Alors qu'est-ce que ça veut dire que tomber de Platon en Schopenhauer ou d'Aragon en Michel Houellebecq ? Alors Schopenhauer, philosophe allemand du 19e siècle, donc là je fais un bond considérable dans l'histoire de la philosophie, mais un bond qui n'est pas sans cohérence parce que Schopenhauer s'est toujours voulu à sa façon d'ici. plus de Platon.
Alors, qu'est-ce que ça veut dire que tomber de Platon en Schopenhauer ? Ça veut dire que Schopenhauer résume tout ça, ce que je viens d'expliquer là, rapidement, en une phrase, dont je dis toujours que c'est la phrase la plus triste de toute l'histoire de la philosophie. Comme ça là, on aura touché le fond, on ne pourra plus que remonter. Alors quand je désire ce que je n'ai pas, le manque, c'est ce que Schopenhauer, comme tout le monde, appelle la souffrance.
J'ai faim, il n'y a pas à manger, souffrance. J'ai soif, il n'y a pas à boire, souffrance. Je l'aime, elle ne m'aime pas, souffrance. Mais quand j'ai ce qui dès lors ne me manque plus, donc que je ne désire plus, donc que je n'aime plus, il n'y a plus de souffrance, il n'y a plus de manque. C'est pas le bonheur.
de désir. Je ne peux pas avoir ce que je désire, il n'y a plus de désir. Ce n'est pas le bonheur, ce n'est pas le malheur, c'est ce que Schopenhauer appelle simplement et fortement l'ennui. Je suis content de voir que ça vous parle. Qu'est-ce que c'est que l'ennui ?
Ce n'est pas le bonheur, ce n'est pas le malheur. L'ennui, c'est l'absence du bonheur au lieu même de sa présence attendue. J'avais rendez-vous avec le bonheur. Je me disais qu'est-ce que je serais heureux si, qu'est-ce que je serais heureux quand.
Le si se réalise, le quand c'est aujourd'hui, je ne suis pas heureux pour autant. J'avais rendez-vous avec le bonheur, je suis au rendez-vous, le bonheur n'y est pas. Le bonheur m'a posé un un lapin. C'est pas que je sois malheureux, je ne suis ni heureux ni malheureux, simplement je m'emmerde. C'est bien la phrase la plus triste de toute l'histoire de la philosophie, selon moi, écrite donc par Schopenhauer, et la phrase suivante, Schopenhauer écrit ainsi, toute notre vie oscille comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui.
Fin de citation. Ainsi toute notre vie oscille comme un pendule de droite à gauche de la souffrance à l'ennui. Souffrance parce que je désire ce que je n'ai pas et je souffre de ce manque.
Ennui parce que j'ai ce que dès lors je ne désire plus. Souffrance du chômeur, ennui du salarié. La souffrance du chagrin d'amour ennuie du couple.
Ça, ça vous amuse moins. Vous voyez, l'essentiel malgré tout. C'est pas vous qui devez le reprocher. Rassurez-vous, il n'y a pas que chez vous qu'on s'ennuie des fois.
C'est normal. Il n'y a pas de couple où l'on ne s'ennuie jamais. Ça n'existe que dans les mauvais romans d'amour.
Il n'y a pas de métier où l'on ne s'ennuie jamais. Ça n'existe que dans les mauvais livres de management. Ce qui pour le coup est une espèce de pléonasme. Le philosophe Alain disait plus lucidement au début du XXe siècle le seul métier...
où l'on ne s'ennuie jamais, c'est celui qu'on ne fait pas. Mais oui, bien sûr. Moi, si quelqu'un me dit je ne m'ennuie jamais au boulot, ma première action, ce n'est pas de me dire tiens, il doit travailler aux hôpitaux universitaires de Genève. Ma première réaction, c'est de me dire encore un menteur ou bien un inactif De même, si quelqu'un me dit je ne m'ennuie jamais dans mon couple ma première réaction, c'est de me dire encore un menteur ou bien un célibataire Il n'y a pas de métier où l'on ne s'ennuie jamais, il n'y a pas de couple où l'on ne s'ennuie jamais. Mais fort heureusement, il y a beaucoup de couples et de métiers où l'on s'ennuie rarement.
Où l'ennui n'est pas la règle, mais l'exception, bien sûr. Un couple heureux, c'est pas un couple où l'on ne s'ennuie jamais, arrêtez de rêver. Un couple heureux, c'est un couple où l'on s'ennuie beaucoup moins à deux que tout seul. C'est déjà pas mal.
Et un couple vraiment très heureux... Un couple vraiment très heureux, c'est un couple où l'on s'ennuie beaucoup moins à deux qu'avec tous les autres. Et là, croyez-moi, ça devient franchement délicieux.
Un boulot heureux, ce n'est pas un métier où l'on ne s'ennuie jamais. Arrêtez de rêver. C'est parfois un métier où l'on s'ennuie moins que pendant les vacances.
Ça peut arriver. C'est peut-être un métier où vous vous ennuyez moins que vous ne vous ennuirez pendant la retraite. Ça peut arriver aussi. Et c'est ça que Platon n'arrive pas à expliquer.
Autant dire qu'il y a une chose qui donne tort à Platon, peut-être une seule ou plusieurs, mais qui reviennent tout de même. Ce qui donne tort à Platon, c'est ce fait incontestable qu'il existe parfois des couples heureux. Ça met une raison forte d'aimer les couples quand ils sont heureux et de n'être pas platoniciens.
Ce que Platon n'explique pas, mais ça revient tout de même en vérité, c'est ce fait incontestable qu'il existe parfois des travailleurs heureux. Ça met une raison forte d'aimer le travail. quand il est heureux et de n'être pas platonicien.
Et comme ça, Platon est incapable de l'expliquer. On a besoin d'une deuxième théorie du désir. Ce n'est plus celle de Platon, c'est celle de Spinoza.