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Monnaie hélicoptère et banques centrales

Au cours de cette vidéo sur la monnaie hélicoptère, on a vu que l'un des arguments utilisés par les opposants à une telle mesure est... Ah mais bon bon monsieur, vous comprenez bien qu'on ne peut pas laisser notre banque centrale faire faillite tout de même, ce serait catastrophique ! Alors là franchement, Acteur Studio, merci. Alors pourquoi c'est faux ? Du point de vue des liquidités, on a déjà dit que c'était facile à comprendre. La banque centrale peut toujours payer ce qu'elle doit puisqu'elle dispose de la planche à billets ultime, celle qui imprime les vrais billets papiers et celle qui permet de payer les banques de manière électronique. Reste alors la faillite comptable. Et ici encore, une banque centrale est techniquement totalement immunisée. D'ailleurs, des banques centrales en situation de faillite comptable, il y en a déjà en République Tchèque, au Chili, en Israël par exemple, et ça pose aucun souci. Alors, pour te montrer pourquoi, je vais commencer par te montrer à quoi ressemble une faillite comptable du point de vue d'une entreprise normale. Un petit rappel de cette vidéo quoi. En partie oui. Je commence donc par un entrepreneur qui crée son entreprise et qui y injecte 20 000 euros. Puis, l'entreprise emprunte 80 000 euros à des financiers. Le bilan comptable permet de garder la trace de ce qui se passe. Au passif, on différencie bien l'origine des fonds. Ouais ok, ce qui vient des créanciers versus ce qui vient du proprio. Le proprio donc... Là par contre, je vois pas trop ce que tu veux me faire dire. C'est quoi le nom financier du proprio ? Ah oui, actionnaire. Voilà, maintenant, à l'actif du bilan de l'entreprise, on enregistre ce qu'elle possède. Pour le moment, 100 000 euros sur un compte en banque. Ensuite, l'entreprise utilise ses fonds pour acheter ce dont elle a besoin pour lancer son activité. Oui. Peu importe de quoi il s'agit, des machines, des brevets, des logiciels, des bureaux, des produits financiers s'il s'agit d'une banque d'investissement ou d'un hedge fund. L'idée de la faillite comptable, c'est de se demander ce qui devrait se passer quand la valeur des actifs achetés par l'entreprise diminue. Ce qui devrait se passer, mais ce qui devrait se passer du point de vue de qui ? Du point de vue des créanciers, du point de vue de ceux qui ont prêté. Pour eux... le danger c'est de ne pas pouvoir récupérer leurs 80 000 euros. Si ça se trouve, cette somme n'est à rembourser que dans 10 ans seulement. Cependant, si la valeur des actifs que possède l'entreprise diminue fortement en ce moment, est-ce que ça ne veut pas dire que l'entreprise est très mal gérée, que son business model ne fonctionne pas, qu'elle n'arrivera pas de toute manière à rembourser dans 10 ans, et que du coup, il faudrait peut-être stopper son activité dès maintenant afin de vendre ses actifs tant qu'ils ont encore de la valeur et de récupérer les sous ? Donc là, tu es en train de me dire que... Le fait que la valeur des actifs possédés par l'entreprise est en train de s'effondrer signifie qu'ils vont probablement continuer de s'effondrer et que donc l'entreprise a un business model plus ou moins pourri et que du coup, elle a de grandes chances de ne pas pouvoir rembourser dans le futur et que donc il faut stopper son activité maintenant avant que ce soit trop tard. C'est exactement ça. Mais la vérité c'est qu'on n'en sait rien. Peut-être que ça baisse maintenant mais que ça va repartir dans l'autre sens. Peut-être aussi que la valeur des actifs n'a rien à voir avec le business model de la boîte ou sa capacité à rembourser dans l'avenir. Alors oui peut-être, mais à un moment donné il faut bien fixer une limite quelque part. La règle de la faillite comptable dit qu'à partir du moment où la valeur des actifs devient égale ou inférieure au montant des dettes de l'entreprise, les créanciers deviennent en quelque sorte propriétaires de la boîte. C'est la faillite comptable, ce qu'on appelle aussi l'insolvabilité. Les créanciers ont le droit de vendre les actifs pour tenter de récupérer leur mise. Donc en fait, toute cette histoire de faillite comptable, c'est juste un genre de règle pour protéger les créanciers, quoi. Exactement. On fixe une limite arbitraire de valeur des actifs à partir de laquelle c'est game over pour les actionnaires. Et ce sont les créanciers qui prennent le contrôle. Ouais, la vache. Alors qu'en fait, on pourrait mettre la limite un peu n'importe où. C'est ça. Donc prenons maintenant le cas d'une banque centrale. Quel est son job ? Faire tourner la planche à billets. Oui, alors plus précisément, son job, c'est de fournir les banques en monnaie centrale. C'est la fameuse monnaie huile de moteur. Par rapport à la monnaie carburant fabriquée par les banques de dépôt. Exactement. Les banques ont absolument besoin de cette monnaie centrale pour se régler entre elles. Alors, comment est-ce qu'elles l'obtiennent ? Eh bien, disons que la banque A doit par exemple 1 million d'euros à la banque B. A s'endette auprès de la banque centrale. La DES qui apparaît est un actif. de la banque centrale parce que c'est elle qui va toucher les intérêts, par contre, c'est un passif de A, parce que c'est elle qui rembourse, la banque centrale appuie sur une touche de son clavier, et pouf, de la monnaie apparaît sur le compte de la banque A à la banque centrale. Mais du coup, qu'est-ce qu'on met au passif de la banque centrale, là ? Et bien c'est là toute la magie du truc. Une entreprise normale ne peut rien prêter, que ce soit de la monnaie ou n'importe quoi d'autre, sans l'avoir d'abord gagné par le biais de son activité, ou alors obtenu de ses actionnaires, ou alors emprunté quelque part. Ça veut dire qu'une entreprise normale ne peut que échanger un actif déjà existant contre un contrat de prêt. Ah, sauf que pour la banque centrale, ça n'a pas besoin d'exister avant. Elle prête un truc qu'elle fabrique. Voilà, mais ce truc qu'elle fabrique, la monnaie, il faut bien l'enregistrer dans le bilan. Alors on inscrit simplement qu'on vient de créer 1 million d'euros et qu'ils appartiennent à la banque A. On appelle ça un dépôt, qui n'a absolument rien à voir avec un dépôt, puisque la banque A n'a rien déposé, c'est la banque centrale qui vient de le créer. D'où l'expression les crédits font les dépôts Oui, c'est ça. Mais alors du coup, si c'est ni de l'argent qui appartient aux actionnaires, ni de l'argent qui appartient à des créanciers, ça appartient à qui ce dépôt ? Eh ben à personne. Ou à tout le monde si tu préfères. Ce dépôt, c'est de la représentation comptable d'un acte de foi. de confiance. La monnaie est une convention sociale qu'on peut faire apparaître ou disparaître à volonté, mais dont on garde la trace. On peut dire aussi que c'est une promesse. La banque centrale promet à la banque A que si elle vient en faire la demande, elle lui imprimera un million d'euros en billets de banque. Mais la banque A ne va pas faire ça, elle va simplement demander à la banque centrale de transférer cette promesse sur le compte de la banque B. La banque centrale va donc simplement changer le nom associé à la promesse et la banque B va voir apparaître un million d'euros sur son compte. Ok, je crois que je dois venir à la suite. Et si la banque A n'arrivait pas à rembourser ni à payer les intérêts de son crédit obtenu auprès de la banque centrale ? L'actif de la banque centrale ne vaudrait plus rien. Par contre, la promesse associée au compte de la banque centrale resterait là. La monnaie ne serait pas détruite. Et du coup, la banque centrale serait en position de faillite comptable. D'après les règles, oui. Mais tu vois bien que ça n'a aucun sens. Il n'y a pas de créancier à protéger ici. Personne n'a rien prêté à la banque centrale. Parce que ce qui est enregistré au passif de son bilan, ce n'est pas de la dette. Et puis de toute manière, à quoi correspondrait cette faillite ? Non. Une instance juridique prendrait le contrôle de la banque centrale et vendrait ses autres actifs. Mais qu'est-ce qu'on ferait de l'argent obtenu ? On le donnerait à qui ? Puisque de toute manière, il n'y a personne à rembourser. Et puis si la banque centrale cesse de fonctionner, les banques normales cessent de fonctionner aussi, parce qu'elles ne peuvent pas se passer des crédits en huile de moteur, en monnaie centrale, pour leur règlement quotidien. Ouais, effectivement. Pas de dette, pas de créancier, pas de créancier, pas de faillite, pas de faillite, pas de faillite. Mais est-ce que tu peux quand même montrer ce qui se passe dans le cas du quantitative easing ou de la monnaie hélicoptère ? Ok, alors quand la banque centrale fait du quantitative easing, elle achète des produits financiers. Mettons qu'elle veut acheter par exemple une obligation d'état détenue par Michel Asset Management. Michel AM possède un compte dans la banque A. La banque centrale va donc créer de la monnaie centrale huile de moteur pour créditer le compte de la banque A, puis la banque A va créer de la monnaie scripturale carburant pour créditer le compte de Michel AM qui pourra ensuite faire ce qu'il veut avec cette Ah oui ok, c'est toujours de l'huile de moteur, sauf que cette fois, il y a une obligation de création de carburant derrière. Oui, quand le destinataire final des fonds n'est pas une banque, la monnaie huile de moteur créée par la banque centrale provoque l'apparition de monnaie carburant. Ah ouais, putain, j'avais jamais compris ça comme ça. Bon, et alors maintenant, qu'est-ce qui se passe si la valeur de l'obligation diminue sur les marchés, ou même mieux, si la banque centrale décide carrément d'annuler la dette d'État qu'elle détient ? Annuler la dette, carrément, l'État n'a pas besoin de rembourser. Oui, annulé, pas besoin de rembourser. L'actif disparaît, mais le dépôt reste. La colonne passif est plus grande que la colonne actif, mais on reste dans la même situation que tout à l'heure. Puisque la colonne passif n'est pas de la dette, aucun créancier n'est lésé. Donc la règle de la faillite comptable n'a absolument pas besoin de s'appliquer. Et les produits financiers détenus par les banques centrales peuvent bien perdre toute la valeur du monde que ça n'aurait absolument aucun impact. Ah mais alors c'est pour ça qu'on entend dire que les banques centrales pourraient carrément supprimer la dette. Oui, du moment que c'est de la dette qu'elles ont achetée, qu'elles possèdent, elles peuvent les supprimer sans aucune conséquence. C'est ce qu'a fait par exemple la Banque Centrale du Japon au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. Toute l'économie était ruinée, les banques avaient fait des crédits qui n'allaient jamais être remboursés. Donc la Banque Centrale a commencé par racheter toutes les créances pourries pour soulager les banques, puis elle les a purement et simplement annulées pour soulager les entreprises. Ah ouais, donc en plus on a déjà fait ça ! Bien sûr, tout ça n'a absolument rien de nouveau, ces mécanismes sont parfaitement connus depuis bien longtemps. Miao ! pourquoi on nous fait chier avec cette histoire de banque centrale qui pourrait faire faillite ? Parce qu'il y a des gens qui tous les matins font une prière au dieu marché et au dieu de la comptabilité sans comprendre que tout cela n'est qu'une invention humaine basée sur des règles totalement arbitraires et qui quand ils voient un bilan déséquilibré font une syncope. Mais ils réagissent de cette manière parce qu'ils ne comprennent pas qu'un bilan déséquilibré de banque centrale n'est absolument pas un problème. Ou alors c'est de la pure mauvaise foi, ils savent très bien qu'une faillite de banque centrale n'a aucun sens mais ils agitent ce drapeau rouge aux yeux de la population qui ne comprend pas tous les tenants et aboutissants pour faire passer leurs idées politiques. Putain, mais on en revient toujours à ça, hein ? Bah, souvent, ouais. Bon, et alors, dans le cas de la monnaie hélicoptère, la Banque Centrale... Ça l'attendra deux minutes. Je me rends compte en faisant les animations que je vais un peu vite, et que ce schéma mérite quand même quelques précisions avant qu'on commence à le modifier. Donc, d'abord ici, mon schéma est une vision agrégée des bilans monétaires de toute la société. Tout ça, ce sont les entreprises. non bancaires, les particuliers et les états, ce qu'on peut appeler les agents économiques. J'ai mis toutes leurs dettes et monnaie magique carburant ensemble. Ensuite ici j'ai mis aussi toutes les banques ensemble. On a donc l'ensemble du secteur bancaire ici et l'ensemble des agents économiques là. Vous remarquerez qu'il n'y a aucun rectangle gris nulle part. Ça ne veut pas dire que le monde n'est que dette, créances, vrais faux dépôts et monnaie magique, mais simplement que je n'ai représenté ici que les actifs et passifs monétaires. Je ne sais pas si vous avez vu, mais je suis très content de vous avoir écouté cette vidéo. alors que dans les autres schémas de la vidéo j'ai allègrement tout mélangé. Et puis je raisonnais aussi à partir de situations particulières n'impliquant que quelques acteurs spécifiques, alors que ici, j'ai mis tout le monde. Donc la monnaie, oui, ce ne sont que des écritures comptables de dettes, de créances, de vrais faux dépôts et de monnaie magique. Mais si on voulait rajouter les usines, les bâtiments, les brevets, les... les maisons, les voitures, bref, tout ce qu'on possède aussi mais qui n'est pas de la monnaie, il faudrait rajouter des gros machins ici et là. Bon, mais donc ici on ne s'intéresse que à la monnaie. Ensuite, reprenons l'ordre d'apparition des choses. D'abord, les agents s'endettent auprès des banques. Dettes et créances apparaissent. Ensuite, parce que des contrats de prêts viennent d'être signés, les banques font apparaître la monnaie magique carburant sur les comptes des agents en appuyant sur des touches de clavier. Puis, parce que cette monnaie carburant circulent via des transactions d'agent en agent, et donc de banque en banque, parce que forcément tout le monde n'est pas dans la même banque, et bien certaines banques, ça change d'un jour sur l'autre, ont besoin de monnaie huile de moteur pour payer leur déficit vis-à-vis des autres banques. Retournez voir cette vidéo, ou celle-là, ou encore celle-là, si vous ne comprenez pas ce que je raconte. Et donc, pour faire apparaître cette monnaie huile de moteur, les banques s'endettent auprès de la banque centrale. Là encore, apparition de dette et de créances, puis... La banque centrale appuie sur une touche de son clavier pour créditer les comptes des banques et faire apparaître la monnaie magique, l'huile de moteur, qui ne circule qu'entre les banques. Et voilà, c'est fini. Tout est bien connecté. Dettes avec créances et dépôts avec monnaie magique. J'en profite pour préciser que normalement, l'État possède un compte à la banque centrale et pas dans une banque normale comme je l'ai représenté ici. Donc en vrai, le vrai schéma, il est plus compliqué que ça. Mais franchement, on s'en fout parce que ça ne change absolument rien à la logique. Bien, alors maintenant on reprend, vous êtes prêts ? J'étais en train de dire, bon, et alors dans le cadre de la monnaie hélicoptère, la banque centrale créditerait en monnaie centrale, huile de moteur, les comptes de plein de banques européennes, pour que derrière, ces banques créditent les comptes des particuliers ou des entreprises en monnaie carburant. Du coup, la colonne passive de la banque centrale augmenterait, mais pas sa colonne active, puisque la banque centrale n'obtiendrait rien en échange. Conséquence ? Eh ben rien. Si vraiment les psychorigides du bilan sont pas contents de voir ces deux colonnes qui sont pas de la même taille, on peut toujours inventer un actif comptable qu'on appellerait obligation perpétuelle pour la population ou programme de monnaie illico ou ce qu'on veut. Et ce serait un truc qui resterait là ad vitam aeternam. C'est ça. Ok. Bon, je crois que j'ai capté. Donc la faillite comptable, c'est une règle arbitraire qui permet de donner des droits aux créanciers qui ont effectivement prêté leur argent à des entreprises. Personne n'a rien prêté à la Banque Centrale, tout ce qui se trouve au passif de son bilan comptable n'est que de la création monétaire, ce ne sont pas des dettes. Donc la faillite comptable n'a aucune raison de s'appliquer aux banques centrales.