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Intégration des énergies renouvelables intermittentes

Bonjour à tous et bienvenue dans cette vidéo. C'est la suite directe de celle-ci et je vais continuer à parler de l'intégration au réseau électrique des énergies renouvelables intermittentes comme l'éolien ou le photovoltaïque. La première partie est absolument passionnante avec plein de belles courbes et la regarder vous facilitera la compréhension de celle-ci. Mais si vous ne l'avez pas vue ou que vous ne vous en souvenez plus, je vais faire un résumé rapide et vous devriez réussir à comprendre cette vidéo sans souci. Et encore une fois, je vous recommande la vidéo de Monsieur Bidou sur le réseau électrique qui est excellente et peut également vous être d'une aide précieuse pour comprendre celle-ci. Dans la première vidéo, on avait vu la différence entre les moyens de production dits pilotables qui peuvent être modulés à la demande comme les centrales hydroélectriques de lac ou les centrales au gaz et les moyens de production dits intermittents dont on subit la variabilité comme les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques. Vous avez été nombreux à discuter du bon terme pour désigner cette intermittence, certains signalant par exemple qu'on peut utiliser le terme de fatal. C'est vrai que le terme est utilisé pour désigner une production d'électricité à partir d'un flux. Comme le rayonnement solaire, le vent ou le débit d'eau d'une rivière. Car si on ne récupère pas cette électricité, elle est perdue. On m'a également proposé le terme de fluctuant qui est effectivement un bon adjectif pour la variabilité subie tout comme l'expression non pilotable. Je vais continuer de parler de moyens de production intermittents puisque c'est le terme le plus utilisé en soulignant une dernière fois que ce terme laisse à désirer. Quand je dis intermittent, je désigne donc le caractère non pilotable, fatal et peu prévisible de l'éolien et du photovoltaïque. Et on avait vu quoi d'autre dans la première vidéo ? On avait vu que la complémentarité géographique des moyens de production intermittents et les échanges entre pays européens permettaient de gérer un peu mieux l'intermittence. Enfin, on avait vu que le surdimensionnement de moyens de production intermittents permettait d'intégrer plus de moyens intermittents au prix d'une faible perte de production électrique. Malheureusement, cette intermittence ne peut pas être complètement réduite par ces moyens techniques et il nous faut donc trouver d'autres choses. Et c'est là que je t'avais fait remarquer qu'on pourrait très bien stocker cette surproduction. Exact, on pourrait stocker cette surproduction électrique sous une autre forme pour pouvoir produire à nouveau de l'électricité plus tard. Un tel stockage permet de décaler la production électrique dans le temps pour la faire coïncider avec la consommation. Le stockage n'est pas une particularité de ces nouveaux moyens renouvelables. Après tout, on a développé des STEP en France, ces barrages hydroélectriques réversibles qu'on a déjà évoqué plusieurs fois. pour être complémentaires des installations nucléaires. Pendant des décennies, les STEP se remplissaient la nuit quand la consommation est plus faible et rendaient l'électricité stockée la journée où la consommation est plus forte. Mais ce stockage permettrait d'utiliser plus d'éolien et de solaire. C'est vrai que le stockage est une technique importante pour augmenter la part de moyens intermittents dans le mix électrique mais je l'ai dit dans la précédente vidéo et je le répète ici aujourd'hui l'immense majorité du stockage d'une surproduction électrique est effectué par des STEP. Et ces moyens ne suffiraient pas à intégrer un gros pourcentage d'énergie intermittente. Du coup, les discours sur le stockage massif par d'autres méthodes concernent des situations pouvant peut-être advenir mais pas des situations existantes. Les méthodes de stockage proposées sont nombreuses pour n'en citer que quelques-unes air comprimé, batterie, hydrogène ou encore méthane. Ça veut dire que je vais devoir produire des vidéos sur ces moyens de stockage pour me faire une opinion un peu plus éclairée sur ces questions. On ne réglera donc pas cette question ici et je suis désolé pour ceux qui s'attendaient à ce que ce soit le cas. Mais on peut quand même observer quelques points importants pour comprendre les futurs sujets sur le stockage. En effet, en regardant la production et la consommation électrique, on se rend vite compte qu'on va avoir besoin de différents systèmes de stockage. Par exemple, pour lisser la production solaire, il faudrait des moyens de stockage sur quelques heures. On stocke une partie pendant la forte production de la journée pour reporter vers la soirée où c'est la consommation qui est plus forte. La production éolienne peut rester forte pendant plusieurs jours avant d'avoir de grosses périodes de creux. Il faudrait donc des moyens de stockage plus gros et capables de stocker sur des périodes de quelques jours ou quelques semaines. Enfin, si on regarde la production en France au fil d'une année, on voit qu'on consomme environ 60% d'électricité en plus en hiver qu'en été. Cette différence risque d'encore s'accroître si on veut électrifier davantage la production de chaleur pour réduire les émissions de CO2 de ce secteur. Retenez que quand on regarde des technologies de stockage, il faut s'intéresser aux coûts, aux rendements. mais aussi à la quantité d'énergie qu'il faut stocker et à la période sur laquelle il faut stocker cette énergie. Vu l'existence de besoins très différents, on ne peut pas réduire la question du stockage à une seule technologie et je serai amené à parler de différentes technologies complémentaires. Et comment on fait aujourd'hui pour gérer cette différence de consommation entre L'hiver et l'été si on n'a pas de stockage intersaisonnier. Les centrales hydroélectriques de lac permettent de stocker de l'énergie pour l'hiver. En France, les centrales nucléaires sont arrêtées pour rechargement ou inspection préférentiellement en été pour être disponibles au maximum en hiver. En produisant donc plus en hiver qu'en été, elles adaptent leur période de fonctionnement aux besoins. Vous voyez sur cette figure la variation de puissance de différents moyens de production au cours de l'année 2015. On voit que c'est le nucléaire qui fait le gros de la différence entre l'été et l'hiver devant le gaz et les interconnexions. Dans la plupart des autres pays, les centrales thermiques fossiles fonctionnent plus en hiver qu'en été. Pour l'instant, la gestion de cette demande différente entre été et hiver repose donc essentiellement sur une différence d'utilisation des centrales thermiques fossiles ou nucléaires et, dans une moindre mesure, sur les réservoirs des grands barrages hydroélectriques. Aujourd'hui, le stockage intersaisonnier n'est pas une limite pour le déploiement des renouvelables parce que les centrales fossiles et nucléaires font le boulot. Mais ça peut devenir un frein à l'existence de mix électrique avec beaucoup de sources intermittentes. Après, plutôt que de stocker une surproduction pour le système électrique, on peut utiliser cette surproduction dans d'autres secteurs. D'autres secteurs ? Mais de quoi tu nous parles là ? Ici, on regarde la production électrique mais l'utilisation de l'électricité n'est qu'une partie de notre consommation énergétique. On utilise aussi de l'énergie pour se déplacer et se chauffer. Environ un tiers de la population se chauffe avec de l'électricité mais le reste utilise du gaz et du pétrole. Et les transports dépendent encore largement du pétrole. Donc même si on arrivait à décarboner complètement la production électrique, il reste deux gros chantiers pour la transition énergétique, la production de chaleur et les transports. D'ailleurs, en France, l'essentiel des émissions proviennent de ces deux secteurs et l'électricité émet très peu de CO2 grâce au nucléaire. Une surproduction d'électricité pourrait donc être utilisée pour produire de l'énergie pour ces autres secteurs. On parle alors de couplage sectoriel. Il s'agit ici d'évoquer la différence entre un stockage ayant pour finalité de produire de l'électricité et le couplage sectoriel qui offre des débouchés à une production électrique en dehors du réseau électrique. Et t'as un petit exemple pour illustrer ton truc ? L'hydrogène est bien plus facile à stocker que l'électricité et est aujourd'hui utilisé par l'industrie dans la production d'engrais, la désulfuration du carburant, l'industrie du verre ou encore la production de circuits imprimés. Dans le monde, près de 60 millions de tonnes d'hydrogène sont produites par an. Oh ! Or, cet hydrogène est produit à partir de gaz naturel, une ressource fossile et donc en émettant pas mal de CO2. Produire de l'hydrogène avec la surproduction électrique permettrait de réduire considérablement la pollution liée à ses activités. Il s'agirait d'un couplage sectoriel, une surproduction électrique venant réduire les émissions d'usage industriel. Une surproduction d'hydrogène trouverait également des débouchés dans les transports ou la production de chaleur et je prendrais le temps de creuser ce sujet dans une vidéo dédiée. Intéressant et il y en a d'autres ? des exemples comme ça ? Oui, on évoque souvent la capacité de stockage qu'apporterait une flotte de véhicules électriques. Dans ce cas, il s'agit également d'un couplage sectoriel puisqu'on remplacerait des ressources fossiles utilisées aujourd'hui dans les transports par une production électrique. On peut même imaginer que la charge d'une partie de ces véhicules soit pilotée en fonction de la production dans une plage horaire fixée par l'utilisateur. Il faudrait évidemment produire l'électricité pour répondre à la demande mais si celle-ci est pilotable, ça peut permettre de valoriser les surproductions. Dans la vidéo sur le solaire thermique, j'avais aussi évoqué le fait qu'on stocke beaucoup plus facilement la chaleur que l'électricité. Donc, si on dispose de stockage de chaleur et de réseau de chaleur, on peut accumuler de la chaleur quand la météo permet une surproduction des moyens renouvelables intermittents et utiliser cette chaleur plus tard. De la même façon, on peut stocker du froid en produisant de la glace au moment des surproductions électriques. pour l'utiliser plus tard pour des besoins de climatisation ou de réfrigération. Et tous ces trucs, ça peut nous aider à intégrer plus d'éolien et de photovoltaïque ? En cas de déploiement massif de renouvelables, la surproduction pourrait être valorisée par du couplage sectoriel dans des applications qui n'ont pas besoin d'une production continue. Par exemple, on peut produire et stocker de la chaleur quand la météo permet une surproduction des moyens intermittents pour l'utiliser plus tard. Deuxième avantage, il peut permettre de réduire les émissions de CO2 de la production de chaleur, des transports ou de certaines productions industrielles. Evidemment, ce sont des sujets qu'il faut creuser pour se faire une idée précise de leur potentiel et c'est d'autant plus dur aujourd'hui que c'est peu mis en pratique. Mais on ne peut pas ignorer pour autant que ces possibilités existent. Et il y en a encore d'autres, des moyens de gérer l'intermittence ? Il y en a une dernière que j'aimerais évoquer, l'idée de pouvoir non seulement piloter la production mais également de pouvoir piloter la consommation. C'est ce que nous avons fait. On piloterait la consommation, genre le réseau électrique décide si j'ai le droit de regarder la télé ? Non, ça n'irait pas jusque là mais une partie de la consommation peut être diminuée en cas de besoin ou être décalée dans le temps. Dans ce cas-là, on parle d'effacement. Agir sur la demande d'électricité et non uniquement sur l'offre pour équilibrer le réseau est une idée assez ancienne. Par exemple, l'existence d'heures creuses pendant lesquelles l'électricité est moins chère avait pour but de décaler une partie de la consommation et notamment celle des chauffe-eau sur D'ailleurs, on peut en voir les faits sur la consommation d'électricité française. J'ai choisi le jour préféré de la semaine de beaucoup d'entre vous, un lundi. Vous pouvez voir qu'après le minimum hebdomadaire de la nuit de dimanche, la France se réveille et la consommation croît fortement jusqu'à 9h. La consommation décroît quand une part importante de la population quitte le travail avant d'augmenter brutalement quand les Français se font à manger. Et ce petit pic, autour de 23h, ce sont les appareils réglés sur l'heure creuse qui se mettent en marche. Cela permet de décaler une consommation au moment où la demande décroît au lieu de la subir pendant les pics de la journée. En plus, c'est un exemple où on voit que l'effacement peut faciliter l'équilibre entre production et consommation en étant complètement transparent pour les usagers. Les gens qui ont un chauffe-eau réglé sur les heures creuses ont quand même de l'eau chaude toute la journée. Et c'est efficace ce truc des heures creuses ? Oui, sur cette figure que j'ai tirée du même article que celle sur la variation intersaisonnière, vous pouvez voir l'importance de différents moyens pour gérer l'évolution de la demande. Comme on l'a dit plus haut, on voit que le nucléaire permet de gérer la variation de la consommation à l'échelle annuelle mais également hebdomadaire. A l'échelle journalière par contre, c'est surtout le pilotage de la consommation des chauffe-eau par le mécanisme des heures creuses qui permet de réduire les besoins. Piloter la demande, c'est donc quelque chose qui est efficace et qu'on fait depuis une cinquantaine d'années. Mais aujourd'hui, avec de nouveaux outils, on pourrait faire mieux. Mais de quels outils on parle ici ? Et qu'est-ce qu'on pourrait faire avec ? Les outils dont on parle ici sont souvent regroupés sous le terme de Smart Grid ou réseau intelligent. Ce sont par exemple des boîtiers électroniques qui permettent de piloter une partie de la demande. En France, il existe des foyers volontaires qui sont rémunérés pour effacer une partie de leur consommation, typiquement le chauffage, pendant certains pics de consommation. C'est assez indolore pour le consommateur puisque les coupures sont courtes devant le temps que mettrait une maison à se refroidir. En profitant de l'inertie thermique du bâtiment, on se rapproche de l'idée de stocker de la chaleur qu'on a évoqué plus tôt avec le couplage sectoriel. Le couplage sectoriel et le pilotage de la demande sont des techniques qui peuvent se combiner. Et est-ce qu'on pourrait effacer davantage de consommation ? Certaines industries lourdes comme les aciéries ou les usines de fabrication de papier peuvent également être effacées en cas de tension sur le réseau, typiquement un pic de consommation en hiver. Le gain que permettrait un pilotage partiel de la consommation est dur à juger. Parce que ce n'est quasiment pas utilisé aujourd'hui vu qu'on n'a pas encore besoin de piloter la demande pour avoir un réseau électrique stable. Il faut aussi noter que ces possibilités s'ouvrent avec le déploiement de plus en plus d'électronique et d'objets pilotables à distance. C'est un point qui mérite d'être souligné. L'intégration des moyens de production intermittents repose au moins en partie sur le déploiement de réseaux intelligents, sur des algorithmes capables d'anticiper production et consommation et sur l'électronique moderne. Et toutes ces techniques qu'on a évoquées ici. Ça suffirait pour avoir 100% de renouvelables intermittents ? C'est extrêmement difficile de répondre à cette question parce qu'on est loin d'avoir un pourcentage aussi élevé. Ça revient donc à faire des paris sur l'avenir et à juger des techniques et des technologies qui n'existent pas ou très peu. En plus, même si j'essaye de vous donner une vision assez complète ici, c'est loin d'être exhaustif. C'est important d'avoir conscience des différentes techniques qui existent en théorie parce qu'elles peuvent toutes jouer un rôle dans une bonne intégration des renouvelables intermittents. Mais la possibilité de recourir à ces méthodes pour augmenter la part de moyens intermittents ne veut pas dire qu'on peut atteindre 100%. La théorie et la pratique s'accordent sur le fait qu'on peut avoir 30% de l'électricité produite par des moyens intermittents sans difficulté majeure sur un réseau électrique. Et dans des pays reposant aujourd'hui exclusivement sur des ressources fossiles, avoir un tiers de renouvelables intermittents serait déjà une progression appréciable. Au-delà de 30%, plus on augmente et plus c'est dur de gérer l'intermittence et donc plus les moyens à mettre en œuvre coûtent cher. Par contre, je serais incapable de vous donner une idée précise de la façon dont les prix augmentent avec le pourcentage de moyens intermittents ou d'où apparaît une éventuelle limite physique parce qu'aujourd'hui, des réseaux électriques avec plus de 30% de moyens renouvelables intermittents n'existent que sur le papier. Ok, du coup, il faut produire de l'électricité autrement. Et on utilise quoi dans ce cas-là ? Si on doit recourir à d'autres moyens de production, on va d'abord privilégier les moyens de production bas carbone. L'hydroélectricité en est un et est capable d'être modulé rapidement. C'est un complément parfait mais il est déjà exploité proche de son potentiel maximum en Europe. On peut utiliser de la matière organique pour produire en même temps de la chaleur et de l'électricité. On parle alors de biomasse en co-génération, par exemple une centrale au bois. Mais l'exploitation raisonnée des forêts et des cultures limite la quantité de biomasse qui peut être produite et pose d'autres problèmes environnementaux. Enfin, certains pays présentent des conditions climatiques favorables pour des centrales solaires thermiques à concentration. Technologie qui a eu le droit à sa propre vidéo sur cette chaîne. Pour rappel, ces installations produisent de l'électricité à partir du rayonnement solaire mais passent par l'intermédiaire de la chaleur contrairement au photovoltaïque. Or, cette chaleur peut être stockée pour décaler la production. Le solaire thermique à concentration offre donc des possibilités de stockage à l'échelle de plusieurs heures et peut donc produire une fois que le soleil s'est couché. C'est donc un moyen offrant une certaine pilotabilité qui peut venir en complément des renouvelables intermittents. Par contre, il est important de savoir que les émissions de chaleur sont en général Ces installations ont besoin d'un ensoleillement direct, sans nuages et sont donc limitées à certaines régions du monde comme la Californie, l'Espagne ou le Maghreb. Mais le nucléaire, on a dit que c'était aussi un moyen de production bas carbone. Le nucléaire est effectivement un moyen de production bas carbone mais il module plus difficilement et pour être rentable, il doit fonctionner à puissance élevée une bonne partie du temps. Ce qui en fait un moyen de production peu complémentaire avec de grandes quantités d'éolien ou de solaire en l'absence de moyens de stockage. S'il faut faire baisser la production nucléaire quand le soleil brille et que le vent souffle, Son coût au kWh augmente fortement. Après, les moyens bas carbone qu'on a évoqué ici ne sont pas forcément suffisants. Et dans ce cas-là, on utiliserait quoi ? Et bien dans ce cas-là, il faut faire le complément avec des moyens de production fossiles. D'ailleurs, c'est ce qu'on fait aujourd'hui. Dans le monde, les ressources fossiles dominent largement la production électrique. En Europe, les moyens intermittents sont utilisés en priorité sur le réseau et ce sont les moyens fossiles qui ajustent leur production pour équilibrer l'offre et la demande. Quand le vent souffle sur l'Europe et que l'éolien produit, il y a moins de charbon brûlé. Idéalement, si on ne peut pas se passer de ressources fossiles pour l'équilibrage ultime, il faudrait utiliser du gaz naturel. Mais le gaz naturel c'est du fossile donc ça émet du CO2. Dis donc, tu ne serais pas en train de nous faire un plan foireux pour décrédibiliser le renouvelable ? Non, c'est une hypothèse réaliste pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'un mix électrique avec des moyens renouvelables intermittents complémentés par de l'hydroélectricité et du gaz naturel c'est possible. Il n'y a pas à faire des paris sur des technologies qui n'existent pas encore. Ensuite, il faut se rendre compte que la France est une exception pour son mix électrique qui est très peu carboné grâce au nucléaire. C'est vrai que dans le cas français, un tel mix serait pire du point de vue du climat. Mais ce n'est pas le cas de la plupart des pays d'Europe. Plus globalement, si le monde passait à un mix de renouvelables auquel on ajoute du gaz naturel pilotable pour pallier l'intermittence, ce serait déjà une énorme avancée dans la lutte contre le changement climatique et ça aurait plein d'autres effets positifs comme la diminution des impacts sanitaires de la production électrique. De toute façon, tous les pays ne veulent pas ou ne peuvent pas avoir de l'électro-nucléaire. Et pour le changement climatique, on peut se permettre de brûler du gaz naturel ? Le gaz émet autour de 490 grammes de CO2 par kWh pour plus de 800 pour du charbon de bonne qualité et 1000 pour du charbon de mauvaise qualité. La priorité est donc de réduire la consommation de charbon, ensuite celle du pétrole peu utilisé dans la production électrique et enfin celle du gaz. Si on finit par brûler du gaz seulement quand les conditions pas à l'éolien et au solaire de produire assez, ce serait déjà un énorme progrès du point de vue des émissions de CO2. Il faut bien comprendre qu'avec un mix électrique comme celui-ci, il faudrait pas mal de puissance installée mais les centrales ne fonctionneraient pas tout le temps. Ce qu'on voit au fur et à mesure que le renouvelable se déploie, ce n'est donc pas nécessairement moins de centrales fossiles mais des centrales fossiles qui fonctionnent moins souvent. Et c'est un truc courant de considérer le gaz naturel en complément du renouvelable ? L'idée d'un mix électrique s'appuyant sur du gaz naturel pour pour pallier l'intermittence est présente dans beaucoup de scénarios de transition énergétique pour des raisons tout à fait défendables. Le gaz naturel émet moins de CO2 que le charbon, il peut moduler vite la puissance et son coût fixe est faible. Au fur et à mesure que des technologies se développent, pour le stockage notamment, on pourrait réduire la part de gaz naturel ou le remplacer par des alternatives comme le biogaz. Mais pour l'instant, au niveau mondial, 99,9% du gaz consommé est du gaz d'origine fossile. On pourrait aussi recourir à des technologies de capture et de séquestration des émissions de CO2 mais ces technologies sont très peu développées pour le moment. J'y crois assez peu mais c'est un sous-aspect de la question que je connais mal. Ok, est-ce qu'on a fait le tour du sujet ? Non, il faut que je parle un peu de l'influence de ces nouveaux moyens intermittents sur l'organisation du réseau électrique. Vu que Monsieur Bidouille connaît mieux la structure du réseau électrique que moi, je lui ai demandé de me faire un petit passage. Dimitri, c'est à toi. Eh ben figure-toi qu'avant, l'électricité était produite par un nombre limité de centrales connectées entre elles par un réseau de transport à très haute tension. Le réseau de transport relie les gros producteurs et permet de transporter l'énergie sur de grandes distances. Ensuite, au niveau local, on trouve des réseaux de distribution qui permettent d'amener l'électricité aux maisons, commerces, etc. C'est donc un réseau centralisé, avec l'électricité qui s'écoule de la production vers la consommation, en passant par le réseau de transport, puis le réseau de distribution. Alors, avec ce réseau, de base, c'est possible théoriquement d'échanger l'énergie dans toutes les directions. C'est juste que tout est dimensionné pour distribuer l'énergie dans un seul sens. Mais aujourd'hui, les moyens de production renouvelables intermittents, qui sont de plus en plus nombreux, sont beaucoup plus dispersés et surtout ils sont branchés, pour la majorité, sur le réseau de distribution. L'intégration de cette production demande donc un fonctionnement bidirectionnel des réseaux, traditionnellement dimensionnés pour acheminer l'électricité dans un sens précis. Cela demande également d'augmenter le maillage du réseau de distribution, surtout que les éoliennes sont souvent construites dans des régions où il n'y a pas de masse de population, donc sans gros réseau électrique. Pour désigner tout ça, on parle de renforcement du réseau électrique. En plus de ça, il faut ajouter qu'il est beaucoup plus facile de gérer l'équilibre entre production et consommation avec une centrale fossile et un réseau centralisé qu'avec 5000 éoliennes réparties sur une grande surface. Gérer l'équilibre ? Tu veux dire quoi par là ? On a dit qu'on était toujours à l'équilibre. C'est vrai que jusque-là, on ne s'est pas posé la question de la façon dont on s'assurait que la puissance injectée dans le réseau électrique était bien équivalente à celle qui en était retirée. On a juste dit qu'il fallait un équilibre et on a regardé comment produire une quantité donnée d'électricité au cours du temps. Comme tu le sais maintenant, si tu allumes ton four électrique, il faut qu'une centrale produise un peu plus quelque part. Mais ta centrale, comment elle sait que j'ai allumé mon four ? C'est bien là toute la question. D'abord, on a une approche statistique. En fonction d'un certain nombre de paramètres, comme le jour de la semaine, la météo et les historiques de consommation passés, on peut estimer la consommation à une heure donnée et préparer les moyens de production en conséquence. Si vous regardez sur l'excellent outil Ecodomics, vous voyez la prévision de la consommation produite la veille, actualisée dans la journée et la consommation qui a effectivement eu lieu. Vous voyez que ces trois courbes sont très proches. Une approche statistique est d'autant plus robuste qu'il y a un grand nombre d'acteurs. Il est pratiquement impossible d'estimer exactement la façon dont un foyer va consommer de l'électricité mais estimer la consommation de centaines de milliers de foyers est plus facile. Du côté de la production, des modèles météo sont utiles pour prévoir la production des moyens intermittents. Ok mais on voit aussi que la consommation ne colle pas exactement aux prévisions. Comment on fait si plein de gens branchent leur four alors que ce n'était pas prévu ? S'il y a davantage de puissance soustraite au réseau qu'injecté, la fréquence, les fameux 50 Hz de notre réseau, va baisser. Pour le comprendre, il faut savoir que de nombreuses machines sont connectées au réseau électrique. Du côté de la production, la génération électrique dans les centrales thermiques ou les barrages hydroélectriques se fait avec des turboalternateurs qui tournent à une vitesse permettant de produire le courant alternatif de 50 Hz dont on a parlé. Pour un générateur bipolaire, ça veut dire qu'il tourne à 50 tours par seconde ou 3000 tours par minute. Du côté de la consommation, il y a des moteurs raccordés au réseau dont la partie rotative est également couplée sur la fréquence du réseau. Le truc absolument incroyable, c'est que si ces machines sont raccordées au même réseau, elles tournent toutes ensemble. On dit qu'elles sont synchrones. Non seulement elles tournent à la même vitesse mais en plus elles le font de façon synchronisée et c'est le cas de toutes les machines synchrones d'Europe continentale. C'est dingue, non ? Bon, je crois qu'on a compris. que tu trouvais ça cool le réseau mais ça ne nous dit pas pourquoi la fréquence baisse. Ah oui, du coup, s'il y a plus d'électricité soutirée au réseau électrique qu'injectée, il faut bien prendre la différence d'énergie quelque part puisque vous savez que l'énergie se conserve. Or, ces masses tournantes ont de l'énergie du fait de leur mouvement, de l'énergie cinétique. Donc, on va prendre de l'énergie à ces masses tournantes et elles vont toutes ralentir un tout petit peu donc tourner un peu moins vite donc la fréquence du courant alternatif baisse. Et si la fréquence baisse trop, c'est gênant ? Oui, très gênant. Si la fréquence baisse, ça veut dire qu'on prend plus d'énergie au réseau qu'il y en a d'injecté et donc qu'on ralentit toujours plus les masses tournantes. Si cette baisse de fréquence est trop importante, on endommage les appareils qui sont rattachés au réseau électrique, aussi bien au niveau de la consommation que de la production. Leur dysfonctionnement ou leur déconnexion par des mécanismes de sécurité peut mener à l'effondrement complet du réseau électrique. On parle alors de blackout. Dans le cas où c'est la puissance injectée au réseau qui est supérieure à la consommation, la fréquence augmente pour les mêmes raisons et ça pose des problèmes relativement similaires. Mais dans ce cas-là, la déconnexion d'une partie des moyens de production ramène naturellement à l'équilibre donc ça n'irait probablement pas jusqu'à un blackout. Du coup, si je comprends bien, la stabilité du réseau électrique se fait en suivant la fréquence et en réajustant la fréquence quand elle diminue ou augmente un peu. Mais comment on fait pour réajuster la fréquence ? Pour maintenir ou rétablir l'équilibre, il faut ajouter ou retirer de la puissance sur le réseau électrique. On utilise pour ça trois réserves différentes. La réserve primaire est mobilisée automatiquement et très rapidement au niveau des plus gros moyens de production. Elle a pour but d'arrêter la dérive de fréquence. La réserve primaire est dimensionnée pour que le réseau électrique ne s'effondre pas si on perd deux grosses unités de production d'un coup, par exemple deux réacteurs nucléaires. Elle est de 3000 MW. C'est une réserve de puissance qui est mutualisée sur l'ensemble de l'Europe continentale. Encore un avantage d'avoir un gros réseau interconnecté. Ce sont les plus grosses unités de production qui participent à la réserve primaire. Donc essentiellement des centrales fossiles ou nucléaires. La France y participe à hauteur de 520 MW sur les 3000 de l'Europe et essentiellement avec des centrales nucléaires. Ensuite, il y a la réserve secondaire qui est mobilisée automatiquement en moins de 15 minutes pour amener la fréquence à 50 Hz. En France, les réacteurs nucléaires participent également activement à cette seconde réserve. En gros, une partie des réacteurs nucléaires est maintenue à un peu plus de 90% de leur puissance maximale pour pouvoir varier à la hausse quand la réserve primaire ou secondaire s'active. Les réserves primaires et secondaires sont vitales pour la stabilité du réseau mais si on regarde la quantité d'énergie mobilisée, c'est la réserve tertiaire qui l'emporte en France. Cette réserve contrairement aux deux précédentes est activée manuellement soit pour reconstituer les réserves primaires et secondaires en les remplaçant soit en préventif si on anticipe un déséquilibre. Vous voyez que ces ajustements peuvent se faire à la baisse ou à la hausse suivant le sens du déséquilibre entre production et consommation. On voit qu'en 2019, ça a représenté 8,1 TWh en cumulant la hausse et la baisse pour une production annuelle d'électricité de 538 TWh donc moins de 2%. Ces ajustements sont indispensables pour la stabilité et donc l'existence du réseau électrique mais ils représentent une part très faible de la production. On voit aussi que les ajustements reposent en bonne partie sur l'hydraulique puis sur les échanges transfrontaliers et enfin sur les centrales thermiques fossiles et nucléaires. Les centrales nucléaires participent assez peu aux variations à la hausse parce que c'est économiquement préférable de faire varier les centrales thermiques fossiles ou hydrauliques que de maintenir des centrales nucléaires à 80% de leur puissance pour pouvoir les mobiliser à la hausse. Par contre, elles participent davantage dans les variations à la baisse. Mais il n'y a pas d'éolien ou de photovoltaïque là-dedans. Pourquoi tu nous parles de ça ? Parce que ces possibilités d'ajustement sont hyper importantes pour la stabilité et donc le fonctionnement du réseau électrique et les moyens de production intermittents ne peuvent pas y participer facilement à part en les déconnectant et en perdant une partie de la production. Aujourd'hui, l'éolien et le photovoltaïque ne participent à aucune des trois réserves. Du coup, c'est genre physiquement impossible d'avoir un réseau stable avec que des moyens intermittents. Ils ne peuvent pas du tout aider à l'équilibrage du réseau. Disons qu'ils ne le font pas aujourd'hui, que ce serait plus compliqué et qu'il faudrait développer un peu la technique. Sur le papier, ces moyens intermittents pourraient jouer un rôle. Par exemple, beaucoup d'éoliennes font varier l'inclinaison de leurs pales pour optimiser leur production. Il est envisageable de changer cette inclinaison pour réduire la production et donc varier à la baisse. D'ailleurs, si on choisissait de perdre volontairement une partie de la production, on pourrait également varier à la hausse. Par exemple, en maintenant des éoliennes à l'arrêt et en les faisant démarrer au besoin. Économiquement, faut quand même réussir à justifier de perdre une production électrique qui ne coûte pratiquement rien à produire une fois l'éolienne installée. On pourrait aussi utiliser des moyens de stockage comme des batteries pour ajuster la production à la baisse ou à la hausse, au moins temporairement. Mais même si on savait faire tout ça correctement, ça resterait moins pratique que de simplement faire varier une grosse centrale au gaz naturel. Un autre problème pour l'équilibre du réseau électrique, c'est que les moyens intermittents ne participent pas non plus à l'inertie du réseau électrique. L'inertie électrique. C'est quoi encore ce truc ? On l'a dit, les alternateurs injectant de l'électricité au réseau électrique et la plupart des moteurs alimentés par le réseau tournent à la même vitesse. Ces masses qui font parfois plusieurs dizaines de tonnes ont du fait de leur mouvement une énergie cinétique. Plus il y a de masse sur le réseau électrique, plus il y a d'énergie disponible en cas de problème pour amortir un changement de fréquence. Et si la fréquence varie plus lentement, ça laisse plus de temps aux centrales pilotables pour réagir et rattraper C'est pour ça qu'on parle d'inertie du réseau électrique et c'est important d'en avoir un peu sinon la moindre perturbation sur le réseau électrique peut vite modifier la fréquence et amener un effondrement du réseau. C'est un autre avantage d'un grand réseau électrique. Non seulement des équipements peuvent être mis en commun mais en plus le réseau possède plus d'inertie et de moyens de réponse et est donc plus résilient. Et c'est aussi pour ça que vous avez plus de probabilité d'avoir un blackout sur un petit réseau électrique isolé comme celui d'une île. que sur un grand réseau fortement interconnecté comme celui de l'Europe. Mais du coup comment on fait avec cette inertie si on va amener beaucoup plus de moyens intermittents ? Et bien il faudrait ajouter des petits trucs sur notre réseau électrique pour compenser tout ça. On peut par exemple ajouter des volants d'inertie. Dans ce cas, le volant d'inertie n'a pas pour but de stocker l'énergie pour en décaler l'utilisation dans le temps mais d'amortir un changement brusque de fréquence. Donc, d'ajouter de l'inertie, de stabiliser le réseau électrique. Je tiens également à ajouter qu'il y a des recherches en cours pour ajouter de l'électronique de puissance dans les éoliennes pour faire comme si l'énergie cinétique d'une éolienne était liée à la fréquence du réseau et donc permettre aux éoliennes d'apporter de l'inertie au réseau grâce à l'énergie cinétique de leur rotor. Mais elles ne le font pas naturellement aujourd'hui parce qu'elles ne tournent pas à la fréquence du réseau. C'est assez rare de voir une éolienne faire 50 tours par seconde. Ajouter de l'inertie n'est donc pas impossible mais ça demande des équipements supplémentaires et les coûts qui vont avec. D'ailleurs, on pourrait également avoir besoin d'appareils supplémentaires pour gérer la tension. La tension ? Je ne parle pas de celle que prend votre médecin mais de la tension électrique, celle qui est de 230 volts chez vous mais beaucoup plus élevée sur le réseau de transport de l'électricité. Avec la fréquence, c'est l'autre paramètre qu'il faut suivre de près sur le réseau. Je l'évoque juste pour signaler que l'électricité produite avec des rotors synchronisés comme ceux des centrales hydroélectriques ou thermique joue un rôle majeur dans le réglage de la tension sur le réseau. Avec l'arrivée massive d'énergie produite sans rotor synchronisé, il va falloir trouver de nouveaux moyens pour maintenir la tension sur le réseau. Ce qui représente un besoin d'investissement supplémentaire qui apparaîtra au-delà d'un certain pourcentage de moyens intermittents dans le mix électrique. Parce qu'on n'a pas encore besoin d'ajouter des trucs pour l'inertie ou la tension ? Non, le seul truc qu'on met en place à ma connaissance est le renforcement du réseau électrique, y compris de nouvelles lignes transfrontalières. En fait, intégrer un peu de moyens de production intermittents est facile parce qu'il y a déjà tout ce qu'il faut sur le réseau pour le permettre. Il y a déjà des interconnexions et les moyens conventionnels sont encore là pour assurer la stabilité des réseaux électriques, qu'on parle de réserves de puissance, d'inertie ou de moyens pilotables. Pour l'instant, les moyens de production intermittents peuvent se permettre d'être les passagers clandestins du réseau électrique en apportant de l'électricité sans aucun des services permettant la stabilité du réseau. Mais… Mais… Plus il y a de moyens intermittents plus ça devient difficile de gérer leur variabilité. Les coûts d'intégration des moyens renouvelables n'augmentent pas linéairement avec le pourcentage de moyens intermittents. Au début ça ne coûte pas beaucoup plus que le coût d'installation de ces moyens parce que le réseau existe et peut gérer. Mais plus on approche d'un hypothétique 100% plus ces coûts augmentent fortement. Et ces coûts augmentent comment ? Le coût d'installation des moyens en ligne Je pense que vous aurez compris avec ces deux vidéos qu'estimer ce coût est complexe car il existe beaucoup de techniques pour pallier l'intermittence. Interconnexion et foisonnement, stockage, production complémentaire par d'autres moyens, couplage sectoriel ou encore flexibilité de la demande. Pour ne rien simplifier, ces différents mécanismes interagissent entre eux mais également avec d'autres secteurs de l'économie. Estimer les coûts de déploiement du renouvelable est difficile et se fera sans doute plus facilement au fur et à mesure que le pourcentage d'intermittents augmente et qu'on aura des retours de terrain. Mais, ce qui est sûr, c'est qu'on ne peut pas réduire tout ça à la seule problématique du stockage. La capacité des renouvelables intermittents à remplacer des ressources fossiles dépend également grandement du montant d'une éventuelle taxe carbone. Pour simplifier, le déploiement futur des renouvelables intermittents dépend du coût des renouvelables eux-mêmes, du coût de leur intégration dans le mix électrique et du coût des alternatives à ces moyens de production, que l'on parle de ressources fossiles ou d'autres moyens de production bas carbone. Ok, on a compris, il y a plein d'incertitudes, c'est dur d'avoir une idée précise sur le sujet mais est-ce qu'on pourrait avoir une idée de la façon approximative dont ces coûts augmentent ? Je vais vous montrer une figure d'un article pour aller un peu plus loin mais je vous préviens que ces quantifications peuvent pas mal varier d'un article à l'autre. C'est une étude sur l'Allemagne qui quantifie le coût de l'électricité d'origine éolienne en fonction du pourcentage d'électricité éolienne dans la production électrique totale. La partie bleue foncée ne dépend pas de ce pourcentage, ce sont les coûts. propres aux éoliennes. Leur production, leur installation, leur entretien, leur démantèlement, etc. A ce coût s'ajoutent des coûts d'intégration. Il y a des coûts qui sont liés au renforcement du réseau électrique. Ces coûts existent mais ne sont pas énormes. Il y a ensuite des coûts qui sont liés à l'intermittence des éoliennes, notamment la nécessité d'avoir des moyens pilotables capables de réagir rapidement. Là-dedans, les auteurs ont aussi compté la baisse de rentabilité de ces moyens pilotables. On l'a dit, si on installe beaucoup de renouvelables pour remplacer du fossile, on va consommer moins de fossiles. Mais on doit garder une bonne partie de la puissance installée pour pouvoir produire de l'électricité les jours où il n'y a pas de vent. Ces centrales ont des coûts fixes qui sont amortis sur moins d'heures d'utilisation donc leurs coûts à l'heure augmentent. Enfin, en bleu clair, il y a le coût de l'écrêtement. L'écrêtement correspond à la perte d'une partie de la production lorsqu'elle est trop élevée pour la demande ou pour le dimensionnement du réseau. Or, si vous perdez une partie de la production, alors les coûts fixes des éoliennes comme leur installation vont être amortis sur une plus petite quantité d'électricité. Donc, le coût de l'électricité augmente. Vous voyez que c'est quelque chose qui apparaît ici qu'autour de 25% mais qui grossit rapidement. Si on regardait la même chose pour la production solaire dans cet article, on verrait que le coût de l'écrêtement apparaît autour de 15% puisque la production solaire est plus concentrée dans le temps et n'a pas lieu pendant les pics de demande. Il y a deux choses très importantes à retenir de cette figure. D'abord qu'il y a des coûts d'intégration dont on ne parle pas très souvent. Beaucoup d'articles de presse sur ces sujets se contentent de ne présenter que ce que j'ai appelé le coût de génération. Ensuite que les coûts d'intégration augmentent avec la part de renouvelables intermittents. Cet aspect économique est une conséquence directe des contraintes physiques de l'intermittence. Par contre, ce papier est de 2013 et le monde du renouvelable évolue très vite. L'idée générale de la courbe reste la même mais les coûts des renouvelables ont diminué depuis 2013 et continuent de le faire. Ah oui, on a parlé d'écrètement dans la première partie. Je crois qu'on avait dit que c'était une façon d'intégrer plus de moyens renouvelables au prix d'une faible perte de la production électrique parce qu'au final, les puissances les plus fortes étaient atteintes que quelques heures dans l'année. C'est ça qu'on observe ici quand on parle d'écrètement ? Pas uniquement. En fait, l'écrètement peut avoir une autre origine, réduire les coûts d'adaptation du réseau. En gros, faire des gros câbles de transport pour qu'ils ne soient utilisés à leur puissance maximale que quelques heures dans l'année coûte très cher. Si le réseau n'est pas suffisant pour transporter toute l'électricité produite alors une partie de cette électricité est perdue. Examinons un peu cette belle figure de RTE, le gestionnaire de réseau de transport électrique français pour illustrer ça. Ici on regarde les dépenses à opérer sur le réseau pour les lignes d'un certain niveau de tension dans un scénario donné pour la période 2011-2035. Ce qui m'intéresse ce sont les coûts d'adaptation. en bleu et les coûts d'écrêtement en vert. On voit qu'il est beaucoup plus rentable d'écréter une partie de la production que de dimensionner le réseau pour la puissance maximale produite par les moyens intermittents qu'une poignée d'heures dans l'année. Le dimensionnement du réseau revient donc à un calcul économique entre le coût de l'adaptation et le coût de la perte d'électricité en cas de sous-dimensionnement. L'écrêtement n'est pas juste une méthode pour incorporer plus de moyens intermittents comme on l'a vu dans la partie 1. Ça peut être la conséquence d'un arbitrage avec les coûts de renforcement du réseau. D'ailleurs, on observe déjà de l'écrêtement dans certaines régions d'Europe, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni comme vous pouvez le voir sur cette figure que j'ai extrait d'un autre article scientifique. Il manque évidemment les dernières années mais on voit bien la logique à l'œuvre. Plus on introduit de renouvelables dans le mix électrique et plus on doit écrêter. Aujourd'hui, l'écrêtement est la conséquence, limite volontaire ou non, du réseau électrique. Un cas emblématique est la Chine qui a construit beaucoup de renouvelables loin des centres de consommation et a dû écrêter autour de 15% de la production annuelle pendant plusieurs années de suite avec pourtant une faible part de renouvelables dans sa production électrique. Tout ça parce que le réseau n'était pas suffisant pour acheminer cette électricité. Et on en est où aujourd'hui ? Est-ce qu'on a déjà beaucoup de moyens intermittents ? On l'a dit, la stabilité du réseau électrique se joue aujourd'hui au niveau européen. J'ai donc regardé le pourcentage de production éolienne et solaire dans la production heure par heure pour l'année 2019. Vous voyez qu'il y a beaucoup de variations sur une année. On voit également que ce pourcentage varie plus en été avec les pics journaliers du solaire qui sont plus marqués. Les quantifications que je donne au niveau européen reposent en fait uniquement sur la liste de pays qui s'affiche à l'écran. Ce qui fait quand même un bon bout de l'Europe et une production de plus de 3000 TWh pour 2019, environ 6 fois plus que la production française. Pour le pourcentage de moyens électriques dans le mix européen, je trouve en moyenne 17%. Or, pour des taux inférieurs à 30%, l'impact de la production intermittente sur le réseau électrique reste limité et peut être facilement pris en charge par le système électrique existant. Si on regarde le pourcentage européen, on est encore dans la partie facile, ce qui n'empêche pas certains pays d'avoir un pourcentage bien plus grand, la nécessité déjà présente de renforcement du réseau et de nouvelles lignes transfrontalières et l'existence d'écrêtements. Seulement 17% de renouvelables intermittents en Europe qui est sans doute le continent le plus avancé sur cette question. Eh bien on est loin du compte. Oui, il y a encore du boulot. Aujourd'hui, les efforts qu'on déploie dans la transition énergétique ne sont pas suffisants au niveau mondial si on veut limiter le changement climatique à 2°C. Mais même si on s'y mettait à fond, une transition énergétique prend des décennies. On ne change pas un système physique aussi important en un claquement de doigts. Bah tiens, tant que tu as les données sous la main. Tu peux nous montrer comment on produit l'électricité en Europe ? Dans les pays pour lesquels je dispose de données, on voit qu'il y a 35% de production à partir de moyens renouvelables, dont 17% de moyens intermittents, 26% avec du nucléaire, 34% avec du fossile et 5% avec d'autres moyens. J'ai mis dans autre la production qui n'est pas spécifiée, la production électrique provenant de la combustion de déchets et la production des STEP, ces barrages réversibles avec lesquels vous êtes maintenant familier. Et pourquoi tu mets les STEP ? dans la catégorie autre Ça ne devrait pas être de l'hydroélectrique parce qu'elle stocke de l'électricité présente sur le réseau et qu'on ne peut pas savoir si ça provient majoritairement de moyens renouvelables nucléaires ou fossiles. Et naturellement, elles produisent moins d'électricité qu'elles n'en ont consommé à cause des inévitables pertes que rencontrent tous moyens de stockage. La production des steppes représente 1,6% de la production d'électricité européenne et constitue la quasi-totalité du stockage. Ce qui veut dire que 98% des électricités sont produites par les électricités. 8,4% de l'électricité consommée en Europe n'est pas passée par un stockage. Donc on a déjà 35% de renouvelables. Il reste du boulot mais c'est un bon début. Oui et si on ajoute 26% du nucléaire, on voit que l'Europe a produit en 2019 61% de son électricité avec des moyens de production bas carbone. Pour aller un peu plus loin, je peux séparer les moyens renouvelables en biomasse, hydroélectricité, éolien et solaire et les ressources fossiles en charbon et gaz. J'ai ajouté dans En outre, la géothermie, des moyens renouvelables non spécifiés et le pétrole vu que ces trois catégories ont très peu produit en 2019. Avec ce découpage, on voit que les moyens intermittents constituent 17% du renouvelable donc à peu près la moitié. On voit aussi que le nucléaire est la première source bas carbone d'Europe et l'hydroélectricité est la seconde. Le mix électrique évolue dans le bon sens grâce au déploiement de renouvelables intermittents et à la montée du prix du carbone sur le marché européen. Il faut quand même rappeler qu'on ne regarde ici que la production électrique. Une transition énergétique demanderait également de revoir le reste de notre consommation énergétique et notamment les transports et la production de chaleur qui reposent encore majoritairement sur les ressources fossiles. Pour finir, je vous invite à regarder régulièrement le site Electricity Map qui vous permet de voir en temps réel les émissions de CO2 par kWh de différents pays d'Europe. Ici, je vous montre une vidéo récapitulative de l'année 2019. Plus un pays est marron, plus il émet de CO2 par kWh d'électricité produite. Vous voyez que beaucoup de pays européens ont une couleur et donc des émissions de CO2 par kWh qui changent avec les conditions météo. Dès que le vent souffle sur l'Europe, elle se verdit et l'éolien permet de réduire la consommation de ressources fossiles. Mais quand il n'y a plus de vent, les pays avec beaucoup de moyens intermittents font tourner leurs centrales thermiques fossiles. Quelques pays en Europe restent verts quelle que soit la météo. Ça peut être à cause d'une électricité majoritairement nucléaire comme la France, majoritairement hydroélectrique comme la Norvège ou un mélange des deux comme la Suède. Avec les connaissances de ces deux vidéos, vous pouvez deviner le mix électrique des pays en regardant leur évolution dans le temps. Plutôt cool, non ? Si vous préférez, je vous ai mis la représentation statique pour l'année 2017 de l'intensité carbone de la production électrique des différents pays européens. Si vous voulez étudier ça de plus près, c'est le moment de mettre sur pause. Comme je vais faire une petite vidéo de résumé en parallèle, je vous y renvoie si vous voulez une conclusion à cette vidéo. Merci à tous d'avoir regardé cette vidéo. J'espère que vous avez appris plein de choses intéressantes. Ça a été le cas pour moi quand j'ai fait mes recherches sur ce sujet que je connaissais très peu. Et je peux vous dire que même cette seconde partie a beaucoup évolué depuis que j'ai décidé de couper le sujet en deux. Comme toujours, de nombreuses personnes m'ont aidé et j'en mets une petite liste en description. Je remercie en particulier Nicolas Goldberg qui est un expert de ces questions et que je vous conseille de suivre sur Twitter. Je remercie également chaleureusement Dimitri de la chaîne Monsieur Bidouille qui est une chaîne que je vous recommande fortement et qui devrait vous intéresser si vous aimez la mienne. Eh bien écoute mon cher Rodolphe, ça a été un plaisir de travailler avec toi. Et vous l'aurez compris, même si ce ne sera peut-être pas les prochaines vidéos, il va falloir que je fasse des vidéos sur les batteries et l'hydrogène. Deux gros sujets qui me font un peu peur, surtout les batteries. Merci à vous tous et particulièrement à ceux qui me soutiennent financièrement et sans qui ce travail n'existerait pas. C'était Le Réveilleur et à bientôt sur le net.