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Naissance du nationalisme allemand et unification

Au début du XIXe siècle Napoléon Ier créé la Confédération du Rhin sur les ruines du Saint-Empire romain germanique dans l'objectif de mieux contrôler la région. Paradoxalement, cette entité devient aussi le creuset d'un nationalisme allemand et revanchard qui causera d'ailleurs la perte de son neveu Napoléon III en 1870 durant la guerre franco-prussienne. À la suite de la dislocation de l'Empire de Napoléon Ier, différents États sont recréés dont la Prusse qui s'accapare une grande partie du territoire allemand. Cette renaissance s'accompagne de la formation d'un roman national partagé entre les différents royaumes germanique et basé sur le souvenir de la vaillance des antiques tribus germaniques face à Rome, ainsi que sur les heures de gloire du Saint-Empire germanique fonde par Otton premier au Xème siècle. Ce nationalisme naissant promeut aussi la littérature allemande comme bien commun avec des auteurs du mouvement Sturm und Drang (Tempête et Passion en Français) comme Goethe et des auteurs plus contemporains comme ceux du mouvement romantique. Avec le congrès de Vienne la Prusse récupère la Rhénanie qui devient vite le territoire le mieux industrialisé de la zone germanique. Le royaume de Prusse devient si puissant que certains souhaitent même réaliser une unité germanique autour d'un empereur prussien. L'idéal prôné par les nationalistes allemands du Xe siècle est souvent un idéal ethnique : en effet le droit du sang semble plus important que le droit du sol pour des théoriciens du nationalisme allemand, ce qui pose très vite un problème vis-à-vis de l'empire d'Autriche. Des querelles éclatent autour de la question de son intégration ou non dans une éventuelle nation germanique. De fait, cet empire est composé d'Allemands mais aussi de multiples minorités telles que les Tchèques, les Hongrois, ou les Slovaques. La conception autrichienne traditionnelle est celle d'un empire catholique de droit divin ayant un devoir de protection sur les minorités à l'est de son empire. Les nationalistes allemands vont se diviser en cinq branches politique : un courant monarchique autoritaire pro-prussien, un courant libéral classique souhaitant une petite Allemagne (c'est à dire sans l’Autriche) sous monarchie constitutionnelle, un mouvement libéral "à l'anglaise" ayant la volonté de former un état fédéral, un mouvement catholique pro-autrichien, et un mouvement républicain radical mais minoritaire. Une assemblée va se réunir de manière informelle à Heidelberg pour débattre de ces questions. Les monarchistes pro-prussiens gagnent la manche. Cette assemblée constituante propose la couronne au roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV qui va cependant refuser, souhaitant que le pouvoir, symboliquement, lui revienne de Dieu et non de la main des hommes. Bismarck, considéré comme l'homme providentiel pour les nationalistes, va changer la donne. Ministre-président du successeur de Frédéric-Guillaume IV, Guillaume Ier de Prusse, à partir de 1862, il va réussir en seulement sept ans à s'imposer comme l'homme fort de l'Europe et à unifier l'Allemagne sur les décombres du Second Empire de Napoléon II. En territoire allemand se développe le commerce et les innovations techniques, industrielles et scientifiques, qui vont accélérer leur développement, et le commerce avec les États germaniques voisins. La création du Zollverein en 1833, sorte d'organisme de coopération économique, en est le symbole. Bismarck promeut cette politique de libéralisme économique dans une optique de coopération interétatique et d'enrichissement de la Prusse. Il se rapproche des grands industriels comme Krupp ou Siemens qui vont en retour devoir soutenir sa politique. Le chancelier développe aussi l'armée, et d'ailleurs, ironie de l'histoire, en se basant sur le modèle impérial français. Bismarck va mettre en avant un pouvoir antiparlementaire gouvernant par ordonnance, tout en laissant un recours au suffrage universel. Avec la création de la Confédération de l'Allemagne du Nord en 1867, dominée encore une fois par la Prusse, se dessine progressivement les contours de la future Allemagne, la Prusse réussissant à avoir la mainmise sur les différentes armées des territoires allemands et n'hésitant pas à menacer les réfractaires. Pour développer sa puissance de frappe, la Prusse investie dans les chemins de fer pour déployer plus rapidement ses troupes et dans l'industrie militaire de Krupp dont les canons, véritables bijoux de technologie, marquent le début d'une ère de domination militaire de l’Allemagne en Europe. Bismarck modifier aussi la géopolitique européenne à son avantage : il se place comme défenseur de la Russie lors de l'insurrection populaire polonaise de 1863, souhaitant avoir une bonne entente avec le tsar dans le cas de futurs conflits. Pour affaiblir la France, Bismarck va créer la crise luxembourgeoise pour tenter de choquer ses alliés. En effet, lors de la guerre entre la Prusse et l'Autriche remportée par les Prussiens à Sadowa en 1866, la France a tenté un coup dangereux en marchandant sa non intervention contre une neutralité de la Prusse si à l'avenir le Luxembourg entrait dans l'empire français. Cette clause secrète, dévoilée publiquement ensuite par Bismarck, va jeter le discrédit sur la France. Le but de Bismarck est clair depuis longtemps, et prémédité, il le révélera d'ailleurs lui-même après les événements : faire l'unité de l’Allemagne sur le dos de la France de Napoléon III devenant trop puissante et envahissante en Europe. Bismarck ne souhaite cependant pas créer un conflit européen voire mondial. C'est pour cela qu'il isole d'abord la franque diplomatiquement par le piège de la célèbre dépêche d'Ems le 13 juillet 1870. Utilisant un vague refus de la part de Guillaume de Prusse face à un diplomate français, il modifie le cours de l'événement pour le transformer en véritable insulte de la part du roi Guillaume envers le diplomate et diffuse ensuite sa "fake news" dans la presse l'importance étant démultipliée par l'objectif de la requête diplomatique qui était que la France souhaitait s'assurer que l'Allemagne ne poserait pas de candidat sur le trône d'Espagne pour éviter de se faire prendre en tenailles, d'un point de vue géographique, comme lors du temps de Charles Quint. La manipulation insultante, conçue comme une véritable tentative d'allumer le feu aux poudres en enrageant le peuple français, fonctionne. Bismarck provoque la haine dans l'opinion publique française et pas seulement chez la classe politique. La guerre est déclarée par la France par un vote parlementaire n'ayant pas reçu d'opposition de la part de Napoléon III, ce dernier espérant que la providence lui serait favorable. La force de frappe et le niveau technologique unique inattendu de l’Allemagne, ainsi que la taille de son armée supérieure à celle de la France ayant souhaité démilitariser partiellement son régime, vont triompher du Second Empire de Napoléon III, puis du début de la Troisième République française naissante à sa suite. Ainsi, comme prémédité par Bismarck, le Reich allemand est proclamé en France et plus précisément à Versailles dans la galerie des glaces le 18 janvier 1871, lieu symbolique de la grandeur de la France, volontairement désacralisé comme une ultime insulte qui restera gravée chez les Français, et ce jusqu'aux "poilus" les combattants de la Première Guerre mondiale, animés par l'esprit de revanche.