Coucou toi ! J'imagine que tu es venu(e) ici attiré(e) par la vignette... Je me demande pourquoi. Toujours est-il qu'on ne va pas y aller par 4 chemins... Extrait. « Tout le monde est fasciste ! » « C'est quoi les fascistes ? » « Mais... Les fascistes ce sont des gens de gauche. Le mouvement fasciste, il nait à gauche ! » Je sais ce que vous vous dites… « Il va encore faire de la…. politique ! ». Donc disclaimer d’intro : si ça tord l’histoire, si ça fait du bruit, et si j’ai le temps : j’interviens. Si c’est un chanteur qui le fait, ça ne veut pas dire que je m'apprête à sortir un album. Si c’est un politique, est-ce que ça veut dire que je fais de la politique ? Ben oui, forcément, un petit peu… Au sens où j’investis le champ politique. Mais pas au sens d’être partisan. Quoi que… si. Je prends un parti : celui du nécessaire respect des faits historiques. Aimer l'histoire, c'est aimer ses méthodes, ses démarches, qui sont au coeur de ce truc qui se trouve juste derrière moi, et dont je reparlerai en fin de vidéo. Il y a débats d’interprétation. Mais ils existent parce qu'ils reposent sur des faits admis, prouvés, sourcés... qu’on ne peut pas tordre, rejeter, ignorer, simplement parce que ça dérange tel ou tel agenda idéologique… Et en parlant de ça, la petite musique du début, on l’entend de plus en plus souvent. « Je dis les fachos ont changé de côté. Ça voudrait dire que le fascisme est à droite, ce qui est loin d'être évident historiquement... » Alors, euh... qu'est-ce qu'on en fait ? On va raisonner en historien et on va prendre les arguments un par un. Et en fait d'abord, il y en a un qui revient tout le temps… « Mussolini est un socialiste ! » « Mussolini était un vrai socialiste... » Alors ça, euh... ben c’est vrai. Mussolini était socialiste. Il le devient très jeune et il intègre même en 1912 la direction nationale du Parti socialiste italien, il a seulement 29 ans. Mais... Première guerre mondiale. Guerre qui enclenche une bascule idéologique chez Mussolini qui devient nationaliste, militariste... 1914 : il est exclu du parti socialiste italien. Et les années passant il s’éloigne de plus en plus, idéologiquement, du socialisme. Quand il créé le Parti national fasciste en 1921 et qu'il arrive au pouvoir en 1922… il n’est plus socialiste. Et donc l'argument « Mussolini était au Parti socialiste donc fascisme = socialiste », il a un gros problème. C’est qu’il ignore les trajectoire politiques. Être de gauche un jour, puis peu à peu basculer vers la droite radicale... ça existe. « Pourquoi Mitterand et pas Chirac ? » « Comme j'avais voté Mitterand en 1981, socialement, je me sentais dans le... si vous voulez, le camp des petits. Et en 1988, je... je cherchais ma voie ». Si les origines ne suffisent pas à caractériser un positionnement politique plus tardif, LA question qui doit être posée, c’est : le régime fasciste a-t-il déployé une politique « de gauche » ? Il n’y a que ça qui permettrait d’affirmer que : « L’inventeur du fascisme est un socialiste ! » « Est un socialiste ! » C’est le moment de définir… ce qu’est « la gauche ». Très vaste sujet. Mais puisqu'il s'agit d'une vidéo de déconstruction de propos précis, et bien on va retenir LEUR définition de la « gauche ». On a notamment cet article de Génération Z qui revient sur cette histoire de « fascisme et gauche ». Et pour eux, la gauche désigne des forces politiques à « tendance réformiste, voire révolutionnaire ». Pas faux. Avec une particularité : la gauche serait « toujours plus progressiste ». Point qui peut davantage se discuter. Et pour les années 1920 et 1930, qui nous intéressent ici, leur définition est plus simple : la gauche c’est surtout « le socialisme », « le communisme ». Le second étant idéologiquement, historiquement, issu du premier qui à l’origine, XIXe siècle, défendait les droits des ouvriers. Retenez l'information... Et ces deux familles, début XXe siècle, rêvent en commun du triomphe d’une organisation économique et sociale plus juste. Voire… plus égalitaire. Question, donc : les fascistes ont-ils mené une politique d'inspiration socialiste / communiste ? Par où commencer ? Dès 1922, Mussolini met en place une politique ultranationaliste. Les fascistes soutiennent immédiatement la répression armée et féroce menée par le général Graziani contre les indépendantiste libyens. Or au même moment, les socialistes et les communistes français, italiens, allemands... prônent eux : - la décolonisation, - l’antimilitarisme - on ne fait la guerre que si on est agressés, - et, cerise sur le gâteau... : l’internationalisme vous savez, « prolétaires de tous les pays, unissez-vous ». Ça ne veut pas dire qu’ils ne prennent pas les armes (Révolution puis guerre civile russe…) Mais, c’est ce qu’ils prônent. Or ces valeurs… font horreur aux fascistes. Ce que eux prônent, c’est… de combattre le pacifisme. Pour Mussolini, je le cite : la guerre est un devoir. Quant à l’internationalisme, franchement ? EUUUHH… non. Deuxièmement : Mussolini réprime tous les mouvements ouvriers. Et même AVANT son arrivée au pouvoir. 1920, Italie, grève générale : 300 usines sont occupées par des ouvriers pour réclamer des hausses de salaire. Le patronat fait appel à des milices... fascistes pour casser les grèves… Qui sont pourtant un outil privilégié des... forces de gauche. Troisièmement, Mussolini veut créer une société dans laquelle les plus méritants, c'est-à-dire ceux qui auront le mieux servi l’Etat, auront plus d’honneur, plus de pouvoir. Quand les gauches européennes espèrent toujours des sociétés… plus égalitaires. Ça fait déjà beaucoup. Mais bon, on ne sait pas jusqu’où la mauvaise foi peut conduire les individus, donc... Quatrièmement. Pour le Mussolini post Première Guerre mondiale, la gauche… doit être détruite. C’est l’ennemi absolu. En 1923, il fait arrêter plus d’un millier de... communistes ! L’année suivante, des chemises noires assassinent le chef des députés... socialistes. Et ça se durcit encore en 1926 ! Là vous allez me dire : « mais Yann, il y a des ponts idéologiques quand même entre fascisme et communisme ! ». Par exemple, parmi ceux qui veulent ancrer le fascisme à gauche, pour mieux s’en éloigner j’imagine, beaucoup disent ceci : Alors, euh... Effectivement, la volonté d’un État fort qui réduit les libertés individuelles c’est bien un des marqueurs du fascisme. Et aussi du… stalinisme. Effectivement, en URSS, État puissant, centralisé, policier… Mais pour ce qui est de Karl Marx et des communistes d’Europe de l’ouest qui espèrent encore en l’utopie soviétique sans vraiment savoir ce qui s’y passe… c’est plus compliqué. Dans la société communiste idéale d’alors, il n’y a PAS d’État. La société se gouvernerait seule, sans lois… après c'est vrai une phase de « dictature de prolétariat », qui prendrait le contrôle de l’État. Mais in fine, une fois la révolution achevée, plus d’État. On supprime. Parce que, écrit Lénine en 1919 : Alors que pour les fascistes, in fine, je cite Mussolini en 1927 : On est au-delà de la différence. C’est un fossé abyssal ! Bien sûr, on pourra toujours trouver des liens entre fascisme et socialisme. De la même manière que si on creuse un peu, on pourra trouver des liens entre le programme de Reconquête et celui de la NUPES, voire celui... d’Emmanuel Macron. Si, si, faites pause… Mais dans ces deux cas contemporains, les différences l’emportent très largement. Idem entre le fascisme et les gauches. En son temps, le fascisme s’est construit CONTRE elles. Idéologiquement. Et en cherchant à les détruire. Ah oui, j’oubliais… il y a aussi cet argument-là : Le nom du parti nazi, qu’est-ce que c’est ? C'est national-socialiste. SOCIALISTE ! Dans "national-socialisme", il y a le mot "socialisme". Et là je suis battu… Ben oui, forcément, si c’est dans le nom, les nazis étaient socialistes. Ça peut pas être juste du marketing politique pour draguer le vote ouvrier en toute hypocrisie, et puis une fois arrivés au pouvoir mener une politique… contre-socialiste. Si les politiques l’écrivent, l’affirment... c’est que c’est vrai ! J'irais me baigner dans la Seine. Cet adversaire, c'est le monde de la finance ! On m'a dit : "mais vous n'allez pas vous entendre avec les socialistes...". Ben... non. Les nationaux-socialistes sont... forcément socialistes. C’est comme en « République POPULAIRE de Chine » : c’est le Peuple qui gouverne. Et la République DÉMOCRATIQUE du Congo est... démocratique, comme chacun sait. Alors après, c’est vrai qu’Hitler a soutenu la répression des mouvements ouvriers, qu’il a supprimé les syndicats non-nazis, qu’il a globalement servi l’intérêt des riches industriels allant jusqu'à leur offrir de la main d’œuvre gratuite, qu’il a promis, je cite, de « libérer l'Allemagne du marxisme », qu’il a fait enfermer dès 1933 des milliers de socialistes et de communistes dans des camps… C’est vrai aussi, ils s’asseyaient d’eux même à l’extrême-droite du Reichstag pour bien montrer qu’ils n’étaient pas du tout de gauche. Mais oui, sûrement que… Ce sont des gens de gauche ! Ils veulent détruire le capitalisme ! Alors… oui, 1er mai 1933, discours de Robert Ley, futur "ministre" du travail d’Hitler, je cite : « Je sais comment le capitalisme vous exploite. Je vous le jure, nous étendrons vos droits ». Ça sonne franchement socialiste : défendre les droits des ouvriers ! 20 janvier 1934… Arbeits... je ne sais pas comment ça se prononce, donc… "Loi d’organisation du travail". Je résume : - les patrons sont appelés « Führer », - ils ont une autorité absolue, - les patrons choisissent eux-mêmes les délégués syndicaux… - le droit de grève est interdit, - les travailleurs sont exclus des processus de décision… Ah ben là oui, c’est sûr, c'est vrai, les ouvriers... ne sont plus exploités par le capitalisme. Je simplifie hein... L’économie, pour les nazis, c'est avant tout un instrument au service de la puissance de l’Etat. Tant que les patrons la nourrissent, tout va bien… Et puis si le parti nazi pense le contraire, on se débarrasse du patron. Et pour ceux qui voudraient rappeler en commentaires certaines mesures "sociales" mises en place par les nazis, par exemple : favoriser l’accès d'enfants défavorisés aux études supérieures ben… c’est la même. Le but c'est de former les futurs cadres… de l’État. Pour le renforcer. Et l’aider à mettre en place sa politique raciste. Et ça c’est anti-socialiste au sens où le socialisme s’entendait en Europe de l’Ouest dans ces années-là. La seule dimension réellement « socialiste » du nazisme, je cite Frédéric Salée, c'est qu'il est « descendu vers les masses pour tenter d’en améliorer la vie ». Mais... c’est tout. - des mesures sociales ? Oui. Mais réservées au peuple Allemand, défini selon des critères biologiques, "raciaux". On est très (très) loin de l’universalisme prôné par les gauches. - un discours contre-capitaliste ? Là aussi, oui. Mais pas du tout pour faire advenir un monde socialiste au sens de Marx ou de Lénine, où les moyens de production seraient socialisés, mis en commun… Même l’aile « gauche » du parti nazi - dont Hitler se débarrasse en 1934, « Nuit des longs couteaux »… - est contre-syndicaliste, contre la lutte des classes et… pas DU TOUT contre la propriété privée. Jamais. Sauf... celle des juifs. Le nazisme d’Hitler n’est pas anticapitaliste. Son rêve est d’aboutir à la « Volksgemeinschaft », c’est-à-dire, pour simplifier, à "l’unité de la race". Eliminer les « impurs » pour assurer la cohésion nationale. C’est le but. Tout doit permettre de l’atteindre, y compris… le capital, qu’on laisse au privé. Je cite à nouveau Frédéric Salée : Nationaliste et raciste. Le nazisme c'est d'abord, surtout et avant tout... ça. Reste une question : en 1997, Robert Hue, dirigeant du Parti communiste français, déclare : « Des crimes horribles, massifs et systématiques ont été commis sous la responsabilité de dirigeants d’États se réclamant du communisme ». Je rompt ma neutralité politique deux secondes… je ne vote pas communiste, voilà, ce n'est pas mon truc. Mais force est de constater, même si ça a semble-t-il été oublié depuis, qu'une bonne part de la gauche radicale a fait son inventaire historique et son mea culpa. A l’opposé de l’échiquier politique, le réflexe de certains n’est pas de reconnaitre que « des crimes horribles, massifs et systématiques ont été commis sous la responsabilités de chefs d'États se réclamant du nationalisme », non. c'est juste... de se débarrasser de la patate chaude. Qu’est-ce qu’on peut en déduire ? Hmmmmm… C’est une vraie question hein… Voilà, je vous laisse y répondre dans l’espace commentaires. Si vous voulez soutenir mon travail, je vous présente mon roman graphique sur lequel j’ai bossé 3 années… qui a été dessiné par Eloi Chevallier que j’ai noyé sous une documentation visuelle historique sur-abondante. Ce roman graphique ne sera pas sans « compléter et interroger votre vision » de l’histoire de France, et ça... c’est pas moi qui le dit mais c'est le magazine L’Histoire, qui vient de nous faire une critique… assez incroyable. Je vous mets le lien de l'article en description. C'est donc "Microcosmes", c'est disponible partout. C’est aussi relu par 20 universitaires. « LA DOXA DES HISTORIENS ! » L’approche est aussi individuelle donc vous voyez, il y en a pour tous les goûts. C’est de la microhistoire. Ça devrait, je pense, vous surprendre. J’espère surtout que ça vous plaira ! Merci d’avoir regardé cette vidéo jusqu’au bout. Et comme dirait l’autre… « AU REVOIR » Je sais pas pourquoi j’ai fait ça… Je me fatigue.