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Créativité poétique et émancipation chez Rimbaud

Imaginez que vous avez ce sujet le jour du bac. En quoi peut-on dire que la créativité poétique est émancipatrice dans les cahiers de douai de Rimbaud ? comment répondre parfaitement à un tel sujet. Dans cette vidéo, je vais vous guider pas à pas pour analyser le sujet et concevoir chaque partie de la dissertation en suivant les étapes de ma méthodologie. Vous pouvez retrouver ma méthode expliquée en détail et appliquée à de nombreux exemples dans l'ouvrage « Anabac et Médiaclasse » paru chez Atier. Et pour ceux qui sont dans la confidence, rendez-vous sur mon site Médiaclasse pour retrouver les œuvres littéraires les plus étudiées, avec les explications linéaires et les dissertations les plus probables, en vidéo. podcasts, documents rédigés et fiches téléchargeables. Et si vous décidez de soutenir ce projet culturel si spécial, vous accéderez à toute ma bibliothèque pour le prix d'un livre de poche. Pour analyser le sujet, deux étapes. Définir les termes clés et délimiter le sujet. Pour les termes clés, on recherche d'abord ceux liés à l'objet d'étude, puis ceux liés au parcours associé. Termes liés à l'objet d'étude, la poésie du XIXe siècle au XXIe siècle. On parle de créativité poétique, le fait que Rimbaud invente et renouvelle des formes poétiques. C'est parfait. Ensuite, les termes liés au parcours associé, émancipation créatrice. On retrouve bien l'idée dans ce sujet que la création et l'émancipation sont liées. L'émancipation, c'est une liberté conquise, qui mène à une véritable indépendance. Maintenant, la délimitation de sujet. C'est la formule interrogative « en quoi » qui invite à illustrer les propos du sujet avec un plan thématique. On va donc rester dans ce cadre, la créativité poétique chez Rimbaud toujours émancipatrice. On ne contredira pas cela. Maintenant qu'on a défini les termes importants, on est capable de reformuler le sujet de différentes manières. Par exemple, comment la poésie de Rimbaud participe-t-elle à une véritable quête de liberté et d'indépendance ? Par le renouvellement, les innovations, la créativité poétique qu'elle propose. Comment faire le plan ? Pour éviter le plan catalogue qui est le piège du plan thématique, on va proposer une première réponse évidente pour ensuite la nuancer. On revient sur une logique dialectique afin d'être sûr de suivre un véritable raisonnement. Je propose par exemple, certes, la poésie de Rimbaud est émancipatrice, parce qu'elle exprime une révolte contre l'ordre établi, l'ordre politique et social du second empire, avec un regard satirique et souvent ironique. Mais ensuite, on peut nuancer et déborder cette question, en disant que bien souvent, Rimbaud porte un regard d'autodérision sur lui-même, sur l'adolescent qu'il est, et sur les poètes. Il refuse le sublime pour revendiquer une certaine simplicité. Enfin, en troisième partie, je conseille souvent de revenir au projet littéraire de l'auteur, sa manière d'interroger son propre art. Rimbaud interroge sans cesse le pouvoir de la poésie. Sa création est libératrice parce qu'elle explore des horizons inconnus. C'est une poésie qui est déjà prométhéenne, c'est-à-dire que le poète est comparable à Prométhée, celui qui vole le feu aux dieux pour le donner aux hommes dans la mythologie antique. C'est aussi une poésie qui annonce le poète voyant. Le dérèglement de tous les sens lui permettra de devenir le suprême savant. C'est bien un projet émancipateur ! Nous avons donc maintenant notre problématique et notre plan. Je vous propose d'élaborer ensemble les différentes étapes de l'introduction. Nous avons d'abord besoin d'une accroche qui évoque l'évolution de l'écriture de Rimbaud, et en même temps son émancipation. Le jeune Arthur Rimbaud, exaspéré par l'ordre étouffant de sa ville natale, Charleville-Mézières, décide de partir sur les routes. Il écrit « Sensation au futur » « J'irai loin, bien loin » C'est-à-dire plus loin que les autres poètes. Quelques mois plus tard, il parle déjà de cette expérience au passé dans « Ma Bohème » Ces fugues ont définitivement changé sa poésie et son regard sur le monde. On peut imaginer d'autres accroches qui fonctionneront tout aussi bien. Par exemple, mentionner le fait que Rimbaud demande à Paul de Méni de brûler ses deux cahiers, ayant estimé que sa poésie passait un nouveau cap. Avec cette simple accroche, la présentation du recueil est naturellement liée au terme du sujet. Les deux cahiers de Douai rédigés dans cet intervalle représentent bien à la fois une aventure créative et l'histoire d'une émancipation, c'est-à-dire d'une conquête de liberté et d'indépendance. La problématique s'impose comme une évidence, et on s'en rend compte notamment en utilisant une formule indirecte. Dès lors, nous pouvons nous demander comment la poésie de Rimbaud dans les cahiers de Douai traduit un véritable acte d'émancipation par sa créativité exceptionnelle. En ajoutant des liens logiques , l'annonce du plan se présente comme un véritable raisonnement qui répond à la problématique. D'abord, Rimbaud utilise la poésie comme moyen d'émancipation en remettant en cause l'ordre dominant. Mais il exerce cette ironie également sur le poète adolescent qu'il est, faisant ainsi évoluer son écriture. Enfin, ses deux cahiers de douai sont émancipateurs parce qu'il prépare déjà la figure du poète voyant, voleur de feu, en pleine possession de sa liberté créatrice. L'introduction est maintenant parfaitement rédigée. Je vous invite à jeter toutes vos idées dans un premier brouillon avant d'organiser vos arguments et exemples. Je vais vous proposer un plan détaillé en trois parties et trois sous-parties, avec de nombreuses citations, mais vous n'êtes pas obligé d'en faire autant. Votre raisonnement suit bien trois étapes, mais peut tout à fait se développer en deux parties. On commence par l'idée la plus évidente, Rimbaud remet en cause l'ordre social. On le voit bien par exemple dans le poème « À la musique » où il représente la place de la gare de Charleville. La fanfare militaire au centre, et plus on s'éloigne, plus les classes sociales sont basses. Au passage, il caricature tout le monde. L'orchestre militaire au milieu du jardin balance ses chacaux dans la valse des fifres. Autour, au premier rang, parade le gandin, le notaire pente à ses breloques à chiffres. On lit maintenant les idées en allant un peu plus loin, et en disant que ce n'est pas tout de constater un ordre social écrasant et ridicule, Rimbaud donne bientôt la parole au peuple et aux opprimés, ce sera notre deuxième idée. Par exemple, dans Le Forgeron, Rimbaud détourne un épisode historique célèbre de la Révolution française. Le jour anniversaire du serment du jeu de paume, aux Tuileries, un boucher aurait demandé à Louis XVI de porter la cocarde et de boire à la santé de la France. Rimbaud remplace ce boucher par un forgeron, personnage créatif capable de forger des armes exactement comme le poète, qui montre le peuple, décrit leurs souffrances et leur désir de s'exprimer. On les insulte, alors ils ont là quelque chose qui leur fait mal aller, c'est terrible, et ces causes que se sentant brisées, que se sentant damnées, ils viennent maintenant hurler sous votre nez. On va lier cela à une troisième idée pour bien répondre à notre sujet. Rimbaud invente une parole originale, il renouvelle des motifs, pour dénoncer notamment la guerre. Il vise bien sûr en premier lieu la guerre que Napoléon III a déclarée à la Prusse. Napoléon III apparaît dans de nombreux poèmes, comme « L'éclatante victoire de Sarrebruque » ou « Rage de César » . Dans le poème Le Mal, il va un peu plus loin encore dans la dénonciation, en montrant que, bien souvent, la religion est utilisée comme prétexte pour justifier la guerre. D'une manière particulièrement créative, Rimbaud fait un double tableau, ce qu'on appelle un diptyque. D'un côté, premier tableau, un champ de bataille avec les rois qui se moquent de leurs soldats mourants. C'est d'ailleurs une réécriture originale de la célèbre boucherie héroïque dans Candide de Voltaire. Et de l'autre, un dieu cupide qui s'enrichit en prenant tout aux veuves, qui n'ont même plus de mouchoir pour pleurer. On peut maintenant faire une transition vers la deuxième partie. Certes, Rimbaud dénonce d'une manière créative et originale un ordre social écrasant, mais il tourne aussi ce regard ironique sur lui-même et sur les poètes pour trouver sa propre voix, son propre credo. Une première idée qui pourrait aller dans ce sens, c'est de dire que Rimbaud s'adresse à ses aînés. Il écrit une lettre à Théodore de Banville, en espérant être publié dans le célèbre journal Le Parnasse Contemporain. Mais déjà, il montre une certaine autodérision. « Voici que je me suis mis, enfant touché par le doigt de la muse, pardon si c'est banal, à dire mes bonnes croyances. Moi j'appelle cela du printemps. » Le premier poème qu'il envoie à Théodore de Banville, c'est Credo in unam, qu'il renommera ensuite Soleil et chair dans ses cahiers. le dieu du credo chrétien est remplacé ici par une déesse de l'amour et de la nature mais ce poème est encore très influencé par le style très sophistiqué des parnassiens o vénus o déesse je regrette les temps de l'antique jeunesse des satyres lassifs des faunes animaux dieu qui mordait d'amour l'écorce des rameaux Cela va nous permettre de faire une petite transition vers la deuxième idée. Rimbaud abandonne rapidement ce style parnassien. On retrouve par exemple ce double principe, soleil et chair, dans d'autres poèmes, mais plus du tout dans un contexte antique grandiloquent. Dans Au cabaret vert, une servante voluptueuse est une Vénus moderne, celle d'un tableau de genre, d'une grande simplicité, mais déjà riche en symboles. On retrouve le soleil et la chair à travers le jambon rose et le rayon de soleil qui tombe sur sa chope de bière. Du jambon rosé blanc parfumé d'une gousse d'ail Et m'emplit la chope immense avec sa mousse Que dorait un rayon de soleil arriéré Dans ce poème, tout déborde La mousse, les enjambements Cela montre que la fugue, l'errance Sont l'occasion d'une créativité sans précédent On va maintenant lier cette idée à une troisième sous-partie. La poésie de Rimbaud est créative parce qu'elle emprunte au théâtre et au roman. Et on va voir que ce geste est particulièrement émancipateur. Exceptionnellement, on va prendre ici deux exemples. Premier exemple, le théâtre se retrouve dans « Première soirée » qui s'appelait à l'origine « Comédie en trois baisers » . Ces baisers remplacent les répliques d'une petite pièce. C'est une première expérience sensuelle, universelle, sur laquelle le poète porte un regard légèrement ironique. Le titre laisse supposer qu'il y aura bien d'autres soirées. Ce n'est que le début d'une émancipation. Deuxième exemple, roman. Rimbaud s'inspire de Flaubert pour présenter une sorte d'éducation sentimentale qui refuse le sublime. Nous sommes maintenant prêts pour la transition vers la troisième partie. Rimbaud cherche toujours à aller plus loin. Dans ses cahiers de douai, il élabore sa propre poétique. Il reprend la figure du poète voleur de feu et invente celle du poète voyant. Rimbaud commence par remettre en cause les codes esthétiques de son époque. La figure de Vénus dont nous avons déjà parlé devient dans sa Vénus anadiomène une prostituée atteinte d'une maladie vénérienne. Au lieu d'émerger des os , elles peinent à sortir d'une baignoire. Puis le col grasse et gris, les larges omoplates qui saillent, le dos court qui rentre et qui ressort, puis les rondeurs d'airain semblent prendre l'essor. Au premier regard, c'est une scène iconoclaste, mais dans un second temps, on réalise que ce regard très cru est une véritable vision qui dénonce l'absence totale de considération de la société du XIXe siècle pour la condition des femmes les plus misérables. On peut faire un lien avec la deuxième idée. La plupart des poèmes de ces cahiers de Douai sont déjà des visions, dans le sens que Rimbaud donnera à ce mot dans La lettre du voyant. Le personnage d'Ophélie par exemple, c'est une figure féminine, victime des intrigues de pouvoir que Shakespeare décrit dans Hamlet. Devenue folle, elle a succombé à ses visions. Ciel, amour, liberté, quel rêve au pauvre folle ! Tu te fondais à lui comme une neige au feu, tes grandes visions étranglaient ta parole, et l'infini terrible effara ton œil bleu. D'ailleurs, si on veut aller plus loin, elle a probablement inspiré l'image du dormeur du Val, qui est lui aussi une victime des enjeux de pouvoir humain, puisque la guerre n'est rien d'autre que cela. Lui aussi repose pratiquement dans le cours d'eau. La chute, il a deux trous rouges au côté droit, et bien l'invention de Rimbaud. Devenu voyant, il s'émancipe puisqu'il accède à des vérités plus profondes. On peut aller plus loin avec cette même idée, en montrant que dans « Les effarés » , les enfants font aussi une vision, ils voient le bon pain cuir. Le boulanger qui chante et qui sourit, c'est le poète qui transmet cette vision. Alimentant les flammes du four, ce poète est déjà un voleur de feu qui réchauffe l'humanité prisonnière de l'hiver. Faisons maintenant le lien avec notre troisième idée. Non seulement Rimbaud se fait voyant, mais il veut faire de nous des voyants comme lui. On en retrouve un bon exemple dans Le Buffet, un poème à la manière de Baudelaire que Rimbaud admire beaucoup. Voici quelques vers représentatifs de ce poème. C'est là qu'on trouverait les médaillons, les mèches de cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches, dont le parfum se mêle à des parfums de fruits. Le pronom indéfini et le conditionnel « on trouverait » nous invitent à imaginer nous-mêmes la scène. Les cheveux blonds d'un enfant, les cheveux blancs prélevés sur un mort. Les fruits du côté de la vie, les fleurs sèches du côté de la mort. Le buffet évoque des vies humaines entières. Ces portes qui s'ouvrent et bruissent sont comme les pages d'un grand recueil de poèmes. La conclusion, c'est d'abord un bilan qui reprend tout le développement du devoir, mais sans exemple pour répondre précisément à la problématique. On n'ajoute aucune idée nouvelle, tout est évident, on passe à travers des portes qui ont déjà été ouvertes. Pour faire cela, je vous conseille d'étoffer légèrement l'annonce du plan en utilisant si possible le passé composé et des liens logiques de conséquences. En toute simplicité, vous pouvez commencer en mentionnant l'œuvre étudiée par son genre. Ici, c'est un recueil de poèmes. Dans ce recueil de poèmes, Rimbaud fait un véritable acte d'émancipation par la création poétique. D'abord, il exprime sa colère et sa révolte à l'égard de l'ordre établi. Ses poèmes dénoncent l'ordre social du Second Empire, la guerre contre la Prusse, les justifications absurdes de la religion. Mais il porte également ce regard ironique sur le poète adolescent qu'il est lui-même. Par sa démarche poétique, il quitte les sentiers battus et dépasse la simple rébellion adolescente. Enfin, cette démarche créatrice fait émerger une nouvelle méthode. Rimbaud élabore la figure du poète voyant et voleur de feu qu'il exprimera dans sa Lettre du voyant à Paul de Méni le 15 mai 1871. Cette nouvelle liberté acquise à travers l'écriture lui ouvre de nouveaux horizons qu'il explorera dans ses Illuminations et dans Une saison en enfer. Si vous en avez l'occasion et le temps, n'hésitez pas à écrire une petite ouverture. L'astuce, c'est d'insister sur la dernière idée en disant que d'autres artistes se sont posés la même question, mais de façon très différente. Au début du XXe siècle, Apollinaire lui aussi se fait voyant d'une certaine manière, en mêlant des images variées et symboliques. Dans Alcool, la fuite de la vie est comparée à un voyage en train. Les feuilles confoulent, un train qui roule, la vie s'écoule.