Le ministre de l'Industrie, l'invité d'On n'arrête pas l'écho, bonjour et bienvenue Marc Ferracci. Bonjour. Au champ Michelin-Vancorex, certains syndicats annoncent que nous avons devant nous une vague de plans sociaux.
Cela vous le savez à Bercy parce qu'il y a le comité interministériel de restructuration industrielle. Alors est-ce que c'est exact ? Est-ce qu'une vague de plans sociaux est devant nous ? Il est vrai qu'il y a un certain nombre de filières qui sont dans des situations préoccupantes. Vous avez passé un reportage sur la chimie, la filière automobile et en particulier les équipementiers, la métallurgie.
Ces filières qui sont soumises à une très forte concurrence internationale. Ça a été dit dans votre reportage aussi, une concurrence qui n'est pas toujours très équitable parce qu'elle est très subventionnée en Chine et aux Etats-Unis. Et face à cela, évidemment, il y a des dossiers d'entreprise en difficulté, des annonces de fermeture de sites. Il y en aura probablement dans les semaines et les mois qui viennent.
Des dizaines de milliers d'emplois ? Des dizaines de milliers d'emplois ? 100 000 emplois, c'est ce qu'on entend ?
C'est important de le savoir. Ici, je ne vais pas donner des chiffres, mais évidemment que ça va se compter en milliers d'emplois. On ne peut pas les évaluer précisément. Pourquoi on ne peut pas les évaluer précisément ? Parce que sur chaque dossier, on se bat.
Sur le dossier Vancorex que vous avez évoqué, je veux dire que la position de l'État, contrairement à ce qui a été dit dans votre reportage, c'est bien d'essayer toujours de trouver des repreneurs pour le site. Suite à l'annonce d'un seul repreneur qui reprendrait 25 salariés sur 450, j'ai demandé, et c'est ce que j'ai annoncé d'ailleurs aux salariés de Vancorex ou aux représentants des salariés quand je les ai rencontrés. J'ai demandé au service de l'État de refaire le tour de toutes les entreprises, de tous les repreneurs potentiels qui se sont intéressés au dossier, pour essayer d'avoir une meilleure offre. La nationalisation temporaire ? La priorité, c'est d'essayer de trouver des repreneurs privés.
Et évidemment, dans l'hypothèse où il n'y aurait pas de repreneurs, mais dans cette hypothèse seulement, d'accompagner au mieux les salariés, et surtout, et également, d'accompagner la revitalisation du site. Mais on a, évidemment, dossier par dossier, sur chaque filière, ce travail à faire, ce travail de trouver des repreneurs. et accompagner les salariés le cas échéant. Puis après, on a des mesures plus structurelles. Je pense qu'on va en parler.
On va en parler. Parlons d'abord de Michelin. Là aussi, vous êtes allé sur le site de Cholet hier. Vous avez été hué. Le ministre de l'Industrie a été hué.
Il y a 25 ans, exactement, face à d'autres salariés Michelin qui perdaient leur emploi, Lionel Jospin a dit on ne peut pas tout attendre de l'État Est-ce que c'est aussi votre sentiment, ministre, impuissance ? Non, moi je suis allé sur le site de Cholet, d'abord pour lancer un comité de suivi. Avec l'ensemble des élus, les organisations syndicales de Michelin, la direction de Michelin pour s'assurer que les engagements de Michelin sur ce dossier seront tenus.
Les engagements sont très substantiels sur l'accompagnement, le reclassement, sur la réindustrialisation du site avec un engagement de recréer au moins autant d'emplois qu'il n'en a été détruit. Puis après je suis allé sur le site parce que je considère que mon métier de ministre de l'Industrie c'est aussi d'aller au contact des salariés, de comprendre ce que sont leurs angoisses, leurs aspirations. J'ai eu l'occasion de discuter avec certains salariés, j'ai été hué, je m'attendais évidemment à ce qu'il y ait ce type de réaction, parce que les salariés sont bouleversés, les salariés sont en colère, et on peut le comprendre aussi parce que la manière dont a été faite l'annonce à destination des salariés n'était pas une manière digne, et ça je dois le dire aussi. C'est-à-dire ?
Qu'est-ce qui ne vous a pas été ? Ce qui a été remonté, c'est que les salariés ont été prévenus très tard, que la direction de Mislain ne s'est pas déplacée elle-même pour leur faire l'annonce en direct, et les yeux dans les yeux, ça je pense que c'est regrettable. Mais au-delà de cela, je dois dire que... J'ai eu aussi un contact avec des élus qui sont très constructifs, avec des organisations syndicales qui sont constructives.
Et aujourd'hui, notre engagement, notre objectif, et c'est aussi l'engagement de Michelin, c'est que personne ne soit laissé sans solution dans ce dossier extrêmement difficile. Quand je vous entends, Michelin promet un accompagnement sur mesure, une revitalisation des territoires, 330 millions d'euros provisionnés, je vous ai entendu dire, c'est très substantiel. Ça vous paraît suffisant ?
Écoutez, ça, je pense que c'est la négociation du... plan de sauvegarde de l'emploi qui le déterminera et les organisations syndicales négocieront avec la direction. Mais nous, nous avons souhaité créer les conditions pour que la négociation soit favorable aux salariés et en particulier qu'ils puissent trouver des reclassements sur le territoire. Parce que vous savez, quand vous êtes obligés de changer de territoire, on avait hier une discussion avec un salarié qui avait déjà été pris dans le plan social de la Roche-sur-Yon de Michelin, qui avait été amené à travailler sur le site de Cholet et qui s'inquiétait de manière très légitime de devoir changer à nouveau de territoire.
Donc moi, j'ai donné cette instruction à Michelin et à l'ensemble des services de l'Etat d'essayer de trouver des solutions sur le territoire. Marc Ferracci, il y a de la colère parce qu'il y a aussi de l'incompréhension. Michelin c'est le numéro 1 mondial du pneu, 28 milliards de chiffre d'affaires. L'année dernière, 3 milliards 600 millions de résultats, c'était un record. Il y a un plan de rachat d'actions, jusqu'à 1 milliard d'euros dans les mois qui viennent.
Ça pose la question des aides publiques. Est-ce qu'il faut conditionner les aides publiques au maintien de l'emploi ? Alors d'abord dire que...
les décisions industrielles des entreprises privées sont les décisions industrielles des entreprises privées. Moi, je suis en tant que ministre de l'Industrie chargé d'encadrer cela, mais aussi de laisser les investisseurs, les entreprises prendre leurs décisions. Maintenant, vous posez la question des aides publiques.
C'est vrai qu'il y a des aides publiques qui sont versées à un certain nombre de pays. Dans l'entreprise, notamment à Mislain, il y a le crédit d'impôt recherche par exemple, il faut quand même le dire, les aides qui sont versées le sont toujours en contrepartie. En contrepartie d'une dépense de recherche et développement pour le crédit d'impôt recherche, en contrepartie d'un investissement, en contrepartie d'une embauche quand on a une aide à l'embauche. Donc il y a en face des actions qui sont réalisées. Maintenant je pense qu'il faut quand même qu'on ait une approche globale et qu'on regarde sur chacun des dispositifs s'ils atteignent effectivement leurs objectifs.
Et sinon ? Et sinon ? On leur demande le remboursement ? Moi, de manière globale, je pense que si les aides ne sont pas efficaces de manière globale, c'est-à-dire pour toutes les entreprises qui sont bénéficiaires de ces aides, eh bien il faut arrêter les aides. Je pense que l'évaluation des politiques publiques, ça doit mener à des décisions claires, radicales.
Quand un dispositif ne marche pas, quand les aides n'aboutissent pas aux objectifs qu'elles sont censées poursuivre... Pour une entreprise ou de façon générale ? Je pense que de façon générale, on doit avoir cette démarche d'évaluation systématique.
Vous avez annoncé un plan d'urgence pour la filière automobile. Avec des mesures, avez-vous dit, de soutien à la demande et à l'investissement ? On va être concret, est-ce que par exemple ça veut dire que dans le budget, l'enveloppe dédiée au bonus pour l'achat des véhicules électriques doit être divisée par deux ?
Vous considérez que c'est peut-être une coupe trop forte et que si on veut soutenir, il va falloir remonter le niveau du bonus électrique ? Avec le ministre Antoine Armand, le ministre de l'économie, nous avons parlé de ce plan d'urgence à l'échelle européenne. Nous sommes aujourd'hui en train de construire des propositions que nous allons porter devant la commission de Bruxelles et que nous allons porter...
auprès de nos partenaires européens pour avoir une approche de soutien à l'industrie automobile européenne. C'est très important parce qu'on doit avoir une approche européenne. Les chaînes de valeur sont complètement intégrées.
Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire concrètement que vous avez des fournisseurs qui sont en Allemagne pour des constructeurs qui sont en France. Vous avez des fournisseurs qui sont en France pour des constructeurs qui sont en Allemagne. Ça veut dire que la protection commerciale, notamment vis-à-vis des véhicules chinois, elle doit se concevoir au niveau européen. Ce que nous proposons et ce que nous allons mettre sur la table en mesures techniques, c'est effectivement des mesures de soutien à la demande.
Nous sommes en train de réfléchir. à un bonus écologique à l'échelle européenne par exemple, ça peut être une piste. Nous sommes en train de réfléchir à des mécanismes de soutien.
Vous avez parlé du rapport Draghi qui réclame de lourds investissements dans l'industrie en général, mais aussi dans l'industrie automobile. Et donc à ce moment-là, il faudra qu'on se pose des questions comme la question d'un emprunt commun européen. Tous les pays n'y sont pas forcément opposés. Marc Ferracci, là on parle de quelque chose de très lointain.
Les entreprises, elles sont en train de baisser le rideau tout de suite. Non, pas du tout. Ça n'est pas lointain parce que dès le premier semestre 2025, la Commission européenne a dit qu'elle allait mettre en priorité un Clean Industrial Act, c'est-à-dire une législation européenne sur l'industrie propre, dans laquelle nous pourrons mettre en place un certain nombre de mesures.
Donc ça n'est pas lointain. Je pense qu'il faut qu'on agisse vite. Et dans le budget français ? Et dans le budget, nous faisons nos meilleurs efforts, d'abord pour sanctuariser les investissements qui bénéficient à nos filières industrielles, et notamment à l'automobile.
Le bonus pour l'achat de l'électrique ? Le bonus, le bonus. Il doit être divisé. Ce matin encore, dans le Figaro, le patron de la plateforme... Automobiles, Luc Châtel pointe l'idée que voilà au moment où ça ne va pas bien, on est en train de diviser le montant du bonus, de l'enveloppe du bonus électrique.
Vous le savez, nous sommes dans un contexte budgétaire qui est difficile. Nous avons fait nos meilleurs efforts pour maintenir le bonus, non pas à son niveau précédent, effectivement il baisse un peu. Mais j'attire votre attention sur le fait que d'autres pays ont purement et simplement supprimé ce genre de dispositif. C'est le cas de l'Allemagne. Et justement ça s'est effondré.
Dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, nous essayons de trouver le meilleur équilibre. Le bonus va bénéficier d'une enveloppe globale qui sera aux alentours d'un milliard d'euros. C'est en baisse, mais je pense que c'est suffisant. Et surtout, nous devons trouver d'autres leviers pour soutenir la demande. Verdir les flottes professionnelles, les flottes d'entreprises, faire en sorte qu'elles achètent plus de véhicules électriques.
Un véhicule sur deux aujourd'hui qui se vend est acheté par des entreprises. Nous avons défendu un amendement et soutenu un amendement qui vise à verdir ces flottes professionnelles avec plus de contraintes. Il faut trouver d'autres leviers quand on a moins de moyens budgétaires. Une question plus politique, Marc Ferracci, sur le budget.
Bruno Le Maire, ministre de l'économie pendant 7 ans et Gabriel Attal ont été auditionnés sur le dérapage. Hier, l'ancien Premier ministre a estimé que le gouvernement Barnier a choisi de ne pas prendre toutes les mesures disponibles pour freiner la sortie de route. Donc on en serait là, 6% de déficit l'an prochain, à cause du Premier ministre Michel Barnier. Est-ce que Gabriel Attal a raison ?
Non, moi je ne vais pas commencer à arbitrer ou à commenter. les déclarations des uns et des autres. C'est la coalition quand même, c'était l'ancien Premier ministre. Moi ce que je veux dire c'est que Gabriel Attel, Michel Barnier, moi-même, l'ensemble du gouvernement et Bruno Le Maire, nous poursuivons un objectif qui est de redresser nos comptes publics désormais. C'est d'avoir une stratégie qui nous amène à moins de 3% de déficit en 2029 et pour cela, nous avons besoin d'une stratégie qui soit intelligente, c'est-à-dire qui ne casse pas la croissance.
Et c'est pour ça que vous l'évoquiez. des dépenses qui sont aujourd'hui utiles à la réindustrialisation, je pense qu'il faut au maximum les préserver. Il faut être très précautionneux et supprimer un certain nombre de dépenses qui, elles, ne sont pas efficaces. Et encore une fois, je pense qu'il n'y a pas de divergence profonde sur l'objectif qui est de retrouver une trajectoire de déficit et des comptes publics plus sains sans casser la croissance. Tout le monde anticipe cette nuit.
Il y a eu la fin des débats à l'Assemblée sur la partie recettes. Justement, beaucoup de nouvelles taxes. s'adopter par l'opposition.
Tout le monde anticipe que ça va se terminer en 49-3. Certains députés, LR, Renaissance, demandent à Michel Barnier de siffler la fin de la récré. D'abord, moi je veux dire que ce qui s'est passé dans les débats budgétaires sur la partie recette, la fiscalité du PLF, c'est assez regrettable et même très regrettable.
On a assisté à un véritable cirque, un véritable cirque fiscal, avec des augmentations d'impôts à hauteur de 35 milliards d'euros, avec des suppressions... de dépenses comme notre contribution à l'Union européenne, avec des mesures qui sont en contradiction et en contravention totale avec les conventions internationales. Concrètement, on a un budget là qui nous amène à sortir de l'Europe. Il faut être très clair pour le dire, la contribution à l'Union européenne.
Donc moi, je ne préempte pas ce que sera l'issue du vote, puisque mardi prochain, l'Assemblée nationale aura se prononcer sur cette première partie et je ne vais pas dire ce que sera le vote du Parlement. Mais moi, je pense que c'est évidemment très difficile. de soutenir un tel budget.
Ensuite, le budget ira au Sénat. Donc je pense que dans le cadre des débats parlementaires au Sénat, d'autres équilibres peuvent être trouvés ou retrouvés. Moi, j'attends également que les choses évoluent à ce moment-là. Dernière question, Donald Trump, vous êtes ministre de l'Industrie, les droits de douane, à quoi vous préparez-vous ?
Êtes-vous déjà... en train de monter des modèles économiques ? Bien sûr, on est en train de s'y préparer.
Il faut savoir que la politique commerciale américaine s'est durcie dans les dernières années. Ils n'ont pas attendu Donald Trump, mais son option, c'est effectivement d'avoir une politique encore plus agressive, avec des droits de douane plus hauts. Un certain nombre de nos filières, on ne sait pas encore lesquelles, vont être en difficulté.
Face à ça, il faut réagir en européen. C'est pour ça qu'avec le ministre de l'économie, nous allons faire des propositions dans le cadre d'un plan global pour l'industrie, qui comportera notamment des propositions... de protection commerciale, il faut sortir de la naïveté.
Marc Ferracci, le ministre de l'Industrie, merci d'avoir accepté l'invitation d'En Arrête Pas l'Éco.