Bonjour et bienvenue dans cette ancienne séance du cours Effets et usages des médias et nouveaux médias Cette séance est préenregistrée puisque le décanat a demandé de libérer toutes les grandes salles pour les infodays, les journées de la porte ouverte. Petit rappel au début, vous avez encore toute cette semaine... pour répondre au questionnaire d'évaluation, évaluation volontaire de notre part, mais que nous faisons systématiquement pour assurer que les changements que nous faisons au cours, ils le poussent vers un cours de mieux en mieux. Et nous allons aussi discuter de vos commentaires et vos critiques, et comment optimiser le cours et aussi...
d'autres cours que vous aurez encore avec nous pendant la dernière séance de ce semestre. Merci, c'est vraiment très précieux pour nous ce que vous avez à suggérer et à critiquer et à dire, tout simplement. Cet enregistrement sera aussi beaucoup plus court qu'une séance normale, donc ça vous donne aussi un peu de temps pour faire ce questionnaire. La dernière séance, j'espère qu'elle vous a plu.
Je voulais vraiment profiter de cette opportunité d'avoir un des leaders mondiaux. Pour moi, c'est un des trois à cinq personnes au niveau mondial aujourd'hui qui sont des leaders dans les questions des usages et des effets de l'intelligence artificielle, pas simplement dans les... sciences de la communication, mais dans les sciences sociales en général, Peter Brunswick, de la voir ici à Fribourg, parler d'une thématique qui nous touche tous, l'utilisation des IA, et développer sa théorie qui va être publiée l'année prochaine sur cette idée que ces utilisations-là vont peut-être nous pousser vers une société plus individualiste.
Nous aurons l'occasion de revisiter ça la séance prochaine. Et simplement, ça rentre aussi assez bien dans la logique du cours, dans la mesure où il parle d'un phénomène qui concerne les individus, l'utilisation des IA, mais il a aussi discuté de comment, si chaque individu a son IA qui... qui est très empathique par rapport à elle et lui, comment ça peut aussi changer la société, continuer à la changer après les réseaux sociaux qui ont déjà pas mal changé avant.
Et donc ça m'amène à la structure de ce cours. Nous faisons aujourd'hui la deuxième séance dans cette tradition interprétative qui va plutôt... interpréter la communication comme des rituels auxquels les gens vont attribuer du sens dans leur vie quotidienne et pas comme une question de fonctionnement et d'effets positifs ou négatifs comme on avait fait dans les sciences avant dans l'approche fonctionnelle.
Ce qui reste, c'est qu'on reste plutôt sur le niveau... micro-sociales, donc des individus et des petits groupes, mais on s'approche comme on l'avait fait avec les expériences parasociales et avec la science Didier Courbet, on s'approche quand même un peu du macro-social parce que vous allez voir, on va aussi essayer de comprendre comment les choses que font les individus l'essentiel qui est attribué aux choses, comment ça peut aussi avoir un impact sur l'ensemble de la société. Et pour ça, je vais commencer avec le courant d'interactionnisme symbolique, qui n'est pas, proprement parlant, une théorie dans les sciences de la communication, mais c'est une théorie beaucoup plus large, même plutôt toute une approche, qui après comprend différentes théories.
dans la sociologie. Donc on avait déjà dans la première partie du cours des approches importées de la psychologie. comme le cadrage, les schémas, les processus du haut de traitement des informations.
Là, on apporte quelque chose de la sociologie, mais on va voir comment ça a été adapté dans les sciences de la communication pour comprendre nos utilisations des nouvelles technologies. Et donc, la première partie, c'est le courant, sa base, et la deuxième partie, c'est... un exemple d'application dans les sciences de la communication.
L'exemple, c'est une étude sur la question comment les applications de rencontres qui sont nouvelles depuis peut-être une bonne dizaine d'années, comment ça a peut-être changé nos manières de faire des rencontres romantiques. ou rencontres moins romantiques comme on va voir aussi. Commençons alors avec la théorie de base.
Cette approche d'interaction symbolique, elle est issue dans les années 50-60 d'une opposition à un courant sociologique. dominants à l'époque qui était celui de ce qu'on appelle le fonctionnalisme structurel. Donc fonctionnalisme, ça vous rappelle la première colonne de notre cours, c'est les approches qui demandent quelle mesure les médias, la communication, les différentes technologies, ça va être fonctionnel pour les individus, pour la société. et quelles sont les dysfonctions peut-être, ce qui pose problème.
Et fonctionnalisme structurel, ça veut dire qu'on met l'accent sur l'ensemble de la structure sociale plutôt que sur ses éléments. Et le représentant parfait de ça, c'est un chercheur américain, un sociologue, qui a développé une théorie systémique. qui décrit toute la société comme un système complexe. Et dans ce système, comme dans un organisme, c'est l'ensemble qui compte, en tout cas pour la recherche. Il n'y a pas l'importance des individus, mais c'est l'ensemble du système qui donne le sens. aux éléments parce qu'ils doivent collaborer pour faire fonctionner le système comme des organes dans un corps biologique.
Même si différents sous-systèmes peuvent être plus ou moins autonomes quand même. Donc la logique dans cette approche dominante dans les années 30 à 50, c'est une logique descendante, top-down. Comme vous voyez ici, sur la base de la graphique que j'avais présentée tout au début du cours, c'est l'ensemble, le macro-social qui donne du sens un peu, et après chacun sa place pour contribuer au système.
Et l'interactionnisme symbolique, il a proposé une autre logique, une logique ascendante. Donc là, c'est plutôt au niveau micro-social, chez des individus dans un petit groupe. qu'on va déterminer le sens des choses et ce sens-là, il va peut-être rester dans ce corps-là, mais parfois il va aussi monter.
Et ça vous fait peut-être penser à ce qu'on avait dit dans le cadre des études culturelles et de la séance précédente sur la culture. Dans les études culturelles, ils mettent aussi l'accent sur... sur le fandom, sur comment les individus attribuent du sens aux produits de consommation. Et ce n'est pas un hasard parce que les deux approches sont focalisées sur cette attribution de sens. C'est pourquoi on les appelle des approches plutôt interprétatives. Les individus ne dérivent pas le sens des choses de l'ensemble de la société, mais elles et ils le constituent dans leurs interactions entre eux.
Ça c'est le côté. interactionnisme. On va voir, ça c'est encore quelque chose qui va un peu au-delà de ce qu'on a dit sur la culture avant, mais on va voir ça de plus près maintenant, sous forme des principes généraux qui ont été formulés pour cette approche-là.
Et on peut dire que c'est trois principes généraux. Le premier, c'est encore formulé en opposition à une autre façon de penser dominante à l'époque. Et ça, c'était le behaviorisme avec l'approche de stimulus et réponse.
Donc là, on disait que les choses ont un effet sur les gens directs, comme la sonnette sur le chien. Et contrairement à ça, ici dans l'interactionnisme symbolique, on dit que ce n'est pas direct l'effet des choses sur les gens, mais cet effet est sur la base du sens que les gens attribuent aux choses, le sens qu'ils ont pour eux. Les choses, ça peut être des objets, comme la sonnette. des situations ou même des concepts abstraits.
Donc, si on prend l'exemple auditif de la sonnette, le sens de la musique peut être très différent pour nous. Ça peut être très individuel pour notre plaisir individuel, quand on est de bonne humeur. La musique, elle peut nous permettre de nous focaliser sur le travail.
elle peut nous permettre de nous calmer ou elle peut justement soutenir une situation sociable et la sociabilité entre nous. Donc c'était le premier principe. Le deuxième, on dérive le sens des choses de l'interaction sociale. Ce n'est pas juste chacune et chacun qui attribue ses deux sens en fonction de ses propres expériences.
Ça découle souvent de ce que nous faisons ensemble avec les choses. Et donc, bien sûr, il n'est pas inhérent aux objets. Ce n'est pas non plus quelque chose que l'individu y attribue, mais ça émerge des interactions. Par exemple, on peut prendre un autre exemple, en fonction de la société.
la même chanson de Heavy Metal peut être vue comme sataniste. Ça peut servir comme musique d'entrée de lutteur dans une compétition de wrestling ou ça peut servir comme chanson d'entrée pour des mariés quand ils rentrent dans l'église. Troisième principe. Comment est-ce qu'on arrive à cette attribution de sens ?
C'est fait dans un processus individuel d'interprétation, mais qui prend en compte les autres et le sens que les autres attribuent aux chances, d'après nous. Donc, ça veut dire qu'on va se mettre à la place des autres pour comprendre ce qu'eux entendent peut-être sous la chose qu'ils disent ou que nous disons. On peut prendre...
L'essence des emojis, un exemple que j'avais déjà pris aussi dans le cours méthodologique. Il faut dire, d'accord, un même emoji, la pêche, ça peut représenter, en fonction de avec qui je l'utilise, quelque chose de politique. Quand il y avait le impeachment de Donald Trump, ça représentait le impeachment, pitch, impeachment.
l'idée de le virer de sa place, ça peut avoir une connotation sexuelle et ça peut simplement représenter une pêche. Et une autre étude sur la couleur de la peau des emojis par exemple, la couleur de la peau jaune c'est le plus neutre, c'est censé représenter tout le monde. pour beaucoup de gens.
et différentes, après différentes couleurs de peau, si on les met ou pas, en fonction de la personne, du contexte, ça peut avoir un sens différent, et nous choisissons si on veut mettre un emoji et l'adapter par exemple à une couleur de peau blanche ou pas, ou noire, en prenant en compte l'interprétation potentielle des autres. Voilà les trois principes généraux. Maintenant, je vous présente encore des représentants avec des thématiques et des démarches particulières.
Un représentant qui est beaucoup cité dans les sciences de la communication, c'est Erwin Goffman, qui a vraiment fait une recherche très intéressante, qui en tant que sociologue a fait beaucoup d'observations. dans les rues, dans des situations de la vie quotidienne, pour comprendre les différents cadres sociaux qui vont donner du sens aux choses et à nos actes. Il a écrit plusieurs livres qui avaient beaucoup d'impact. Premier, la mise en scène de la vie quotidienne, où il a appliqué des métaphores de théâtre pour décrire toutes les petites situations de la vie quotidienne. qui donne du sens. Et donc il a dit, nous sommes continuellement en train de jouer des pièces de théâtre où chacun a son rôle.
On a des objets qui vont avoir un sens justement dans cette situation-là et qui vont donner le sens à la situation. On a une scène, une arrière scène dans laquelle on va se comporter différemment. et Goffman nous a observé et analysé en tant qu'acteurs dans les différentes situations de la vie quotidienne et a notamment étudié comment les individus vont se présenter dans différentes situations d'interaction sociale par exemple en entretien d'embauche où on essaie de montrer un certain côté de soi, après on sort. On est dans un autre cadre, peut-être il y a des amis qui nous attendent.
On montre un autre côté de soi-même et cette possibilité de changer de personnalité en fonction des situations. Dans quelle mesure c'est important pour nous ? Ce qui arrive si on perd face, si on sort de son rôle dans une mauvaise situation, tout ça il a étudié.
Et sa métaphore, à part le théâtre, c'était celle des cadres. cadre d'expérience. Et c'est un peu, c'est lié à la théorie des schémas en psychologie, mais là, c'est une approche sociologique. Et puis, il a étudié aussi comment nous gérons notamment des stigmates sociaux et des discriminations.
Le stigme de la pauvreté, par exemple. Comment on agit si on voit quelqu'un de très pauvre. avec habillés de manière négligée dans la rue, comment à partir d'un certain niveau de pauvreté, les gens vont faire comme s'ils ne voyaient même pas la personne en fonction de la ville où on habite aussi.
Et ces choses, ces questions ont été au cœur des travaux d'Ivan Kaufman. pour comprendre comment dans différentes interactions interpersonnelles, on crée le sens, on définit le sens des choses, d'une chaussure dans un mauvais état, ou d'une question qu'on pose dans un entretien, une question comme comment allez-vous, qui peut avoir un sens très différent en fonction de la situation. Ça c'était encore des travaux de Goffman et pour étudier cela, il a fait beaucoup d'observations.
C'était la méthode préférée. D'autres chercheurs, maintenant plus récents, parce que cette tradition est encore très riche, productive, c'est Westley Zimmerman, par exemple, dans une étude de 2009, qui a un tas de travaux. qui ont étudié la construction sociale du genre et de la sexualité, où ils sont partis du principe que le genre n'est pas déterminé par le sexe, mais c'est constitué dans nos interactions sociales, à travers ce qu'ils appellent des performances, où ça reste dans cette tradition qu'on joue du théâtre, on joue ces différents rôles, et du coup, le genre, ce n'est pas quelque chose que... de données, mais c'est quelque chose qu'on fait. On parle de doing gender faire du genre.
Et donc, en faisant le genre, nous pouvons suivre les conventions et continuer à les prescrire pour le futur ou les actualiser dans certains sens, ouvrir des nouvelles possibilités d'expression de soi. Un, deux, deux exemples. de chercheurs, d'objets de recherche. Maintenant, au niveau méthodologique, comme dit, comme on essaie d'étudier comment la réalité sociale est reconstituée dans l'interaction, on n'a pas directement des phénomènes objectifs à mesurer et même pas des choses latentes.
très directement, comme dans la psychologie, on avait parlé de l'intelligence ou de différents traits de personnalité qu'on peut quand même mesurer de manière latente. Là, ça dépend tellement de la situation, des interactions, des différents points de vue, qu'on n'a pas de point de départ où on peut dire que cette situation va forcément donner ce sens-là, où cette personne va avoir... attribuer ce sens-là.
Donc, les méthodes standardisées, même si dans certains contextes, ça peut avoir un sens, mais ils sont moins d'utilité souvent dans cette perspective-là. Moins de sondage quantitatif, mais c'est plutôt déjà, il y a des marges qualitatives et plutôt faire des observations. On participe aux situations, parfois on est obligé et on va observer les interactions et comme ça interpréter le sens donné.
Et on va interroger sur les interprétations individuelles des autres en faisant des entretiens qualitatifs. Donc c'est une analyse qui suit, qui va être inductive, même si elle peut avoir aussi une base déductive, mais ça continue à suivre cette logique. ascendante de base de cette approche où on va parler des individus avec les individus et on va essayer de voir dans quelles mesures on peut transférer ça de certaines personnes à d'autres dans un sens de généralisation bien entendu pas statistique mais plutôt dans le sens d'un transfert particulier ou Un peu plus large, un cadre plus large.
Et maintenant, passons à un exemple. Donc, c'est une étude d'un chercheur que j'apprécie beaucoup, comme vous avez peut-être remarqué. Ce n'est pas la seule étude que je présente de lui, Christian Licope, un chercheur en communication à Paris, qui a étudié... des utilisations des applications de rencontres.
Et il a pris comme point de départ un débat sociétal qu'on trouve dans les médias sur l'apocalypse des rencontres, sur les effets négatifs des applications de rencontres sur la vie romantique, la vie émotionnelle. des individus et finalement aussi sur la société. J'ai cité quelques articles qui au moins posent cette question-là, si le romantisme est mort.
Après, si le romantisme a été une bonne idée, c'est une autre question, mais là c'est pris comme quelque chose de plutôt positif. Il y a bien entendu le discours médiatique, mais il y a aussi un discours scientifique dans la sociologie. par rapport à cette hypothèse. Et là, on peut citer, et Christian Lycoppe cite le sociologue Zygmunt Bauman, qui a écrit un livre sur ce qu'il appelle la vie liquide, qui fait une sorte de diagnostic de notre société, où il attribue beaucoup de changements problématiques au capitalisme. Et notamment par rapport à ce phénomène-là, des rencontres, il a décrit une tendance qu'on a de plus en plus de relations virtuelles aujourd'hui qui sont faciles à entrer et à sortir, mais moins obligeantes, qui sont propres, élégantes, conviviales.
mais aussi un peu comme des produits de consommation, faciles à lâcher de nouveau. Et il trouve, même Bauman, que le mot relation n'est pas tout à fait adapté. On parle d'ailleurs plutôt de connexion souvent aujourd'hui, et ça pour lui c'est aussi symptomatique. On change de modèle dans nos rapports sociaux vers quelque chose de...
Donc la facilité des connexions qui permettent aussi de se déconnecter de nouveau. Ce qui est quand même remarquable, c'est que Bauman a décrit tout ça en 2003, dans une situation où il n'y avait pas encore d'application, parce qu'il n'y avait pas encore de smartphone, mais... Il y avait déjà Internet et donc ça montre quand même que c'est un bon sociologue s'il a vu venir des choses à ce moment-là. Mais après, c'est la question, est-ce que c'est juste et qu'est-ce que ça signifie, tout ça ?
Il a écrit un autre livre plus tard, Liquid Love, vraiment sur ce phénomène-là. Parce que ça a aussi marqué les esprits, ça allait bien, il y avait beaucoup de résonance par rapport à ces idées, justement parce qu'il y a quand même certaines tendances qu'on peut observer. Et donc Christian Lycope, il a pris ça avec aussi la couverture médiatique comme point de départ pour son étude, où donc il pose la question par rapport aux applications de rencontres, est-ce qu'ils permettent déjà ?
effectivement des nouvelles formes de rencontres, parce que ça change quelque chose par rapport à avant. Et ça nous intéresse particulièrement dans ce cadre. Est-ce que la notion de, donc c'est un article anglais, hook-up, mise en relation, est-ce que cette notion, elle a peut-être différents sens, déjà dans ces applications, par rapport à... aux relations, aux mises en relation qui existaient avant, et entre les deux applications, donc deux applications de rencontres très emblématiques, donc Tinder et Grindr.
Donc il faut savoir que Tinder, c'est une application, c'était la première grande application de rencontre qui est souvent utilisée dans un cadre hétérosexuel. Grindr, c'est une application principalement utilisée par... des hommes homosexuels. Et ces choses-là changent aussi. Donc, ça, c'était en 2020 que c'était écrit comme ça.
Pour répondre à ces questions, l'ICOP et son équipe, ils ont réalisé, ils ont recruté déjà des usagers de ces applications à Paris par... des annonces distribuées à certains endroits physiques ou numériques, et par la méthode de bulle de neige. Donc, si vous vous souvenez, on contacte une personne, on fait un entretien, on demande est-ce que vous connaissez quelqu'un d'autre qui pourrait aussi répondre à ces questions, et comme ça, ça continue. Et on recrute plus de monde. pour Tinder ils ont commencé en recrutant des femmes et des hommes à Paris Et après avoir fait des entretiens, ils se sont dit, les Parisiens, ils sont quand même particuliers.
Il vaut mieux faire des entretiens hors Paris aussi, parce que sinon ça va être biaisé. Et donc, ça montre un peu comment dans la recherche qualitative, ça peut évoluer. Ils ont rajouté 20 entretiens avec des gens qui n'habitent pas à Paris. Et puis, ils ont fait...
23 entretiens avec des usagers masculins de l'application Grindr à Paris. Donc là, ils n'ont pas fait hors Paris, mais c'était aussi beaucoup plus difficile déjà de recruter ces utilisateurs-là. Ils ont réalisé avec ces participants, donc 63 participants, des entretiens semi-directifs. Là, vous voyez quand même...
la lourdeur de cette démarche des entretiens d'environ deux heures. Et pendant ces entretiens, ils ont intégré aussi un autre canal pour donner plus de crédibilité à leurs recherches et pour plus de validité à ce qu'ils font en demandant aux participants d'ouvrir et de montrer l'application et de parler vraiment de ce dont ils ont besoin. de montrer ce dont ils parlent. 12 participants ont aussi partagé les contenus de leurs conversations anonymisés après les rencontres. Donc ça a donné 40 conversations.
Donc ça, c'était sur Tinder, sur Grindr. C'était quelques photos d'écran qui ont été partagées. Maintenant, pour les résultats, on va comparer Grindr à Tinder.
D'abord, le cas de Grindr. Là, ce qu'on a vu sur la base des entretiens, c'était que parmi les participants de cette étude, on ne peut pas le généraliser par rapport aux utilisateurs de Grindr. ni bien sûr aux hommes, aux jeunes hommes homosexuels.
Mais dans cet échantillon-là, il y avait une claire séparation des échanges pour organiser des rencontres sexuelles qui étaient faites dans cette application. Et ça, c'était séparé de relations plus profondes. amical qui se faisait hors de Grindr.
Donc là vous voyez ça bien exprimé dans ce verbatim. Si je veux parler, je n'ai pas besoin d'aller sur Grindr pour parler. C'est vraiment pour des rencontres sexuelles rapides.
Et pour cet interlocuteur, c'était même quelque chose qui était un peu mutuellement exclusif. les deux, le sexuel et les rencontres plus profondes et amicales. Mais même dans cet échantillon-là, c'était la vision dominante, mais ce n'était pas la...
La seule manière de voir les choses, le même participant, il avait aussi une personne, famille, ses contacts, où c'était différent. Il y avait quand même une amitié qui s'est développée. Donc la fonction de la mise en relation, c'était vraiment pour organiser logistiquement des échanges sexuels. Et l'efficacité, la rapidité, la proximité, c'est très important, c'est très mis en avant. Donc parfois, avec des gens qui mettent dans leur profil, à plus d'un kilomètre, je ne bouge pas.
Comme dit... C'était principalement ce qui était sorti des entretiens, mais il y avait des participants pour qui ça ne se passait pas comme ça ou qui ne voulaient pas limiter l'utilisation de cette application à ça. Et donc, par exemple, cet interlocuteur-là, il disait qu'il continuait à chercher aussi des échanges, des relations plus profondes, mais disait aussi que très souvent il se fait rejeter avec ça.
Donc cela permet de voir aussi encore d'une autre manière la norme dominante. Donc Likop résume comme ça que l'usage dominant dans cet échantillon c'était quand même une orientation vers la production de rencontres dès que possible pour une gratification sexuelle rapide sans suivi. Et là, on n'est plus que dans une analyse thématique, mais on va vers une analyse conversationnelle, dans une communication qui fonctionne presque comme une checklist, exprimée là par... l'e-cop, salut, t'es où ? tu cherches ?
et donc là c'est des images d'écran qui montrent cette efficacité logistique dans ces échanges c'est même pas vraiment une conversation qui se développe mais c'est plutôt des des paramètres qui sont échangés. Voilà pour le cas de Grindr et ce que l'équipe a observé. Maintenant, Tinder, c'est un peu différent.
La conversation va jouer, et le développement de la conversation va jouer un rôle très important pour une bonne partie des interlocutrices et interlocuteurs. Donc là, cette participante, elle décrit comment pendant un mois, il y avait des échanges où il y avait des choses à se dire, mais en même temps, c'était plus presque la fluidité qui était importante de cette conversation que forcément les contenus. Et ce qu'elle...
a mis aussi en avant, c'était comment il y avait des rebondissements dans la conversation, très facile. Et l'ICOP insiste que ce n'est pas évident parce qu'il n'y a aucune base au début de la conversation et que ça s'est vécu comme un défi par les participants. Il faut vite trouver quelque chose pour échanger.
Mais une fois qu'on a trouvé, et ça c'est tout un art, et c'est aussi quelque chose qui va être interprété par rapport au potentiel relationnel, est-ce qu'on trouve quelque chose ou pas, comment est-ce qu'on trouve quelque chose, après ça peut avancer. Et encore une fois, Christian Holicope, il fait des analyses conversationnelles, il voit ça aussi vraiment dans les échanges. Donc là vous avez...
une transcription d'un échange, ça rajoute de l'évidence aux entretiens. Donc, ces rebondissements, il insiste, à chaque fois qu'on répond, on pose une question, parce qu'on veut que ça continue. Donc, t'as passé un bon week-end, et toi ? Et on montre qu'on sait quand même que la personne avait dit qu'elle est à Paris.
Il y a la réponse de retour de vacances et toi, nous voilà question. Là, tu te réorientes. Comment dire ? C'est à chaque fois, il y a la piste pour continuer la conversation. Donc, c'est tout un art.
Et vous voyez aussi ici pourquoi ils ont fini, je pense, par faire des entretiens hors des Parisiens parce que c'était vraiment… entre Londres et la maison de famille en Bourgogne, ça ne représentait pas forcément la population. française en général. Mais là aussi, même si ça c'est la règle, on voit quand même aussi des exceptions. Donc ça peut aussi aller très vite vers la rencontre, mais dans ce cas là, c'est vécu comme quelque chose d'extraordinaire. Et on a besoin, dans ce cas-là, de légitimer devant soi, devant l'autre, pourquoi on se rencontre si vite.
Il y a beaucoup encore, beaucoup plus d'observations, d'exemples, de conversations dans l'article. Mais ça permet de résumer déjà un peu des réponses par rapport aux questions de recherche. Donc, ces applications permettent... effectivement de nouvelles formes de rencontres. Et c'est vrai que les usages des applications sont nouveaux.
Parce que les applications sont nouvelles, avant ça on faisait les choses autrement. Si on prend le téléphone comme référence, peut-être on se parlait au téléphone, mais ça ne permettait pas déjà d'établir le lien, il fallait que ça se fasse d'une autre manière. Et donc, il y a des nouvelles choses qui se font. Mais ça, c'est au niveau des usages, donc de comment les gens utilisent les différents outils de la vie quotidienne et les canaux de communication qui sont à leur disposition. Mais il y a derrière ce qu'on appelle les pratiques, donc les principes fondamentaux de comment les gens se rencontrent.
Ça, finalement... ça reproduit d'une autre manière des choses qu'on connaissait depuis longtemps. Il y a des études des années 70, des études ethnographiques sur des rencontres sexuelles brèves entre des hommes homosexuels dans des lieux publics qui montrent cette recherche de gratification sexuelle rapide, anonyme, sans suite, déjà.
C'est une pratique. parmi certains groupes particuliers qui étaient très courants déjà. Il y a maintenant, avant il fallait se donner rendez-vous à des endroits connus dans les villes. Maintenant, il y a ces applications pour ça.
Mais cette pratique de base, ça reste la même chose. Et dans Tinder, qui est une bien sûr... entre beaucoup d'applications de rencontres plus utilisées dans le contexte hétérosexuel, là ça suit un modèle finalement et des pratiques assez traditionnelles, selon ce que l'ICOP appelle le modèle patriarcal des relations genrées. Et Tindar joue même dans leur communication sur ça, en reprenant des images du 18e siècle.
qui font appel à cet idéal de romantisme, mais aussi patriarcalisme. Donc la réponse est oui et non. On fait des choses avec les médias qu'on ne faisait pas avant, donc oui dans ce sens-là, mais non parce que...
finalement, au fond, il y a des pratiques très anciennes qui sont reproduites par ces gens-là. Deuxième question, par rapport à cette notion de hook-up, de mise en relation pour un coup d'un soir. Est-ce que cette notion masque des différences significatives dans les deux cas ?
Est-ce qu'on parle de... application de vocab dans les deux sens, pour Grindr et Tinder. Mais est-ce que c'est en vrai très différent entre les deux ?
Là, la réponse est oui, et ça se base un peu sur ce qu'ils viennent de dire par rapport à la première question de recherche. Chez Grindr, c'est une sorte d'intensification de la pulsion sexuelle, et ça pousse l'idée encore plus loin. plus loin de cette spontanéité de la gratification immédiate. Et donc, pour reprendre Bauman, on peut dire qu'il y a une certaine liquidité dans ça parce que c'est quand même beaucoup plus pratique, plus vite, plus confortable que fréquenter des lieux publics qu'il fallait connaître comme on faisait avant. Et dans Grindr, dans Tinder, déjà, c'est un peu différent parce que cette notion de hookup, elle est...
elle n'était pas assumée par tous les participants de l'entretien. Même cette idée, c'est un terme anglais, donc la traduction française, c'est déjà plus complexe, mais même cette idée d'application de rencontres avec l'objectif qui est aussi une rencontre sexuelle, ce n'est pas vu comme l'objectif pour tout le monde. Et déjà, quand il y a des rencontres, en tout cas physiques, très rapides, c'est quelque chose qui demande une certaine explication, légitimation, parce que la norme, c'est quand même que ça prend plus de temps.
Je vous laisse lire un peu comment Christian Lycoppe décrit ces résultats. Ce qui est intéressant dans cette interprétation, c'est cette notion-là de panique morale. Il dit que lorsqu'on a vu au début les journaux qui disent la fin du romantisme, l'apocalypse, à cause de ces applications, finalement, ce n'est pas ça. Ça pousse peut-être les applications, il pousse peut-être certaines pratiques qui existaient déjà à un extrême. Ça va être encore plus facile, encore plus liquide.
qui était ce qu'on cherchait. Mais en même temps, les trajectoires qui existent depuis longtemps, les différentes pratiques de rencontre, elles continuent. Elles sont peut-être modifiées quand même, mais légèrement et dans un processus social. qui demande beaucoup de justification, de redéfinition de sens des différentes étapes de la rencontre, que finalement il y a beaucoup plus de continuité que ce qui est suggéré par les gens qui disent que c'est la fin du romantisme. ce qu'on a entendu sous des rencontres romantiques ou l'amour avant.
Pour maintenant conclure, on va reprendre cette idée d'interactionnisme symbolique comme une approche... issus de la micro-sociologie, donc plutôt les individus, comment ils interagissent, mais qui va essayer de développer une logique ascendante qui permet de comprendre les changements sociaux sur la base de ce qui se passe dans les petits groupes. Et dans cette logique-là, Cette notion de panique morale des médias, qui était aussi exprimée dans la littérature, dans l'approche de Zygmunt Bauman et dans cette notion de liquidification, ça c'est une vision finalement descendante, où on dit qu'il y a la technologie et le capitalisme qui viennent d'en haut changer nos rapports individuels dans des diades ou dans des petits groupes.
romantique ou pas romantique justement. Et c'est pas comme ça que ça se passe, dit l'interactionnisme symbolique. Et cette étude, elle montre Elle illustre comment ça ne se passe pas comme ça, en montrant qu'il y a de la technologie. Il y a peut-être aussi une logique de capitalisme qui est plus forte aujourd'hui qu'il y a 50 ans.
Mais finalement, les pratiques existaient déjà avant. Les pratiques, justement... pour organiser des rencontres sexuelles les plus efficacement possible, mais aussi ces pratiques qui résistent à ça, à cette efficacité, qui essaient de laisser durer le processus de rencontre dans ces traditions romantiques.
Et donc, on voit que s'il y a la nouvelle technologie, les gens vont attribuer... leçons qu'ils connaissent à ces nouvelles technologies, à ces nouveaux termes comme hook-up qui peuvent arriver et ils vont intégrer ça dans leurs pratiques quotidiennes. Et peut-être les choses vont changer, mais ça change doucement et c'est dans un processus de négociation, de changement aussi des pratiques, mais très doucement que ça se fait.
Il y a des changements. Voilà, j'espère que ça vous a montré l'intérêt d'une telle approche. Et je finis avec deux questions de révision.
Et puis, dans la séance prochaine, on va pouvoir un peu reprendre ça et aussi le discours de Peter Brunsek. Merci et bonne soirée.