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Analyse Économique de l'Irlande

Aujourd'hui, on va essayer de comprendre ce qui s'est passé en Irlande. Et... Et c'est tout, voilà, on va essayer de comprendre ce qui s'est passé en Irlande. Générique. Eh ben, heureusement que tu mets des morceaux de films dans tes intros, parce que sinon, en ce moment, on dirait que t'as plus vraiment d'inspiration. Donc, commençons par un point que j'avais mentionné dans l'épisode 1. Les revenus de la population irlandaise sont bien mieux estimés par le produit national brut, ou le revenu national brut, c'est pareil, plus que par le revenu national brut. Donc, on va commencer par un point que j'avais mentionné dans l'épisode 1. Les revenus de la population irlandaise sont bien mieux estimés par le produit national brut, ou le revenu national brut, c'est pareil, plus que par le revenu national brut. plutôt que le produit intérieur brut. Ah oui, il y avait un hashtag paradis fiscal derrière ça, non ? Exactement. Pour que tu comprennes, on va tout de suite prendre un exemple. En France, la société Gogol, avec 75 de coût de production, réussit à dégager un chiffre d'affaires de 100, ce qui lui permet d'obtenir 25 de profit, qu'elle pourra au choix soit reverser à ses salariés via des primes, soit mettre de côté pour un investissement futur, soit reverser à ses actionnaires. La société Gogol ? C'est pas ta blague la plus subtile quand même ? Bah si justement c'est subtil. Tiens voir ce que c'est que le nombre Gogol, tu verras. Donc, le problème de Gogol c'est que l'état français va réclamer une taxe d'environ 30% sur les profits réalisés en France. Ce qui fait donc 7,5 de profits en moins. Pour éviter ça, l'idée c'est de monter une filiale en Irlande qui bénéficie d'une fiscalité beaucoup plus légère et d'y délocaliser par exemple la division comptable de l'entreprise. Alors, mettons que payer les comptables représente un budget de 5. Et bien on va se retrouver avec la filiale française qui fait 100 de chiffre d'affaires pour 70 de coûts et la filiale irlandaise 0 de chiffre d'affaires et 5 de coûts. Alors pour le moment si j'interprète bien la chose, la filiale irlandaise est carrément déficitaire alors que celle qui est en France fait encore plus de profits qu'avant. Ah bah bonne technique là, il va falloir payer encore plus d'impôts. Oui mais le truc c'est que la filiale comptable irlandaise va facturer son service de comptabilité à la filiale française. Et d'après toi, combien est-ce qu'elle va faire payer son service ? Et bien 5, on vient de dire que ça coûtait 5 de payer les comptables. Allez vas-y, réfléchis un petit peu plus longtemps, je te laisse une deuxième chance. Ah putain, ils vont le facturer 30. Et voilà, en facturant le service de comptabilité à un prix totalement exagéré, les profits réalisés en France ont été transférés en Irlande. La filiale française ne fait plus aucun profit, tandis que celle qui est en Irlande est extrêmement profitable. Comme pour tout à l'heure, l'entreprise... Google fait toujours 25 de profit mais au lieu de payer 30% d'impôts en France, elle n'en paye que 12,5% en Irlande. Ah la vache c'est tout con en fait ! Alors c'est une vision très simplifiée mais grosso modo la logique d'évasion fiscale ou d'optimisation fiscale, c'est comme tu veux, est toujours à la base de filiales domiciliées dans d'autres pays. Et à chaque fois, il s'agit de faire croire que ce transfert d'argent vers cette filiale correspond à un coût et pas à un profit, ce qui permet d'éviter de payer une taxe sur les bénéfices. Ah c't'embrouille ! Mais alors c'est quoi le rapport avec le PIB et le... PNB. Eh bien, si je reprends mon exemple, une fois que les 25 de profit sont arrivés en Irlande et que les 3,1 de taxes ont été payées, l'argent restant va être redistribué aux actionnaires. Alors, entre parenthèses, je sais bien que ça se passe pas toujours comme ça, loin de là, les profits sont pas toujours redistribués aux actionnaires, mais je prends le cas le plus simple. Or, les actionnaires de Gogol ne sont pas irlandais. Enfin, certains le sont peut-être, mais clairement, il doit s'agir d'une minorité. Autrement dit, les 21,9 de profit n'ont fait que transiter par l'Irlande, mais la population irlandaise n'en a presque pas bénéficier. Or quand on calcule le PIB, on tient compte de ces 21,9. Mais théoriquement, cela ne pose pas vraiment de problème parce que si effectivement dans le PIB on tient compte des bénéfices réalisés sur place mais qui quittent le pays, eh bien on ne tient pas compte des bénéfices réalisés à l'étranger mais qui rentrent sur le territoire. Ah ouais parce que les Irlandais sont sûrement aussi actionnaires de boîtes qui ne sont pas localisés en Irlande. Exactement et en général ces flux entrants et sortants se compensent, si bien que PIB et PNB sont presque les mêmes. A la prochaine ! Le PIB correspond à la valeur marchande de ce qui a été produit dans un pays, tandis que le P... NB correspond aux revenus qui ont été perçus par la population. Comme je te l'ai dit, en général, les deux indicateurs sont très proches, mais quand il s'agit de paradis fiscaux, il y a de grandes différences. Voici un tableau qui reprend les écarts entre PIB et PNB des différents pays de la zone euro. Par exemple, on peut voir qu'en Espagne, la population a gagné en 2016 1% de moins que ce que suggérait le PIB. Et pour la France, c'est l'inverse. Les Français ont en réalité gagné 1% de plus que ce que laissait paraître le PIB. Dans l'ensemble, on peut voir que les écarts sont relativement fins. faible. C'est pour On se permet de dire que le PIB par habitant correspond au revenu moyen par habitant. Ok, mais là, il n'y a pas l'Irlande ? C'est parce que j'entretiens un petit peu le suspense. Voilà ce que ça donne si je rajoute l'Irlande et le Luxembourg. Wow ! Donc alors attends, là juste pour être sûr, les mecs qui habitent au Luxembourg ont gagné en 2016 27% de moins que ce qu'on pourrait penser si on regarde le PIB. Exactement, et c'est 19% de moins pour les Irlandais. Ah ouais, c'est ouf ! Et quel rapport avec la crise de l'euro ? Aucun. Hein ? Pourquoi on vient d'expliquer tout ça alors ? Parce que forcément, à un moment donné, tu m'aurais demandé si le fait que l'Irlande ait un paradis fiscal a un rapport avec la crise de l'euro. Maintenant que je t'ai expliqué de quoi il retourne, je vais pouvoir te montrer pourquoi ça n'a rien à voir. Ok, mais alors elle vient d'où la crise irlandaise ? Eh bien... comme pour la Grèce, commençons par faire un petit état des lieux de la situation en Irlande en 2007. Luxembourg exclu, l'Irlande est le plus petit et le plus riche des pays de la zone euro à cette période. Le taux de chômage n'est pas très élevé, 5% seulement, la dette publique y est quasiment inexistante, et le budget de l'État est parfaitement équilibré. Quant au niveau de complexité, il se situe entre celui de la France et de la Belgique, donc franchement rien d'inquiétant. Alors attends, là, avec cet état des lieux, c'est plutôt tout bon, on arrive à la conclusion qu'il ne devrait pas y avoir de crise, non ? On arrive à la conclusion que les finances... et les entreprises n'ont a priori aucune raison de mettre l'Irlande dans le sac des pays risqués en 2007. Et donc a priori aucune raison d'y stopper leurs investissements. Et pourtant, voici un graphique qui reprend les niveaux de dette publique et privée dans le pays. On voit clairement que la dette privée stagne de 2008 à 2013. Comme pour tous les autres pays, c'est au moment où l'investissement privé n'augmente plus que l'État est forcé de prendre le relais. Et ici, la synchronisation est parfaite, la dette publique arrête d'augmenter pile en 2013. Ouais effectivement, là c'est quand même hyper net. Quand il n'y a plus de privé, il y a du public, et quand il n'y a plus de public, il y a du privé. Mais ça vient d'où le ralentissement ? Pourquoi la dette privée s'arrête d'augmenter en 2008 ? Eh bien ça repose en grande partie sur ce graphique. Euh... ouais... C'est quoi les prix de l'immobilier ? Tout à fait, il s'agit d'un indice qui retrace l'évolution du prix de l'immobilier en Irlande par rapport au revenu moyen par habitant. Comme tu peux le voir, les prix s'effondrent complètement en 2007-2008. Et cet effondrement est parfaitement logique puisque la crise des sops Prime prend racide dans une bulle de l'immobilier qui éclate aux États-Unis. Et en fait, cet éclatement s'est propagé sur toute la planète. Les prix de l'immobilier se sont effondrés partout. Mais attends, si ça s'effondre partout en même temps, pourquoi ce serait pire en Irlande qu'ailleurs ? Parce que la bulle est titanesque en Irlande. Voilà ce que ça donne si je rajoute l'évolution des prix aux Etats-Unis, en France et en Espagne, que l'on présente souvent comme le pays qui a connu la bulle de l'immobilier la plus extravagante. Alors on voit bien que la courbe espagnole monte au-dessus de celle de l'Irlande, mais les deux pays sont quand même très similaires. Avec des bulles spéculatives aussi énormes qui éclatent en 2007, les dégâts sont forcément très importants. Dégâts importants, ok, mais enfin toute l'économie d'un pays ne peut pas reposer que sur l'immobilier. Eh bien détrompe-toi, voici un graphique qui montre les emplois par secteur d'activité en Irlande. mis en évidence le secteur de la construction. Comme tu peux le voir, c'est de loin celui qui connaît le plus fort recul au moment de la crise des subprimes. La logique est la suivante, les prix de l'immobilier s'effondrent, les entreprises de construction ne rentrent plus dans leurs frais, les projets sont annulés, les licenciements se multiplient, le chômage augmente, l'activité économique ralentit. Que ce soit la plus grosse baisse, d'accord, mais il y a quand même des secteurs beaucoup plus importants comme le commerce de gros ou les emplois de la fonction publique. Et puis on voit que les emplois disparaissent aussi du côté des secteurs industriels et manufacturiers. Oui, mais pour l'industrie et la manufacture, la tendance était baissière depuis déjà bien avant la crise. C'est facile, entre 2007 et 2010, le secteur de la construction est passé de 271 000 à 121 000 emplois, soit 150 000 emplois en moins. Rapporté aux 3 millions d'irlandais en âge de travailler, ça fait 5%. Maintenant, voici un graphe qui retrace l'évolution du taux de chômage en Irlande. Entre 2007 et 2010, le taux a pris 10 points. La moitié de cette augmentation correspond uniquement aux emplois détruits dans le secteur de la construction. Dit autrement, 50% de l'emploi est détruit dans le secteur de la construction. de la crise économique irlandaise c'est l'effondrement du prix de l'immobilier le reste c'est un ralentissement mondial de l'activité économique dans quasiment tous les secteurs tous les pays et sont confrontés et donc l'irlande n'y échappe pas c'est un truc de fou mais alors la troïka L'Irlande déconnectée des marchés financiers, la crise de l'euro, tout ça c'est lié à la bulle de l'immobilier en fait ? Oui, mais le lien n'est pas encore évident. Parce que la crise de l'euro c'est 2010-2013. Or on voit bien que sur mon graphique, le chômage atteint un maximum en 2010. Et si on regarde le PNB par habitant, c'est un peu le même principe. La crise irlandaise c'est plutôt 2007-2010. Donc la crise irlandaise, c'est la crise des subprimes quoi ? Exactement. Mais alors qu'est-ce que c'est que cet épisode là ? Il n'y a pas de crise de l'euro en Irlande ? On y arrive. Outre la prédominance de son secteur de la construction, l'autre problème de l'Irlande en 2007, ce sont ses banques. Les trois plus grosses banques irlandaises que sont AIB, Bank of Ireland et Anglo-Irish ont des bilans financiers qui, en les cumulant, culminent à 462 milliards d'euros en 2007. Et comme toutes les banques, elles sont très... peu capitalisé, environ 10% du total. Ça veut dire que ces banques cumulent 415 milliards d'euros de dettes à L3. Or, le PNB irlandais est de l'ordre de 165 milliards d'euros en 2007. Autrement dit, il faudrait prélever les revenus de toute la population irlandaise pendant deux ans et demi pour rembourser totalement les dettes des trois plus grosses banques du pays et si tu te rappelles plus que c'est qu'un bilan financier tout est dans cet épisode là ouais mais est ce que c'est si énorme que ça si on prend les états unis par exemple parce que c'est pas le même problème aux us il doit y avoir des banques encore plus grosses, non ? Bien sûr, beaucoup plus grosses, mais le PIB des États-Unis est aussi beaucoup plus important. Si on fait la même comparaison, les dettes cumulées des trois plus grosses banques américaines par rapport au PIB du pays, on ne trouve pas vraiment le même résultat. Quand les Irlandais devraient travailler deux ans et demi pour rembourser les dettes des trois plus grosses banques de leur pays, les Américains, eux, ne devraient travailler que quatre mois. Ah ouais, effectivement. Donc les banques sont super grosses en Irlande par rapport à la taille de l'économie du pays. Ok, je capte. Mais c'est quoi le rapport avec la crise ? Eh bien, si je te mets... se met une très grosse bulle de l'immobilier d'un côté et de très grosses banques de l'autre. Sérieux tu vois pas le rapport ? Les banques ont provoqué la bulle de l'immobilier. Et du coup, qu'est-ce qui se passe quand la bulle éclate ? Les banques sont dans la merde. Tout juste. Les banques irlandaises, en plus d'avoir parié sur les subprimes aux Etats-Unis, ont très largement financé des investissements immobiliers en Irlande. En 2008, puisqu'une grande partie de ces projets font faillite, les banques ne sont pas remboursées. Et même si une partie de ces emprunts correspondait à de la création monétaire, D'un point de vue comptable, il s'agit néanmoins d'une perte. Perte qui ne peut être amortie que par du capital, l'argent des actionnaires. Mais comme les banques sont très peu capitalisées, la possibilité d'amortissement est minime et les pertes sont trop importantes. Donc les banques irlandaises sont en faillite. Encore une fois, si toutes ces histoires de bilan financier et de capital ne sont pas claires, tout est expliqué ici. Mais alors attends, les banques font faillite à quel moment ? Bah ça se fait progressivement, mais ça démarre dès 2008. Ok, mais alors du coup c'est quoi le lien avec la crise de l'euro là ? La Troïka qui vient aider l'Irlande c'est novembre 2010, non ? Et puis l'Europe n'est pas venue aider les banques irlandaises, elle est venue aider le gouvernement irlandais. Mais d'ailleurs, qu'est-ce que tu veux dire par la faillite des banques a démarré en 2008 ? Ça s'est terminé quand cette histoire ? En 2010 justement. Mais en fait, les banques n'ont pas fait faillite. C'est bon, je crois que j'ai compris. Alors j'ai une théorie. L'État irlandais s'endetter progressivement pour sauver ses banques et quand l'opération a pris fin en 2010, la dette publique était devenue tellement énorme que les marchés financiers ont coupé les vivres au pays. Et c'est ça qui a déclenché l'intervention de la Troïka. Bien vu mon cher Watson ! Alors on va préciser un petit peu tout ça. Voici un graphique qui te montre l'évolution entre 1999 et 2016 des différents postes de dépenses du gouvernement irlandais en pourcentage du PIB. Est-ce que tu peux me dire s'il y a quelque chose qui te semble anormal ? Ouais, bah là c'est assez visible, il y a deux grosses bosses. Donc ce sont les... dépenses publiques rattachées aux affaires économiques et la sécurité sociale. Et bien voilà tout est là. En cumulant les dépenses matérialisées par ces bosses par rapport à la moyenne avant la crise, on obtient une dépense de 55 milliards pour les affaires économiques et de 65 milliards pour la sécurité sociale. Il s'agit d'aider les travailleurs licenciés ou en difficulté, qui pour la moitié d'entre eux travaillaient dans le secteur de la construction, avant que la bulle de l'immobilier n'éclate. Donc en additionnant tout ça, on obtient une dette publique qui augmente de 120 milliards sur quelques années, là où l'Irlande faisait auparavant figure de référence, avec une dette publique inférieure à 50 milliards. Comme tu peux le voir sur ce graphique, la dette publique irlandaise explose à partir de 2008. Ouais mais hé ! Tu viens de me parler d'une hausse de 120 milliards, mais là, sur ton graphique, on voit que c'est plus, c'est plutôt 150 milliards. Et oui, mais en plus de tout ça, le PIB, c'est-à-dire la somme des revenus taxables, diminue. Donc l'Irlande dépense plus tout en gagnant moins, ce qui augmente encore plus le déséquilibre de son budget, et donc sa dette. Voici un graphique qui reprend le déficit public irlandais en pourcentage du PIB. Je t'ai mis celui de la Grèce à côté pour comparaison. Tu vois un peu la panique qui démarre en 2008. L'Irlande détient le record du déficit public le plus important de tous les pays de l'Union. de la zone euro avec 32% de son PIB en 2010. Ah ouais… Alors est-ce qu'on peut résumer là ? La crise des subprimes fait éclater la bulle de l'immobilier, le secteur de la construction qui emploie 11% de la population s'effondre, le chômage augmente, le PIB diminue, donc le déficit public augmente et donc l'État s'endette pour financer ce déficit. En parallèle, les banques qui avaient parié sur des projets de développement immobilier font faillite. L'État décide de les sauver et donc s'endette encore davantage. En 2010, la dette publique irlandaise dépasse les 123% de son PIB. Son déficit public est également très élevé avec 32% du PIB. Les marchés financiers ne font plus confiance à l'Irlande, ils décident donc de ne plus lui prêter, ce qui déclenche l'intervention de la Troïka et un plan d'austérité pour ramener les finances publiques dans le vert. Et là... L'austérité fonctionne. Eh bien, disons que la situation irlandaise s'améliore petit à petit. Le chômage baisse depuis 2012 et la création nette d'emplois a repris en 2013. Cette même année, le PNB par habitant a repris sa progression. le niveau de dette publique a commencé à diminuer et le pays a retrouvé un accès au marché financier. Et puis côté déficit public, eh bien la tendance est à la baisse depuis 2010. Mais alors, si le déficit public diminue, ça veut dire que l'investissement public diminue, non ? C'est pas mauvais pour la croissance, ça ? Ce qui compte, c'est l'investissement tout court. Qu'il soit public ou privé n'a pas vraiment d'importance. Si on reprend le graphe de l'évolution de la dette publique et privée en Irlande, on voit que l'investissement privé a repris de plus belle en 2013. Si le privé accélère, le public peut se permettre de ralentir. Alors du coup, pourquoi le privé est revenu en Irlande ? en Irlande et pas en Grèce ? Pourquoi l'austérité a fonctionné en Irlande et pas en Grèce ? Ok, alors je vais essayer de répondre à la question, mais sache qu'il s'agit d'une analyse parmi d'autres, je ne détiens pas la vérité sur le sujet. Il me semble que l'Irlande est un pays dont la croissance repose sur un fort investissement privé et pas public. Le gouvernement était déjà à l'équilibre budgétaire bien avant la crise, et celle-ci s'est concentrée sur un seul secteur d'activité, la construction. A mon sens, l'austérité a fonctionné en Irlande parce que le pays possédait déjà des structures qui étaient naturellement équilibrées. Le sauvetage des banques était une action qui était déjà en cours. exceptionnelle. De la même manière, le gouvernement a augmenté ses dépenses publiques d'ordre social le temps que tous les emplois détruits dans le secteur de la construction soient recréés ailleurs. Et cela était le cas parce que les investissements privés dans les domaines comme le consulting, la programmation, les services administratifs, la publication, la finance étaient déjà en cours avant 2007. Et à la question qu'est-ce qui rendait et rend toujours aujourd'hui l'Irlande si attractive pour les entreprises du monde entier, la réponse est que ses infrastructures sont de très bonne qualité, sa population est formée et parle anglais, et sa fiscalité est extrêmement intéressante. Autrement dit, l'austérité en Irlande n'a remis en cause ni la place du gouvernement dans l'économie, ni les avantages dont bénéficiaient déjà les entreprises. Les dépenses d'éducation, de santé et de services publics n'ont pas eu besoin d'être trop réduites. Les infrastructures existaient déjà. La population parle toujours anglais et le taux d'imposition des sociétés est toujours de 12,5%. Donc l'équilibre budgétaire qui existait avant la crise est revenu naturellement. En Grèce, c'est tout l'inverse. Non seulement tous les secteurs d'activité ont été gravement touchés, mais en plus, l'austérité a complètement bouleversé l'énorme place de l'État dans l'économie. En effet, la croissance grecque fonctionnait selon un modèle d'investissement public et privé. Ici, je t'ai fait un petit graphique qui représente le niveau de dépenses publiques par habitant corrigé de l'inflation. Tu peux voir qu'en Irlande, l'austérité n'a jamais remis en question le modèle social du pays. Les dépenses publiques actuelles correspondent à celles de 2006, donc juste avant la crise. Pour la Grèce, c'est différent. Les dépenses publiques actuelles sont au même niveau que celles de 1999. Autrement dit, pour les Grecs, tous les acquis sociaux liés à l'arrivée de l'euro et à la période de croissance de 1999 à 2007 ont aujourd'hui disparu. Donc l'austérité ne peut fonctionner que dans un pays qui l'appliquait déjà plus ou moins avant la crise. Disons plutôt que passer d'un État qui investit dans son économie à un État qui n'investit plus, c'est-à-dire un État à l'équilibre budgétaire, c'est un bouleversement économique. Pour que la transition fonctionne, il faut prendre son temps et surtout, il faut éviter de faire ça en période de crise. Aujourd'hui, beaucoup d'économistes sont d'accord pour dire que l'austérité budgétaire doit être mise en place en période de forts investissements. privé, en période de croissance quoi, et pas en période de crise. Ok, bon, je crois que j'ai tout compris en fait. Alors il me reste quand même pas mal de choses à dire, surtout, il me reste un point essentiel à mentionner, la dette irlandaise a été multipliée par 4 entre 2007 et 2013. Les estimations varient, mais il semble qu'un gros tiers de ces 150 milliards de dette supplémentaire correspondent au sauvetage des banques. Autrement dit, le gouvernement irlandais s'est endetté pour rembourser les investisseurs qui avaient prêté aux banques. Et la grande question c'est… Qui sont ces investisseurs ? Alors, les investisseurs, c'est-à-dire les banques, c'est-à-dire les banques de Exactement. Le gouvernement irlandais n'était pas obligé de sauver ses banques, ou plutôt, il n'était pas obligé de les sauver complètement. Il aurait pu choisir de n'aider que certaines branches bien particulières, comme l'a fait le gouvernement islandais, avec les trois banques du pays. Autre question, pourquoi est-ce que la Troïka n'a-t-elle pas autorisé l'État irlandais, ou l'État grec d'ailleurs, à faire défaut dès 2010 ? Qu'est-ce que c'est que cette question débile ? Un État ne peut pas faire défaut ! Bien sûr que si ! Et ici je ne parle pas d'annuler complètement la dette, mais plutôt d'en annuler une partie seulement. Si le seul objectif était le redémarrage des économies grecques et irlandaises le plus vite possible, ainsi que l'investissement raisonnable des finances publiques européennes, avec pour objectif de se faire rembourser, la solution d'annuler une partie de la dette semblait intéressante, que ce soit du point de vue de la Grèce ou de l'Irlande. Et pourtant elle a été écartée. Il y a encore pas mal de choses à dire sur ce qui s'est joué en Irlande et en Grèce. Bah allez, vas-y, je suis chaud moi. Non, non, je garde ça pour le prochain épisode, c'est le moment de résumer un petit peu tout ce que je t'ai raconté. D'abord, l'Irlande est un paradis fiscal pour les entreprises. Ça fait partie de sa stratégie de développement économique. De nombreuses entreprises internationales, via l'ouverture de filiales en Irlande, y transfèrent une partie de leurs profits, ce qui leur permet de payer moins d'impôts. On peut repérer ce type de pays, notamment en regardant la différence entre le PNB et le PIB. Et on a vu qu'en zone euro, le même type de stratégie est employé par le Luxembourg. La crise des subprimes a frappé l'Irlande de plein fouet dès 2007 parce qu'elle a provoqué l'éclatement d'une bonne partie des différentes bulles spéculatives immobilières le monde. Or, même si l'Espagne était considérée comme le pays européen le plus dépendant de l'activité économique liée à l'immobilier, l'Irlande n'était pas loin derrière. Le nombre d'emplois dans le secteur de la construction est passé de 271 000 à 121 000 entre ans seulement ce qui représente une hausse du taux de chômage de 5 points autrement dit la moitié du chômage irlandais au moment de la crise était connecté à l'effondrement de l'activité de construction le deuxième problème de l'irlande c'était la taille de ces banques dont l'ensemble des dettes représentées en 2007 deux ans et demi de revenus de l'ensemble de la population irlandaise. Or, ces banques avaient financé et donc parié sur le maintien d'une activité de construction soutenue. La forte baisse des prix de l'immobilier est venue contredire leurs prédictions et la désormais non-rentabilité de nombreux projets de construction a provoqué des pertes très importantes pour les banques, suffisamment importantes pour provoquer leur faillite. L'État irlandais s'est alors fortement endetté pour les sauver. On peut découper l'augmentation de la dette irlandaise en trois parties. La première est marquée par une forte augmentation du budget protection sociale provoquée par une augmentation record du taux de chômage. Ensuite vient le sauvetage des banques, marqué par l'augmentation du budget consacré aux affaires économiques. Et puis pour terminer, il ne faut pas oublier la diminution de l'activité économique du pays, marquée par une baisse du PIB, qui a entraîné une baisse des revenus fiscaux. La Troïka est intervenue en novembre 2010 en Irlande, alors que le pays avait surpris tout le monde par une dette et un déficit public record. En effet, avant la crise de 2008, l'Irlande faisait figure de modèle. Son déficit public était inexistant et son niveau d'endettement public le plus bas de toute la zone euro. Et c'est probablement la raison principale qui a permis au pays d'imposer des mesures d'austérité qui n'ont pas entravé sa reprise économique. L'austérité en Irlande n'a pas nécessité une réduction massive des dépenses publiques parce que le déficit public constaté de 2008 à 2013 était largement exceptionnel. Contrairement à la Grèce, la réduction des dépenses publiques en Irlande s'est faite progressivement. alors que le chômage était déjà en train de diminuer et sans constater une réduction des investissements privés. Et aujourd'hui, les 150 000 emplois détruits dans le secteur de la construction ont été presque totalement remplacés par des emplois dans des secteurs d'activité déjà en forte croissance avant la crise de 2008, à savoir le consulting, la programmation, les services administratifs, la publication, la finance, etc. Mais face à la reprise économique de l'Irlande et au désastre grec, une question se pose. Pourquoi, dans le cas de l'Irlande, avoir pris le risque d'un sauvetage complet des banques alors qu'un sauvetage sélectif, comme en Islande, aurait pu être envisagé. Pourquoi au moment de l'intervention de la Troïka, ne pas avoir permis à l'Irlande et à la Grèce de faire défaut sur une partie de leur dette ? Ce qui aurait permis, même sans savoir ce qui allait se passer, non seulement d'anticiper une reprise plus rapide, mais également de limiter l'engagement financier des forces publiques européennes, en dehors de leurs frontières. J'ai remarqué que tu fais pas mal de teasing pour les épisodes d'après en ce moment là. Tu aurais pas faire comme Netflix et sortir tous les épisodes d'un coup ? Le prochain épisode est pour dans pas longtemps, t'inquiète pas. Merci à tous d'avoir suivi cet épisode jusqu'au bout. La suite va arriver rapidement. En fait, cet épisode était supposé être beaucoup plus long, puis finalement j'ai décidé de le couper en deux, ce qui veut dire que, un, je sais pas si on va rester sous la barre des dix épisodes pour cette série, mais surtout, eh bien, j'ai tout écrit d'un coup. et j'ai tout filmé d'un coup. Donc ça veut dire que la suite est en cours de montage actuellement et ça devrait pas trop tarder. Comme d'habitude n'hésitez pas à liker, commenter, partager, abonnez-vous, tout ça m'aide beaucoup. Merci à tous vos messages de soutien et merci beaucoup à tous les tipeurs qui financent ces épisodes. Encore une fois, sans vous, il n'y aurait pas de vidéo. Sur ce, portez-vous bien et à très vite pour un prochain épisode.