À cheval entre l'Europe, l'Afrique et l'Asie, et reliant la Méditerranée à l'océan Indien, le Moyen-Orient a toujours été une région de mise en contact. Aussi, de par la richesse de son sous-sol, il a particulièrement été une zone de convoitise pour les grandes puissances. Autrefois les États-Unis et l'Europe, aujourd'hui la Chine.
Des changements majeurs s'observent et ces derniers mois, la région a été impactée indirectement par les conflits en Ukraine. L'objectif de cette vidéo, c'est qu'en 30 minutes, vous compreniez mieux la géopolitique de cette région, à savoir qui sont les grands acteurs, comment est-ce que chacun perçoit les autres, qu'est-ce qu'ils veulent et quelles sont les grandes tendances pour les décennies à venir. J'ai pu réaliser cette vidéo grâce à Pierre Razou, un expert qui connaît la région comme sa poche parce qu'il la sillonnait pendant très nombreuses années. Il bosse à présent à la FMES, la Fédération Méditerranéenne d'Études Stratégiques. Il m'a accueilli dans son bureau à Toulon pour pouvoir y tourner le contenu que vous allez voir.
Cette vidéo a aussi pu voir le jour grâce au soutien de Lillerie. qui sponsorise cette vidéo. Il s'agit d'une école de relations internationales et si vous vous intéressez au métier de la géopolitique, ils proposent différentes formations, à Paris, à Léon et à Bordeaux. Vous pouvez retrouver tous les détails des cours, des formations et des différents campus sur leur site web et leur brochure.
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Alors si vous voulez bien, on va parler un tout petit peu de la guerre en Ukraine, qui est hors carte, vous voyez l'Ukraine c'est au-dessus. Pourquoi ? Parce que la guerre en Ukraine a quelques effets sur cette région du Moyen-Orient.
D'abord parce que ça a fait varier considérablement les prix des hydrocarbures, du pétrole et du gaz. Donc tout le monde comprend bien que les pays qui exportent énormément de gaz et énormément de pétrole, comme l'Arabie Saoudite, le Koweït ou le Qatar, et dans une moindre mesure les Émirats Arabes Unis, paradoxalement pour eux la guerre en Ukraine c'est plutôt une bonne nouvelle. L'autre aspect cette fois-ci beaucoup plus négatif, c'est que la guerre en Ukraine, ça a fait monter énormément les prix des céréales, parce que l'Ukraine et la Russie sont de très gros producteurs de céréales qui permettent de faire de la farine.
vendu à tous ces pays-là dans la région qui vont ensuite subventionner ces prix pour faire du pain et vendre du pain à toute leur population. Donc les prix des céréales qui flambent, c'est une mauvaise nouvelle cette fois-ci parce qu'évidemment ça risque de créer des émeutes de la faim dans les pays les plus peuplés comme par exemple l'Egypte, le Soudan, l'Irak. Le Liban n'est pas très peuplé mais le Liban a de très gros problèmes financiers et agroalimentaires.
La Syrie... l'Iran, la Turquie et dans une moindre mesure l'Arabie Saoudite. Le troisième aspect de cette guerre en Ukraine, c'est que paradoxalement il y a beaucoup de pays, notamment ceux qui sont dirigés par des autocrates, qui ont plutôt tendance à applaudir ou en tout cas à ne pas critiquer ce qu'a fait Vladimir Poutine, parce que quelque part il respecte la force, et donc un dictateur qui finalement...
pose son point de vue aux voisins, c'est quelque chose qui n'est pas forcément complètement pour leur déplaire. Maintenant qu'on a parlé de la guerre en Ukraine et de ses conséquences sur cette région du Moyen-Orient, je vous propose de faire un petit point sur les deux acteurs régionaux majeurs qui finalement influencent les tensions dans la région aujourd'hui. Le premier, c'est l'Iran. Le deuxième, c'est la Turquie. Vous le voyez, c'est deux pays montagneux.
Ici et ici, deux pays qui ont à peu près la même population, un peu plus de 80 millions d'habitants, des pays qui sont très riches et qui en même temps ont une longue histoire, qui ont des référents très anciens, qui sont très nationalistes et qui sont certains de ce qu'ils représentent dans la région. C'est-à-dire qu'eux, ce qu'ils veulent, c'est clairement revenir dans la région et essayer d'être de nouveau plus influents. que ce qu'ils n'ont pu l'être ces dernières décennies, notamment l'Iran qui était sous sanction et qui reste pour le moment sous sanction de par le problème du dossier nucléaire et quelques autres.
L'Iran aujourd'hui, comme vous le voyez dans l'actualité, vous savez, si vous suivez, vous voyez les manifestations qui ont lieu tous les soirs à Téhéran à la suite... du décès de plusieurs jeunes femmes qui manifestaient pour le droit de ne plus porter le voile, etc. Et ça devient très chaud. Donc, il y a des tensions en interne.
Et le paradoxe de l'Iran, c'est que c'est un pays... qui est fragile sur le plan intérieur, donc sur le plan politique, sur le plan économique, sur le plan environnemental, mais qui paradoxalement est très fort à l'extérieur. Aujourd'hui, tous les voisins de l'Iran, y compris tous les grands acteurs globaux, la Chine, les États-Unis, la Russie, l'Union européenne, reconnaissent que l'Iran fait partie du jeu et que l'Iran aura un rôle à jouer dans la sécurisation.
et la stabilisation de la région du Moyen-Orient. La difficulté, c'est de savoir évidemment comment et jusqu'où et avec quelles limites. L'Iran, aujourd'hui, reste en choc frontal avec Israël et en relation extrêmement tendue avec l'Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis. Donc la rivalité entre l'Iran et l'Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, c'est pour le leadership, c'est-à-dire la suprématie, on va dire, sur la région du Golfe Persique, ici.
et plus largement sur l'influence sur l'ensemble du monde arabo-musulman, dans la partie, disons, musulmane du Moyen-Orient. Bien entendu, l'Iran reste, peut-être pas en choc frontal cette fois-ci, mais reste en très vive tension avec les États-Unis. À la suite d'une quarantaine d'années de tensions vives entre le régime iranien et les gouvernements américains successifs, ça a commencé avec la chute du Shah.
la prise des otages de l'ambassade américaine. Et ça s'est continué tout au long des années 1980, 1990, 2000, 2010. Et bien entendu, ça s'est exacerbé avec l'arrivée de Donald Trump aux États-Unis, qui a dénoncé les accords qui avaient été conclus auparavant, qui est sorti de ce qu'on appelle l'accord nucléaire de 2015. Et puis, on en est arrivé à une antagonisation maximale entre l'Iran et les États-Unis. Mais ceci dit...
L'Iran et les États-Unis, qui sont pragmatiques, ont toujours évité d'en arriver à l'affrontement direct. Même si les États-Unis ont assassiné le général Qassem Soleimani à Bagdad, et si les Iraniens ont tiré des missiles balistiques sur des bases américaines en Irak. Mais c'est resté sous contrôle. Aujourd'hui, le risque de guerre et d'affrontement militaire direct le plus réel, il est entre l'Iran et Israël. Pourquoi ?
Parce que finalement... les deux pays se sont auto-décrétés comme des adversaires majeurs, à la fois pour des raisons de politique extérieure, mais aussi de politique intérieure, parce qu'en stigmatisant l'autre, ça leur permet évidemment d'essayer de ressouder leur propre population, de faire diversion, si vous voulez, sur les difficultés intérieures. Le prétexte pour l'Iran par rapport à Israël, c'est aussi évidemment le dossier palestinien. C'est-à-dire que les Iraniens, le régime iranien, parce que ce n'est pas le cas des Iraniens, c'est le régime iranien, reproche à Israël de ne pas reconnaître le droit des Palestiniens, de les mettre sous tension, de créer une sorte d'État de semi-apartheid vis-à-vis des Palestiniens et donc de leur dénier leur droit à un État.
Et donc le mot officiel, ou en tout cas la parole officielle iranienne, c'est de dire Tant qu'Israël n'aura pas résolu le problème palestinien, nous, nous serons en confrontation, en tout cas en forte tension avec Israël. Et en fait, depuis maintenant presque une dizaine d'années, le régime iranien et le gouvernement israélien sont dans une situation de quasi-affrontement larvé, discret, souterrain, avec des coups tordus, des attentats, des assassinats ciblés. Des pétroliers qui vont sauter.
En fait, on assiste à une véritable guerre clandestine entre l'Iran et Israël. Mais jusqu'à présent, ça n'a pas dépassé les bornes de l'affrontement direct. Certes, Israël, que vous voyez là, l'armée israélienne et notamment l'aviation israélienne frappent très régulièrement des objectifs iraniens présents en Syrie. Mais à chaque fois, ils disent que ce n'est pas parce qu'on veut taper Iran, c'est parce qu'on veut frapper la présence des gardiens de la révolution, c'est-à-dire l'armée idéologique du régime iranien qui est présente à la fois au Liban et en Syrie, pour leur dire là vous vous approchez trop près d'Israël, ça devient une menace pour nous, donc on tape. Cette guerre clandestine, elle a lieu aussi en mer Rouge, ici, elle a lieu aussi un petit peu en Méditerranée orientale, ici, elle a lieu...
en mer d'Arabie ici, et elle a lieu également dans le golfe d'Oman à la sortie du détroit d'Hormuz, le fameux détroit d'Hormuz que vous voyez ici. Voilà pour l'Iran et Israël. Ce qu'il faut bien retenir et comprendre, c'est que, évidemment, les gouvernements israéliens, eux, disent que, leur rhétorique, c'est de dire, l'Iran... On ne doit pas avoir la bombe nucléaire parce que si l'Iran avait la bombe nucléaire, il pourrait être tenté d'éliminer Israël et donc de rayer de la carte, ce qu'ils ont dit à plusieurs reprises, notamment par la voix de leur ancien président populiste Mahmoud Ammaninejad.
Et donc, dans cette logique-là, Israël ne peut pas tolérer que l'Iran ait la bombe nucléaire. Donc on va empêcher l'Iran d'avoir la bombe nucléaire. Et donc, évidemment, tant que leur rhétorique à eux, ce n'est pas le dossier palestinien, c'est le dossier nucléaire.
C'est-à-dire que tant que l'Iran ne renonce pas à son programme nucléaire, nous serons en friction, nous serons en tension avec lui. Aujourd'hui, on en est là. Le risque, c'est que l'Iran, qui s'approche doucement, mais sûrement, du seuil technologique de maîtrise de l'arme nucléaire, même s'il ne fabrique pas l'arme nucléaire, mais il en a tous les attributs.
C'est que dans ce cadre-là, Israël se dise, je ne peux pas tolérer que le Hezbollah, qui est la milice chiite pro-iranienne, très soutenue par les gardiens de la révolution en Iran et qui est basée au sud Liban, ici, c'est-à-dire à la frontière israélienne, du nord d'Israël, je ne peux pas tolérer qu'un jour, si l'Iran devient une puissance nucléaire, cette milice qui nous harcèle de temps en temps, nous tire des roquettes, etc., vient nous enlever des soldats. En fait, on est des deux côtés, il y a une forte friction. Si cette milice-là se place et sanctuarise, on appelle ça sanctuariser, c'est-à-dire se place sous la protection du parapluie nucléaire iranien, évidemment on ne pourra plus les frapper et donc ça va devenir ingérable.
Donc le risque, c'est que les Israéliens, le gouvernement israélien, décident d'éliminer le Hezbollah rapidement, avant que l'Iran ne devienne de fait une puissance. nucléaire. Et c'est là le plus grand risque.
Bien évidemment, les Iraniens en sont conscients et donc on est dans un jeu un peu de bluff aujourd'hui où chacun essaye de regarder les cartes de l'autre pour savoir est-ce que vous allez devenir une puissance ou est-ce que vous voulez réellement devenir une puissance nucléaire ou pas. Si c'est le cas, nous probablement, les Israéliens se disent nous allons éliminer le Hezbollah avant. Voilà pour le dossier iranien. Autre volet du dossier iranien, c'est la rivalité entre l'Iran et l'Arabie et l'Iran.
et les Émirats arabes unis, mais ça, c'est en train de s'atténuer. Pourquoi ? Parce que chacun comprend qu'on a ses voisins et qu'il faut faire avec pour le très long terme.
Et que donc, quoi qu'il arrive, l'Arabie saoudite restera toujours voisine de l'Iran et des Émirats arabes unis et vice-versa. Donc, il faut s'entendre, il faut faire avec. Pendant plus de 15 ans, l'Iran a fait pression indirectement sur l'Arabie saoudite en soutenant la rébellion. outil au Yémen ici. Pourquoi ?
Vous le voyez sur la carte, c'est très facile parce que en fixant une grande partie de l'armée saoudienne au sud du pays et en disons en créant une situation de guerre embourbée, larvée etc. et bien ça laisse le champ libre aux Iraniens pour progresser dans cette direction là une fois que Daesh... Daesh qui occupait au maximum, il faut bien le préciser à nos auditeurs, à peu près toute cette région-là, c'est immense. Ça fait pratiquement la moitié de la Syrie et le tiers de l'Irak.
Une fois que Daesh a été éliminé, ou en grande partie éliminé, les Iraniens ont pu progresser et contrôler l'Irak, la Syrie, même le Liban. Pendant ce temps-là, ils ont occupé les Saoudiens qui étaient fixés ici. Donc aujourd'hui, les Saoudiens ont compris que pour régler le problème du Yémen et pour trouver un modus vivendus dans la région, il fallait discuter et s'entendre avec les Iraniens. Et c'est ce qui se passe, notamment par des cycles successifs de négociations entre Iraniens et Saoudiens qui se déroulent à Bagdad, en Irak.
Les Émirats arabes unis, ici, eux, leur dispute avec l'Iran, c'est pour la sécurisation du détroit d'Hormuz, ici, et pour le contrôle de trois îles stratégiques, les tombes, les petites tombes. tombes, grandes tombes et Moussa qui se situent là et qui sont des îles qui théoriquement appartenaient historiquement à ce qu'étaient les Émirats Arabes Unis avant qu'ils ne deviennent indépendants puisqu'ils ne sont devenus indépendants qu'en 1971 donc on parle de bien avant et qui ont été occupés militairement par l'Iran du Shah d'Iran, c'est-à-dire pas par le régime islamique aujourd'hui au pouvoir en Iran mais auparavant par le régime impérial du Shah d'Iran et donc qui refusent de rendre ses îlots aux émirats donc ça a créé de la tension la tension aussi bien sûr l'ensemble de la navigation dans le dans le golfe persique donc donc on en est dans une situation compliquée ceci dit les Les Émirats arabes unis sont pragmatiques aussi et voient bien que de par leur taille et de par la réalité des rapports de force, il faut s'entendre avec Téhéran. D'autant plus qu'il y a une exposition universelle qui se déroule entre Dubaï et Abu Dhabi, donc dans les deux grandes villes des Émirats arabes unis qui sont à portée de tir de l'Iran.
Donc les Émirats arabes unis savent bien que s'ils veulent le calme sur leur... Leur exposition universelle, il faut quand même discuter et éviter de provoquer, comme ils ont pu le faire par le passé, les Iraniens. Donc aujourd'hui, les Émirats arabes unis ont renvoyé leur ambassade et leur ambassadeur à Téhéran, et vice-versa, donc les relations ont repris, et les Iraniens et les Émiriens discutent et négocient là aussi sur l'équilibre régional. Voilà pour l'Iran.
Et le deuxième, on va dire, acteur majeur sur la scène régionale, qui finalement est un petit peu à l'origine de tensions et de frictions sur cet ensemble moyen-oriental qui déborde sur la Méditerranée orientale. La Méditerranée orientale, c'est ici, avec notamment l'île de Chypre, qui est là, au sud de la Turquie. Et bien c'est la Turquie.
La Turquie, parce qu'elle a été en dehors du jeu géopolitique pendant des décennies, pendant toute la période du kémalisme, pendant la période de la guerre froide. Et avec le tournant des années 2000, l'arrivée au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, l'actuel président turc qui est très proche des frères musulmans et qui revendique un agenda de l'islam politique très fort, soutenu donc bien entendu par les frères musulmans et accessoirement par le Qatar, eh bien la Turquie se dit, il est temps maintenant, maintenant que les occidentaux sont à la peine, Maintenant qu'on assiste à beaucoup plus de fractures sur la scène mondiale entre, pour faire simple, les Occidentaux qui voient leur leadership ou leur ancien leadership contesté, contesté par la Chine, par la Russie, par l'Inde, par l'Iran, par toute une série d'acteurs qui se disent maintenant notre heure est venue Et puis vous, finalement, les Occidentaux, les Européens, vous avez été incapables d'assurer la stabilité, et puis vous avez le deux poids, deux mesures, les doubles standards, etc. Je ne dis pas que c'est vrai, je dis juste que c'est la présentation qui en est faite, notamment par leur propagande.
Eh bien, il est temps maintenant de récupérer ou en tout cas de reprojeter à nouveau notre influence. Et donc, la Turquie, la République turque, c'est l'héritière de l'ancien empire ottoman, qui s'étendait quand même sur une grande partie jusque-là du Moyen-Orient, historiquement. Et bien entendu, en Méditerranée orientale. Donc la Turquie se dit c'est mon heure, le président Erdogan se dit c'est mon heure, c'est maintenant qu'il faut pousser mes pions. Les Européens sont à la peine économiquement, politiquement, le Covid-19 leur a mis des coups sur la tête, ils ont du mal à s'en remettre.
Leur relation compliquée avec Donald Trump et la relation transatlantique aussi. Joe Biden paraît un petit peu assoupi, endormi, donc c'est le moment, c'est le moment de foncer. Et puis ça tombe bien, les Russes.
occupe les américains et les européens avec la guerre en ukraine donc j'ai le champ libre pour agir et donc le président erdogan et la turquie pousse ses pions pousse ses pions en libye en afrique du nord on n'en parlera pas aujourd'hui parce que c'est pas le sujet là on va se concentrer sur le moyen orient pousse ses pions également dans le caucase vous avez entendu parler donc de la guerre au nagor-nikarabar entre l'arménie et l'azérbaïdjan est donc là clairement la turquie soutient l'azérbaïdjan Mais la Turquie pousse ses pions en Irak, en Syrie et en Méditerranée orientale. Donc en fait, l'Irak, la Turquie, pardon pour faire simple, cherche à avoir une bande de territoires tampons au sud de son territoire pour y placer à la fois les Kurdes, rapatrier une partie des Kurdes syriens qui sont historiquement peuplés là, une partie de Kurdes turcs qui seraient mis d'office là, et les réfugiés syriens. qui jusqu'à présent étaient dans des camps un peu partout et qui évidemment prenaient du travail aux Turcs, etc.
Comme dans tous les pays où il y a beaucoup de réfugiés. Et donc se disent, on va tous les mettre là. Et en plus au passage, notre armée sera là et ça fera une bande de tampons de sécurité pour garantir la frontière sud de la Turquie dans un monde instable. Où évidemment la Syrie est toujours en guerre, où l'Irak est aujourd'hui un peu stabilisé mais pourrait demain s'embraser à nouveau. Pourquoi ?
Parce que les problèmes fondamentaux entre les différentes communautés irakiennes n'ont pas été réglés. Et parce que Daesh, donc les... Ce qui reste de Daesh et des terroristes djihadistes sont toujours vivants et sont toujours enterrés un peu partout dans cette région. Ils n'attendent que le bon moment pour ressortir.
Donc les Turcs se disent, on va prendre une bande de sécurité. Donc l'armée turque aujourd'hui occupe, si vous voulez, un bout de terrain en Turquie, pardon, dans le nord de l'Irak ici. Elle occupe une grande partie, sauf certains endroits, de la frontière nord-syrienne. Et justement... le président turc voulait profiter de la guerre en Ukraine pour dire, pendant que Vladimir Poutine, lui, envahit l'Ukraine, moi, je vais finaliser, c'est-à-dire je vais faire une offensive pour rendre hermétique la totalité de la frontière syrienne.
Pour le moment, il ne l'a pas encore fait. Mais il pourrait être tenté de le faire demain. Lui, donc, évidemment, son problème aussi, c'est qu'en faisant ça, l'avantage, c'est qu'en ayant une bande tampon ici, au nord de la Syrie et au nord de l'Irak, C'est aussi un moyen pour lui de créer artificiellement une bande tampon avec l'Iran.
Parce que l'Iran ici et la Turquie, c'est-à-dire l'Empire ottoman dans l'histoire, se sont fait la guerre de très nombreuses fois. Et puis ils ont finalement trouvé un traité de paix à la fin du XVIIe siècle. Et donc depuis, ça va à peu près.
Mais globalement quand même, ça reste les deux grands rivaux géopolitiques de la région. Alors ils ont une frontière commune ici, mais vous voyez cette frontière commune, elle est d'ailleurs des deux côtés en plein territoire kurde. Kurdes irakiens et Kurdes iraniens, mais c'est de la très haute montagne. Donc en fait, ils savent qu'ils n'ont rien à craindre l'un de l'autre ici.
Par contre, ils savent que là, sur cette zone du croissant fertile, des fleuves Tigre et Euphrates, là par contre, ça reste très fragile. Et là, les ambitions turques et les ambitions iraniennes pourraient facilement se retrouver. Donc pour les Turcs, créer une bande de contrôle, c'est de se dire, on met les Iraniens assez loin de nous et finalement, comme ça, On n'a pas trop de soucis. Et puis bien sûr, la Turquie, là où les tensions s'expriment aujourd'hui de manière assez vive, c'est vis-à-vis de Chypre et vis-à-vis de la Grèce, notamment sur l'ensemble de la Méditerranée orientale. Pourquoi ?
À la fois pour des raisons historiques, c'est-à-dire que historiquement, les Turcs considèrent que toute cette zone-là est sous influence ou fut sous influence ottomane. Et puis aussi parce que dans le nord de l'île de Chypre, l'armée turque a débarqué en 1974 et a fait ce qu'on appellerait aujourd'hui un nettoyage ethnique, c'est-à-dire a mis des Turcs en quantité importante, notamment des paysans turcs, à la place des Grecs qui ont fui dans le sud de l'île, ici, là. Donc en fait, de fait, l'île de Chypre est divisée en deux.
Il y a une partie officiellement reconnue qui est le gouvernement chypriote, donc la République de Chypre, qui est là. avec Nikosi comme capitale, et la partie nord qui est une sorte de fiction étatique reconnue uniquement par la Turquie et qui est, on va dire, une sorte de proxy de la Turquie. Et donc, en 2023, l'année prochaine, la Turquie va commémorer le centième anniversaire de la République turque. Et il va y avoir des élections très importantes, des élections générales en Turquie. Et donc le président Erdogan pourrait être tenté pour flatter le nationalisme turc, notamment pour faire diversion face aux difficultés économiques, politiques et sociaux, donc économiques, pourrait être tenté de faire diversion, par exemple en annexant de fait la partie nord de Chypre, en disant maintenant la partie nord de Chypre c'est plus une fiction un peu comme si vous voulez.
ce qu'avait fait à une époque la Russie par rapport au Donbass, en disant que c'était des provinces autonomes, mais ça reste quand même autonome. Mais de dire que maintenant c'est annexé et ça fait partie directement de la Turquie, c'est-à-dire du territoire turc, ce qui veut dire que la Turquie pourrait projeter son territoire ici, sur la partie nord, et de fait contrôler la partie méditerranéenne, c'est-à-dire la mer ici. La mer territoriale entre les deux et interdire ou essayer d'interdire aux autres nations le droit de pénétrer, en tout cas avec des navires militaires et surtout des navires de prospection énergétique, notamment de prospection gazière, ces territoires-là, ces zones-là qui sont censées être riches en gaz naturel parce que c'est l'autre enjeu. On sait qu'il y a beaucoup de gaz naturel enfoui profondément. dans toute cette partie-là de la Méditerranée.
Donc, bien entendu, ça attise les appétits des uns et des autres. Donc, les risques de tensions, voire d'affrontements militaires entre la Turquie et Chypre sont réels. Chypre ne fait pas partie de l'OTAN. Donc les Américains et l'OTAN disent c'est pas mon problème en substance. C'est le problème des Européens.
Pourquoi ? Enfin pardon, c'est le problème de l'Union Européenne. Parce que la République de Chypre, en revanche, elle est membre de l'Union Européenne.
Donc à Bruxelles, tout le monde est très embêté. Parce que tout le monde voit bien que Chypre est en état de membre de l'Union Européenne. Donc s'il est attaqué, il faudra le défendre.
Oui, mais qui peut défendre Chypre ? Donc c'est ça aujourd'hui le principal problème. Parce qu'évidemment...
La République turque et M. Erdogan font pression sur un certain nombre de gouvernements européens pour leur dire qu'il n'est pas question, si vous allez aider les chypriotes, nous allons activer tous nos réseaux islamistes, tous nos réseaux frères musulmans dans vos pays respectifs pour, sous-entendu, leur dire de manifester, voire plus. Donc en fait, il fait poser une réelle menace contre l'Union européenne, sachant qu'ensuite... L'adversaire, on va dire historique, pas l'adversaire, le rival historique de la Turquie, cette fois-ci non plus vers l'Orient, c'est-à-dire avec l'Iran, mais non plus vers le Nord avec la Russie, mais vers, on va dire, la Méditerranée, c'est la Grèce.
Et donc c'est intéressant cette carte, parce que vous voyez la frontière telle qu'elle a été, la frontière qui définit la frontière à la fois terrestre et maritime entre la Turquie et la Grèce. Cette frontière, elle est issue des traités qui ont suivi la Première Guerre mondiale. Et elle est très proche de la frontière turque.
Pourquoi ? Parce que tout ça, si on pouvait voir la carte de la mer Égée, on verrait que tout ça, c'est une mosaïque d'îles grecques un petit peu partout. Ce sont les fameuses îles de la mer Égée. Et comme avant la Première Guerre mondiale et pendant la Première Guerre mondiale, vous aviez des populations grecques, ça c'est le fruit de l'histoire, qui étaient établies sur toute cette partie-là. de la Turquie, donc quand même une bonne partie de la Turquie occidentale, et bien à la suite de la Première Guerre mondiale et de la guerre civile qui s'en est suivie en Turquie, les Turcs, notamment Moustapha Kemal, ont éjecté les Grecs de la partie continentale, notamment d'Izmir, de la Turquie, qui se sont réfugiés dans les îles.
Donc du coup, les traités ont mis la frontière très proche de la... du continent turc. Et évidemment, les Turcs disent non, non, ça n'est pas normal.
Nous, on devrait avoir accès à la mer Méditerranée de la même manière comme les autres pays. Donc, on conteste. On conteste le fait que ces îlots-là appartiennent à la Grèce. Et donc, eux aussi commencent pour être tentés de revendiquer, voire même de débarquer sur certaines îles. Donc, l'armée turque pourrait être tentée de débarquer sur certaines îles grecques pour justement créer des faits accomplis.
et ouvrir en fait une sorte de corridor et pour dire, ben non, vous voyez, en fait, maintenant c'est ça. Et c'est pareil, si la Grèce est attaquée, alors la Grèce, elle, fait partie de l'OTAN, donc ça deviendra le problème des Américains et de l'OTAN. Mais alors même que la Grèce, quelque part, est sanctuarisée par l'OTAN, c'est pas le cas de Chypre. Donc Chypre, c'est vraiment une vulnérabilité pour les Européens.
Et c'est d'autant plus crucial, Chypre, que quand vous regardez où est placé Chypre, Chypre, si vous avez la partie sud de l'île, celui qui contrôle Chypre peut contenir la Turquie, peut contenir la Syrie, voire le Liban et notamment l'Iran. Et peut contenir également en partie la Russie, la Russie qui a une base maintenant à Tartous en Syrie, des bases à Tartous et Latakie, c'est-à-dire qui contrôle le littoral syrien ici. Et c'est pour ça que les Américains, très récemment, sont revenus sur leur... politique traditionnelle qui datait de plusieurs décennies et ont levé l'embargo sur les armes que le Congrès américain avait édictées et érigées contre le gouvernement chypriote en disant, nous, Américains, et nous recommandons aux Occidentaux de ne pas livrer d'armes aux chypriotes, c'est-à-dire aux chypriotes du Sud, donc la République de Chypre, pour des tas de raisons.
Et ils sont revenus sur cette décision pour dire, non, en fait, on veut se garantir que Chypre ne tombera pas dans l'escarcelle de la Turquie, de la Russie. voire pourquoi pas de l'Iran. Et donc, nous les Américains, on va aider les Chypriotes à se défendre. Et ça, c'est tout récent.
Et c'est important parce que ça veut dire que si les États-Unis réalisent que ce point-là, c'est crucial, c'est parce qu'ils savent qu'en étant présents ici et en verrouillant quelque part Chypre, ça évite la projection, une trop grande pénétration iranienne dans cette direction-là. Ça peut stabiliser le jeu entre Israël, le Liban, Israël, la Syrie et l'Iran. Ça peut dissuader la Turquie de vouloir intervenir dans Chypre et ça peut non pas dissuader mais contrer le jeu naval de la Russie qui consiste en...
a contrôlé cet axe-là pour pouvoir ensuite se déplacer en mer rouge pour les Russes et ensuite accéder à l'océan Indien. Donc en fait, et je terminerai par là, l'île de Chypre est absolument stratégique. Et puisque nous parlons de météorologie moyenne orientale, un des sujets majeurs sur l'ensemble de toute cette région, dont on parle peu, c'est la place grandissante de la Chine. En termes purement géopolitiques, ce que tous vos auditeurs doivent comprendre, c'est que toute la région du Moyen-Orient, aussi bien l'Iran, l'Irak, les pays de la péninsule arabique, est en train de devenir le réservoir de pétrole et de gaz majeur pour la Chine, et notamment pour la sécurisation de l'effort industriel chinois. C'est-à-dire que la Chine a un besoin absolument vital de sécuriser ses approvisionnements énergétiques en direction du Moyen-Orient, à la limite.
Peu importe le pays. Et d'ailleurs, les Chinois concluent des deals aujourd'hui avec tout le monde. Des deals colossaux en termes énergétiques avec l'Iran, avec l'Irak, avec l'Arabie Saoudite, avec les Emirats Arabes Unis et avec le sultanat d'Oman.
Peu importe que ces pays-là soient en rivalité entre eux. Donc, un des enjeux géopolitiques pour demain et après-demain, c'est est-ce que la péninsule arabique et en général le Moyen-Orient va basculer à l'Est et va basculer dans le camp chinois ? Ça c'est fondamental à suivre dans la décennie qui vient.