Bon alors t'as vu, ça discute pas mal de monnaie hélicoptère en ce moment. Ouais, c'est assez ouf. C'était juste une image utilisée par Friedman pour vulgariser son idée selon laquelle plus de monnaie ne mène qu'à une hausse des prix. Enfin, plus de monnaie ne résout pas les problèmes, disons. Et aujourd'hui on en parle sérieusement comme d'une solution aux crises de la demande.
T'es conscient que je sais pas trop ce que c'est que la monnaie lico, c'était juste pour lancer la conversation. Puis alors le lien avec Friedman... Ah bah pas de soucis !
Alors au programme aujourd'hui, qu'est-ce que la monnaie hélicoptère, en quoi ça pourrait nous être utile, quels sont les arguments contre et est-ce que c'est faisable ? Bon alors je raccroche rapidement les wagons avec les dernières vidéos, mais je peux pas tout réexpliquer dans le détail à chaque fois. Tu peux retourner voir toute la série de vidéos sur le Covid, si ce que je vais te raconter là va un peu vite. Tu veux lire les vidéos que t'as tournées pendant que j'étais confiné dans les chiottes ? Celles-là même.
Donc on a un schéma de l'économie qui ressemble à ça. Au cœur de l'économie, tu peux imaginer qu'il y a un genre d'usine qui fabrique tout ce dont on a besoin. Ou dont on n'a pas forcément besoin, mais qu'on kiffe quand même avoir.
Pour que tout fonctionne bien, il faut que tout ce qui sorte de l'usine soit acheté. Les acheteurs sont soit des consommateurs qui ont besoin ou qui veulent en profiter, soit des investisseurs qui achètent de quoi agrandir l'usine pour le tour suivant. En fait les investisseurs privés font partie de la demande maintenant dans le but de pouvoir faire partie de l'offre au tour d'après.
Ah mais putain c'est pour ça que les Etats sont toujours en déficit non ? Ils font tout le temps partie de la demande parce que leur job c'est en partie de constamment investir pour faire agrandir l'usine. Oui c'est une façon de voir les choses mais c'est pas vraiment le sujet.
Donc les dépenses des uns sont les revenus des autres. Niveau dépenses, il faut penser salaire évidemment mais aussi bénéfices des entreprises, intérêts versés et loyers payés. Et puis pour l'Etat, il faut aussi penser impôts et cotisations.
Pour financer les dépenses, on peut évidemment se servir de son revenu ou de son épargne, mais on peut aussi aller chercher l'épargne des autres en passant par les marchés financiers, ou alors on peut aller se servir de la planche à billets. Parce que donc je le rappelle, tous les crédits à la consommation, crédits immobiliers, crédits aux entreprises, accordés par des banques de dépôt, c'est de la planche à billets. Et cette planche à billets, elle est essentielle pour faire tourner l'économie, c'est le sujet de cette vidéo. Bon et puis depuis 2008 et la crise des subprimes, il y a aussi la planche à billets de la banque centrale qui injecte de la monnaie sur les marchés financiers via ce qu'on appelle le quantitative easing. Ok bon, c'est dense mais effectivement on a déjà parlé de tout ça plein de fois.
Le point de départ d'une crise financière telle que celle de 29 ou que celle de 2008, c'est une bulle spéculative qui éclate sur les marchés financiers. Parce que les banques qui font du business, elles sont contaminées par l'incendie et ne peuvent plus jouer leur rôle de financement de la demande dans l'économie réelle. Et c'est là où on pourrait se dire que ça aurait quand même peut-être le coup de séparer les activités bancaires, non ?
Comme ça, on isolerait les banques financeuses de l'économie réelle des banques actives sur les marchés spéculatifs. Eh ben, je vois que t'as pas mal suivi depuis les VATER. Ah ben ça, c'est sûr que l'avantage des VATER, c'est que la connexion Wi-Fi est nickel. Par contre, il y a toujours Peter qui fait du boucan.
Excusez-moi messieurs, Peter, il fait du boucan dans les VATER. Donc, la suite de l'histoire, c'est qu'on va avoir un ralentissement de la demande. À cause de ce qui vient de se passer sur les marchés, les investisseurs et les consommateurs ont peur.
Ils préfèrent épargner plutôt que de dépenser. Et puis, de toute façon, les banques ne peuvent plus les financer comme avant. Du coup l'usine ralentit, donc il y a du chômage. Il y a du chômage donc il y a moins de consommation, la demande ralentit encore un peu, etc. C'est le cercle vicieux de la crise qui s'installe.
Du coup les capacités de production sont là, prêtes à servir, il y a des usines, il y a des bureaux, il y a des ordinateurs, il y a des moyens de transport, il y a tout ce dont on a besoin, mais il n'y a juste pas assez de dépenses. Et quand on va sortir du confinement, c'est aussi ce qui risque de nous arriver. Il y aura toujours les usines, les bureaux, les ordinateurs, les moyens de transport et tout le reste. Par contre, parce qu'il y aura beaucoup d'entreprises en faillite et aussi sûrement pas mal de monde au chômage, il y aura très certainement un problème de manque de dépenses, comme après une crise financière.
Donc la question c'est, comment est-ce qu'on arrive à se remettre à dépenser comme avant ? Comment on arrive à refaire tourner l'usine à 100% ? Ouais, enfin à supposer qu'on était bien à 100% avant.
De quoi ? C'est un sujet pour un autre épisode. Donc effectivement, l'usine là, prête à servir, il faut juste relancer les dépenses. Pour faire face à ce genre de crise, ce que font les banques centrales un peu partout dans le monde, c'est de remplir les marchés financiers de monnaie grâce à la planche à billets.
On cherche à remplir l'épargne de capacité de financement. Alors ça pourrait paraître un peu con parce que le problème ne se situe pas à ce niveau là, c'est pas du financement qui manque, mais quand même il y a une utilité parce que ça permet d'éteindre l'incendie sur les marchés. Plus d'infos dans cette vidéo.
D'accord, bon, ça supprime la douleur, mais ça nous remet pas sur pied non plus. C'est ça. Et c'est là que l'idée de la monnaie hélicoptère intervient. D'habitude, après une crise financière, on relance l'économie avec une politique de dépense publique. On sait que l'usine peut produire plus, mais puisque les investisseurs n'ont aucune raison de vouloir l'agrandir et que les consommateurs sont bien trop faibles financièrement pour consommer plus, c'est l'État qui intervient.
Il passe commande à l'usine de tout plein de trucs qui, si possible, seront utiles à tous, ce qui permet de relancer la production. Et puis, sans augmenter les impôts, l'État peut aussi augmenter les salaires des fonctionnaires et les aides sociales, ce qui permet de booster la consommation. L'argent nécessaire à ces dépenses, comme pour n'importe quelle dépense de n'importe qui, peut venir soit de l'épargne, soit de la planche à billets.
Mais alors du coup, les États s'endettent sur les marchés financiers, non ? Donc c'est plutôt de l'épargne et pas de la planche à billets ? Alors oui, mais les banques interviennent sur les marchés financiers.
Donc quand c'est une banque qui achète de la dette souveraine sur les marchés, c'est de la planche à billets. Quand c'est n'importe qui d'autre, c'est de l'épargne. Ah, c'est subtil.
Donc, pendant les crises financières ou juste après, les États relancent comme des maboules par la dépense publique. Comme des maboules, ça dépend du parti politique qui a la main quand même. Quand il s'agit de la zone euro, ça dépend beaucoup de ce que dit l'Allemagne. Mais en général, oui, les États font de la relance. Si tu veux en savoir plus, je te conseille toute la série sur la crise de l'euro.
Dans le cas de la crise du Covid, il est certain que les états vont s'endetter pour faire entre autres de la relance par la dépense publique. L'idée de la monnaie hélicoptère c'est de dire, plutôt que de passer systématiquement par les états et donc par la dette, est-ce qu'on ne demanderait pas directement un coup de pouce à la banque centrale ? Après tout, elle est capable de balancer des milliers de milliards sur les marchés financiers dans le cas du quantitative easing, alors pourquoi elle ne pourrait pas aussi aider dans l'économie réelle ? Genre en finançant directement les états ?
Bien sûr ! Alors oui c'est ce qu'on commence à voir, notamment en Grande-Bretagne avec la Banque centrale qui a indiqué qu'elle allait prêter directement à l'Etat britannique, mais ça reste toujours de la dette, et puis surtout c'est complètement interdit par les traités européens. La BCE n'a pas le droit de prêter à un Etat européen, mais est-ce qu'on pourrait pas demander à la Banque centrale de fabriquer de l'argent magique et de le, pas prêter, mais donner aux gens, aux entreprises, voire même aux Etats, pour les aider à relancer leurs dépenses ? D'où l'idée de balancer des liasses de billets du haut d'un hélicoptère.
Exactement. Mais non mais tu déconnes, c'est quand même pas ça le projet. Et bah si c'est ça, et c'est pas con du tout.
C'est Milton Friedman qui a popularisé cette expression de monnaie hélicoptère. Il a dit que si on balançait depuis un hélico des liasses de billets dans les rues, il se passerait qu'une seule chose, les prix se mettraient à grimper et on verrait absolument aucune relance ou accélération de l'économie. Enfin, je simplifie un peu, mais disons qu'il avait dit qu'il fallait pas faire ça. Ah, donc c'est pas une bonne idée du coup. Oui, mais Milton raisonnait à partir d'une usine de production qui tournait à 100% de ses capacités.
C'est d'ailleurs un des arguments de certains opposants d'une telle opération. L'économie est à l'équilibre, sous-entendu, l'usine est toujours utilisée à 100%. Donc forcément, quand les gens veulent acheter plus, l'usine n'étant pas capable de répondre à la demande, elle ne peut réagir qu'en montant les prix.
D'ailleurs, même ça en fait, c'est très théorique, mais bon. Ah, mais ça c'est faux non ? L'usine n'est pas à 100% ! Oui c'est faux, mais dans la plupart des modèles économiques, le facteur d'utilisation de l'usine ne fait pas partie des variables. On considère que ça ne peut être que 100%.
Donc forcément, la conclusion des économistes qui utilisent ce genre de modèle, c'est que si on rajoute de la monnaie dans le système, l'inflation est inévitable. Bon, mais les banquiers centraux en ont tellement marre de ne pas avoir l'inflation qu'ils voudraient, parce qu'il ne faut pas oublier que ça fait depuis 2013 que la BCE n'arrive pas à atteindre ses objectifs d'inflation dans l'économie réelle, que cet argument inflationniste est en fait peu utilisé par les experts. En fait, si on reste raisonnable dans le montant de monnaie magique balancé depuis l'hélicoptère, l'inflation n'est pas du tout un sujet. Ce serait même plutôt une bonne nouvelle en fait qu'elle arrive.
Non mais sérieux, l'idée c'est de balancer des thunes depuis un hélico ? On dirait du GTA. Attends, on est d'accord que c'est juste une image.
En réalité, l'idée c'est de créditer d'un certain montant les comptes des épargnants ou des entreprises, voire des états, en utilisant la planche à billets électronique de la banque centrale. Ah non mais moi j'étais vraiment parti sur un hélico et tout ! Ah bah non mais dude !
Ah ouais non mais je reconnais, j'étais un peu naïf sur ce coup là, ok. Mais du coup, un certain montant, on parle de combien exactement ? Et bah justement, c'est en partie ça qui bloque. Outre ces histoires d'inflation qui fait peur auxquelles les plus sérieux ne croient que moyennement, il y a d'autres questions à régler avant de réussir à convaincre les banquiers centraux de faire décoller leurs hélicos.
Alors déjà, est-ce qu'on peut pas les obliger à faire décoller leurs hélicos ? Depuis quand ils font ce qu'ils veulent les banquiers centraux ? Eh bien depuis que l'idéologie dominante admet que les banques centrales doivent rester indépendantes des pouvoirs politiques.
Donc en gros depuis les années 80-90. Si on regarde précisément ce que disent les lois des différents pays, on trouve des différences dans chaque zone monétaire avec des indépendances plus ou moins fortes. Et avec la BCE comme grand vainqueur de celle qui a la plus grosse. La plus grosse ?
Indépendance. Évidemment. Mais clairement, d'une manière générale, l'indépendance des banques centrales c'est un truc respecté à peu près partout. Ok donc soit on change les lois...
Pas simple. Soit il faut trouver un moyen de convaincre les banquiers centraux. Alors, qu'est-ce qui bloque ? Numéro 1, l'objectif d'une banque centrale, c'est la stabilité des prix et pas la redistribution du pouvoir d'achat. Si je prends Michel et Jean-Jacques, qui gagnent respectivement 1000 et 10 000 euros, et si je file 100 euros aux deux, j'augmente le pouvoir d'achat de Michel de 10%, alors que pour Jean-Jacques, c'est 1% seulement.
Donc je privilégie Michel par rapport à Jean-Jacques. Et c'est le même raisonnement si on prend des entreprises ou des États plus ou moins gros. Bon bah ça un banquier central te dira que c'est pas son job.
Distribuer les richesses c'est le rôle du marché, et les redistribuer c'est le rôle d'un gouvernement élu démocratiquement. C'est ce qu'on appelle le principe de neutralité de la politique monétaire. Et puis aussi la redistribution des richesses par l'État ne doit pas trop foutre le bordel dans les marchés et la concurrence.
C'est pour ça qu'ont été incluses les règles de pas plus de 3% du PIB de déficit et pas plus de 60% du PIB de dette. Ah ouais donc si la banque centrale aide les entreprises ou les gens, pour elle c'est comme fausser le jeu de la concurrence et du marché quoi. Et si elles décident d'aider les États, c'est pareil, ça leur permettrait de contourner les règles de déficit et de dette pour redistribuer davantage, donc fausser davantage le marché.
Ah, c'est relou. Eh ben oui, les traités européens sont bien ficelés pour parer à toute éventualité. La prépondérance des marchés et de la concurrence est au cœur de la construction européenne.
Mais il y a peut-être une petite faille. Ah une lueur d'espoir quand même ! Il y a ce que dit le traité et son interprétation. Ce qu'il dit, article 123 du TFUE, c'est La Banque Centrale a interdiction de prêter aux Etats.
Or, la monnaie illico, c'est du don, pas du crédit. Et si vraiment la pilule ne passe pas, on peut toujours diriger ses dons uniquement vers des particuliers et des entreprises, donc pas vers des Etats. Ah ok je vois, du coup tu contombes tout.
Mais par contre, il reste toujours le problème de la neutralité. La monnaie illico redistribue les richesses, donc se substitue au marché. C'est vrai, mais la banque centrale s'est déjà largement substituée au marché avec le quantitative easing. Le fait d'acheter certains actifs financiers plutôt que d'autres a tendance à faire grimper les prix, donc à provoquer des distorsions de marché et de concurrence.
Ici clairement, cet argument de distorsion de marché, c'est pas le point le plus bloquant du point de vue de la banque centrale. Ah oui, intéressant ça. Et puis, pour aider à débloquer les esprits, on peut aussi proposer une clé de répartition de la monnaie hélicoptère décidée par un organe démocratiquement élu. Alors, une clé de répartition, je ne suis pas certain de comprendre ce que ça veut dire ça.
Par exemple, si on part sur un budget de 750 milliards, comme pour le quantitative easing déjà annoncé pour les marchés financiers, la Banque Centrale Européenne pourrait filer 2200 euros à chaque Européen dans le cadre d'une politique de monnaie hélicoptère. Mais est-ce qu'on donne cette somme à tout le monde ? Est-ce qu'on exclut les enfants ? Est-ce qu'on donne plus aux résidents des pays les plus pauvres ?
Ou au contraire, est-ce qu'on leur donne moins, parce que les prix sont plus bas chez eux ? Et puis, même au sein des pays, est-ce qu'on donne le même montant à tout le monde ? Ou est-ce qu'on vise davantage les plus pauvres ?
Tiens, alors en parlant de ça, est-ce que ce serait pas justement plus efficace de viser les plus pauvres ? Plus on vise les pauvres, plus on a de chance que ça finisse dans la consommation, non ? Oui, tout à fait. Michel, qui gagne déjà peu, a plus de chance d'utiliser les 100€ de plus qu'on lui donne pour consommer, tandis que Jean-Jacques, lui, il a plus de chance de les épargner. Or, de l'épargne, on en a déjà un énorme paquet sur les marchés, donc c'est clairement pas le but.
Ah non mais un autre truc là. Alors par contre, on va éviter de trop dévier du sujet, si tu veux bien. Non non, mais on est pile dans le sujet.
On file des thunes aux plus pauvres pour qu'ils consomment et relancent l'usine, ok ? Mais est-ce que l'usine est bien en France ? Tu vois ce que je veux dire ? Le coût des importations, c'est ça ?
Eh ben oui, c'est connu. Les pauvres, ils achètent chinois. Et du coup, si l'argent se barre en Chine, on risque pas de relancer l'économie française. Ok, alors, la France importe des trucs, mais elle exporte aussi. Or, puisque l'idée, c'est de filer de la monnaie à tous les Européens, les importations et les exportations vis-à-vis de l'Europe ont de grandes chances d'augmenter ensemble.
Les Français ont plus de monnaie pour acheter Européens, mais les Européens ont aussi plus de monnaie pour acheter Français. Voilà. Donc à moins de pouvoir faire une analyse détaillée de ce que les pauvres consomment réellement, ce que j'ai pas réussi à faire, le plus logique c'est de partir sur une balance commerciale avec le reste de l'Europe qui reste stable. Or, cette balance elle ressemble à ça.
Pour 100€ dépensés en France, 2,60€ se barrent ailleurs en Europe. Et donc a priori, y'a pas de raison de croire que la monnaie hélico y changerait quoi que ce soit. Alors maintenant on pourrait se dire que les importations françaises vis-à-vis du reste du monde, elles, risqueraient bien de croître. Les français achètent plus de produits étrangers...
grâce à la monnaie hélico, mais les étrangers eux ne peuvent pas acheter plus de produits français car ils n'ont pas vu passer l'hélico. Alors effectivement ce scénario est plausible, sauf que sur les 100€ consommés par un français moyen, seulement 2€ s'en vont en dehors de l'Europe actuellement. Alors moi je veux bien croire que ce chiffre pourrait peut-être doubler ou tripler, mais même alors ça fait 91% de la monnaie hélico injectée en France qui servirait bien à relancer l'économie française. Et c'est complètement normal en fait, parce que la grande majorité de la consommation, les loyers, les commerces de proximité, les loisirs, les factures énergétiques, Tout ça c'est du 100% local ou pas loin.
Bref, si dire que l'augmentation de la consommation des Européens ne va pas relancer que l'économie européenne est vrai, les importations vis-à-vis du reste du monde vont forcément aussi augmenter, dire que ça ne va pas du tout la relancer à cause des importations, ça c'est totalement faux. Dit autrement, il n'existe pas de solution parfaite, sans aucun inconvénient. Ici clairement, les importations extra-européennes et les déséquilibres commerciaux au sein de l'Europe sont un problème. Mais un problème somme toute minime, quand on regarde les ordres de grandeur.
La grande majorité de la consommation des pays. européen correspond à des biens et à des services fabriqués dans ces mêmes pays européens. Ok d'accord.
Bon du coup on en était où ? On en était à dire que c'est pas le rôle de la banque centrale de choisir qui mérite de voir son pouvoir d'achat augmenter. Ah oui voilà. Alors comment on contourne cette objection ? Et bien par exemple, l'idée proposée par l'ONG Positive Money, qui défend la monnaie hélicoptère depuis un moment, c'est de demander au parlement européen, devant qui la BCE est légalement responsable, de décider d'une clé de répartition.
Des députés démocratiquement élus mettent sur pied un programme de répartition de la monnaie hélicoptère. De cette manière, la Banque Centrale reste indépendante du point de vue monétaire, c'est elle qui choisit le montant total à injecter. Par contre, la manière dont cette monnaie est répartie entre les citoyens européens et les entreprises a bien été décidée par un organe politique. Ah oui, c'est malin ça ! Objection numéro 2, on veut filer des sous aux européens mais concrètement comment on fait ?
Comment ça, comment on fait ? Eh ben comment on fait ? On va clairement pas passer en hélicoptère au-dessus des villes et balancer tout plein de billets, ce serait quand même pas hyper précis. Alors comment on fait ? Eh ben on crédite les comptes des gens et des entreprises.
Oui mais comment on est sûr qu'il n'y a pas des doublons ? Il y a plein de gens et d'entreprises qui ont plusieurs comptes en banque, dans plusieurs banques, voire même dans plusieurs pays. Et puis il y a aussi des gens qui n'ont pas de compte en banque du tout, donc pour eux il faudrait plutôt leur donner du cash.
Il y a un boulot de croisement et de recoupement de bases de données qui est pas du tout évident ici. Alors certes, c'est pas impossible, mais clairement c'est un truc qui se prépare et qui nécessite pro... une coopération administrative entre la BCE et les autorités fiscales et sociales de chaque pays.
Ah oui d'accord, ok, j'aurais pas pensé à ça effectivement. Objection numéro 3, la Banque Centrale Européenne risquerait de faire faillite. Hein ?
Attends, moi j'étais parti sur le fait qu'une banque centrale pouvait pas faire faillite à partir du moment où elle manipule sa propre devise. Là on parle bien de filer des euros aux européens, pas des dollars. T'as raison, une banque centrale ne peut techniquement jamais faire faillite tant qu'elle manipule sa propre devise.
C'est d'ailleurs le sujet d'un papier publié en 2013 par la Banque Centrale des Banques Centrales, la BRI. Par contre, d'un point de vue politique, idéologique, il est tout à fait possible d'inventer une faillite de banque centrale. Qu'est-ce que c'est encore que cette connerie ? C'est tout le nœud du vrai faux problème Target 2 dont on a déjà parlé dans cette série de vidéos. Il y a deux types de faillite, le manque de liquidité, j'ai pas assez de sous pour payer ce que je dois, ici aucun risque puisque la banque centrale peut imprimer la monnaie nécessaire au paiement de n'importe quoi, et la faillite comptable, la somme de mes dettes est supérieure à la somme de ce que je possède.
Et c'est là que l'idéologie trouve toujours un chemin. Il est tout à fait possible que la somme de ce que doit la banque centrale devienne supérieure à la somme de ce qu'elle possède. C'est d'ailleurs le cas des états qui sont en situation de faillite comptable permanente sans que ça pose le moindre problème, notamment parce qu'un état c'est pas un truc privé.
Mais la banque centrale a été conçue comme une institution semi-privée, semi-publique. Et du coup, le fait qu'elle soit légalement soumise ou non à la règle de la faillite comptable pose question, même si techniquement ça n'aurait absolument aucun sens de lui appliquer. Attends, mais on peut en savoir plus là ?
Pourquoi ça n'aura aucun sens ? Parce que la règle de la faille comptable est là pour protéger les créanciers qui financent une entreprise privée. Or, la BCE n'a pas de créanciers.
Personne ne prête à la BCE pour la financer. Elle n'en a pas besoin puisqu'elle crée la monnaie. Mais alors, si la BCE n'a pas de dette, comment la somme de ce qu'elle doit peut devenir supérieure à la somme de ce qu'elle possède ? Y'a pas comme un paradoxe là ?
Parce qu'elle doit des trucs qui ne sont pas des dettes. Ce qui est inscrit au passif d'une banque centrale et qui... passe pour des dettes, ce sont des enregistrements comptables de la monnaie qu'elle a créée. Ça ressemble à de la dette parce que comptablement, on l'enregistre au même endroit, mais ça n'en est pas.
Personne n'a rien prêté à la banque centrale. Alors ok, et en même temps ça reste flou. Tu sais quoi, je t'ai fait une vidéo rien que pour répondre à cette question. Si vraiment ça t'intéresse de comprendre le détail, tu peux aller voir ça. Sinon, je passe à l'objection numéro 4, la monnaie hélico, ce serait se compliquer la vie pour pas grand chose.
En effet, certains banquiers centraux, comme notamment Claudio Borio, le chef économiste de la BRI. pense que les États pourraient financer des politiques de distribution monétaire similaires à la monnaie illico en passant par l'endettement public, et que ça reviendrait absolument au même que de passer par la planche à billets de la Banque Centrale. Attends, alors là, je suis pas sûr d'avoir bien compris. L'objection, c'est, entre les États qui s'endettent pour filer des sous aux entreprises et aux particuliers, et la Banque Centrale qui fait tourner sa planche à billets pour faire la même chose, ce serait pareil ? Ouais.
Ah, ben là, je veux bien que tu m'expliques, hein, parce que, entre une dette et un don, moi, je vois une grosse différence. Toute l'idée c'est de dire qu'en termes d'intérêt à payer, ce serait pareil. Mais effectivement, le mec part du principe que l'État peut s'endetter à volonté sur les marchés, qu'il y aura forcément une volonté politique suffisante pour le faire, alors que les traités européens disent qu'il faut éviter de s'endetter, qu'il n'y aura pas de problème de refinancement de la dette, comme il y en a eu en 2010 pour l'Irlande, le Portugal et la Grèce.
C'est ça qui a déclenché la crise de l'euro. Bref, tout ça c'est très théorique, mais si ça t'intéresse, je t'ai fait une vidéo rien que pour satisfaire ton esprit de technocrate en herbe. Si tu veux comprendre comment résonne une caricature de banquier central... Fais-toi plaise. Ah ouais, cool !
Et enfin, objection numéro 5, est-ce qu'on veut vraiment relancer les entreprises et la consommation comme avant, sans essayer de transformer toute cette activité économique qui plante les écosystèmes et défonce le climat ? Est-ce que plutôt que de concentrer nos efforts uniquement sur la manière de relancer l'usine, il ne faudrait pas plutôt essayer d'en démarrer la construction d'une nouvelle ? Ah, alors ça c'est pas une objection de banquier central, si ?
Non, c'est plutôt une objection de citoyens qui se posent des questions. Mais c'est vrai que c'est pas anodin. Faire redémarrer l'économie en utilisant une arme monétaire jusque-là inutilisée est très intéressant. Mais le faire sur les mêmes bases de production et de consommation qu'avant la crise du Covid, c'est peut-être pas la meilleure des idées. Ah ok, mais du coup tu proposes quoi toi pour fabriquer une nouvelle usine ?
Eh ben ce sera le sujet des prochaines vidéos. Oh, me voilà hypé. Tant mieux.
Alors on récapitule rapidement. La monnaie hélicoptère, c'est la banque centrale qui utilise sa planche à billets pour donner, pas prêter, hein, donner des sous aux particuliers, aux entreprises, voire aux états. Mais alors là, ça fout quand même des gros frissons dans le dos de certains, et niveau légal, c'est clair que c'est pas sûr que ça passe.
Ce genre de méthode peut être très pratique pour relancer la production d'une usine qui tourne au ralenti. Or, quand on va sortir du confinement, il y a de grandes chances pour qu'on soit dans cette situation. La monnaie hélicoptère permettrait d'aider à relancer la machine économique, évitant ainsi aux états de le faire tout seul en s'endettant comme des gros bourrins. et réduisant ainsi le risque d'une crise de l'euro comme en 2010. Du côté des objections à l'utilisation de la monnaie hélicoptère, on retrouve le fameux argument du risque inflationniste. A priori, aucun souci de ce côté-là tant que le montant distribué ne crée pas un pouvoir d'achat supérieur à la capacité de production de l'usine.
Et puis de toute manière, du point de vue des banquiers centraux, l'inflation serait une bonne nouvelle puisque ça fait depuis 2013 que celle-ci est en dessous des objectifs. Il y a aussi cette histoire d'inflation. L'importation, mais là c'est plus une croyance populaire, il faut arrêter de croire que la consommation vient uniquement des importations. Il y en a, c'est vrai, mais dans les budgets de consommation, la majorité rémunère quand même plutôt l'économie nationale. Ensuite, il y a les arguments des banquiers centraux.
Oui, mais c'est pas notre job de se substituer aux marchés et aux états qui doivent seuls, et selon certaines règles bien précises, décider de la distribution et redistribution de la richesse. Alors, là c'est clairement un argument très difficile à contrer. On peut mentionner que la banque centrale s'est déjà substituée au marché, via sa politique de quantitative easing, puisque quand elle fait ça, elle fait bouger les prix sur les marchés. On peut aussi rappeler que l'interdiction de financement par la banque centrale telle que décrit dans le TFUE s'applique à des crédits, mais pas à des dons, et dirigée uniquement vers des états, mais pas vers des particuliers ou des entreprises. Et on peut aussi évoquer la possibilité d'une clé de répartition de la politique de monnaie hélicoptère décidée par un organe démocratiquement élu, comme par exemple le parlement européen.
Bon, mais là c'est clair qu'avec cet argument on est sur une bataille juridique et technique. Ensuite on a le oui mais techniquement c'est difficile à faire Alors oui c'est vrai et on aurait sûrement tort de négliger cet aspect, mais de là à dire que c'est impossible, il y a peut-être quand même moyen de lancer une petite commission d'enquête pour évaluer la faisabilité du machin. Après il y a le oui mais la banque centrale va faire faillite Alors argument totalement idéologique, il est tout à fait certain que techniquement une banque centrale ne peut pas faire faillite dans la monnaie qu'elle contrôle. Et puis il y a aussi le oui mais la monnaie hélicoptère c'est beaucoup de bruit pour rien de nouveau Alors ça c'est un argument très théorique, utilisé par quelques banquiers centraux plutôt geeks, basé sur de nombreuses simplifications dont la plus importante est un don de la banque centrale ne serait pas plus avantageux pour une économie que plus de dettes sur les épaules des états Alors là franchement, faut faire quand même pas mal d'hypothèses simplificatrices pour en arriver à ce résultat.
Et pour finir, il reste le oui mais est-ce qu'on veut vraiment relancer l'usine de la même manière qu'avant la crise ? sans s'interroger sur ce qu'il faut relancer et sur ce qu'il faut transformer. Et ça, on en parle dans de prochaines vidéos.