Dans l'épisode précédent, on a expliqué via ce graphique que les taux d'intérêt pour les pays du Sud avaient largement diminué grâce à la mise en place de l'euro, et que cette baisse des taux avait amené les entreprises et les ménages à s'endetter massivement sur la période allant de 1999 à 2008. Ah ouais, tu commences direct comme ça toi, même pas d'intro ! Reste avec moi. Si on prend le graphique des taux, regarde bien ce qui se passe. Les taux baissent entre 92 et 99, mais après cette date, la baisse n'est pas flagrante.
De plus, jamais les pays du Sud n'empruntent à des taux inférieurs à ceux du Nord. Est-ce qu'il n'y aurait pas un problème dans ce qu'on a raconté dans l'épisode d'avant ? Pourquoi une augmentation de la dette privée à partir de 1999, alors que la baisse des taux la plus spectaculaire intervient avant cette date ?
Et surtout, pourquoi une augmentation de la dette dans le sud uniquement, alors que les taux sont au même niveau pour tout le monde ? Ok, ça a marché, je suis plutôt curieux là. Alors c'est parti ! La jeune Lucie a perdu beaucoup de sang, hein ?
Et bien regardez ! Voyez ! Tous ces sangs-là, où est-il passé ?
Voyez les draps, voyez l'oreiller, voyez sa chemise, vous voyez quelque chose ? Comment votre monde scientifique explique-t-il cela ? Pouvez-vous expliquer cela ? Y a-t-il une explication à cela ? Il n'y a aucune explication à cela !
Il n'y a aucune explication à cela ! Mais il n'est pas expliqué cela ! Commençons par dire que tout ce qu'on a raconté dans l'épisode précédent reste valide.
L'endettement a augmenté plus vite dans les pays du sud, notamment parce que ce sont bien ces pays-là qui avaient le plus besoin de se développer, de s'équiper et d'investir pour rattraper les pays du nord. Cela dit, cette histoire de taux d'intérêt reste intéressante. et on va voir que même si à première vue ce graphique ne montre aucun avantage particulier pour les pays du sud par rapport aux pays du nord cet avantage existait pourtant bel et bien ok je suis bien chaud qu'est ce que c'est que ce mystère laisse moi te montrer le schéma qui explique comment les taux d'intérêt fonctionnent d'abord la banque centrale d'impôt pays ou d'une zone monétaire définit le taux plancher, celui qui normalement devrait être le plus bas de tous. On l'appelle le taux de refinancement ou taux directeur.
Tiens c'est marrant, moi je croyais qu'il y avait plusieurs taux directeurs. C'est vrai, il en existe d'autres, mais ici on se concentre sur le plus important d'entre eux. Donc au-dessus de ce taux de refinancement va venir se positionner le taux d'emprunt de l'Etat.
Ce sont les marchés financiers qui déterminent ce taux via la loi de l'offre et de la demande. Et il devrait normalement se situer juste au-dessus de celui de la banque centrale. On va expliquer pourquoi. Ok, et encore au-dessus, il y a le taux des entreprises et des métiers.
ménage. Tout juste, c'est encore la loi du marché offre versus demande qui vient définir leur niveau. Première question, pourquoi est-ce que le taux d'emprunt de l'état est juste au dessus du taux de refinancement ? Parce que prêter à l'état c'est un placement hyper sûr. Pourquoi ce serait plus sûr de prêter à l'état plutôt qu'à quelqu'un d'autre ?
Et puis quel rapport avec le taux de refinancement de la banque centrale ? Et ben je sais pas. Le taux de refinancement c'est le taux que la banque centrale charge à toutes les autres banques quand elles ont besoin de lui emprunter de l'argent. En gros les banques même si elles peuvent créer de la monnaie ont quand même besoin pour des raisons essentiellement comptables de parfois emprunter auprès de la banque centrale. Le taux de refinancement c'est donc un coût pour les banques.
Or celles-ci font partie des investisseurs présents sur les marchés financiers qui prêtent aux états. Alors maintenant imagine qu'une banque se finance auprès de la banque centrale pour disons 3%. A quel taux est-ce que cette même banque sera-t-elle disposée à prêter à un état ?
Alors si elle veut faire des profits je dirais à plus que 3%. Et voilà pourquoi le taux d'emprunt des états est largement impacté par la politique monétaire de la banque centrale. Plus le taux de refinancement est élevé, plus le taux d'emprunt de l'Etat l'Etat l'est également et inversement. Alors attention je précise qu'il ne faut pas déduire de mon exemple que les banques se financent uniquement auprès de la banque centrale. Également les banques ne sont pas les seules à prêter aux Etats.
Il existe de nombreux types d'investisseurs différents présents sur les marchés financiers qui peuvent avoir des contraintes différentes. Donc mon histoire de taux de refinancement qui impacte le taux d'emprunt de l'Etat c'est vrai mais ce n'est qu'un impact parmi d'autres. Ok bon je vois finalement c'est comme d'habitude c'est compliqué. Bien maintenant deuxième question pourquoi le taux d'emprunt de l'Etat est-il proche du taux de refinancement ?
Après tout puisque les banques ne font que transférer un coût, tout ce que ça veut dire, c'est que le taux doit être supérieur au taux de refinancement. Si la banque centrale prête à 3% aux banques, qu'est-ce qu'il y retient de prêter à 5% ou même à 10% à l'État ? Ah, c'est à cause du risque qui est faible.
Je suis sûr que prêter l'argent à l'État, c'est un placement considéré comme hyper sûr. C'est vrai, le taux de refinancement sert de base de calcul. Les banques ne devraient pas prêter en dessous de ce taux pour ne pas perdre de l'argent.
Mais ce qui va déterminer tout ce qu'elles rajoutent au-dessus, c'est effectivement le risque. Il en existe plusieurs, mais pour le moment, concentrons-nous sur... sûr, le plus important d'entre eux, le risque de non-remboursement, qu'on appelle aussi risque de défaut ou encore risque de crédit. Quelles sont les chances pour que l'État ne rembourse pas ses dettes ? Nul, zéro, aucune chance.
Ah bon ? Et la crise de l'euro c'est quoi alors ? De la gnignote ! Ah bah oui.
Mais pourtant j'étais sûr moi, l'État emprunte pas au taux sans risque ? Et tu as raison. L'État est toujours considéré comme le placement le plus sûr, notamment parce que c'est l'agent économique le plus important, celui qui est au centre de toute l'économie, celui qui décide des lois et qui est connecté à toutes les entreprises et à tous les ménages.
Cela dit, de là à dire que le risque de non-remboursement est nul, il y a ici un point essentiel. L'État est perçu comme un placement sans risque par... les investisseurs dans les pays où la banque centrale peut servir de prêteur de la dernière chance.
En gros, la banque centrale est la maman de toute création monétaire. Non pas qu'elle soit la seule à pouvoir créer de l'argent, ni même la plus importante, les banques commerciales en créent beaucoup plus, mais c'est elle qui peut le faire avec le minimum de contraintes. Si l'État contrôle la banque centrale, alors il pourra toujours rembourser toutes ses dettes, tant qu'elles sont libellées en monnaie nationale, par simple création monétaire.
Ah bah voilà, je savais bien que j'avais raison. Par contre du coup, ça marche pas en zone euro le truc de la banque centrale prêteuse de la dernière chance, non ? C'est vrai, mais n'allons pas trop vite. Si prêter à l'État est presque sans risque, voire même sans risque, alors on comprend que le taux d'emprunt public se trouve à peu près au niveau du taux de refinancement. Donc, en très très gros, on peut dire que taux de refinancement est à peu près égal à taux d'emprunt public.
Théoriquement, les deux ne devraient jamais tomber trop loin l'un de l'autre, tant que le risque de non-remboursement est perçu comme faible. Tu suis ? Ouais, ouais, c'est bon. Ok, alors maintenant, question suivante.
Quel est le critère principal qui motive le choix de la Banque Centrale quant à la fixation de son taux de refinancement ? Euh... Comment la banque centrale choisit son taux de... on sait rien ?
L'inflation. Ah oui... La banque centrale a pour mission principale la stabilité des prix, autrement dit le maintien de l'inflation à des niveaux raisonnables.
Aujourd'hui, on estime que les conditions optimales de développement économique sont atteintes quand l'inflation tourne autour de 2-3%. Alors ici encore, je vais beaucoup simplifier, mais ce que je voudrais, c'est que tu gardes simplement l'image en tête. Les banques centrales montent leur taux de refinancement pour venir faire baisser l'inflation. Un peu comme si un taux de refinancement élevé venait...
peser sur l'inflation pour la faire baisser, tandis qu'un taux de refinancement plus faible va venir pousser l'inflation vers le haut. D'accord, donc l'inflation c'est un truc relou qui arrête pas de bouger dans un sens ou dans l'autre, il faut toujours essayer de le contenir autour de 2-3%. Mouais, alors tout le monde n'est pas d'accord sur la nécessité de maintenir l'inflation à des niveaux faibles, même si c'est quand même la théorie dominante.
Par contre, tout le monde est d'accord pour dire qu'elle doit toujours rester positive. Donc, je te rappelle l'idée, puisque la banque centrale définit son taux de refinancement en fonction de l'inflation, et bien quand celle-ci est forte, le taux de refinancement va l'être également. Tandis que quand l'inflation est faible, c'est l'inverse, le taux de refinancement est faible.
Donc inflation et taux de refinancement sont corrélés, et ils bougent ensemble, dans le même sens. Ok, sauf qu'on n'a pas déjà dit que le taux de refinancement donnait déjà à peu près le niveau du taux d'emprunt public ? Si, justement ! Le taux de refinancement suit l'inflation et donne le taux d'emprunt public. Donc les trois sont liés.
Encore une fois, il ne s'agit pas de dire que ces pourcentages sont égaux, mais il y a clairement une corrélation, et ils bougent dans le même sens. Voici par exemple ce que ça donne aux États-Unis. On voit que les tendances sont similaires entre les trois courbes. Le taux d'emprunt public suit le taux de refinancement de la banque centrale qui suit l'inflation. Et puis voici un autre exemple, cette fois il s'agit du Royaume-Uni.
Encore une fois on est très loin du 1 pour 1, mais l'idée est là. Ok donc d'accord, les trois trucs bougent à peu près ensemble. Et alors, à quoi ça sert de savoir ça ? Il ne manque plus que la dernière partie du puzzle, l'inflation réduit le poids de la dette.
Bah oui, merci, on a vu que quand l'inflation était faible, le taux de refinancement baissait, donc le taux d'emprunt aussi, donc moi je vois pas vraiment... Non non non non ! Plus l'inflation est forte, plus la dette est facile à rembourser.
Hein ? Tu vas comprendre. Imagine une entreprise qui fabrique 100 téléphones et les vend 500€ à une population composée uniquement d'employés et d'actionnaires de cette même entreprise.
Ici, les ménages achètent les téléphones 500€ pièce, l'entreprise peut donc lancer la production de nouveaux téléphones, rémunérer ses employés et actionnaires qui utilisent ces revenus pour acheter de nouveau des téléphones, et le cycle se répète encore et encore. Eh ben je vois que tu t'emmerdes pas trop, c'est le même schéma que dans l'épisode d'avant. Ah oui, ben voilà, je ne pensais pas que tu allais le voir.
Donc maintenant, imagine que l'entreprise s'endette pour augmenter de 50% les revenus des ménages. En gros, elle augmente les dividendes des actionnaires et les salaires des employés. Et que dans le même temps, elle augmente aussi de 50% le prix de ses téléphones, qui restent pourtant exactement les mêmes.
Qu'est-ce qui va se passer ? Ah oui, je crois que je me rappelle que tu avais expliqué un truc comme ça dans l'épisode sur le PIB avec le réveilleur. En fait, ça ne change rien, c'est ça ? Ça change le PIB, mais il n'y a effectivement pas de croissance. Les salaires ont augmenté de 50%, les dividendes aussi, mais les prix aussi.
Donc au final, la mécanique fonctionne toujours bien. Il y a toujours un système de production, rémunération, consommation. Mais personne ne peut consommer plus de téléphones. Parce que de toute façon, il n'y a pas plus de téléphones à acheter.
La production est toujours à 100. Et la qualité n'a pas changé. Il n'y a pas eu de croissance. Par contre, on voit bien que le PIB a augmenté. Il est passé de 50 000 à 75 000. Soit une inflation de 50%. D'accord, ok.
Quand le PIB augmente sans croissance, c'est de l'inflation. Et alors ? Eh bien, tu te rappelles que les revenus de l'État dépendent majoritairement de taxes sur les revenus et sur la consommation. Ouais. Donc quand le PIB augmente, même s'il ne s'agit pas de croissance, même s'il s'agit d'inflation, les revenus de l'État augmentent aussi.
Ouais. Alors dans ce cas, le taux d'intérêt réel payé par l'État dépend aussi de l'inflation. Hein ? Et oui, imagine un État endetté à hauteur de 100€ et qui devra payer 10% d'intérêt tous les ans sur les 10 prochaines années. Maintenant, imagine que les revenus de cet État correspondent à des taxes prélevées sur le PIB d'un pays.
Ici, on va dire que le PIB est de 150 et que l'État récupère 30% de ce montant. Le budget de l'État est donc de 45 la première année. Ce qui représente combien de de son budget ? Euh oui, là tu prends un peu de cours, un peu plus de… Donc plus de 20%.
Voilà, 22%. Maintenant, disons qu'il n'y a pas de croissance dans ce pays, mais simplement de l'inflation. 10% d'inflation tous les ans. À ce moment-là, le PIB augmente de 10% tous les ans, et puisque l'État récupère toujours 30% de ce montant, les revenus de l'État augmentent aussi de 10% chaque année. Ah, et du coup, si on fait le rapport entre les 10 d'intérêt et le budget de l'État, on voit que ça diminue d'année en année.
L'inflation est un excellent moyen de réduire le poids de la dette, parce qu'une dette, même si on additionne le remboursement du principal, et le paiement des intérêts, c'est un montant qui est fixe, ça ne bouge pas. Tandis que l'inflation, c'est un phénomène qui augmente les revenus tous les ans. Alors certes, pas de façon uniforme, c'est-à-dire pas du même montant pour tout le monde, parce que l'inflation peut être différente en fonction des produits.
Et puis on parle de revenus, pas de pouvoir d'achat. Mais ça permet quand même de réduire le ratio de la dette par rapport aux revenus, et donc de réduire le poids de cette dernière dans les budgets. Ah ouais, c'est mortel, j'avais jamais pensé à ça !
En économie, on considère que le taux d'emprunt réel, c'est taux nominal moins inflation. Donc si une banque te propose un taux de 4% pour ton emprunt mais que l'inflation dans le pays est de 1% par an et que ton employeur augmente bien ton salaire de 1% tous les ans pour que tu ne perdes pas de pouvoir d'achat, alors le taux réel de ton emprunt c'est à peu près 3%. Ok j'ai compris mais alors du coup tout ça pourquoi en fait ? C'est quoi le rapport avec la zone euro et les taux d'intérêt ?
Eh bien je te remonte mon graphique des taux. On se demandait pourquoi la période d'endettement du secteur privé n'avait démarré qu'à partir de 1999 alors que les taux dans les pays du sud avaient commencé à diminuer de façon spectaculaire avant cette date. On se demandait aussi pourquoi les pays du sud s'étaient endettés plus que ceux du nord, alors que finalement, les taux y ont toujours été soit supérieurs, soit les mêmes.
La réponse est beaucoup plus visible si au lieu de regarder ce graphique, qui ne représente que les taux d'intérêt nominaux, on regarde ce graphique là, qui montre les taux d'intérêt réels, ceux qui tiennent compte de l'inflation. Ah ouais, les taux réels dans le sud étaient plus faibles que ceux du nord. Mais la différence n'existe pas vraiment avant la mise en place de l'euro. Tous les pays empruntaient en fait au même taux, ce qui explique en partie pourquoi l'augmentation de la dette n'intervient qu'à partir de 1999. Et depuis 2008, le Sud est largement désavantagé par rapport au Nord, ce qui est un facteur très important qu'on devra prendre en compte quand on expliquera pourquoi la crise a frappé dans le Sud plutôt que dans le Nord.
Et alors du coup, est-ce que c'est pas la faute de la BCE ? Si j'ai bien compris, tout ça c'est une histoire d'inflation. L'inflation était plus forte dans le Sud que dans le Nord, sauf qu'avant 1999, tout le monde a sa propre banque centrale personnalisée, du coup les taux réels sont les mêmes pour tous, tandis qu'après 1999, il n'y a plus que la BCE pour tout le monde, et ça devient le bordel. Alors il est vrai qu'il est très difficile pour la BCE de maintenir des taux d'inflation cohérents entre les différents pays membres avec un seul taux de refinancement et avec une seule monnaie. Comme tu l'as dit, l'inflation dans les pays du Sud est restée supérieure à celle des pays du Nord jusqu'à la crise de 2008. Certes, avant 1999, la différence était encore plus prononcée, mais à ce moment-là, chaque pays avait sa propre banque centrale, avec son propre taux de refinancement, sa propre monnaie et aussi son propre taux d'emprunt public.
Ce sont d'ailleurs les politiques monétaires des différentes banques centrales visant à réduire cette inflation dans les pays du Sud qui explique la baisse des taux pour ces pays avant l'apparition de l'euro. L'idée, c'était de faire converger les niveaux d'inflation vers des niveaux communs pour que la BCE puisse prendre le relais dans de bonnes conditions. Et du coup, les taux d'emprunt des États ont simplement suivi la baisse des taux de refinancement qui eux-mêmes suivaient la baisse de l'inflation.
Cela dit, même si à partir de 1999, il n'y a plus qu'une seule banque centrale, les taux d'intérêt réels dépendent aussi des marchés financiers. Tu te rappelles de ce qu'on a dit tout à l'heure. Pour définir les taux d'emprunt des États, les investisseurs devraient normalement partir du taux de refinancement défini par la Banque Centrale, puis appliquer une pénalité en fonction du risque de non-remboursement.
Pourquoi les marchés financiers auraient-ils appliqué les mêmes taux à tous les États membres de l'euro, alors qu'évidemment, chaque État est différent ? Les gouvernements sont différents, les orientations politiques sont différentes, les projets sont différents, les marchés de l'emploi aussi, de même que les taxes, les niveaux de chômage, les niveaux d'endettement, etc. Mais oui, mais s'il n'y a qu'une seule Banque Centrale avec une seule monnaie, Alors ça veut dire que tous les états sont sur un même pied d'égalité, peuvent tous se faire sauver par la BCE... Ah bah non. Et non, la BCE a toujours dit qu'elle n'interviendrait jamais pour sauver un état membre, qu'elle ne les financerait jamais directement.
La règle a toujours été claire et les marchés financiers le savaient. La BCE est différente des autres banques centrales, elle ne se concentre que sur l'inflation. Eh mais alors cette histoire de taux au même niveau ça a pas de sens. Et il n'y a pas que le risque de défaut qui était différent. L'inflation est aussi un risque dont les investisseurs doivent tenir compte.
Si l'inflation va dans le sens des emprunteurs en augmentant leurs revenus pour qu'ils puissent rembourser plus facilement leurs dettes, cette même inflation dessert les investisseurs qui, quand ils récupèrent leur mise, ont perdu du pouvoir d'achat. Imagine que tu me prêtes 100 euros au lieu de t'acheter une paire de chaussures. Trois ans plus tard, quand je te rends ton argent, le prix des chaussures a augmenté à cause de l'inflation et tu ne peux plus te les acheter.
L'inflation t'a fait perdre du pouvoir d'achat. Il faut donc... que tu en tiennes compte dans les calculs au moment où tu vas fixer le taux d'intérêt appliqué à mon prêt.
Puisque l'inflation était plus forte dans les pays du Sud, pourquoi les investisseurs n'en ont-ils pas tenu compte ? Risques de défauts différents et risques d'inflation différents, et pourtant tous les pays de la zone euro ont emprunté au même taux. Finalement, la situation normale du point de vue des marchés financiers C'est ce qui se passe en ce moment. Chaque état a son propre taux d'emprunt qui est différent de celui des autres parce que les risques d'inflation et de défaut ne sont pas les mêmes en fonction du pays.
Ah ouais ? Alors du coup comment on explique cette période entre 1999 et 2008 ? Il va falloir plonger encore un peu plus dans le fonctionnement des marchés financiers pour comprendre.
Allez je m'arrête ici pour le moment, c'était déjà assez costaud comme ça, je te résume un peu tout ce qu'on vient de dire. D'abord on a dit que le taux de refinancement défini par la banque centrale représente un coût pour les banques. Ces dernières transfèrent donc ce coût à leurs clients.
à savoir l'État, les entreprises et les ménages. Puisque l'État est considéré comme l'agent économique le plus sûr, c'est lui qui obtient le taux le plus avantageux. Et s'il contrôle sa banque centrale, il a de grandes chances d'obtenir un taux vraiment très très proche du taux de refinancement, car son risque de défaut est, disons, quasi nul.
Le taux de refinancement dépend du niveau de l'inflation. Plus celle-ci est élevée, plus le taux sera haut et inversement. Aujourd'hui, on considère qu'il faut que l'inflation se situe autour de 2 à 3% pour que l'économie tourne bien.
On a donc vu que inflation, taux de refinancement et taux d'emprunt public évoluaient ensemble et dans le même sens. On a aussi montré que l'inflation était en réalité un avantage pour les emprunteurs. En effet, concernant la dette, le montant à rembourser est figé dans le temps, alors qu'avec l'inflation, les revenus de l'emprunteur peuvent augmenter au fur et à mesure, ce qui facilite le remboursement. Le taux d'intérêt réel, celui qui correspond au coût réel de la dette, c'est donc taux d'emprunt nominal moins inflation. Si on compare le graphique des taux nord-sud avec celui des taux réels, on se rend compte que la période post-euro ne présente en réalité aucune différence significative. Les États du nord et du sud empruntaient en fait au même taux.
On constate également que les pays du sud ont obtenu... un avantage sur les pays du nord à partir de 1999 et jusqu'à 2008, avantage qui est aujourd'hui entre les mains des pays du nord. On pourrait croire que c'est le fait de n'avoir qu'une seule banque centrale avec un seul taux de refinancement applicable à 19 pays différents qui a provoqué ce dysfonctionnement, mais en réalité ce sont les marchés financiers qui n'ont visiblement pas fait leur boulot. En effet pour déterminer le taux d'emprunt des états, même si les investisseurs partent tous du taux de refinancement appliqué par la BCE, ils sont ensuite supposés tenir compte du risque de non remboursement et du risque d'inflation au cas par cas.
Et c'est exactement ce que les marchés financiers font, puisque aujourd'hui, chaque État possède son propre taux d'intérêt. D'où la question, pourquoi avoir considéré que les risques d'inflation et de défaut étaient les mêmes pendant toute la période allant de 1999 à 2008, alors que pourtant tous les indicateurs, niveau de chômage, niveau d'inflation, politique fiscale, gouvernement en place, niveau d'endettement, etc., disaient qu'il y avait de grandes différences entre les pays ? Ok, ok, je sais que l'épisode est fini, mais tu veux pas juste me donner un indice sur la réponse ?
Bah, c'est encore un truc multifacteur, y'aura pas trop de tout un épisode pour... pour bien expliquer les choses. Mais si tu veux fouiner un peu... Ripo. Ripo ?
Qu'est-ce que c'est que cet indice à la... Merci d'avoir suivi cet épisode un petit peu dense. J'espère qu'il vous permet d'y voir un petit peu plus clair dans toutes ces histoires de taux d'intérêt. Le prochain coup, on va essayer de montrer comment les marchés financiers fonctionnent réellement.
Vous allez voir qu'avec la loi de l'offre et de la demande, on peut faire un petit peu tout et n'importe quoi, et que la théorie peut vite disparaître à l'horizon. Merci à tous les tipeurs qui me soutiennent financièrement. La chaîne a maintenant passé le cap des deux ans d'existence. Et c'est grâce à vous que je peux continuer de passer mes journées à lire des bouquins, chercher des données, dessiner des graphes et me parler à moi-même pour pouvoir écrire ces épisodes. Et franchement, j'adore ça.
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