Transcript for:
Résumé de la Première Guerre mondiale

Générique France 1918. Pendant la première guerre mondiale, les caméramens du monde entier ont pris des risques pour tourner ces images. Ils en ont reconstitué certaines. Nous avons rajouté la couleur et le son. 11 novembre 1918. 11 heures du matin. Ce jour-là, c'est le silence.

L'armistice est signé. Clairons et cloches sonnent le cessez-le-feu. Le soldat canadien George Price vient d'être tué.

C'est le dernier mort de la guerre. De 1914 à 1918, près de 80 millions d'êtres humains ont été plongés dans la guerre. 10 millions sont morts, fauchés par les balles, déchiquetés par les obus. Brûlés, affamés, dévorés par les poux, les rats, tués par les épidémies nées de la misère.

20 millions ont été blessés. Quelle démence s'est emparée des Autrichiens, des Serbes, des Russes, des Allemands, des Français avec leurs colonies ? Des anglais avec leur empire, des italiens, des japonais, des turcs, des américains. Ils ont de la chance ceux qui s'en sortent vivants, mais ils ont perdu leur jeunesse. Ou leur visage ?

Ou leurs raisons ? Comment le monde a-t-il déchaîné une telle furie ? 1914. Qui sont les hommes de ce temps ? Si tranquilles et pourtant si près de la guerre ? Ce sont, pour beaucoup, des paysans attachés à leur terre, leur tradition, leur religion.

Ils se sentent en sécurité. Cela fait près d'un demi-siècle qu'il n'y a pas eu de grand conflit européen. Les rentiers peuvent profiter de ce bel été de 1914. René Ferrari, 34 ans, descendant d'immigrés italiens qui ont réussi dans le chauffage, est l'un des premiers cinéastes amateurs. Il pense que le film gardera l'image de son bonheur, qui ne s'est pas si fragile.

Avec Jacqueline, sa femme, ils ont trois enfants. Pierre, Claude et Alain. et une fidèle bonne, Alphonsine.

Ils vivent à côté du chemin de fer, pour eux moderne et pratique. Il va partout. Il transportera des armées. Il les emmène au Mont Blanc, escalader la mer de glace, avec une canne et des chaussures de ville, symbole de l'inconscience des futurs officiers.

Vienne 1914. La capitale de l'Empire d'Autriche-Hongrie est décrite par Stephen Zweig. Partout s'ouvraient de nouveaux théâtres, de nouvelles bibliothèques, de nouveaux musées. Partout on allait de l'avant.

Qu'est-ce qui aurait bien pu interrompre cette ascension, entraver cet essor qui tirait sans cesse de nouvelles forces de son propre élan ? Une merveilleuse insouciance avait gagné le monde. Jamais l'Europe n'avait été plus puissante, plus riche, plus belle.

Jamais elle n'avait cru plus intimement à un avenir encore meilleur. C'est encore la belle époque, mais pas pour tout le monde. Les ouvriers travaillent deux fois plus longtemps qu'aujourd'hui et sont payés deux fois moins. Les femmes ne gagnent que la moitié de ce salaire de misère.

En théorie, les enfants de moins de 12 ans ne doivent pas descendre à la mine. En France, Jean Jaurès est le grand tribun de la classe ouvrière. Il est inquiet.

Il sait que dans toute cette Europe de la bonne société, beaucoup de patrons de l'industrie parlent sans retenue d'une guerre qui les débarrasserait des revendications ouvrières. Jaurès dit... Votre société, violente et chaotique même quand elle veut la paix, porte en elle la guerre comme le nuage porte l'orage.

Les industriels profitent de la course aux armements. Les grandes puissances préparent la guerre. Les services militaires interminables forment les hommes à la guerre.

La guerre et la mort rôdent sur la planète. Depuis des siècles, les empires se partagent le monde à coups de sabre. Les conquêtes du Royaume-Uni s'étendent de l'Australie au Canada, celles de la France, de l'Indochine à l'Afrique. L'Allemagne a aussi des colonies, mais veut une plus grosse part du gâteau. Cet état morcelé, la Prusse d'avant 1871, est devenu l'Empire allemand en écrasant la France et en annexant ses provinces d'Alsace et de Lorraine.

L'empereur d'Allemagne, le Kaiser Guillaume II, 55 ans, entouré d'une caste militariste, fait construire une marine de guerre pour surpasser celle de l'Angleterre. Il veut donner à l'Allemagne sa place au soleil. 15 juin 1914. Guillaume II célèbre le 25e anniversaire de son règne. Il aime pas rader, mais il lui faut un tabouret pour monter à cheval à cause de son handicap.

Né d'un accouchement difficile, il a le bras gauche atrophié. Il le maintient posé sur son épée. Longtemps torturé par les médecins, il a développé un caractère instable, avec des crises de colère imprévisibles. Il est marié avec sa cousine Augusta Victoria.

Ils ont la même grand-mère, la souveraine britannique Victoria, qui disait de Guillaume II C'est un emporté, une mauvaise tête, un prétentieux. Guillaume II vit en France. Mal s'apparenter avec la famille royale de Londres, si puissante, si dominatrice.

Un jour à la chasse, il se blesse et pousse un cri révélateur. Maudit sans anglais. Pour Guillaume II, le Royaume-Uni est une menace, depuis qu'avec la France et la Russie, il forme la triplante. Cela provoque chez les Allemands un sentiment d'encerclement, et donc de peur. Leur seul allié, c'est l'Empire Austro-Hongrois, alors une mosaïque de peuples, sur lequel règne depuis 60 ans l'Empereur François-Joseph Ier, 84 ans.

Sa longue vie a été pleine de malheurs. Le suicide de son fils, l'assassinat de sa femme, l'impératrice Elisabeth... surnommé Sissi, son amour de jeunesse.

C'est maintenant un vieil empereur dont les peuples demandent l'indépendance. Tout peut exploser, mais François Joseph, ses militaires, ses politiques, refusent toute réforme. L'Empire est alors qualifié d'Apocalypse joyeuse.

La fête continue, comme pour ce mariage de Zita, la belle princesse qui épouse Charles, le petit-neveu de l'Empereur. Mais c'est son neveu, François Ferdinand, qui doit hériter du trône d'Autriche-Hongrie. François Ferdinand a épousé la comtesse Sophie Chotek, qui n'est pas de sang royal, ce que l'empereur n'a jamais admis. Pas plus que les idées réformatrices de son héritier.

28 juin 1914, la machine infernale va se déclencher. Un dimanche, François-Joseph, dans sa résidence de campagne, part pour la chasse. Il apprend que son neveu, l'héritier de la couronne, François Ferdinand, et sa femme, viennent d'être assassinés à Sarajevo. L'Empereur ne manifeste aucun sentiment.

Il dit froidement, une puissance plus haute que moi vient de rétablir l'Ordre. Sarraillez-vous ! Un cri dans l'Histoire.

C'est à Sarajevo que le destin du monde a basculé. Dans cette Bosnie qui vient d'être annexée par l'Autriche. La Serbie s'y oppose.

Elle veut s'étendre en rassemblant les peuples slaves des Balkans. 28 juin 1914. Sarajevo. François Ferdinand, l'héritier de la couronne d'Autriche-Hongrie, accompagné de sa femme, vient d'échapper à un premier attentat.

Il s'arrête à l'hôtel de ville pour protester violemment. Ce sont ici les dernières images du couple. En ressortant, un peu plus loin, ils sont tués à coups de revolver. L'assassin s'appelle Gavrilo Princip, 19 ans, militant nationaliste bosniaque.

Ce sont des serbes qui ont fourni le revolver. Cet attentat de Sarajevo, qui aura des conséquences incalculables, est d'abord perçu comme un fait divers. Au bord de la Tamise, celle qui deviendra la reine du roman policier, Agatha Christie, 24 ans, note. Dans la lointaine Serbie, un archiduc est assassiné. L'incident paraît tellement insignifiant.

Dans ces pays, on assassine tous les jours. Les anglais ne se soucient pas, en effet, de ce trou noir de l'Europe, appelé alors la poudrière des Balkans. En 1912, deux guerres balkaniques font 200 000 victimes.

En 1914, ces tragédies lointaines sont oubliées au Royaume-Uni. Le roi d'Angleterre, George V, 49 ans, est aussi roi d'Irlande et empereur des Indes. Son empire est grand, mais son pouvoir est petit. Seule la lutte de l'Irlande pour l'indépendance le préoccupe. Le 28 juin 1914, il écrit L'attentat de Sarajevo est un choc de plus pour le vieil empereur d'Autriche.

Georges V ne pressent rien de ce qui va éclater. Pas plus que le président français, venu en visite officielle à Londres, réaffirmait l'entente cordiale qui désormais unit la France et la Grande-Bretagne après des siècles de rivalité meurtrière. Raymond Poincaré, 54 ans, est un modéré.

Mais il est originaire de Lorraine. Et comme tous les Français, il veut la reconquérir. 3 juillet 1914. Avec les funérailles de François Ferdinand et Sophie Chautek, le compte à rebours vers la guerre est enclenché.

Les militaires autrichiens ont toujours cherché un prétexte pour soumettre la Serbie. Ils ne peuvent prouver sa culpabilité dans l'attentat de Sarajevo, mais ils parviennent à convaincre leur empereur. Le chef d'état-major autrichien dit Il faut se débarrasser des Serbes parce qu'ils ne cessent de mordre, comme des serpents, le talon de l'Empire.

Mais c'est compter sans la Russie, protectrice des slaves. A Saint-Pétersbourg, capitale de l'Empire russe, règne depuis 30 ans, sur 170 millions d'habitants, le Tsar. L'Empereur Nicolas II, 47 ans. Il a fêté le tricentenaire de sa dynastie dans le faste du clergé orthodoxe, avec à ses côtés la tsarine Alexandra et leur fils, le tsarevitch Alexis et leurs quatre filles, les grandes duchesses Olga, Tatiana, Maria et Anastasia.

La Russie avait perdu en 1905 une guerre contre le Japon et vécu une première révolution. Depuis, l'économie du pays s'était améliorée, malgré le poids des dépenses militaires. Début juillet 1914, alors que se trament les malheurs de l'Europe, le tsar part en croisière sur la Baltique, à bord de son yacht.

Malgré cette image de fête et d'insouciance, le tsar vit dans un sentiment d'insécurité. Une menace plane sur la paix. Une menace plane sur sa dynastie.

Son héritier, son seul fils, le tsarevitch Alexis, 10 ans, est hémophile. Son sang ne peut pas se coaguler. La moindre blessure peut lui être fatale.

Sa mère, l'impératrice, pour conjurer ce sort qui la plonge dans la dépression, fait appel à une sorte de moine guérisseur. Rasputin. A l'influence grandissante.

Rasputin fait du bien au tsarevitch, mais se mêle des affaires du tsar. Le Tsarevitch, obsession de ses parents, obtient à force de pleurer de descendre à une escale, avec la permission de ramer, mais pas de se baigner. Le fidèle matelot d'Erevenko, si fort et si rassurant, qui le protège de la mort.

Depuis qu'il marche, le retient toujours. Mais comme tous les petits malades, le Tsarevich est turbulent. Pourra-t-il jamais jouer ?

Aura-t-il seulement le temps de vieillir ? Sa maladie héréditaire provient de son arrière-grand-mère anglaise, la reine Victoria, porteuse du gène fatidique. La reine Victoria était morte en laissant des trônes à ses descendants.

L'Europe des rois et des empereurs est une grande famille. Le souverain britannique George V et le tsar Nicolas II sont cousins et se ressemblent comme des jumeaux. L'empereur allemand Guillaume II est aussi un cousin et même le parrain du tsarevitch.

Dans la famille, la paix devrait régner. Mais dans chaque pays, un fort courant nationaliste voit la guerre comme l'occasion d'en finir avec un rival menaçant. Et l'assassinat de l'héritier du trône d'Autriche, François Ferdinand, est, pour Guillaume II, ce qu'il y a de plus grave, attenté au droit divin de la monarchie.

Guillaume II avait reçu François Ferdinand à la chasse, il était de son monde, et le Kaiser, esprit naïf et impulsif, a un sentiment de sacrilège. Pour Guillaume II, pour ses généraux, pour le chef du gouvernement, le chancelier Bettmann-Holweg, il ne faut rien céder et profiter de l'attentat de Sarajevo pour montrer la détermination allemande. Tous décident de soutenir l'allié autrichien dans son projet d'invasion de la Serbie. Le 6 juillet 1914... La menace de guerre n'empêche pas Guillaume II de partir pour sa croisière d'été sur son yacht, le plus grand de tous.

8000 tonnes, 120 mètres de long. Guillaume II ne croit pas à une généralisation du conflit. Il dit, tout sera réglé en une semaine. Le Tsar ne rentrera pas dans la guerre parce que la Russie n'est pas préparée et son allié, la France, n'a pas d'artillerie lourde. 20 juillet 1914. Le président de la République française, Raymond Poincaré, arrive en Russie.

Poincaré, républicain laïc, soutient sans état d'âme un monarque absolu et religieux comme Nicolas II. Ce voyage, préparé de longue date, tombe bien dans cette crise. Poincaré vient s'assurer de la solidité de l'alliance avec les Russes et de la bonne tenue de leur armée.

Le président français tient des propos mesurés. Il dit, la crise actuelle doit rester localisée à la Serbie. Mais pendant que les dirigeants français se préparent à rentrer, à Paris, le gouvernement a la consigne d'annuler toutes les permissions et de rappeler les généraux en vacances.

Alors que les privilégiés s'initient au bain de mer en oubliant Sarajevo, l'engrenage des alliances s'enclenche inexorablement. Les Autrichiens se préparent. 23 juillet 1914. Le gouvernement de Vienne adresse un ultimatum à Belgrade. Une des clauses est irrecevable.

Laisser la police impériale enquêter en territoire serbe... La Serbie était une province de l'Empire Austro-Hongrois. L'ultimatum autrichien à la Serbie signifie la guerre pour la presse du monde entier.

Le président des États-Unis, le démocrate Woodrow Wilson, 58 ans, intellectuel pacifiste, veut préserver la neutralité américaine. Il dit Je veux tenir les États-Unis en dehors de toute guerre européenne Un journal canadien titre La peur de la guerre Herbert Asquith, le premier ministre anglais, pressant l'escalade vers un conflit d'une nature inconnue. Il dit, nous sommes près de l'apocalypse.

Son ultimatum rejeté, l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie. 28 juillet 1914. Les canons Skoda de l'artillerie autrichienne entrent en action contre Belgrade. La Russie, dans sa logique d'alliance avec la Serbie, envoie des troupes à la frontière austro-hongroise. 30 juillet 1914. Guillaume II écourte sa croisière.

Le Kaiser débarque avec son basset qui le précède partout. Dans sa logique d'alliance avec l'Autriche, il envoie un ultimatum à son cousin Nicolas II en le sommant de retirer ses troupes de la frontière autrichienne. Nicolas II, au contraire, mobilise.

Il écrit à son cousin et allié, le roi d'Angleterre, George V. Je ne sais pas ce qui va se passer. L'Autriche s'engage dans une guerre imprudente qui pourrait devenir un conflit généralisé. Sans réponse de Nicolas II à son ultimatum, Guillaume II hésite, parle de sauver la paix. Mais autour de lui, militaires et industriels le poussent vers la guerre, en faisant porter par la Russie la responsabilité de l'extension du conflit.

1er août 1914, l'Allemagne mobilise et déclare la guerre à la Russie. Les jeunes recrues de l'armée allemande font connaissance avec le pactage de l'infanterie, contenant surtout l'indispensable, des chaussettes d'orchang. Tout juste sortis de l'enfance, ils se voient confier une baïonnette, si dangereuse. Et, symbole de cette armée allemande, l'étrange casque à pointe pour protéger des coups de sabre. Beaucoup sont heureux de défendre leur patrie menacée, comme le futur écrivain Ernst Jünger, qui dit alors Nous avions quitté les salles de cours où les établis, et les premières semaines d'instruction nous avaient fondu en un grand corps brûlant d'enthousiasme.

A Saint-Pétersbourg, les Russes, désormais en guerre, chantent l'hymne impérial qui commence par Dieu protège le Tsar L'ambassadeur de France est là. Il écrit Le Tsar est saisi par l'émotion. Son peuple l'investit d'une mission divine. Il est le souverain absolu des corps et des âmes. La tsarine apparaît.

D'origine allemande, elle s'inquiète. Son frère va combattre dans les rangs de l'ennemi. Rasputin écrit à Nicolas II. Avec la guerre viendra la fin de la Russie et de vous-même.

Et vous perdrez jusqu'au dernier homme. Sous-titrage Société Radio Dans un dernier moment d'insouciance, les Parisiens s'intéressent à l'arrivée du Tour de France. Partis le jour de l'attentat de Sarajevo, les géants de la route ont parcouru 5400 kilomètres en un mois et ils arrivent juste avant que les gens ne se débrouillent. que la guerre n'arrête le Tour pour 4 ans. Le vainqueur est le champion belge Philippe Tisse de l'équipe Peugeot.

1er août 1914. Les Halles de Paris, le ventre de la capitale, son cœur populaire, se réveillent en deuil. Tout près d'ici, Jean Jaurès vient d'être assassiné par un ultra-nationaliste. La plus grande figure du pacifisme avait tenté de convaincre les ouvriers allemands de refuser d'aller se battre.

Il avait prédit. Au moment où nous sommes menacés de meurtre et de sauvagerie, il n'y a plus qu'une chance pour le maintien de la paix. C'est que le prolétariat rassemble ses forces.

Français, anglais, allemands, italiens, russes. Demandons à ces millions d'hommes de s'unir pour écarter l'horrible cauchemar. 2 août 1914. L'ordre de mobilisation générale est placardé dans toute la France.

En vacances en Bretagne, un étudiant en médecine, Louis Mofray, raconte. C'est une belle fin d'après-midi d'été. J'entends la petite cloche de la cathédrale.

Elle teinte à un rythme inhabituel, précipité. Tout le monde s'arrête. On a compris. Les femmes pleurent, les hommes, figés, regardent, hébétés, le clocher, sans rien dire. C'est le toxin.

Au loin, on peut entendre, en écho, le toxin du vivier. Celui du Mondol, de Carfentin ou de Baguère-Morvan, c'est poignant. Les parisiens, le 3 août 1914, apprennent que l'Allemagne a déclaré la guerre à la France parce qu'elle est l'alliée de la Russie. C'est aussi le jour de l'enterrement de Jaurès et avec lui, du pacifisme.

Les ouvriers français, allemands ou russes, se rallient à la défense de leur patrie. En France, Poincaré baptise Union sacrée ce triomphe des forces nationalistes. 3 millions de français sont mobilisés, après 5 millions de russes.

4 millions d'Allemands, 2 millions d'Autrichiens. Sur ces hommes qui partent, Stephen Zweig écrit En 1914, après un demi-siècle de paix, que savait-il de la guerre ? Il ne la connaissait pas. Elle était une légende héroïque et romantique. On la voyait comme dans les livres d'école et les grands tableaux des musées.

Des blouissants, des rues, des rues de la guerre. Des rues de la guerre. attaques de cavaliers en uniforme resplendissant une foudroyante marche à la victoire sans beaucoup de victimes une aventure sauvage et viril une expérience aussi merveilleuse et excitante et c'est pourquoi il chantait et poussait des cris de joie dans les trains qui les menait à l'abattoir S'ils ne sont pas heureux, ils préfèrent ne pas le montrer. L'agriculteur toulousain Henri Desperrières dit Toute tristesse était bannie, nous voulions crâner devant la population.

De l'empire colonial français, ceux qui sont appelés alors les indigènes, Et la légion étrangère part d'Alger ou de Dakar. Sur des bateaux presque aussi chargés que les négriers d'antan, ils affrontent, résignés, dansant pour la caméra, la traverser vers un monde dont ils n'ont aucune idée. Dans une villa près de Paris, la famille Ferrari est face à la réalité de la guerre.

Les hommes sont mobilisés, comme tous les français, de 20 à 48 ans. Dans la roseraie, Jacqueline pense que René reviendra vite. Les roses n'auront pas le temps de faner que la guerre sera finie.

Les paysans qui partent défendre leur terre pensent rentrer avant la fin de la moisson. 3 août 1914. Les allemands attaquent. Ils misent sur une victoire fulgurante, une guerre courte. Leur plan, le plan Schlieffen, du nom du général allemand qui l'a conçu, consiste à passer à travers le Luxembourg et la Belgique avant que les Russes attaquent à l'Est et obligent les Allemands à se battre sur deux fronts.

La violation de la neutralité de la Belgique, créée après la défaite de Napoléon pour servir d'état tampon entre le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne, entraîne une réaction immédiate de Londres. L'Angleterre déclare la guerre à l'Allemagne. 4 août 1914. A Londres, au balcon de son palais, le roi George V dit... C'est une grande catastrophe, mais ce n'est pas de notre faute. Prions Dieu que ce soit bientôt fini.

L'état-major allemand estime que les Anglais n'auront même pas le temps d'arriver sur le continent. L'affaire belge ne devrait pas traîner. Les Belges tiennent bon.

Ils ont un roi indomptable. Albert Ier, qui dit à son peuple, un pays qui se défend ne meurt pas. Les Belges ont des trains blindés et de puissants forts qui protègent les villes. Pour les Allemands, c'est une mauvaise surprise.

ils perdent des jours sur leur plan de guerre. Ils doivent, pour écraser l'effort, amener d'énormes obusiers croupes qui tirent des projectiles de 900 kilos. Alors les Belges rendent leur voie ferrée inutilisable en précipitant leur propre train les uns contre les autres, contraignant les Allemands à de longues réparations.

Pendant que les Allemands piétinent en Belgique, que les Russes préparent leur offensive, les Austro-Hongrois, qui disaient punir la Serbie en une semaine, s'enlisent. Les Serbes se révèlent de redoutables combattants. En 15 jours, les Autrichiens ont déjà 25 000 morts. Et les Serbes célèbrent leur victoire provisoire. Tout ceci donne le temps à l'Empire britannique de se mobiliser.

La première marine du monde va entrer en action, avec à sa tête, déjà, un jeune ministre appelé Winston Churchill. La Grande-Bretagne, qui n'a pas de service militaire obligatoire, a besoin de volontaires. Ils sont galvanisés par la guerre. Une célèbre affiche où le maréchal Kitchener, héros de la conquête de l'Afrique, proclame Votre pays a besoin de vous ce que crient aussi les sergents recruteurs.

La petite armée anglaise de 100 000 hommes devient un corps expéditionnaire d'un million de soldats auquel va se joindre le réservoir de l'Empire. Au Québec, en s'engageant, ils embrassent les Saintes Écritures et font leur prière en pensant au long voyage qui les attend. Ces départs inspireront plus tard un touchant personnage de roman. Le cheval de guerre de Michael Morpurgo qui raconte l'odyssée de Joey, le cheval de ferme. Le cheval Joey qui parle et qui dit Ils m'ont pris parce que j'étais beau, que j'avais une encolure solide, pour porter des cavaliers téméraires ou tirer des canons puissants.

10 millions de chevaux serviront l'Empire britannique, venant même d'Australie ou de Nouvelle-Zélande, pour souffrir et mourir, comme les hommes. Aucun d'eux n'imagine ce qui les attend. Nombreux sont les chevaux qui n'ont jamais été montés.

Joey, le cheval de guerre, dit avec confiance. Les soldats de sa majesté qui vont en France et en Belgique avec nous, débordent d'optimisme, comme s'ils embarquaient pour un grand pique-nique. Joey et ses cavaliers se rendent vite compte de la réalité de la guerre. Les premières blessures, les premiers prisonniers allemands et les Belges, si courageux, jusqu'au bout de leurs forces. Les français aussi ont un plan.

Le plan 17, résolument offensif. Reconquérir l'Alsace et la Lorraine. Foncer sur Berlin.

Premier objectif, Mulhouse. 7 août 1914. Les français prennent Mulhouse. Cette entrée en fanfare est mise en scène pour le cinématographe avec les enfants des écoles, les bouquets de fleurs et la ferveur patriotique en costume traditionnel. L'armée française d'août 14, c'est surtout l'infanterie, formée en gros bataillons comme sous Napoléon, avec un uniforme inadapté à la guerre moderne, des pantalons rouges dangereusement voyants et pas de casque. Les soldats étouffent sous leur capote de grosse laine, un supplice en ce mois d'août.

Ils sont chargés d'un lourd pactage et portent le fameux fusil Lebel qui pèse 5 kg. Mais ce Lebel, comme le Mauser allemand ou le Lee-Enfield anglais, a une puissance de feu jusque-là inconnue. Un tir à répétition, une portée de 400 mètres, ce qui rend archaïque et criminel les charges à la baïonnette en rang serré.

Ces doctrines de l'école de guerre vont coûter des centaines de milliers de vies humaines. Trois jours après ces prises de vue, les soldats français sont chassés de Mulhouse par les soldats français. Les allemands qui vont ensuite tirer sur la foule, accusés d'avoir commis des actes hostiles à l'encontre des soldats du Kaiser.

En Belgique, les allemands montrent aussi qu'ils sont capables de représailles. Ils ont peur des francs-tireurs. Ils perdent vite leur sang-froid. Quand ils pensent avoir capturé des tireurs embusqués, ils les fusillent.

Comme tous les soldats du monde, l'alcool leur fait colporter des fables, comme celle d'un de leurs soldats poignardé par un curé belge. La peur de l'envahisseur fait s'enfuir des milliers de civils. Belges, Français et Anglais accusent ceux qu'ils appellent les Boches de violer, couper les seins des femmes et les mains des enfants.

20 août 1914. Le général von Moltke prend Bruxelles et dit Notre avancée en Belgique est sans doute brutale, mais nous luttons pour notre existence et tous ceux qui se mettent en travers de notre route doivent en assumer les conséquences. Les Allemands s'acharnent sur les monuments historiques, incendient l'université de Louvain. dévaste cette ville appelée jusque là l'Oxford belge et sa bibliothèque irremplaçable.

Après seulement trois semaines de guerre une haine indescriptible s'empare de tous les belligérants ainsi qu'en témoignera un cavalier français venu se battre en Belgique. J'entre dans une maison, je monte à l'étage, je découvre un cochon d'allemand qui fait ses besoins dans un tiroir de dentelle. Je tire, il meurt dans son fumier.

Tout est saccagé, les plus bas instincts se réveillent chez ces germains amis de la musique. A l'est, contrairement aux prévisions, les russes ont passé la frontière de l'Empire et sont entrées en Prusse orientale. Et les allemands, à leur tour, fuient ce qu'ils appellent le rouleau compresseur russe.

22 août 1914. Ces réfugiés allemands, dans leur panique, parlent eux aussi de destruction et de pillage. Le peuple a peur, le peuple doute. Le Kaiser, Guillaume II, passe de l'abattement à l'excitation guerrière. Sa paranoïa s'aggrave.

Il répète. L'Angleterre, la France et la Russie se sont concertés pour faire contre nous une guerre d'extermination. Mais les Allemands sont confiants.

Ils viennent de remporter deux grandes victoires à Mons et Charleroi et ont fait des milliers de prisonniers. Les Français ont eu 27 000 morts le seul 22 août 1914, la journée la plus meurtrière de toute l'histoire militaire de la France. L'armée allemande marche sur Paris.

Même s'il a pris du retard, le plan Schlieffen est en passe de réussir. Le gouvernement français a quitté la capitale. Les allemands ne sont plus qu'à 50 kilomètres de Paris. La victoire est proche.

Musique