant, ces guerriers ont conquis des territoires, des empires immenses.
Bien qu'ils les aient conquis, ils étaient très vulnérables. Et ils n'étaient pas en mesure d'avoir trop de revendications sur les populations. de peur qu'elles se soulèvent contre eux.
C'était donc toujours ce genre d'équilibre. Combien pouvons-nous exiger ? Que vont-ils donner ? Comment pouvons-nous les rendre assez heureux pour être membres de notre société et assez satisfaits pour être subordonnés en son sein ?
En 716, la civilisation musulmane s'étend sur un nouveau territoire, la péninsule ibérique. À l'image de Bagdad et du Caire avant elle, la ville de Cordoue devient un centre international et multiculturel. On l'appelait la perle de l'univers. La grande mosquée de Cordoue en témoigne du raffinement de l'architecture moresque.
On ne peut pas atteindre un tel degré de raffinement si on ne faisait pas conjuguer humanisme et hédonisme avec un art de vivre, l'art de la table, la musique. Emblème d'une coexistence et d'un échange interreligieux intense, Cordoue devient la plus grande ville d'Europe. C'est le début d'un âge d'or appelé Al-Andalus, qui va durer 400 ans.
L'Espagne est un exemple fascinant. Vous avez un grand nombre de chrétiens, un grand nombre de juifs et un grand nombre de musulmans. Et c'est vraiment le seul régime politique en Europe dont on peut dire qu'il comptait une population aussi nombreuse composée des trois religions.
Des opportunités vont apparaître pour les juifs en Espagne, qui n'existent pas dans d'autres parties du monde. Les juifs se sont intégrés en Espagne dans de nombreux pans de la société. ce qui n'est le cas nulle part ailleurs. Les chrétiens et les juifs n'étaient pas censés détenir d'armes car ils n'étaient pas des membres à part entière de la société.
Ils n'avaient pas le droit de monter à cheval, ils ne devaient pas être en position de pouvoir, ni membres des gouvernements islamiques. Mais concrètement, ces règles ne s'appliquaient tout simplement pas. Dans l'histoire islamique, plus que dans toute autre histoire, juifs et chrétiens sont élevés à des positions de pouvoir et d'influence. alors même que certains croient que le pacte d'Oumar l'interdit.
Au milieu du Xe siècle, Asday Ibn Chaprout, rabbin et médecin, est chargé par le calife des relations avec les puissances étrangères. Il conduit des ambassades, reçoit des messagers et contracte des alliances. Dans une lettre qu'il écrit à un juif d'Asie centrale, il témoigne de la bonne condition de ses co-religionnaires dans le royaume de Cordoue.
La terre sur laquelle nous habitons est appelée en hébreu Sefarad et dans la langue arabe Al-Andalus. C'est une contrée riche, regorgeant de rivières et d'aqueduc. Il y a des jardins d'agréments et des arbres fruitiers.
Des marchands s'y rassemblent des quatre coins du monde. Nous, qui sommes le reste d'Israël, captifs ailleurs, vivons paisiblement dans ce royaume. La vie de tous les jours était ponctuée par une quotidienneté plutôt sereine.
On a dans l'iconographie classique l'exemple marquant de deux joueurs d'échecs. Un juif et un arabo-musulman qui se distraient intelligemment en jouant aux échecs. Voilà un exemple qui transcende l'appartenance confessionnelle et qui fait deux, même si le mot citoyenneté n'est pas tout à fait approprié pour l'époque, deux citoyens dans un même royaume. Lorsque le califat de Cordoue s'est désintégré et a laissé place à 20 petits royaumes, la culture islamique s'est épanouie car tous les royaumes étaient en compétition entre eux.
Et les opportunités pour les juifs et les chrétiens ont prospéré parce que chaque roi voulait s'entourer des personnes les plus brillantes, peu importe qu'elles soient chrétiennes, musulmanes ou juives. Ce qui importait, c'était la connaissance qu'elles étaient en mesure d'apporter. Grenade, en l'an 1027, le sultan prend une décision sans précédent. Il nomme un juif, Samuel Ibn Nagrela, vizir, c'est-à-dire premier ministre.
Il a également été nommé général et a mené les armées musulmanes de Grenade dans des batailles contre des armées d'autres royaumes musulmans. Ce qui a déplu à de nombreux musulmans, en particulier ceux qui convoitaient son poste de premier ministre. Ceux-ci, ou ceux qui étaient des ennemis du royaume de Grenade, ont utilisé le fait qu'il était juif comme arme de propagande contre les rois de Grenade, en disant En tant que roi musulman, vous ne devriez pas avoir de juifs à vos côtés pour diriger votre administration. Mais Samuel était si performant que les rois de Grenade ont ignoré ces critiques.
À la mort de Samuel Ibn Nagrela, Son fils Joseph prend sa succession. Il est moins habile que son père et se met à dos une partie de la population musulmane. Pendant des mois, le poète Abu-Ishak multiplie des appels à la haine contre Joseph et contre les Juifss, dont il rappelle la position de Dima, soumis au pacte d'Oumar. Ils ont violé le pacte qu'on avait avec eux.
Ne considérez pas le fait de les tuer comme une violation de la foi. Le fait de les laisser en vie serait une violation de la foi. Il y a toujours des idéologues qui expriment ce genre de sentiments. Mais cela ne signifie pas que ces sentiments se reflètent dans l'ensemble de la société.
Et cela ne signifie pas non plus qu'ils l'influencent. mais il existe tout de même un sentiment anti-juif, ou plus exactement, le sentiment que les Juifss devraient être dédignés. Et quand il entre en contact avec l'atmosphère politique autour de Joseph, alors il explose. Le 3 décembre 1066, Joseph est abattu.
À l'occasion des troubles déclenchés par l'assassinat, la population s'en prend ensuite aux Juifss de la ville. Cet événement est l'une des premières et rares violences anti-juives survenues durant la civilisation à l'Andalouse. Les juifs étaient, ça irréductiblement, dans cette position de la minorité, et quand ils étaient tolérés, les violences étaient le rappel, un peu comme on l'a vu à Alexandrie, le rappel de leur infériorité.
C'est une manière de manifester malgré tout qu'ils étaient tolérés. De leur rappeler à certains moments, par la violence, leur infériorité nécessaire pour pouvoir supporter leur hétérogénéité. La communauté juive de Grenade ne quitte pas le royaume. Et quelques années après, elle est à nouveau florissante. Plus au nord de la péninsule ibérique, sur les ruines de l'Empire romain, s'est construit un nouvel empire, l'Empire carolingien.
Sur son territoire, à partir du IIe siècle avant Jésus, se sont installées progressivement de petites communautés juives. En l'an 800, elles résident notamment autour de villes comme Aix-la-Chapelle, Tours ou Lyon. Dans ces régions, le christianisme ne cesse de se développer, mais les identités religieuses restent très floues. Et les populations ont encore du mal à faire la distinction entre christianisme et judaïsme.
Impossible de distinguer un chrétien d'un juif installé là depuis plusieurs générations. Ils ont les mêmes traits du visage, portent les mêmes vêtements. Ils parlent les langues du pays et exercent les mêmes métiers.
Il n'y a pas de différence visible. Des responsables religieux vont tenter de dresser des frontières entre juifs et chrétiens. A Lyon, en 820, l'évêque de la ville, à Gobard, multiplie les lettres de protestation auprès du souverain Louis le Dieu. La séduction des Juifss est arrivée à ce point que nos chrétiens ignorants disent qu'ils prêchent mieux que nos prêtres.
Ils seraient tenus par vous en bien des points pour meilleurs que les chrétiens. Or nous savons que les Juifss blasphèment et maudissent notre Seigneur Jésus et ses disciples. Nous ne devons donc pas nous unir à eux par la participation à leur mai et à leur breuvage.
A ce moment-là, Gobard n'est absolument pas entendu et son discours théologique n'intéresse visiblement pas le souverain. En quelque sorte, l'intérêt royal est en contradiction nette avec les vélos. théologique d'agobar ce qu'on appelle peut-être un peu trop facilement l'âge d'or des juifs à l'époque carolingienne c'est surtout avec louis le pieu c'est à dire le fils de charlemagne qui va promulguer des chars que nous avons encore et qui sont extrêmement favorables à l'installation et à la dissémination des Juifss dans son empire. Ils ne sont absolument accablés de rien à cette époque-là. Il n'y a pas d'exaction particulière, on veut qu'ils s'installent.
Cette invitation et ce soutien conduisent à la multiplication des populations juives sur les bords du Rhin et en Champagne. L'une de ces villes, Troyes, devient dans la lignée de Cordoue et Babylone l'un des principaux centres spirituels du judaïsme en Europe. C'est ici que vit Rachidd, le rabbin Salomon, surnommé le Français.
Viticulteur, poète, exégète et enseignant, il est une personnalité influente dans la région. Dans son école, Rachidd élabore un commentaire de la Bible, de la Torah. Ce commentaire, utilisé par des penseurs chrétiens, est devenu la principale référence dans l'étude juive. Il est enseigné encore aujourd'hui à travers le monde.
C'est aussi parmi ces textes que l'on trouve certains mots écrits pour la première fois en langue française. Le 27 novembre 1095, depuis la ville de Clermont, le pape Urbain II lance un appel. Reconquérir Jérusalem.
Récemment tombé aux mains des Turcs, il n'est plus possible aux pèlerins d'accéder à l'église du Saint-Sépulcre où se trouverait le tombeau du Christ. C'est la période durant laquelle l'Europe s'est confrontée à l'islam. L'Europe occidentale a donc commencé à se définir comme une sorte de collectif.
Un collectif chrétien participant à une guerre commune contre un ennemi extérieur non chrétien. De tous les coins de la chrétienté, moines, chevaliers, gens du commun quittent leur famille, prennent la croix et partent pour Jérusalem. Imaginez des hordes, des masses, des milliers de personnes qui se déplacent au rythme de la marche à pied. Ils traversent des distances impressionnantes et qui n'ont rien.
Parce qu'ils se sont dépourvus de tout en partant. Ils se sont démunis de tout leur bien. Ils ont donné tout leur bien à l'Église. Donc ils n'ont rien. Il faut bien qu'ils trouvent des moyens de se nourrir et d'avancer.
À tous ceux qui partiront et qui mourront en route. Que ce soit sur la terre ou sur mer, ou qui perdront la vie en combattant les païens, la rémission de leur péché leur sera accordée. Lorsque l'on lance la première croisade, on permet de tuer. Et on permet de tuer n'importe qui qui se trouve faire entrave au cheminement décroisé vers la Terre Sainte.
Et ça c'est quelque chose de neuf. dans le christianisme. Il y a des foules qui se mobilisent par des prêcheurs dans une ambiance qu'on pourrait qualifier de fièvre messianique. Nous allons libérer le tombeau de Jésus.
Or, les premiers ennemis de Jésus sont chez nous. C'est évidemment ce chez nous qui est important et de qui parle-t-on quand on parle des juifs. Pierre l'ermite est le premier prédicateur des croisades.
C'est par lui que ressurgit l'accusation de déicide. Formulée 800 ans plus tôt, elle n'avait pas encore pris corps auprès des populations. À quoi bon s'en aller au bout du monde, à grande peine d'hommes et d'argent, quand nous laissons demeurer parmi nous d'autres infidèles, qui sont mille fois plus coupables envers le Christ ?
Pourquoi ne pas commencer par eux ? Ils sont eux aussi les ennemis de Jésus. Ils l'ont torturé, l'ont tué.
Commençons par eux. Dès le début des croisades, des groupes de croisés attaquent des populations juives alors qu'ils avancent vers le front pour combattre des musulmans. Sur le chemin de Jérusalem, les colonnes de croisés traversent les villes de Champagne et du Rhin où se trouvent d'importantes communautés juives.
À commencer par Troyes, où Rachidd échappe à ces violences. Strasbourg, Metz, Cologne deviennent le théâtre de massacre. Chacune de ces villes compte des centaines de victimes.
Le 25 mai 1096, des centaines de croisés entrent dans la ville de Mayence, située dans l'actuelle Allemagne. Un abbé, Albert Dex, raconte. Les pèlerins arrivèrent à Mayence formant une immense multitude. Ils allaient attaquer à coups de pioches et de lances les juifs.
Ayant brisé les serrures et enfoncé les portes, ils les tuèrent, même ceux qui cherchèrent vainement à se défendre. Les femmes furent également massacrées, et les jeunes enfants furent passés au fil de l'épée. C'était une pitié de voir les grands et multiples amas de cadavres qu'on sortait de Mayence sur des chariots. Dans le plus ancien cimetière juif d'Europe, il reste encore quelques tombes des victimes de ce massacre. Les exactions commises pendant les croisades n'ont pas fait l'unanimité.
Il y a un très grand nombre de chrétiens qui ont trouvé que ce comportement n'était pas chrétien et qu'il était complètement barbare. Les autorités religieuses sont surprises par l'ampleur des violences anti-juives. Lors de la deuxième croisade, le pape charge l'abbé Bernard de Clairvaux, l'un des hommes les plus influents de l'église, d'empêcher de nouveaux massacres.
L'abbé part en campagne à travers l'Allemagne. Il rappelle la doctrine d'Augustin, élaborée 600 ans plus tôt, les qualifiant de fossiles vivants Ne vous attaquez pas aux Juifss, il ne faut ni les tuer, ni même les expulser. Ils sont pour nous des traits vivants qui nous représentent la passion du Seigneur.
Celui qui touchera un Juifs, c'est comme s'il touchait à Jésus lui-même. Mais les appels de Bernard de Clairvaux, ainsi que la condamnation officielle des violences par le pape Clément Ii, n'empêcheront pas que de nouveaux meurtres soient commis à chaque croisade. Ces massacres constituent la première grande vague de violences meurtrières contre les Juifss en Europe.
Ce crime de masse a pour effet paradoxal de susciter une hostilité grandissante de la population envers les juifs. C'est avec les croisades que va être transmis profondément dans les racines du peuple, le psychanalyste dirait, en leur faisant commettre le crime. de l'assassinat, qui va être transmise. Et puis une fois qu'on a commis le crime, évidemment, il faut dire que les victimes étaient coupables.
On n'est pas obligatoirement dans la culpabilité, le regret et l'empathie à l'égard des victimes. On peut être au contraire dans la haine pour fonder effectivement l'acte, pour légitimer l'acte après coup. On rejette sur l'autre la cause du massacre. C'est parce qu'il était mauvais, c'est de sa faute.
Maintenant les croisés se sont livrés à des massacres et à des pillages tout au long de leur route. Ils ne se sont pas attaqués qu'aux juifs. Pour les juifs ça marque un moment précis, qui marque un moment, je dirais, charnière dans leur histoire. Pendant mille ans, le peuple chrétien sera indemne.
d'antijudaïsme et d'antisémitisme violent. C'est avec les croisades que l'antijudaïsme devient un phénomène de population. À partir du XIIe siècle, durant le temps des croisades, au Royaume-Uni, de nouvelles accusations vont surgir contre les Juifss arrivés avec Guillaume le Conquérant 50 ans plus tôt. En 1144, dans le comté de Norwich, en Angleterre, peu avant Pâques, le jeune Guillaume, 12 ans, est porté disparu.
Les habitants partent à sa recherche. Son corps est retrouvé criblé de coups de couteau dans une forêt. Alors que les autorités locales tentent de retrouver les coupables, une rumeur parcourt la ville.
Le jeune garçon aurait été enlevé par les juifs de la ville. Il lui aurait infligé les pires tortures possibles et imaginables. C'est la première fois qu'apparaît en Europe une accusation de crime rituel.
L'accusation de crime rituel est un phénomène déjà rencontré durant la période de l'Antiquité, à Alexandrie. 800 ans plus tard, elle prend un nouveau visage à Norwich. Appelée aussi légende de sang cette accusation renforce la criminalisation des Juifss dans le monde chrétien. Elle en devient l'un des mythes fondateurs.
Dans une église de Norwich, un tableau laisse trace de cette légende. Il montre des juifs utilisant le sang de l'enfant pour fabriquer le pain azim, la matza en hébreu, consommé à l'occasion de la Pâque juive. On va progressivement accuser les juifs de tuer des enfants chrétiens, et notamment pour la fabrication de la matza.
Que la matza aurait un élément secret, et cet élément secret c'est du sang d'enfant. Et que les juifs seraient en quelque sorte finalement des vampires. C'est peut-être le mythe antisémite le plus puissant, on pourrait dire, au travers de l'histoire.
On a très tôt et très vite prêté aux juifs justement la jouissance suprême, alors que paradoxalement elle est particulièrement interdite aux juifs, qui est le sacrifice humain. Au fond, c'est la religion qui introduit l'abandon du sacrifice humain, et paradoxalement, au nom de cette limite que nous avons, mais que l'autre franchit, je la franchis aussi, puisque je massacre les juifs. Suite à cette rumeur, des juifs de la ville sont massacrés. Depuis, Guillaume de Norwich a acquis le statut de martyr.
Et le culte qui lui était voué persiste encore aujourd'hui. En quelques décennies, l'accusation de crime rituel se répand à travers l'Europe. Berne en Suisse, Trent en Italie.
Elle arrive à Troyes, la ville de Rachid, où 13 juifs sont brûlés en place publique. Une sculpture de Moïse, ornée des cornes du diable, est installée au croisement de deux rues à la vue de tous. A Paris, 150 ans après la première légende de Norwich, apparaît pour la première fois une autre accusation très populaire, la profanation d'hostie. Que ce soit le meurtre d'un enfant ou la profanation de l'hostie, l'accusation recouvre une même répétition symbolique, la scène du déicide, le meurtre de Jésus.
Pour moi, le XIe siècle, c'est ce moment où tout bascule, où l'on passe de l'antijudaïsme à l'antisémitisme. Je caractériserais l'antijudaïsme plutôt comme une opposition. Raisonnés, traditionnels, on peut comprendre aux Juifss.
On ne les aime pas parce qu'ils ne sont pas chrétiens ni musulmans. Mais l'antisémitisme, c'est autre chose. On reproche aux Juifss non pas ce qu'ils sont, mais ce qu'ils ne sont pas. Et c'est à partir de ce moment-là qu'on va accuser les Juifss d'être en quelque sorte les serviteurs du mal.
Et que les Juifss vont servir à expliquer le ce pourquoi le monde ne fonctionne pas. Donc on voit bien qu'il y a un basculement culturel. Il y a une sorte de révolution qui fait qu'il y a un avant et un après.
Durant le prochain millénaire, des politiques de démonisation, stigmatisation et d'expulsion vont s'étendre sur trois continents. Le lent processus de déshumanisation des juifs va entrer dans une nouvelle dimension.