Bonjour à toutes et tous et bienvenue sur le français c'est clair. Je m'appelle Marie-Astrid, je suis professeur de français et je vous propose aujourd'hui une vidéo sur ce que l'on appelle la littérature d'idées. Le terme peut paraître étrange et proche du pléonasme car comment écrire de la littérature sans idées ?
En réalité, il s'agit d'un intitulé qui, en littérature, caractérise un objet d'étude très polymorphe, qui prend plusieurs formes, et qui complète les trois autres objets d'étude plus classiques que sont la poésie, le théâtre ou romans et récits. Mais alors, la littérature d'idées, qu'est-ce que c'est ? Serait-ce tout simplement ce qui n'est pas théâtre, roman ou poésie ? Ce serait un peu trop simple.
La littérature d'idées, que l'on appelait autrefois la littérature d'argumentation, regroupe la littérature d'idées en deux. des genres de textes très variés, nous le verrons, mais ces textes ont tous quelque chose en commun. Ils défendent des idées ou des thèses bien identifiées. Pourquoi au lycée accordent-on tant de place à la littérature d'idées ?
L'objectif est, je cite les textes officiels, de vous construire une culture humaniste. Le mot est employé ici dans le sens d'une culture qui vise à développer vos facultés humaines. Comment ?
En vous faisant réfléchir et en vous faisant réfléchir, et en vous permettant de découvrir les raisonnements de penseurs qui vous permettront de mieux comprendre le monde. Car lire leurs textes, vous appuyer sur leurs réflexions, c'est un peu comme si vous vous juchiez sur des épaules de géants pour reprendre une image très ancienne. Prenant appui sur leurs pensées, vous développerez ainsi votre esprit critique et cela vous permettra de débattre, de discuter des idées d'autrui.
De manière plus pragmatique, travailler la littérature d'idées, c'est aussi se préparer pour le bac. En effet, vous allez forcément étudier en première une œuvre et un parcours associés choisis par votre professeur dans la catégorie littérature d'idées. Ainsi, pour 2022-2023, les auteurs au programme sont Rabelais, Bruyère et Olympe de Gouges, œuvre auquel votre professeur devra ajouter d'autres textes, éclairant aussi le parcours associé. Pour l'épreuve orale, vous pourrez être interrogé sur ces extraits, vous devrez alors en faire une explication linéaire et répondre à une question de grammaire.
À l'écrit et pour la voie générale, le sujet de dissertation pourra porter, ou pas, sur l'objet d'étude littérature d'idées. En revanche, pour la voie technologique, c'est certain, le sujet de contraction de texte puis l'essai portera forcément sur le parcours choisi en littérature d'idées. Pour toutes ces raisons, il est intéressant de commencer dès la seconde à se constituer grâce au programme une sorte de bibliothèque mentale qui vous sera utile pour le bac. Mais de quel programme s'agit-il ? En seconde, les textes que votre professeur vous fera étudier en littérature d'idées porteront sur une période relativement récente, allant du XIXe au XXIe siècle.
Aux textes littéraires seront associés des articles de presse. Cela vous permettra de réfléchir au monde contemporain et au changement des deux siècles derniers. Rappelons quelques grandes idées pour mieux cerner ces époques. Le XIXe siècle est un siècle très instable du point de vue politique et nombreux sont les textes dans lesquels des écrivains comme Lamartine, Toussaint Louverture, Victor Hugo, Georges Sand défendent leurs idées et font part de leur volonté de changement. Puis, de la moitié du XIXe à 1914, La littérature d'idées se fait l'écho d'un monde nouveau.
Elle commente les avancées techniques, les espoirs et parfois les inquiétudes liées à la révolution industrielle. Vient ensuite une époque moins joyeuse, hélas, celle des deux guerres mondiales de 1914 à 1945. Après une embellie économique que l'on nomme les Trente Glorieuses, qui cache notamment des conflits liés à la décolonisation, vient avec le XXIe siècle, l'heure des crises, et d'un sombre bilan qui ne vous aura pas échappé, je pense. En première, vous remontrez le temps, pour aborder des textes plus anciens, puisque la littérature d'idées concernera alors les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles.
Le XVIe siècle est le siècle de l'humanisme. Parmi les grandes figures de l'humanisme, citons en France Rabelais, Montaigne ou la Boétie, Ajoutons Thomas More en Angleterre et Erasme en Hollande. Au XVIIe siècle se succèdent deux grands mouvements littéraires, le baroque et le classicisme, mais en littérature d'idées, ceux qui nous intéressent ce sont les moralistes, qui peignent les mœurs ou les comportements de leurs contemporains, comme le font La Fontaine, La Bruyère ou La Rochefoucauld. Le XVIIe siècle est dominé par la figure de Louis XIV, le roi soleil. Le XVIIIe siècle est celui des Lumières, Lumières qui s'allument dans les esprits grâce aux écrivains-philosophes que sont Montesquieu, Voltaire, Rousseau ou Diderot.
Les philosophes des Lumières, revendiquant en plus d'égalité, ont en quelque sorte mené à la Révolution française et l'année 1789 marque un grand tournant dans l'histoire des idées. même si la révolution ne débouche pas encore sur l'égalité homme-femme comme en témoigne le destin de l'homme de gauche. Mais venons-en aux différents genres qui se dissimulent sous l'intitulé littérature d'idées. Il faut distinguer les genres où l'auteur argumente de façon directe, c'est-à-dire en son nom propre, et ceux pour lesquels il se cache derrière des personnages fictifs. En matière d'argumentation directe, évoquons d'abord le genre de l'essai.
inventé par Montaigne et qui rassemble aujourd'hui tout un tas de textes qui exposent des idées de tous ordres. On trouve par exemple des essais critiques comme ceux de Roland Barthes ou des essais féministes comme le deuxième sexe de Simone de Beauvoir. La Rochefoucauld et La Bruyère ont décrit des maximes dans lesquels ils formulent des jugements, par exemple sur l'amour propre au centre du monde pour le duc de La Rochefoucauld. Erasme a quant à lui écrit un éloge de la folie. Quant au blâme, c'est le genre favori de la bruyère, qui écrit des portraits satiriques.
Plus virulent encore, citons le genre du pamphlet, attaque violente comme celle que fit paraître Victor Hugo contre celui qu'il nommait Napoléon le Petit. La lettre, et particulièrement la lettre ouverte, entre dans la catégorie littéraire. d'idées. Vous connaissez sans doute le j'accuse de Zola qui interpellait le président Félix Faure à propos de l'affaire Dreyfus.
Citons encore le genre du discours, discours politiques comme ceux de Victor Hugo ou plaidoyer d'avocats entrés dans l'histoire. Pour finir, le genre du manifeste comme celui d'André Breton sur le surréalisme est à ajouter aux avertissements préface ou postface d'auteurs soucieux de prendre la parole à la première personne. En ce qui concerne l'argumentation indirecte, lorsque le point de vue de l'auteur se cache derrière des personnages de fiction, commençons par le genre de l'utopie, inventée par l'anglais Thomas More, dont on trouve un écho dans l'abbaye de Télème des peintres par Rabelais.
Ajoutons la fable que vous connaissez bien, écrite par La Fontaine ou Florian, qui est certes en vers, mais que l'on juge avant tout comme vecteur d'idées, et qui entre donc dans cette catégorie. Le conte y entre également, qu'il soit conte merveilleux à force de la fable, portées morales comme les contes de Charles Perrault ou contes philosophiques comme Candide ou Micromégas de Voltaire, très représentatifs de l'esprit des Lumières. Contes effables s'inscrivent dans la plus large catégorie des apologues qui sont de courts récits imaginaires ou parfois réels dont se dégage une vérité morale. Pensons ainsi à la ferme des animaux d'Orwell qui est un apologue. Le genre du dialogue est également possible, Voltaire, Rousseau, Diderot en ont écrit.
La poésie, quand elle est dite engagée, peut-elle aussi entrer dans la catégorie littérature d'idées ? Ainsi, lorsqu'Hugo s'élève contre la misère et le travail des enfants dans son poème Mélancolia. Les romans peuvent aussi être le vecteur d'idées philosophiques.
C'est le cas des romans de Rabelais qui traduisent, vous le savez, une pensée humaniste. Mais citons aussi toutes les dystopies si nombreuses aujourd'hui. parmi lesquelles les premières du genre Le meilleur des mondes d'Oxley et 1984 d'Orwell. Certaines pièces de théâtre se revendiquent aussi comme des pièces à thèse, comme La maison de poupées d'Ibsen, qui est une réflexion sur les droits des femmes.
Et que dire des pièces de Molière, que sont Don Juan ou Tartuffe, qui pourraient facilement entrer dans l'objet littérature d'idées, en plus de celui du théâtre ? Quant à sa critique de l'école des femmes, elle y fait argumenter opposants et partisans de sa pièce, et cela a clairement à voir avec la littérature d'idées. Vous le voyez, la littérature d'idées, c'est vaste.
Que ce soit pour l'oral ou pour l'écrit, en commentaire de texte, il est donc bon de se poser des questions lorsque cet objet d'étude apparaît. Pour cela, lisez bien le paratexte, ces lignes au-dessus et en dessous du texte qui vous donnent de précieuses indications. Face à un texte de littérature d'idées, posez-vous d'abord la question de l'énonciation.
Qui parle à qui, où et quand ? Est-ce l'auteur qui s'adresse directement à votre intelligence ou fait-il passer ses idées par le biais de personnages fictifs ? Cela revient à se demander, vous l'avez compris, si l'argumentation est directe ou indirecte.
Ensuite, quelle est la thèse ou les thèses ? Car parfois il y en a deux, défendues par le texte. Identifier le genre du texte est bien sûr une question fondamentale et votre problématique peut en découler ?
Comment l'auteur se sert-il du conte pour transmettre ses idées ? Autre question à poser, quelle est la tonalité principale du texte ? S'agit-il d'un texte satirique qui se moque, comme le sont les portraits dans les caractères de la bruyère avec l'effroyable gnaton par exemple ?
On peut aussi avoir affaire à une tonalité polémique du grec polemos, la guerre, lorsque l'attaque est plus directe, avec le jacuzzi de Zola ou lorsque la suédoise Greta Thunberg interpelle les générations précédentes à propos du climat. Plus subtil, le texte peut aussi être ironique, avec un sens caché que le lecteur doit décrypter lorsqu'une parole fait entendre son exact contraire, et je pense à Flaubert, grand expert en ironie, lorsqu'il écrit par exemple son dictionnaire des idées reçues. Attention, différentes tonalités peuvent apparaître dans un même texte, et la tonalité pathétique peut aussi servir une argumentation. Une fois ces grandes questions résolues, il est bon d'observer le texte dans les détails et de rechercher les connecteurs.
Connecteurs temporels d'abord, car l'argumentation peut se faire en plusieurs temps ou étapes qu'il faut bien repérer. Puis il sera bon de rechercher tous les connecteurs logiques et en particulier ceux qui marquent l'opposition, mais toutefois au contraire, ou la concession, bien que, même si, etc. Si vous voulez en savoir plus sur ce point, je mets en lien une vidéo sur le site de l'Université de Paris.
vidéo sur les connecteurs. Une fois que vous avez bien repéré la structure du texte grâce à eux, il est temps de chercher les différentes figures de style ou de rhétorique que l'on trouve dans les textes argumentatifs. Repérez-vous des anaphores ou des questions rhétoriques ?
Si vous étudiez un discours de De Gaulle ou de Churchill, ces figures ne seront vraiment pas difficiles à repérer. Elles rythment le texte et le rendent plus vivant, incluant l'auditeur dans le discours. Il est possible aussi que des énumérations, des gradations, des hyperboles soient présentes, en tout cas dans les grands discours en argumentation directe.
Si le texte présente explicitement des thèses opposées, les différentes figures d'opposition comme l'antithèse seront également présentes. Mais si, au lieu de chercher à convaincre de manière directe par la raison, l'auteur ou le personnage... plutôt à persuader, prenant appui sur l'affect, la sensibilité du lecteur, il peut avoir recours à l'antiphrase, disant l'exact contraire de ce qu'il pense.
C'est le procédé principal de l'ironie. La litote peut aussi être à l'œuvre, lorsqu'au lieu de se critiquer de manière frontale, deux personnages expriment des réserves de manière plus subtile. Je finis moi aussi avec une litote, car j'espère que cette leçon ne vous aura pas paru tout à fait inutile.
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