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La Conscription Canadienne pendant la Deuxième Guerre Mondiale

Le 3 Septembre 1939, on apprend par le biais de la radio, des journaux et de la rumeur générale que la France et l’Angleterre viennent de déclarer la guerre à l’Allemagne nazie. Tout le monde se préparait depuis un moment à cette nouvelle, Hitler, le chef du Troisième Reich, ayant déjà manifesté des visées expansionnistes, en annexant, en 1938, l’Autriche et les territoires des Sudètes qui appartenaient jusque-là à la Tchécoslovaquie. Mais ce n’était pas suffisant pour lui : le 1er Septembre 1939, il envahit la Pologne. Hitler et Staline, le Secrétaire général de l’URSS, s’étaient entendus, quelques jours plus tôt, pour conclure un pacte de non-agression et pour se partager la Pologne. Cette fois, c’en était trop : l’Europe venait d’entrer en guerre. Contrairement au premier conflit mondial, où le Canada a été entrainé de facto dans la guerre parce qu’il était considéré comme une colonie de l’Empire Britannique, là, depuis 1931, le pays est indépendant, on a donc le choix de prendre part au conflit, ou pas. Le gouvernement de Mackenzie King choisira la première option. Le 10 Septembre 1939, le Canada déclarait, à son tour, la guerre. Mais qui allaient devoir se battre en territoire Européen : des soldats ayant choisis ce métier ou des gens ordinaires, comme vous et moi? À l’Histoire nous le dira, place à l’histoire de la conscription Canadienne lors de la Deuxième Guerre mondiale! Quand le Canada déclare la guerre à l’Allemagne, le premier ministre Mackenzie King promet que seuls les volontaires participeront au conflit. Or, l’armée Canadienne ne compte alors que 4500 soldats, en plus de réservistes peu entraînés. Le défi sera donc de trouver des hommes qui acceptent de s’engager volontairement. Des publicités encouragent les gens à s’enrôler et ça fonctionne. En un mois à peine, près de 60 000 Canadiens vont s’enrôler. Les premières troupes Canadiennes partiront peu de temps après vers la Grande-Bretagne. Mais plus les mois passent, plus la situation en Europe empire pour les alliés. Dès le printemps 1940, l’Allemagne conquiert plusieurs pays dont la Norvège, la Belgique, les Pays Bas et en Juin, c’est au tour de la France d’être occupée. Bientôt, l’Italie et le Japon signeront un pacte avec les Nazis, pour former ce qu’on appelle l’alliance de l’Axe. Les États-Unis ne sont pas encore entrés en guerre et l’URSS est toujours liée à l’Allemagne en raison du pacte Germano-soviétique. C’est seulement en Juin 1941, après qu’Hitler ait décidé de l’attaquer, que Staline se rangera du côté des Alliés. La pression est donc grande sur le Canada pour qu’il envoie davantage de soldats. Alors qu’en Septembre 1939, Mackenzie King avait promis de ne mobiliser que les volontaires, en Juin 1940, la Loi sur la mobilisation des ressources nationales est adoptée par le Parlement et impose l’enregistrement de tous les Canadiens, hommes et femmes, de plus de 16 ans. Chacun devait soumettre son expérience professionnelle et la liste de ses aptitudes pouvant éventuellement servir l’effort de guerre. On promet toutefois que les inscrits ne seront pas obligés d’aller se battre en Europe. Comme la priorité est donnée aux jeunes hommes célibataires, dont on annonce la mobilisation dès le 12 Juillet, qu’est-ce vous pensez que vont faire des milliers de personnes ? Ils vont se marier. Mais là y a pas de temps à perdre : les gens ont trois jours seulement pour s’inscrire. Donc 3 jours pour tout organiser! Disons que c’était pas le temps de chercher la robe et le costume de tes rêves, ce qu’il fallait, c’était de se faire passer la bague au doigt au plus vite, et de se trouver une blonde ou un chum, si c’était pas déjà fait. Donc du 12 au 15 Juillet 1940, des dizaines et des dizaines de mariages sont célébrés à travers le pays et comme on n’avait pas le temps d’attendre que l’autre couple sorte de l’église pour se marier, on va organiser des grandes cérémonies communes, dont une au parc Jarry à Montréal, où seront mariés des centaines de couples à la fois. Il est même arrivé que des gens se marient par téléphone, parce que les deux époux se trouvaient dans deux régions différentes. Mais disons que le bec qui venait sceller la cérémonie n’était peut-être pas aussi le fun, non? Pas sûr. D’autres personnes vont user de stratégies différentes que le mariage pour ne pas avoir à s’inscrire au registre. Plusieurs vont se cacher dans les bois ou dans des sous-sols d’immeubles, d’autres vont même aller jusqu’à se mutiler : Quand t’es prêt à te couper un doigt ou un orteil, c’est que tu ne veux vraiment pas aller à la guerre. Alors qu’au Canada anglais, une majorité de la population appuie l’enregistrement national, voire même une éventuelle conscription, au Québec, c’est pas mal différent. Bien des francophones considèrent que le conflit est avant tout Britannique. Or, les liens qui les unissent à la Grande-Bretagne sont beaucoup moins forts que ceux des Canadiens anglais. Plusieurs politiciens canadiens français, dont le maire de Montréal, Camillien Houde, vont se déclarer contre l’enregistrement national. Non seulement se dit-il contre la mesure, mais il incite les concitoyens à désobéir à la loi fédérale. Le gouvernement d’Ottawa prendra les grands moyens pour le faire taire. Le 6 Août 1940, il va être arrêté à sa sortie de l’hôtel de ville et envoyé au camp de Petawawa en Ontario, puis dans un autre camp dans les Maritimes. En tout, il aura passé quatre ans en détention. À sa libération, en Août 1944, il sera accueilli en héros par des milliers de personnes à la gare Windsor, à Montréal. Pour bon nombre de Canadiens français, Camillien Houde avait eu le courage de ses convictions, des convictions qu’ils partageaient aussi. Porté par cette vague de sympathie, il sera réélu l’automne suivant et demeurera maire de la métropole jusqu’en 1954. Camillien Houde n’est pas le seul à avoir été interné pendant la guerre au Québec et au Canada. Un bon nombre d’immigrants Italiens, Japonais et Allemands l’ont aussi été, souvent simplement parce qu’ils avaient la malchance de provenir d’un pays ennemi des Alliés. De nombreux camps d’internement ont existé au pays. Mais l’enregistrement national, c’est pas la conscription. La conscription, c’est l’enrôlement militaire obligatoire pour servir outre-mer. Ça veut dire que si ton gouvernement décrète que tous les adultes en bonne santé devront porter l’uniforme de soldat et partir à la guerre en cas de besoin, ben t’as pas le choix, tu dois te plier à la loi. Or, Mackenzie King avait promis au début de la guerre, vous vous en souvenez?, que personne ne serait envoyé de force au combat, eh ben il va changer son fusil d’épaule et décider de tenir un référendum, en Avril 1942, dans lequel il demandait aux Canadiens s’ils accepteraient de le libérer de sa promesse de ne pas obliger les gens à faire leur service militaire. Au Québec, l’organisation s’organise au sein des troupes nationalistes. Des gens influents comme le journaliste et futur politicien André Laurendeau, le directeur du journal Le Devoir, Georges Pelletier, et l’avocat et futur maire de Montréal, Jean Drapeau fondent un mouvement anti-conscription : la Ligue pour la défense du Canada. Sur plusieurs tribunes, à la radio, dans les journaux ou lors des assemblées, ils invitent les Canadiens français à refuser de libérer Mackenzie King de sa promesse. Et vous savez quoi? Ca va marcher. Alors que dans les autres provinces Canadiennes, près de 80% des gens appuient le gouvernement lors du référendum, au Québec, 72% refusent, dont 85% des francophones. Donc encore une fois, comme lors de la Première Guerre mondiale, il y avait un net clivage linguistique. Les Canadiens français sont en majorité contre la conscription. Même s’il adopte la loi, et que les déserteurs seront traqués par la police militaire, Mackenzie King va choisir de repousser l’entrée en vigueur de la mesure, afin de ne pas se mettre à dos le Québec. En fait, ce ne sera qu’à la fin de l’année 1944, que le premier ministre autorisera l’envoi en Europe d’un premier contingent de conscrits. 13 000 Canadiens vont partir pour la Grande-Bretagne, dont bon nombre de Canadiens français. Il faudrait cependant pas croire que les Canadiens français ont tous désertés, loin de là. Le nombre de déserteurs est peu élevé. Plusieurs francophones ont participé aux grandes batailles comme celle de Dieppe, où beaucoup perdront la vie, mais aussi à la campagne d’Italie, ou au débarquement de Normandie et à la libération de l’Europe. On évalue la participation du Canada français à la Deuxième Guerre mondiale à 19 % de l'effectif militaire, soit plus de 100 000 hommes et femmes. Des régiments comme le Royal 22e, les Fusilliers Mont-Royal, le régiment Maisonneuve et le régiment de la Chaudière étaient francophones, bien que des Canadiens français ont aussi été mobilisés au sein de régiments anglophones. Plusieurs soldats se sont d’ailleurs illustrés dans certaines batailles, devenant de véritables héros de guerre, comme Léo Major, du régiment de la Chaudière, qui a entre autres réussi, à lui seul et en une seule nuit, celle du 13 Avril 1945, à libérer la ville de Zwolle aux Pays-Bas du joug Allemand. Les soldats allemands avaient fui, croyant qu’une troupe entière était en train de tirer dans les rues de la ville, alors que Léo Major était seul. Toute une histoire rocambolesque, digne d’un film d’Hollywood mais une rue, au moins, porte son nom à Zwolle. En tout, plus d’un million de Canadiens ont servi dans l'armée au cours de la Deuxième Guerre mondiale. 40 000 d’entre eux y ont laissé leur vie et 55 000 ont été blessés. Sur la scène internationale, les décès se chiffrent à 50 millions de personnes, ce qui en fait le plus grand conflit militaire de l’histoire. Cela dit, bien qu’énormes, les pertes en vie humaine au Canada ont été moins nombreuses que lors de la Première Guerre mondiale. Mais l’effort de guerre ne se résume pas à des batailles au front. Le rôle du Canada fut aussi d’envoyer des vivres à l’étranger pour nourrir les soldats, ainsi que de produire de l’équipement et de l’armement pour venir en aide. L’Arsenal de Québec est mis à profit entre autres et produit des millions de munitions pendant ce conflit. L’industrie des produits chimiques fabrique des explosifs pendant la guerre, notamment à Shawinigan, le plus grand centre de production. Les secteurs aéronautique, navale ainsi que ceux des produits du fer et de l’acier joueront un rôle déterminant. Et tout le monde est mis à contribution : les hommes, tout comme les femmes qui seront plus nombreuses que jamais à travailler dans les manufactures et usines de production d’armes ou du secteur aéronautique, de même que comme infirmières au front. D’ailleurs, un bon nombre d’entre elles vont y prendre goût et ne souhaiteront pas retourner comme femmes au foyer après la guerre. Bref, de 1939 à 1945, la Deuxième Guerre mondiale a transformé le Québec et le Canada mais aussi voit naître, par la suite, une période de grands changements sociaux et économiques, précurseurs de la future Révolution tranquille des années 1960. Allez, c’est fini pour aujourd’hui, j’espère que ça vous a plu. Merci à Myriam Voychik qui a rédigé la présente vidéo. Si ça vous a plu, ben dites-le-nous, faîtes un commentaire, faîtes n pouce par en l’air, abonnez-vous, faites tout ce que vous pouvez, partagez là, j’ai pas besoin de vous le dire, vous le savez si vous vous êtes rendus jusqu’ici. Allez, je suis Laurent Turcot et je vous dis à la prochaine, bye!