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Gestion des déchets radioactifs en France

Bonjour à tous et bienvenue dans ce troisième épisode de la mini-série sur les déchets radioactifs. Dans les deux précédentes vidéos, on s'est beaucoup intéressé aux déchets de haute activité qui sont les déchets nucléaires les plus dangereux et qui proviennent pour l'essentiel du combustible usé. Et avant de s'intéresser aux solutions envisagées pour la gestion de ces déchets sur le long terme dans la prochaine vidéo, on va voir ici les autres catégories de déchets radioactifs et ce sera aussi l'occasion de parler du démantèlement des centrales nucléaires. Comme toujours, vous pourrez trouver toutes les sources en description. Comme vous l'avez sans doute remarqué, la vidéo est un petit peu longue donc je vous ai mis des petits repères temporels comme ça vous pouvez sauter sur une partie ou la regarder en plusieurs fois. Vous saurez à peu près où vous arrêter. Générique Je l'ai déjà expliqué, les déchets nucléaires sont catégorisés suivant leur activité, c'est-à-dire combien il y a de désintégrations par seconde dans une masse de matière, mais également par leur période radioactive qui est le temps au bout duquel un radionucléide a exactement une chance sur deux de s'être désintégré. Ces deux paramètres peuvent beaucoup varier entre les déchets de haute activité ou de très faible activité. et entre les déchets à vie très courte et ceux à vie longue. Du coup, il y a des déchets radioactifs à très courte durée de vie. Ça paraît un peu contre-intuitif. C'est vrai qu'on s'est beaucoup intéressé aux déchets radioactifs de haute activité jusqu'ici parce que ce sont les plus dangereux en termes de radiotoxicité et que leur gestion engage sur le long terme. Mais certains radionucléides ont de très courtes durées de vie et nécessitent une gestion différente. On va donc regarder l'autre extrême. On désigne par déchets à vie très courte des déchets contenant des radionucléides ayant une période radioactive de moins de 100 jours. Et est-ce que ces déchets sont aussi produits par les centrales nucléaires ? Non, l'industrie électronucléaire ne produit pas de déchets radioactifs contenant uniquement des radionucléides à vie très courte. Il y en a dans le combustible usé mais ils vont se désintégrer pendant que le combustible usé refroidit en piscine. Les déchets radioactifs à vie très courte forment, par contre, une bonne partie des déchets hospitaliers. On en avait déjà parlé, le secteur médical utilise la radioactivité pour des diagnostics et des traitements avec des technologies comme la scintigraphie gamma, la tomographie à émission de positons ou plus simplement la radiothérapie pour le traitement de certains cancers. Dans un pays comme la France, le secteur médical est responsable de la quasi-totalité de l'exposition des populations à des sources artificielles de radioactivité. L'exposition moyenne due aux médicales est de l'ordre de grandeur de la radioactivité naturelle. est donc plus de 1000 fois plus élevée que celle liée aux émissions des centrales nucléaires en fonctionnement normal. Les radionucléides typiques des rejets hospitaliers sont l'iode 131 qui a une période radioactive de 8 jours et le technicium 99M qui a une période radioactive de 6 heures. On voit donc que les périodes radioactives sont très courtes d'où la gestion par décroissance. Pour ces déchets, le traitement est relativement simple. Ces déchets sont recueillis et entreposés dans un local adapté à la durée puis éliminés. L'entreposage doit être d'au moins 10 périodes radioactives. Vous savez que par définition le nombre de radionuclides est divisé par 2 au bout d'une période radioactive. Donc, en 10 périodes radioactives, la radioactivité est divisée par 2 puissance 10, ce qui nous fait environ 1000. Mais même après une longue période, il reste toujours un peu de radioactivité, non ? Oui et c'est pour ça que la quantité de radioactivité que peut rejeter le secteur hospitalier est encadrée. Les effluents liquides sont libérés dans les réseaux d'évacuation d'eau en dessous d'une activité de 10 Bq par litre. Et en dessous de 100 Bq par litre pour les chambres de patients traitées à l'IODE 131. Comme tu le sais bien maintenant, le Bq quantifie le nombre de désintégrations par seconde. 100 Bq par litre veut donc dire 100 désintégrations radioactives par seconde dans un litre. Cela peut paraître beaucoup mais un litre d'eau contient environ 100 millions de milliards de milliards d'atomes. Une centaine qui se désintègre sur tout ça reste une proportion extrêmement faible. On l'a déjà dit, le Becquerel est une unité qui peut vite donner de gros résultats. Sans Becquerel reste une activité faible. Et ça ne pose pas de problème de relarguer les radionucléides dans l'environnement. C'est justement pour faire en sorte que leur relargage ait le moins de conséquences possibles que l'on prend soin de contrôler ces rejets et de laisser décroître les radionucléides avant de les libérer. Comme pour les rejets des centrales en fonctionnement, l'exposition des populations reste faible et les effets sanitaires sont nuls ou négligeables. Pour l'anecdote, l'IRSN surveille ces rejets pour s'assurer que les égoutiers des grandes agglomérations ne soient pas soumises à des doses significatives de radioactivité. C'est la population qui y sera le plus exposée vu que ces radionucléides sont ensuite largement dilués dans l'environnement. Les rejets hospitaliers sont encadrés par l'autorité de sûreté nucléaire comme les rejets des centrales. Le personnel médical est également soigneusement suivi par l'IRSN, notamment les radiologues. Ok mais pourquoi on ne parle jamais des rejets hospitaliers ? Eh bien les effets sanitaires, s'ils existent, sont négligeable. On n'en parle pas parce qu'on n'a aucune raison de le faire. Ok, laisse-moi reformuler ma question. Pourquoi on fait autant de bruit avec les rejets en fonctionnement normal des centrales, genre le tritium dont on a parlé dans une vidéo, et pourquoi on ne fait pas la même chose avec les rejets hospitaliers ? Excellente question à laquelle je n'ai pas de réponse. Je pense qu'il est important de rappeler qu'un rejet de radionucléides a des effets liés à la quantité et à la nature des radionucléides, peu importe leur origine. Qu'il vienne de l'électro-nucléaire, du médical ou des origines naturelles n'y change rien. Après, tant mieux si on ne parle pas tellement des effluents hospitaliers. Ce serait triste que la peur du nucléaire et la désinformation sur ces questions diminuent notre capacité à soigner certaines personnes. Si on refuse d'éduquer à la notion de risque ou à la radioactivité, c'est peut-être mieux que cet aspect reste méconnu. Vu le ton général de la chaîne, ça c'était une remarque. particulièrement violente. Eh bien, je continue de penser que la perception du nucléaire en France souffre d'un sérieux manque d'information sur ce sujet. C'est pour ça que j'y passe autant de temps. Et je ne comprends pas pourquoi on déploie si peu d'efforts pour éduquer un peu sur ces questions. Surtout que la radioactivité est plus présente dans notre vie que l'on pourrait le croire. Ok, mais si tu considères que chaque dose de radioactivité compte, est-ce que ce serait un argument contre l'utilisation de la radioactivité dans le médical ? Oui, c'est vrai. Même dans ce cas-là, les bénéfices des techniques reposant sur la radioactivité dépassent largement de potentiels effets néfastes. D'ailleurs, dans des pays comme l'Australie qui refusent fermement l'électronucléaire, on peut trouver des réacteurs nucléaires produisant des radionucléides à but médical. Je ne crois pas qu'il y ait de pays qui rejettent les applications médicales de la radioactivité. Et je ne crois pas non plus que ce soit une question beaucoup discutée par les ONG ou les partis antinucléaires. Tu nous as déjà dit que le médical était responsable de la majorité de notre exposition à des sources. artificielle. Du coup, ça doit produire beaucoup de déchets. En fait, le médical produit beaucoup moins de déchets radioactifs que l'industrie électronucléaire, notamment parce que les radionucléides utilisés dans le médical ont une très courte période radioactive. Le médical ne produit donc qu'une poignée de déchets problématiques. Par exemple, la production des radionucléides à vie courte utilisée dans le médical repose en partie sur des réacteurs utilisant la fission de l'uranium-235. Ces réacteurs produisent des déchets de haute activité comme les réacteurs des centrales nucléaires. On voit sur cette figure que le secteur médical produit environ 1% des déchets stockés par l'ANDRA. L'industrie non électronucléaire utilise la radioactivité pour de nombreuses applications comme des contrôles non destructifs ou la stérilisation alimentaire et produit également des déchets. Le secteur militaire produit également des déchets nucléaires notamment parce que les sous-marins nucléaires et les porte-avions sont propulsés à l'aide de réacteurs nucléaires. Et la recherche fait beaucoup plus de déchets radioactifs que je l'aurais imaginé. Oui, les activités de recherche ont produit et produisent encore de gros volumes de déchets. Merci. Mais une partie de ces activités de recherche a pour finalité des applications dans l'électronucléaire, dans le militaire, dans l'industrie ou dans le médical. Même si je ne sais pas dans quelle mesure et comment ce secteur de recherche devrait être réparti dans les autres secteurs, c'est quelque chose à garder à l'esprit. On voit surtout que l'électronucléaire est responsable d'une large part de la production de déchets en volume. En plus, même si ce n'est pas visible sur ce graphique, c'est aussi l'industrie électronucléaire qui produit la majeure partie des déchets de haute activité, les plus dangereux. Ok, revenons à nos catégories de déchets. Dans les précédentes vidéos, tu nous avais parlé des déchets de haute activité et là tu viens de nous parler des déchets à vie très courte. Mais il y a encore plein de catégories de déchets dont on n'a pas parlé. On va continuer avec une autre catégorie de déchets qui pose des problèmes très proches des déchets de haute activité dont on a longuement parlé, les déchets de moyenne activité à vie longue, dit MAVL. Donc, on a à vie longue, on a donc un truc qui va être chiant pendant longtemps. Et moyenne activité, donc je suppose que c'est moins actif, moins dangereux que les déchets de haute activité. Un déchet est dit à vie longue si une importante quantité de radionucléides ont une période radioactive dépassant 31 ans. Les déchets de haute activité ont une activité de plus de 1 milliard de becquerels par gramme, c'est-à-dire qu'il y a plus d'un milliard de désintégrations par seconde dans un gramme de matière alors que ceux de moyenne activité sont entre 1 million et 1 milliard. Cela reste très élevé puisque votre activité à vous est plutôt autour de 0,1 Bq par g. On a donc des matières beaucoup beaucoup plus radioactives qu'un humain moyen et que tout ce qui nous entoure. La radioactivité des déchets de moyenne activité à vie longue les rend dangereux pour l'homme et l'environnement. Et d'où est-ce qu'ils viennent ces déchets ? Une bonne partie de ce produit en France provient des assemblages combustibles usés. Tu te souviens dans la première vidéo sur les déchets, je t'avais dit qu'on cisaillait les gaines contenant le combustible pour séparer l'uranium et le plutonium. Des produits de fission et des actinides mineurs qui forment les déchets ultimes. Les gaines et les embouts des assemblages combustibles sont radioactifs et forment des déchets MAVL. Mais ces gaines et ces embouts, pourquoi ils sont radioactifs ? Eh bien, ils ne sont pas radioactifs quand on les met dans la cuve du réacteur, mais ils le sont en sortie. Alors, ça peut être parce qu'il y a des contaminations, des radionucléides provenant du combustible qui se sont fixés sur les gaines, mais c'est aussi à cause du phénomène d'activation neutronique. Et avant d'expliquer ce que c'est, je dois d'abord insister sur un truc. Dans l'immense majorité des cas, une irradiation n'induit pas de radioactivité. De la même façon que quelqu'un qui a un coup de soleil ne transmet pas son coup de soleil, quelqu'un qui est irradié ne devient pas radioactif. Si une personne ou un objet est radioactif, c'est généralement qu'elle a été contaminée donc qu'elle a inhalé, ingéré ou fixé sur sa peau des radionucléides. C'est très important de faire la différence entre irradiation et contamination. En général, un objet qui a été irradié n'est pas dangereux alors qu'un objet contaminé peut l'être. Donc ça c'est la règle générale mais vu comme tu en parles, il y a des exceptions. Il y en a deux. D'abord, on peut arracher un neutron avec un rayonnement gamma très puissant et donc induire une radioactivité sur un atome. C'est un peu l'idée de la transmutation par laser dont on a parlé dans la dernière vidéo. On peut aussi induire une radioactivité avec un rayonnement neutronique. C'est ce qu'on appelle l'activation neutronique et c'est ce qui nous intéresse ici. On l'a vu, dans le fonctionnement d'une centrale nucléaire, il y a plein de neutrons émis par les réactions de fission dans le cœur du réacteur. Or, une partie de ces neutrons sont capturés par des éléments de la structure du réacteur. Quand on rajoute des neutrons à un atome qui n'est pas radioactif, on peut former un isotope radioactif. C'est ce qui se passe naturellement avec la production par le rayonnement cosmique de carbone 14 dans l'atmosphère ou artificiellement avec la production de radionucléides de fer dans la cuve d'un réacteur nucléaire. Le bombardement neutronique induit donc de la radioactivité et explique une partie de la radioactivité des gaines du combustible. Cette radioactivité est plus faible que celle du combustible contenu dans les gaines mais largement suffisante pour être dangereuse. A noter qu'il y a des travaux en cours sur la possibilité de réutiliser ces gaines pour en former de nouvelles mais pour l'instant, elles sont considérées comme des déchets et il faut donc les gérer comme tels. Et pour les conditionner, est-ce qu'on les coule dans du verre comme les déchets de haute activité ? Non parce que les enjeux ne sont pas du tout les mêmes. On avait vu que les déchets de haute activité étaient dilués dans une matrice en verre. Ici, vu que les déchets sont moins actifs, ils sont à l'inverse compactés pour prendre moins de place avant d'être placés dans le même conteneur en acier inoxydable. Depuis qu'on pratique la compression des déchets MAVL, on a réduit le volume de ces déchets produits chaque année. Le retraitement annuel du combustible produit environ 850 colis de déchets MAVL par an qui font chacun 183 litres pour 700 kilos. Si vous voulez de belles illustrations du retraitement du combustible usé et réviser au passage la première vidéo sur les déchets, je vous laisse une petite vidéo en description. Et ces colis de déchets, à quel point ils sont dangereux ? Prendre un colis de MAVL dans ses bras juste après sa production expose à une irradiation mortelle au bout de quelques dizaines de minutes à quelques heures. Cette irradiation décroît avec le temps et la distance. On a donc quelque chose de moins dangereux que les colis de haute activité qui tuent quelqu'un le prenant dans ses bras en quelques secondes Mais l'irradiation émise par le colis reste extrêmement dangereuse. La dangerosité des déchets MAVL justifie une solution définitive de la même nature que les déchets de haute activité et on en parlera dans la prochaine vidéo. En attendant cette solution définitive, ils sont entreposés en surface à sec et refroidis par convection naturelle. En fait, on va mettre au même endroit les gaines et les trucs gênants qu'on trouve à l'intérieur dans le combustible usé. Exactement, en fait on les a juste séparés pour mieux les conditionner et pour extraire l'uranium et le plutonium. Et du coup, les déchets MAVL et de haute activité ne sont produits que par le combustible usé de nos centrales ? Non, même s'il est vrai que le combustible usé va générer l'essentiel de ces déchets problématiques. On peut également trouver, entre autres, des déchets issus du traitement d'effluents liquides des centrales nucléaires ou des déchets activés par un séjour dans les réacteurs nucléaires. Par exemple, les grappes de commande dont on a parlé dans la vidéo sur le fonctionnement des centrales nucléaires. En tout, il y a en France à la fin 2017 3740 m3 de déchets de haute activité et 42 800 m3 de déchets MAVL. Une piscine olympique de 3 mètres de profondeur contient 3750 m3 d'eau. Les déchets de haute activité représentent donc l'équivalent du volume d'une piscine olympique alors que les déchets MAVL représentent l'équivalent du volume d'une dizaine de piscines olympiques. Ces deux catégories forment environ 3% du volume des déchets radioactifs. mais contiennent 99,8% de toute la radioactivité de ces déchets. Si des trucs qui passent dans une centrale nucléaire deviennent radioactifs à cause du phénomène d'activation neutronique, ça veut dire qu'il y a plein de trucs radioactifs dans les centrales. Et donc que le démantèlement va produire des déchets radioactifs. Ok, c'est parti. On va profiter de cette vidéo sur les déchets pour parler du démantèlement des centrales nucléaires vu que le démantèlement va produire des déchets radioactifs dont il faudra bien faire quelque chose. On va voir que l'activation neutronique joue aussi un rôle ici. J'ai choisi de découper mes yeux sur les déchets ainsi pour ne parler de l'activation neutronique que dans cette vidéo. L'idée que la radioactivité est quelque chose de contagieux est une idée très répandue et très fausse. Je rappelle que l'activation neutronique est un phénomène particulier qui ne s'observe que lorsqu'il y a un flux de neutrons. Et maintenant, parlons un peu du démantèlement. Bah je vois pas trop ce qu'il y a à dire vu qu'on a aucune idée de la façon dont on va s'y prendre. C'est sans doute l'idée la plus répandue sur le démantèlement et c'est plutôt faux comme on va le voir maintenant. Le démantèlement nucléaire a lieu en plusieurs étapes. Déjà, on met la centrale nucléaire définitivement à l'arrêt. Le combustible est déchargé et mis en piscine. Les différents circuits sont vidangés et les effluents sont traités. Une fois qu'on a vidé les piscines d'entreposage et qu'on a retiré les éléments les plus radioactifs présents dans la cuve, notamment les grappes de commande, il reste toute la centrale à démonter. Les centrales qui attendent leur démantèlement dans le monde sont dans cet état. Les éléments les plus radioactifs en ont été retirés et elles représentent un danger faible. Ok, c'est peut-être moins dangereux que ce qu'il y avait dedans mais ce n'est pas une raison pour les laisser sur place. Comment on fait pour démanteler ? On peut commencer par démonter tous les bâtiments en dehors du bâtiment réacteur. Puisqu'ils n'ont pas subi de contamination radioactive, c'est une entreprise de démolition classique. Environ 80% des déchets produits par le démantèlement ne sont pas des déchets radioactifs. Démonter la tour aéro-réfrigérante d'une centrale nucléaire ou d'une centrale au charbon ne fait aucune différence. Ok, mais il reste le bâtiment réacteur et ça, ça doit être plus compliqué. Les éléments encore radioactifs dans un réacteur à eau pressurisée, qui est la technologie utilisée dans les 58 réacteurs en fonctionnement en France aujourd'hui, sont pour l'essentiel la cuve du réacteur, le circuit primaire et les générateurs de vapeur. D'autres parties peuvent être radioactives à cause de l'activation neutronique mais on parle de niveaux de radioactivité bien plus faibles. Et la radioactivité encore contenue par une centrale à l'arrêt, elle est dangereuse ? Cette radioactivité est bien moins dangereuse pour les populations alentours et l'environnement que celle des matières qui ont été retirées de la centrale, notamment le combustible usé. En plus, les radionucléides sont prisonniers des structures en acier et en béton. Par contre, ces radionucléides restent dangereux pour le personnel qui va devoir démanteler la centrale. Non seulement ces opérateurs vont potentiellement être au contact de zones contaminées ou activées et subir une irradiation mais en plus les opérations de démolition ou de découpe peuvent libérer des radionucléides emprisonnés. C'est pour ça qu'il faut mettre en place des mesures de radioprotection adaptées pour limiter l'irradiation reçue par les opérateurs et empêcher le contact et l'inhalation de radionucléides. Ce qui est très important à comprendre, c'est que cette radioactivité est essentiellement due à des radionucléides qui ont une courte période radioactive. Par exemple, le fer 55. et le cobalt 60 qui sont produits par activation neutronique ont une période radioactive respectivement de 2,7 ans et de 5,3 ans. Je ne vais pas faire toute la liste mais l'essentiel de la radioactivité d'une centrale en attente de démantèlement est dû à des produits d'activation ayant une période radioactive allant de plusieurs dizaines de jours à quelques années. C'est donc très différent des radionucléides qu'on trouve dans le combustible usé qui ont pour certains de très longues périodes radioactives comme on l'a déjà vu avec le plutonium et sa période de plus de 10 000 ans. ou le neptunium-237 et sa période radioactive de plus de 2 millions d'années. Du coup, cette radioactivité, elle va vite décroître… genre quelques décennies. Exactement et ce point est hyper important parce que c'est pour ça qu'il y a deux grandes stratégies pour le démantèlement. La première est de démanteler la centrale le plus vite possible. La seconde, c'est d'attendre que la radioactivité décroisse avant d'intervenir sur site. Au bout de quelques décennies, la radioactivité liée aux produits d'activation aura considérablement décru et les travailleurs seront moins exposés à la radioactivité. Du coup, les mesures de radioprotection seront également plus faciles à mettre en œuvre. Pourquoi préférer une stratégie plutôt qu'une autre ? L'arbitrage entre ces deux techniques n'est pas facile. Un démantèlement immédiat nécessite plus de radioprotection. Mais un démantèlement différé peut poser des problèmes de perte d'information sur le site ou de vieillissement et de dégradation d'une partie de l'installation compliquant le démantèlement. Je pense que le choix optimal va dépendre des particularités de chaque réacteur et des compétences des acteurs en présence. Et quelle stratégie on met en place en France ? Dans un premier temps, la stratégie d'EDF a été d'attendre la décroissance radioactive des produits d'activation pour minimiser l'exposition des travailleurs, à l'exception de quelques réacteurs expérimentaux et de recherche. Ce report volontaire du démantèlement des centrales nucléaires est sans doute en partie responsable de l'idée qu'on ne sait pas démanteler des centrales nucléaires. Mais en 2015, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte inscrit dans la réglementation le principe du démantèlement immédiat. Et EDF doit changer radicalement sa stratégie. Ce positionnement législatif a été justifié par la volonté de ne pas faire reposer la charge du démantèlement sur les générations futures mais aussi par la perte de mémoire et les dépenses importantes de surveillance et d'entretien qu'implique une stratégie de démantèlement différée. On voit que le choix de stratégie touche aussi à des éléments qui échappent à des critères strictement scientifiques. Si on doit choisir entre limiter l'exposition des travailleurs, ou limiter la charge sur les générations futures, c'est un choix politique, une décision à prendre entre des alternatives qu'on ne peut pas comparer avec une métrique simple et objective. En gros, le politique à trancher est mis en place une stratégie de référence. Et dans le monde, est-ce qu'il y a une stratégie qui est privilégiée ? Plusieurs réacteurs ont été démantelés dans le monde. Si on exclut les navires et sous-marins à propulsion nucléaire et si on inclut Vu les prototypes et les réacteurs de recherche, il y a dans le monde plus de 160 réacteurs nucléaires définitivement arrêtés. Là-dedans, au moins 17 ont été complètement démantelés, une cinquantaine est en cours de démantèlement, une autre cinquantaine est en attente de décroissance pour un démantèlement ultérieur, trois ont été ensevelis et pour la quarantaine restante, les stratégies ne sont pas spécifiées. L'ensevelissement est une méthode très peu utilisée et dans des cas particuliers de petits réacteurs. Ça consiste juste à réunir les parties radioactives et à les couler dans un matériau à longue durée de vie comme du béton. Ce n'est envisageable que dans des cas très spécifiques et je ne vais pas en parler davantage. Les deux stratégies principales, démonter directement ou attendre que la décroissance radioactive réduise les risques, sont donc bien représentées à l'échelle mondiale. Et quand une centrale nucléaire est démantelée, on met quelque chose à la place ? Le terrain il devient quoi ? Il y a certains cas où on parle de retour à l'herbe. A ce moment-là, le site de la centrale est entièrement démonté et on efface toute trace de son existence. La solution privilégiée en France est plutôt une utilisation pour d'autres sites industriels. Dans ce cas, on retire toute la radioactivité mais le site lui-même reste un site industriel. Dans le cas des centrales américaines démantelées, il reste tout de même un entreposage pour le combustible usé puisqu'il n'y a pas encore de solution définitive aux Etats-Unis et que le combustible usé est souvent stocké sur site et à sec. Contrairement à la France où les déchets radioactifs issus du combustible usé sont centralisés à la Hague. Et est-ce qu'on a démantelé des réacteurs qui ressemblent à ceux qu'on utilise en France ? Comme tu le sais maintenant très bien, les centrales nucléaires françaises sont aujourd'hui entièrement constituées de réacteurs à eau pressurisée. On en a 58. Dans le monde, plusieurs centrales nucléaires à eau pressurisée ont été entièrement démantelées comme la centrale nucléaire américaine de Rancho Seco ou celle de Main Yankee. pour citer les deux plus grosses. En France, on a pratiquement fini de démanteler le réacteur du site Shoes A dans les Ardennes qui a été en opération de 1967 à 1991. Et là, en lisant mon compteur, je me rends compte que je ne sais pas si on dit Shoes ou si on dit chose ou si on prononce ça autrement. C'est le problème de passer son temps à lire. Donc je vais dire Shoes pour ce mot-là et j'espère qu'on le prononce à peu près comme ça. Chooz-A est le premier réacteur à eau pressurisée construit en France. EDF qui avait initialement opté pour un démantèlement différé a modifié sa stratégie et opté pour un démantèlement immédiat en 2001, autorisé par la SN en 2006. Le démantèlement est déjà bien avancé et devrait être entièrement fini en 2022. Le réacteur de Chooz-A est un réacteur de 305 MW plus petit que ceux en fonctionnement mais à la technologie très proche. C'est donc perçu comme un entraînement pour le démantèlement futur des centrales aujourd'hui en fonctionnement. Et ça nous apprend quoi sur le démantèlement des réacteurs à eau pressurisée ? Les générateurs de vapeur de chouze A ont été décontaminés. Comme vous le savez, ce sont dans ces générateurs de vapeur que le circuit primaire cède sa chaleur au circuit secondaire. La radioactivité des échangeurs de vapeur vient donc de la contamination par le circuit primaire. Cette contamination étant très superficielle, il a été possible de la retirer. Les générateurs de vapeur nettoyés sont des déchets de très faible activité. Par contre, à cause de l'activation de tronique, la radioactivité de la cuve réacteur est contenu dans toute l'épaisseur d'acier. La cuve va donc être découpée sous eau pour protéger le personnel de la radioactivité. D'ailleurs, ça illustre quelque chose d'important à comprendre. Le démantèlement d'un bâtiment réacteur n'est pas une destruction à l'explosif ou à la boule de démolition puisque si on faisait ça on mettrait des radionucléides partout. C'est plutôt une déconstruction lente et méticuleuse du bâtiment réacteur. On démantèle le plus souvent du moins radioactif au plus radioactif. On fait des mesures de la radioactivité au fur et à mesure de la progression pour employer des méthodes et des mesures de radioprotection appropriées. Les déchets obtenus sont ensuite envoyés dans le centre adapté en fonction de leur nature. Il y a beaucoup d'outils et de techniques différentes qui peuvent être employés pour le démantèlement et j'ai choisi de ne pas trop m'étendre sur ces aspects techniques. Et ce démantèlement de chose A, il se passe bien ? Parce qu'on a vu ailleurs que EDF pour tenir les budgets et les calendriers, c'est un peu compliqué. Le démantèlement de Chouze A s'est fait sans problème majeur jusque-là, pas de gros retard ou d'augmentation des coûts. Le coût prévu de 500 millions d'euros devrait être tenu comme le calendrier. Tu as dit un peu plus tôt que les générateurs de vapeur nettoyés constituaient des déchets de très faible activité. C'est une catégorie dont on n'a pas encore parlé ça. Le démantèlement va produire quelle catégorie de déchets radioactifs ? Et oui, il y a plusieurs types de déchets radioactifs lors du démantèlement. Pour avoir un point de repère, je vais parler des quantités de déchets radioactifs qui seront produits par le démantèlement d'un réacteur à eau pressurisée aujourd'hui en fonctionnement. Il y a d'abord 80% de déchets conventionnels pour un volume de 80 000 m3, en gros des gravats de béton et de l'acier. Tout ça représentera une partie infime des déchets produits annuellement en France par la déconstruction et la réhabilitation des bâtiments. Ok, on casse tout le temps des bâtiments mais c'est pas les déchets conventionnels qui m'intéressent, c'est les déchets radioactifs. Il va y avoir un faible volume de déchets MAVL dont on a déjà parlé. environ 100 m3 par réacteur démantelé. A cela s'ajoutent deux catégories de déchets radioactifs dont on n'a pas encore parlé. 7000 m3 de déchets de faible et moyenne activité à vie courte et 10 000 m3 de déchets de très faible activité. Et je crois qu'il est temps que tu nous expliques ce que sont ces deux catégories de déchets radioactifs. Ok, on va commencer par les déchets de faible et moyenne activité à vie courte, dits FMAVC. Ils sont produits par le démantèlement mais aussi avec du matériel utilisé dans différentes activités liées aux installations nucléaires comme des vêtements de protection, des outils ou des filtres. Ces déchets contiennent majoritairement des radionucléides avec une période radioactive de moins de 31 ans, d'où la vie courte et ont une activité radioactive comprise entre 100 et 1 million de becquerels par gramme. Mais la majorité des déchets FMA-VC ont une activité bien inférieure à la limite haute de la catégorie. On considère qu'au bout de 10 périodes radioactives, donc dans 300 ans, la majorité de ces déchets seront proches de la radioactivité naturelle. Ces déchets sont compactés et conditionnés dans des fûts en métal ou en béton avant d'être stockés dans le centre de stockage de l'aube. C'est le plus grand centre de stockage en surface de déchets radioactifs dans le monde. Il est prévu pour accueillir 1 million de mètres cubes de colis de déchets radioactifs et était rempli à 34% de cette capacité à la fin 2018. Ce site devrait suffire pour l'ensemble des déchets qui seront produits par le démantèlement des centrales nucléaires. Et ici je parle bien de stockage, la solution définitive pour ces déchets est de les garder en surface. Une fois le site rempli, il est recouvert de différentes couches de matériaux pour empêcher l'eau d'atteindre les déchets radioactifs et de disperser leur radioactivité. La radioactivité de ces déchets étant limitée et leur période courte, Ces déchets ne posent pas de problème et je ne crois pas qu'il y ait de polémique sérieuse sur cette catégorie. Lors du démantèlement des réacteurs nucléaires à eau pressurisée, environ 40% des déchets radioactifs seront constitués de ces déchets FMA-VC. Les 60% restants seront majoritairement constitués par des déchets de très faible activité. Je pense que s'ils sont de très faible activité, ils ne doivent pas poser de problème. Pour être considéré comme de très faible activité, un déchet doit avoir une activité de moins de 100 Bq par g. Des minerais naturels peuvent avoir une activité de l'ordre de cette limite haute. Le granit qui est une roche très abondante a une activité de quelques Bq par g. Les déchets de très faible activité sont donc des déchets dont la radioactivité est légèrement supérieure ou de l'ordre de matériaux naturels. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, cette catégorie suscite aussi sa part de polémique. Mais du coup, si une partie de ces matériaux se rapproche de la radioactivité naturelle Est-ce que ce sont vraiment des déchets radioactifs ? Eh bien, c'est justement le point qui fait polémique. Ces déchets ont une radioactivité très limitée. Au final, c'est une grosse quantité de gravats et d'acier un peu plus radioactifs en moyenne que des matériaux naturels. Et surtout, il n'y a pas de limite basse pour cette catégorie. Mais… s'il n'y a pas de limite basse, tous les déchets du monde sont des déchets de très faible activité ? Non, en fait, des zones à production possible de déchets radioactifs sont identifiées dans les installations nucléaires. Tous les déchets produits dans ces zones sont considérés comme des déchets de très faible activité, peu importe leur radioactivité réelle. Cette approche est très conservative mais elle est surtout très simple puisqu'il n'y a pas besoin de faire des mesures de la radioactivité des différents matériaux. Donc, en quelque sorte, ce sont des déchets administrativement radioactifs. C'est complètement stupide ! Le même bloc de béton est un déchet radioactif ou non suivant son origine. Sur cet aspect, la France est une exception dans le monde. Les autres pays utilisent des seuils de libération. L'Union Européenne dispose d'ailleurs d'une directive qui définit ces seuils de libération. Dans les autres pays, si l'activité du matériau est en dessous de ces seuils de radioactivité, on considère que ce n'est pas un déchet radioactif. Et ces seuils, c'est quoi ? Ils sont définis comment ? En Europe, les seuils sont calculés pour que dans le pire scénario possible, la dose reçue par une personne reste inférieure à 0,01 mSv, donc inférieure à 1% de la radioactivité naturelle. De façon amusante, si on appliquait cette limite en dehors de l'industrie nucléaire. Certains matériaux ne pourraient pas être vendus. Il serait par exemple impossible d'utiliser certains granites dans la construction. Si on trouve qu'une exposition de 0,01 mSv est importante, il faut arrêter de respirer et de manger, ce qui peut vite s'avérer compliqué. Il faudrait aussi complètement arrêter de prendre l'avion, de passer des radiographies et de fumer des cigarettes. Même en considérant que chaque dose de radioactivité est dangereuse, dogme que je ne partage pas et je vous renvoie vers la vidéo sur les impacts sanitaires nucléaires pour cet aspect, Les doses en question sont négligeables devant la radioactivité naturelle. Bon, j'avoue qu'utiliser un seuil de libération paraît une approche un peu plus rationnelle mais j'ai du mal à saisir les enjeux. Qu'est-ce que ça changerait ? Un déchet, s'il est radioactif, va demander des précautions de manipulation et des solutions de stockage spécifiques. Le même bloc de béton coûte donc bien plus cher à gérer s'il est considéré radioactif. Le démantèlement et la gestion des déchets sont provisionnés par le propriétaire de la centrale nucléaire. Donc, c'est ultimement le consommateur d'électricité qui en sort qui paye ce coût de façon logique. Personnellement, je préfère que les coûts que je paye soient justifiés. C'est un peu dommage d'alourdir la facture d'électricité parce qu'un déchet qui n'est pas dangereux à cause de sa radioactivité est considéré comme radioactif pour des raisons administratives ou réglementaires. L'autre aspect, c'est qu'un déchet classé radioactif ne peut pas légalement être recyclé. En France, la seule possibilité de recyclage pour des déchets radioactifs est un emploi très entier. cadrer dans le domaine du nucléaire. Par exemple pour faire des fûts métalliques qui accueilleront des déchets radioactifs. Ailleurs, un déchet venant d'une centrale nucléaire qui est en dessous d'une certaine radioactivité peut être recyclé. On peut donc faire des vis ou du matériel avec de l'acier sortant d'une centrale nucléaire si la radioactivité de celui-ci est en dessous du seuil de libération. La gestion de ces déchets radioactifs engendre aussi des impacts environnementaux supérieurs à des déchets classiques. Il faut les amener jusqu'au site dédié et les conditionner. La pratique des déchets de très faible activité en France engendre donc des surcoûts et accroît les impacts environnementaux en limitant notamment les possibilités de réutilisation et de recyclage par rapport à la pratique dans tous les autres pays. Et est-ce qu'il y a des arguments en faveur de l'approche qu'on a en France ? Tous les déchets produits dans des zones où il pourrait y avoir contamination sont en fait considérés comme s'ils étaient contaminés. Cette approche est plus simple administrativement, techniquement et permet d'éviter une exposition involontaire du public. Une des difficultés des seuils de libération est d'estimer correctement la radioactivité de matériaux où elle est inhomogène. Mais dans le cas des métaux qui sont fondus lors du recyclage, on forme un matériel homogène et cette limite ne s'applique pas. On pourrait donc au moins appliquer le seuil de libération aux déchets métalliques. J'ai l'impression que les avantages d'avoir un seuil de libération sont bien supérieurs aux désavantages. Cette question est actuellement discutée en France et la législation pourrait évoluer. Évidemment, pour discuter rationnellement de ces sujets, il faut avoir quelques connaissances sur les déchets et la radioactivité. Et c'est sans doute parce qu'on a renoncé à renseigner le public sur ces questions qu'on se retrouve avec une gestion des déchets de très faible activité qui peut paraître un petit peu absurde. D'ailleurs, on peut noter que cette gestion très précautionneuse des déchets radioactifs n'a pas franchement d'effet sur la perception du grand public. Probablement parce que le grand public n'a aucune idée de tout ce que je vous raconte dans mes vidéos. A quoi bon mettre en place des précautions ? inutile si ça ne permet même pas de rassurer le grand public. Et pour l'instant, on en fait quoi de ces déchets de très faible activité ? Pour l'instant, ces déchets sont stockés au centre industriel de regroupement, d'entreposage et de stockage de l'Andra dans l'aube. La gestion de ces déchets est donc proche des déchets à faible et moyenne activité à vie courte. La majorité de la très faible radioactivité contenue par ces déchets va vite décroître dans le temps. Les déchets sont donc stockés en surface et seront recouverts d'une couche d'argile pour limiter l'érosion. Si on continue à gérer les déchets de très faible activité comme aujourd'hui, il faudra construire d'autres centres de stockage pour accueillir les déchets de démolition des centrales nucléaires. Parce que le volume de déchets de très faible activité produit par le démantèlement de ces centrales dépassera le volume de sites de stockage aujourd'hui en fonctionnement. Et est-ce qu'on a une idée du coût de tout ça ? Parce que c'est un élément qui revient souvent. Oui, il y a plusieurs éléments disponibles, notamment les retours d'expérience de démantèlement entièrement fini ailleurs dans le monde. Mais le document le plus utile pour se faire une idée précise est l'audit de 2015 commandité par le ministère de l'Environnement qui évalue les provisions de déconstruction des réacteurs d'EDF. Il y a également un rapport de la Cour des comptes sur le sujet mais celui-ci date un peu. L'audit est venu globalement confirmer les estimations d'EDF qui se basent sur une étude poussée du site de Dampierre. Le démantèlement intégral de cette centrale nucléaire comportant 4 réacteurs de 900 mW électriques coûterait 1069 millions d'euros de 2013. Euro de 2013 parce que, comme vous le savez, la valeur réelle d'un euro varie au fil des ans et de l'inflation. 1069 millions pour 4 réacteurs ! Ça paraît beaucoup mais j'ai du mal à me rendre compte si c'est beaucoup ou pas. Ce montant est provisionné par EDF et a donc toujours fait plus ou moins partie du prix de l'électricité provenant des centrales nucléaires. Faisons un petit calcul de coin de table pour avoir un ordre de grandeur. Si on arrête la centrale de Dampierre au bout de 40 ans d'exploitation, elle aura produit autour de 1000 milliards de kWh. Ce qui ramène le coût du démantèlement à 0,1 centime par kWh produit, environ 2% du prix de la production de l'électricité nucléaire. Comme la production ne forme qu'un tiers du prix payé par le consommateur final, le démantèlement de ce site reviendrait à moins de 1% du prix payé par l'utilisateur final, c'est-à-dire nous. Pour ceux qui ne se satisfont pas des calculs réalisés en France, les démantèlements des deux centrales nucléaires américaines dont j'ai parlé avant ont coûté autour de 500 millions de dollars chacun. Les retours d'expérience sur les démantèlements déjà entièrement effectués dans le monde viennent donc confirmer l'ordre de grandeur donné par EDF. Et pour l'ensemble du parc nucléaire, ça donnerait quoi ? La part dont le prix de l'électricité payée reste la même mais on peut calculer la note totale en extrapolant sur l'ensemble des 58 réacteurs nucléaires. EDF trouve un montant de 18,5 milliards d'euros de 2013 qui est partiellement provisionné par EDF et placé dans des actifs diversifiés. L'audit vient confirmer cet ordre de grandeur. Mais ces exercices restent périlleux et quelques éléments intéressants sont mentionnés dans l'audit. Les réacteurs nucléaires français sont de la même technologie et standardisés. L'accumulation d'expérience et la mutualisation des équipements pourraient réduire la facture finale. D'un autre côté, il y a toujours des incertitudes de coûts. Notamment l'incertitude sur la gestion des déchets de très faible activité dont on a déjà longuement parlé dans cette vidéo et l'incertitude sur la gestion des déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue dont on parlera la prochaine fois. Donc le démantèlement des réacteurs à eau pressurisée est possible puisqu'on l'a déjà fait ailleurs dans le monde. Et quand on ramène le prix... A l'électricité produite, ça ne paraît pas aberrant. Du coup, toutes ces idées qu'on ne sait pas démanteler, que c'est trop cher, etc. c'est des idées reçues, c'est complètement faux ? Oui et non. D'abord, le démantèlement d'une centrale nucléaire reste une lourde opération industrielle et si on ne ramène pas à l'électricité produite, les coûts peuvent paraître impressionnants. Ensuite, si on exclut les réacteurs militaires ou de recherche, on n'a pas encore de centrale entièrement démantelée sur le territoire. De plus, la stratégie initiale d'EDF de repousser le temps de laisser la radioactivité décroître. a pu laisser croire qu'on ne voulait ou qu'on ne savait pas démanteler. Tout ça a sans doute joué sur l'idée fausse qu'on ne sait pas démonter des réacteurs à eau pressurisée. Mais il y a un élément explicatif bien plus important. Il y a des centrales nucléaires dont le démantèlement nous pose plus de problèmes que pour les réacteurs à eau pressurisée. Attends, je croyais qu'en France on n'avait QUE des réacteurs à eau pressurisée. C'est ce que tu nous dis depuis le début. Oui, on n'a que des réacteurs à eau pressurisée en fonctionnement. C'est ça. Mais, on a eu d'autres choses par le passé et là c'est un peu le bazar. Je vais essayer d'aller un peu plus vite sur cette partie comme je fais mes vidéos essentiellement pour juger ce qu'on a aujourd'hui comme alternative pour produire de l'électricité et non pour me pencher sur des technologies dépassées. Donc, on parle bien de réacteurs qui sont aujourd'hui à l'arrêt. Exactement, de réacteurs aujourd'hui à l'arrêt qui sont à différents stades de démantèlement. Il y a 3 réacteurs militaires G1, G2 et G3 sur le site de Markool ainsi que l'usine d'extraction de plutonium associée. On a ensuite 3 réacteurs de la filière Uranium Naturel Graphite Gaz à la centrale de Chinon et 2 autres à la centrale de Saint-Laurent des eaux dont vous avez peut-être entendu parler parce que c'est sur un de ces 2 réacteurs aujourd'hui à l'arrêt qu'a eu lieu l'accident nucléaire le plus grave de France. Il y a un dernier réacteur de la filière Uranium Naturel Graphite Gaz à la centrale nucléaire du Buget donc 6 en tout. A cette technologie s'ajoute le réacteur à eau lourde du site nucléaire de Brenelis en Bretagne et les réacteurs à neutrons rapides Superphénix et Phénix. Dans cette liste, on a des réacteurs qui ont été utilisés par l'armée, les premiers réacteurs de production électrique mais aussi des réacteurs qui avaient plutôt une vocation de recherche comme Phoenix et Superphénix. Tous ces réacteurs sont bien plus compliqués à démanteler que les réacteurs à eau pressurisée aujourd'hui en fonctionnement. Brenilis, il y a eu une centrale nucléaire en Bretagne. C'est un réacteur à eau lourde, une technologie qui se rapproche de celle utilisée aujourd'hui par les Canadiens. Ce petit réacteur de 70 MW, moins d'un dixième de la puissance du plus petit réacteur aujourd'hui en fonctionnement en France, a fonctionné de 1967 à 1985. Le démantèlement progresse lentement depuis la mise à l'arrêt avec des rembondissements qui en font une histoire un peu longue à raconter. En plus, les difficultés juridiques et administratives rencontrées par EDF ne sont pas passionnantes. Cette centrale aurait dû être la première démantelée en France mais ce démantèlement a été considérablement rallongé et ne devrait être fini qu'autour de 2035. coût a été multiplié par plus de 10 depuis le début en 85 et a été estimé à 485 millions d'euros par la Cour des Comptes en 2005. Un montant énorme si on le rapporte aux 6 millions de kWh produits pendant l'opération de la centrale. Les réacteurs de la technologie uranium naturel graphite-gaz qui constituent la première série de réacteurs nucléaires posent également des enjeux particuliers. Ce démantèlement va s'étaler sur des décennies et pourrait bien s'étendre au-delà de 2100 pour des coûts que j'ai beaucoup de mal à trouver mais qui seront probablement de plusieurs milliards. Alors que ces réacteurs étaient bien moins puissants que ceux aujourd'hui en fonctionnement. Les coûts élevés du démantèlement des centrales historiques et les difficultés rencontrées sont une réalité qui joue sans doute pour beaucoup dans l'idée qu'on ne sait pas démanteler les autres centrales nucléaires. Ces réacteurs sont uniques ou en peu d'exemplaires, ce qui oblige à la mise en place de solutions adaptées qui ne peuvent pas être rentabilisées par une logique d'effet d'échelle. Les difficultés rencontrées sont directement liées au fonctionnement de ces technologies. On ne peut donc pas transposer ces expériences sur les réacteurs à eau pressurisée aujourd'hui en fonctionnement. Ironiquement, une partie de ces centrales de première génération sera peut-être démantelée après nos réacteurs à eau pressurisée aujourd'hui en fonctionnement. En plus, elle génère une catégorie de déchets dont on n'a pas encore parlé. Et c'est quoi cette catégorie de déchets ? Les centrales uranium naturel graphite-gaz utilisaient du graphite comme modérateur à la place de l'eau dans les réacteurs actuellement en fonctionnement. Ce graphite a été activé et contaminé. Il contient des radionucléides à longue durée de vie en faible quantité. On parle de 1000 à 3000 tonnes de graphite suivant les réacteurs. Ces déchets graphites appartiennent à la dernière catégorie dont on n'a pas encore parlé, les déchets de faible activité à vie longue, dont on va parler avec leur acronyme FAVL. Et on en fait quoi de ces déchets FAVL ? Eh bien pour l'instant, on n'est pas encore fixé. Un stockage géologique à faible profondeur est envisagé par l'ANDRA puisque la dangerosité de ces déchets ne justifie pas un enfouissement plus profond mais que leur durée de vie importante exclut les solutions en surface déployées pour les déchets ayant une durée de vie plus courte. Un milieu géologique favorable a été identifié et le stockage pourrait se faire dans une formation argileuse à une profondeur qui n'est pas encore définie. Un schéma industriel global de la gestion des déchets FAVL devrait être proposé prochainement par l'ANDRA. Ce projet est peu avancé et suscite pour l'instant au moins un peu de polémique. Et est-ce qu'on a d'autres déchets qui rentrent dans cette catégorie ? Oui, il y a quelques exemples amusants du temps où l'U.S. L'usage de la radioactivité était bien moins encadré et ses dangers bien moins compris. Interdit en 1987 parce que leur efficacité n'était pas prouvée, 40 000 paratonnerres à tête radioactif sont aujourd'hui disséminés en France et constituent des déchets FAVL. On pourrait aussi parler des montres et réveils dont les aiguilles brillaient dans le noir grâce au radium, des détecteurs de fumée à l'américium ou des produits cosmétiques irradiants. Avouez que ces publicités font un peu bizarre aujourd'hui. L'idée de se barbouiller de radionucléides pour garder la jeunesse semble avoir pris un coup de vieux. C'est aussi dans cette catégorie qu'on trouvera l'uranium appauvri dont on a parlé dans la dernière vidéo. Si un arrêt complet du nucléaire fait passer l'uranium appauvri de combustible possible pour de futures générations de réacteurs nucléaires à simples déchets radioactifs. Il y a aussi des déchets dits radifères qu'on appelle ainsi parce qu'ils contiennent du radon. Ils proviennent notamment de l'exploitation de terres rares, ce groupe de métaux qui est devenu indispensable entre autres à l'électronique moderne. Mais comment l'exploitation des terres rares produit des déchets radioactifs ? et bien les terres rares se concentrent dans le sol avec des radionucléines naturelles comme l'uranium ou le thorium. Du coup, on se retrouve avec des radionucléines naturelles en concentration suffisamment élevée pour que les résidus miniers ou les résidus de traitement puissent être considérés comme des déchets radioactifs FAVL. Les rejets de l'industrie minière peuvent avoir des impacts environnementaux graves suivant la façon dont ils sont gérés, quand ils le sont. La pollution environnementale et les impacts sanitaires du plus grand site de production de terres rares, celui de Baotou en Chine sont souvent mis en avant par exemple. Mais les quantifications des radionucléides rejetés montrent que les effets sanitaires et environnementaux sont davantage dus au rejet de métaux lourds et de produits chimiques qu'aux radionucléides libérés. Si on a le problème avec les terres rares, on doit avoir le problème avec l'extraction de l'uranium. Du coup, les résidus miniers de l'extraction d'uranium, c'est aussi des déchets de très faible activité. Les résidus miniers liés à l'extraction d'uranium contiennent des radionucléides qui étaient déjà présents avant l'extraction. Les activités humaines n'ont pas produit cette radioactivité mais en les remontant à la surface, on y expose l'environnement et les populations alentours. Les concentrations de ces radionuclides restent faibles et les quantités de matière en jeu sont trop grandes pour envisager un déplacement. Les résidus de mine ont donc été le plus souvent stockés sur place et recouverts d'une couche d'argile pour absorber l'essentiel de la radioactivité et limiter l'érosion. Un traitement assez proche de celui qu'on réserve aux déchets de faible activité. Bon, je crois qu'on a fait le tour de toutes les catégories de déchets et qu'on a enfin une vision à peu près claire de ce qu'est un déchet radioactif. Comme souvent, on pourrait encore passer beaucoup plus de temps sur ce sujet. Je pense quand même que c'est important de mentionner rapidement deux choses. D'abord, l'usine Orano ex areva de Malvesi. C'est l'une des cinq usines dans le monde qui transforment le concentré de minerai d'uranium pour produire de l'oxyde d'uranium destiné aux centrales nucléaires. Environ le quart de l'uranium mondial transite à Malvesi qui produit tout l'oxyde d'uranium utilisé en France. Cela produit des déchets de conversion qui sont placés en partie dans des grands bassins de décantation. Ces déchets sont par leur nature et leur activité proches des résidus miniers. Ils sont inventoriés et suivis par l'ANDRA mais ne sont pas encore catégorisés. Ces déchets radioactifs constituent tout de même 726 000 m3 qui sont stockés sur place. Donc ça c'est le premier point. Mais tu as parlé d'un deuxième point. En plus des centrales nucléaires, il faudra aussi démanteler d'autres installations nucléaires comme l'usine d'enrichissement George Best II, le centre de retraitement et d'entreposage de la Hague ou encore l'usine Mellox qui produit le MOX. Ces installations produiront également des déchets radioactifs lors de leur démantèlement mais en moindre quantité que les 58 réacteurs à eau pressurisée aujourd'hui en fonctionnement. Dans cette vidéo, je vous ai expliqué un peu toutes les catégories de déchets. On a vu qu'il y a des déchets radioactifs à vie très courte majoritairement produits par le milieu médical, ils sont gérés par simple décroissance radioactive. Ensuite, il y a les déchets de faible et moyenne activité à vie courte qui sont regroupés, conditionnés et ensevelis de façon à ce que l'érosion ne disperse pas ces radionucléides. Une méthode de traitement similaire aux déchets de très faible activité. Les déchets de très faible activité ne sont pas définis par une activité minimum mais par leur production dans une zone où ils pourraient contenir des radionucléides. Cette approche produit des déchets radioactifs qui n'ont pas grand chose de radioactif. Ce qui empêche le recyclage d'une partie de ces déchets et engendre des coûts et des impacts environnementaux dont on peut questionner l'utilité. Sur cette question, la France est une exception. Dans les autres pays, un déchet doit être au-dessus d'un certain niveau de radioactivité pour être considéré comme radioactif. Il y a aussi les déchets de faible activité à vie longue qui se rapprochent des caractéristiques de certains matériaux naturels. Pour l'instant, il n'y a pas de solution pour ces déchets mais on envisage un stockage géologique à faible profondeur. Enfin, il y a les déchets les plus dangereux, les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue. Quand on parle de déchets radioactifs, on parle souvent uniquement de ces déchets et d'ailleurs c'est ce que j'ai fait dans les deux vidéos précédentes. Il y en a l'équivalent en volume d'une piscine olympique pour les déchets de haute activité et d'une dizaine pour les déchets de moyenne activité à vie longue. Dans la prochaine vidéo, on verra quelle solution est envisagée pour ces déchets très dangereux. Je vous ai ensuite parlé de démantèlement. Le démantèlement des centrales à eau pressurisée aujourd'hui en exploitation en France ne devrait pas poser de problème majeur pour des raisons liées à cette technologie. Des centrales à eau pressurisée ont déjà été entièrement démantelées dans le monde et le démantèlement de Chouza en France devrait être terminé dans un futur proche. Ces démantèlements ne coûtent pas très cher quand on ramène à l'énorme quantité d'électricité. produite par une centrale nucléaire. Les démantèlements des centrales à eau pressurisée produiront majoritairement des déchets de faible et moyenne activité à vie courte et des déchets de très faible activité. On a aussi vu que la première génération de centrales nucléaires n'est pas encore entièrement démantelée. Leur démantèlement pose des problèmes techniques et coûte extrêmement cher par rapport à l'électricité produite. Ces démantèlements complexes, coûteux et qui rencontrent de nombreux problèmes expliquent sans doute la perception erronée de cette question en France. Retenez tout de même que les centrales concernées ne sont pas de la même technologie que celles aujourd'hui en fonctionnement. Merci à tous d'avoir regardé cette vidéo, j'espère que vous avez appris pas mal de choses sur un sujet polémique comme tout ce qui touche au nucléaire. J'ai eu un peu de mal à me dépatouiller avec les aspects économiques alors j'espère ne pas avoir dit trop de bêtises sur ces quantifications. Surtout qu'on peut lire beaucoup de choses divergentes sur cette question. Je remercie mes précieux relecteurs qui relisent le script de la vidéo pour m'éviter de raconter trop de damneries et je remercie évidemment tous ceux qui contribuent financièrement à la chaîne. en me donnant un peu d'argent sur Tipeee ou Utip. Sans eux, cette chaîne ne pourrait pas exister. C'était Le Réveilleur et à bientôt sur le net.