Mes chers camarades, bien le bonjour ! Dans notre imaginaire collectif, la Grande Muraille de Chine est un immense mur fortifié en pierre, d'un seul tenant sur plusieurs milliers de kilomètres, et construit par les Chinois pour se défendre face aux invasions barbares. Les théories les plus loufoques vont même jusqu'à affirmer qu'on peut la voir depuis la Lune. Et même si c'est faux, ça prouve quand même l'importance qu'on lui donne, et à quel point on la voit comme un ouvrage massif. Dans cette vidéo, on va voir ensemble ce qu'est...
qu'est en réalité ce que nous les occidentaux, on appelle la Grande Muraille de Chine. Pour commencer, un petit point d'étymologie, parce qu'aussi étonnant que cela puisse paraître, ce nom même de Grande Muraille n'existe pas tel quel dans les textes chinois anciens. Les chinois parlent de Sai, frontière fortifiée, puis plus récemment de Changcheng, Chang pour long et Cheng signifiant ville fortifiée.
En occident, certains textes de l'antiquité mentionnent un long mur qui enferme le peuple des serfs. A la base, le terme « grande muraille » , c'est en fait une traduction littérale proposée par les voyageurs européens qui vivaient en Chine au cours de la dynastie des Ming et des Qing. Et c'est dans ces rapports envoyés dans les cours européennes que le mot « grande muraille » va commencer à se faire connaître.
Pour le sinologue français Guy Boiron, l'expression de « longue fortification » serait la meilleure traduction et la plus correcte. Elle est plus proche du sens du mot chinois et correspond aussi mieux à la réalité de ce qu'est la grande muraille de Chine. On pourrait même proposer une autre traduction qui s'en rapproche un peu plus, celle de cité fortifiée étendue.
Puisqu'on va le voir, cette grande muraille est en réalité une ligne de forteresse connectée entre elle par un mur fortifié. Bref, on n'a pas fini de se prendre le chou sur la meilleure traduction possible, mais vous voyez l'idée. Pour des raisons pratiques, on va donc continuer de parler de grandes murailles dans cet épisode.
Et il y a un autre truc qu'on va aussi utiliser par commodité dans cet épisode, et il faut le dire direct, le terme chinois. Le problème avec ce terme de chinois, c'est qu'il est totalement anachronique au début de la construction de la Grande Muraille. Si vous voulez, c'est un petit peu comme parler des Gaulois en... imaginant qu'il y a une seule structure politique centrale, qui sont tous unis comme un seul, ce qui évidemment n'est pas le cas.
Sur le territoire chinois actuel, les royaumes de l'époque sont tous influencés par d'autres cultures et il faut attendre l'unification des royaumes en 223. avant notre ère, puis surtout celle des Han pour que le mot chinois prenne un sens différent. Mais c'est clairement plus pratique dans le cadre de cette vidéo de vulgarisation d'utiliser ce terme chinois donc on va l'utiliser. Voilà, on a mis tous les warnings, on peut y aller et commencer à examiner un peu plus cette grande muraille et son évolution à travers l'histoire de la Chine.
C'est parti ! Première question que l'on peut se poser, c'est celle de la place de la muraille de Chine dans l'histoire chinoise. Quand est-ce qu'elle a été construite ? Et la réponse à cette première question, elle vient déjà casser un bon gros cliché, celui qui veut que la grande muraille ait été construite d'un seul tenant sur une période peut-être longue, mais continue, sans interruption. En réalité, les Chinois ont construit des fortifications sur une très longue période, remontant même avant l'âge du fer, au 5e siècle avant notre ère, jusqu'à la dynastie Qing qui prend la tête de l'empire au début du 17e siècle.
Sur autant de temps, on utilise plein de techniques de construction différentes, à des endroits différents, dans des contextes politiques différents, avec des objectifs différents. Bref, beaucoup de « différents » et il y a même des périodes de plusieurs siècles pendant lesquelles les Chinois ne construisent aucun grand mur. … Les morceaux les plus anciens de la Grande Muraille ont donc été bâtis, d'après les dernières données archéologiques à notre disposition, aux alentours du VIIe siècle avant notre ère. Elles sont déjà dotées d'un mur, d'un fossé, de tours et d'autres bâtiments destinés par exemple à accueillir des soldats en garnison.
Elles s'étendent sur des centaines de kilomètres, mais à cette époque, il n'est pas encore question de fortification en pierre ou en brique, puisque les Chinois utilisent une autre technique, celle du pisé, c'est-à-dire qu'on construit avec de la terre qui est tassée grâce à un cadre de bois ou de bambou. Cette technique de construction en terre, elle est restée très longtemps utilisée par les Chinois pour construire ces murs, et ça pour plusieurs raisons. La terre est facile à construire, s'il a travaillé.
Elle ne demande pas de travailleurs qualifiés et en l'employant, on construit très vite ces murs qui font plusieurs centaines de kilomètres grâce à une main d'œuvre nombreuse. Bien sûr, il y a aussi des désavantages. La terre est vulnérable face à l'érosion et à la dégradation par l'eau de pluie et aux animaux comme les rongeurs ou les oiseaux.
En tout cas, même si cette technique peut paraître rudimentaire à première vue, de nombreux vestiges de murs ont été retrouvés, preuve qu'ils ont pu traverser le temps. Il faut dire que la solidité de ces lignes repose aussi sur la qualité de l'eau. l'épaisseur des blocs de pisées qui peuvent quand même aller jusqu'à 10 mètres au sol. Une belle bête.
Une autre idée reçue, qu'il faut aussi tout de suite rejeter, c'est celle que ces murs auraient été, dès le départ, construits pour faire des bâtiments. pour repousser avant tout les attaques des puissances de la steppe, les nomades dans le nord de la Chine. Pour y voir plus clair, il faut s'intéresser un petit peu au contexte de création de ces murs. A partir du 1er siècle avant notre ère, la dynastie des Han vont tenter de construire une histoire où les peuples des sont des sociétés barbares contre lesquelles il faut se protéger.
On pourrait presque dire qu'ils nous ont fait une Trump avec son mur anti-mexicain. Pour autant, chinois et puissance de la steppe cohabitaient, en particulier dans le nord de la Chine, et des dynasties étrangères ont régulièrement régné sur les chinois. Sous le règne de la dynastie Chéhu, de 1045 à 256 avant notre ère, on assiste à un affaiblissement progressif du pouvoir royal.
Leur royaume vassaux, qu'on appelle les Guos, gagne en autonomie et finissent même par rentrer en guerre pendant plus de 500 ans, les uns contre les autres. C'est au cours de ces guerres entre vassaux des Chéhu qu'apparaissent, au VIIe siècle avant notre ère, les premiers bouts de la Grande Muraille. Même si les peuples des steppes ont un rôle dans les jeux d'alliances de l'époque, ce sont donc avant tout des guerres entre chinois. La Grande Muraille a donc été utilisée par les chinois pour lutter contre d'autres chinois.
Prenons un petit exemple pour être plus concret. L'état de Chu est l'un de ces Guos, un royaume vassal dont la capitale est proche de l'actuel Qingzhe, dans le Hubei. Au début du 7e siècle avant notre ère, il est dirigé par le roi Wen, qui évidemment est en guerre avec ses voisins chinois.
C'est lui qui aurait construit le premier morceau de la grande muraille en 684 avant notre ère. Elle était appelée Fangcheng ou grande muraille carrée. Perchée au sommet des collines, elle faisait à peu près 500 km, était en terre battue et en forme de fer à cheval ouvert vers le sud.
D'ailleurs, il y a débat entre les historiens pour savoir si ce mur était défensif ou au contraire offensif. Il aurait surtout été destiné à se protéger de la puissance des Qin, prenant de plus en plus de place dans le jeu de pouvoir des royaumes. Au fur et à mesure de l'essor des Qin au temps des royaumes combattants, entre le 5ème et le 3ème siècle avant notre ère, le mur s'est alors progressivement consolidé. Mais ce n'est pas le seul exemple de mur de cette période, il y en a d'autres. Certains défensifs, comme celui du petit état de Chongsan qui le construit à ses frontières en 369 avant notre ère.
Mais il subit plusieurs invasions et finit par disparaître dans les premières années du IIIe siècle avant notre ère. Mais au-delà de l'aspect militaire, on a aussi d'autres utilisations du mur qui se développent et auxquelles on n'aurait pas pensé directement. Exemple avec le mur construit par le roi Xian de Qi.
qui régnait, de 455 à 405 avant notre ère, sur un territoire à peu près équivalent à celui de l'actuel Shandong. Selon les auteurs chinois de l'Antiquité, son mur aurait été construit pour défendre son royaume très riche contre ses voisins, notamment les Chu. Mais en réalité, les Chu n'étaient pas les voisins directs des Tsi. Le mur aurait alors pu servir, en plus d'un usage militaire, à contrôler la contrebande du sel, qui était la principale ressource du royaume.
On a dit tout à l'heure que les Chinois avaient construit ces bouts de murailles surtout pour se protéger entre eux et pas forcément contre les peuples des steppes. Et il existe aussi des murs construits contre eux, mais pas tant pour se défendre des invasions. En fait, c'est plutôt pour consolider des conquêtes que les royaumes de la Chine ont été construits. faite sur ces territoires des steppes. C'est par exemple le cas des royaumes Yan, Chao ou encore Qin au tournant des IVe et IIIe siècles avant notre ère.
Après une conquête sur les puissances de la steppe du nord de leurs territoires respectifs, ils construisent de longues fortifications pour appuyer leur conquête et protéger les populations chinoises qu'ils implantent sur place. A la fin de cette période, que l'historiographie traditionnelle nomme les royaumes combattants, de 475 à 221 avant notre ère, la dynastie Chéhou, qui jusque-là dominait un peu le jeu, n'a plus qu'une autorité morale symbolique, et son dernier roi meurt en 256 avant notre notre ère. En 221 avant notre ère, après une série de guerres, le roi de l'état de Qin, Qin Shi Huang, parvient à unifier les royaumes chinois sous son autorité.
Il fonde le premier empire chinois et en devient le premier empereur. Une fois son empire unifié, la guerre reprend. pourtant, en 215 et 214 avant notre ère, cette fois contre les Xiongnus.
Les Xiongnus, c'est une confédération de peuples d'esthètes mongoles qui se réunit sous la puissance d'un Shanyu, comme dans Mulan, sauf que Shanyu est un titre comme Khan, mais pas un prénom. Le roi chinois remporte des succès importants dans ses conquêtes et il fait construire une nouvelle ligne de fortification pour protéger ces nouveaux territoires qu'il fait peupler en installant des condamnés. En 213 avant notre ère, il fait aussi construire une longue fortification au sud du fleuve bleu.
C'est notamment Meng Tian, un général et architecte militaire assez connu en Chine jusqu'à aujourd'hui, qui est le principal responsable du détournement des différentes lignes défensives construites par les différents royaumes pour en faire une ligne unique tournée vers le nord. Cette muraille est restée particulièrement célèbre et importante dans l'histoire et la culture chinoise, et pas seulement pour son côté démesuré. L'empereur était particulièrement autoritaire, la muraille a été construite très vite et dans des conditions de travail tyranniques et démesurées.
désastreuse selon ce qu'en disent les textes qui datent d'un siècle après les faits, en faisant notamment travailler des condamnés et des opposants. C'est aussi un très bon coup de la part de l'empereur d'un point de vue politique, puisque la construction d'une grande muraille, finalement, c'est une manière de dire aux anciens royaumes qu'il faut s'unifier pour être plus fort contre un ennemi commun, les Tiongnus. Mais Qin Shi Huangdi meurt plutôt jeune, à seulement 49 ans, et son fils ne règne pas longtemps.
Suite à une longue période de rébellion, c'est un dénommé Liu Bang qui fonde sa propre dynastie, les Han, et qui devient l'empereur Gaozhou. Il doit faire face très vite à l'essor des Xiongnus installés au nord de son empire. En 221 avant notre ère, ceux-ci le mettent en difficulté à Pingcheng, l'actuel Datong.
et il doit battre en retraite. Les années qui suivent sont consacrées à des dénouements diplomatiques plus que militaires et la Grande Muraille, rarement mentionnée dans les textes, n'aurait qu'un faible rôle dans les opérations militaires de l'époque. En 198 avant notre ère, Gao Tzu conclut avec les Xiangnu un traité de paix matérialisé par un mariage et le versement par les chinois d'un tribut.
Le traité est perçu comme humiliant, mais il permet de restaurer une paix relative. Dans les 60 années de paix qui suivent, il n'y a plus que quelques escarmouches entre les Chinois et les Tiongnus. Mais on le sait malheureusement bien, la paix a toujours une fin. L'empereur Wu des Han succède à Jingnian en 141 avant notre ère et relance la guerre contre les Tiongnus. Mais l'empereur est plutôt malin, il prépare cette guerre.
L'armée chinoise est réformée avec la création d'une véritable cavalerie, des efforts logistiques et l'utilisation de troupes de barbares comme auxiliaires et en plus de ça, il s'appuie largement sur le dispositif de la Grande Muraille. Wu Di sort victorieux de l'affrontement. En 119 avant notre ère, il conquiert des territoires importants sur les barbares et fait ensuite construire de nouvelles fortifications, Gobi jusqu'en Manchurie pour renforcer sa frontière.
Mais il ne s'arrête pas là. Son but est clair et affiché, il veut écraser les Tiongnus et par là même développer un commerce avec l'Asie centrale. A partir des années 111 avant notre ère, il va étendre sa ligne de défense jusqu'à Duen Ruang, à l'est, et jusqu'en Corée du Nord, à l'est.
Des milliers de kilomètres de tours, de murailles et de forts sont étendus pour marquer la limite de l'empire grandissant. Le dispositif est impressionnant et les raids Tiongnus ne sont plus. plus alors la principale source d'inquiétude pour le pouvoir, puisque les murailles permettent en effet de prévenir la désertion des soldats.
C'est au nord-ouest de la Chine qu'on a les vestiges les mieux conservés de cette muraille, comme la passe de Jade qui marquait la limite ouest de l'Empire. Les archéologues ont découvert des milliers de courriers militaires et administratifs rédigés par des soldats et des scribes aux frontières. Ah, les ranets l'histoire, c'est une grande histoire d'amour. Par exemple, si un soldat manquait son devoir, on le décapitait ou on le coupait en deux. Au moins c'est efficace.
En tout cas, après cette période d'expansion de la Grande Muraille, on assiste à un petit stand-by de quelques siècles. Et on les comprend un petit peu, parce qu'il faut pouvoir se remettre de ses émotions avant de remettre un coup de pelleteuse, si vous voyez ce que je veux dire. Il faut attendre le IVe siècle pour que les murs redeviennent à nouveau d'actualité. Entre temps, la dynastie Han s'est... éteinte vers 220 de notre ère.
Au IVe siècle, les peuples des steppes envahissent la Chine du Nord, tandis que la dynastie chinoise des Jin se recentre sur le sud. Ce sont les Xianbei, les barbares qui ont succédé au Xiangnu, qui prennent la Chine du Nord et établissent leur capitale à Pingcheng en 386. Problème, envahir une région c'est une chose, mais s'y maintenir, c'en est une autre. Il faut quand même qu'ils consolident leur position sur leur nouvelle conquête, contrôler les régions chinoises agricoles sédentaires qui se révoltent régulièrement, et s'occuper des régions peuplées de barbares nomades dont ils sont originaires. Tout un programme !
Bon courage les gars ! Les Xianbei s'intègrent progressivement dans la société chinoise. Pour administrer un large territoire comprenant tout le nord, l'est et le centre de la Chine, ils vont se proclamer « dynastie des Wei du Nord » .
Pourquoi Wei ? Parce que c'est le nom roi de l'antiquité chinoise, ce qui leur permet de légitimer leur pouvoir. Leur dirigeant se proclame empereur en 396 et ils s'attaquent à leur tour au peuple du nord, construisant à leur tour de nouvelles fortifications pour protéger la Chine du nord, des structures qui font là aussi plus de 1000 km de long et qui sont construites sur le même modèle que celle des Han avec mur en terre, fossé, tour et caserne. Les Xianbei devenus Wei deviennent donc une dynastie de plus en plus chinoise même s'ils sont d'origine turco-mongole.
Et leur participation à la construction de la Grande Muraille, c'est un élément assez important qui montre justement ce changement de mentalité et de culture. Les Wei sont d'ailleurs les premiers à reconnaître le bouddhisme du grand véhicule venu d'Inde par l'Asie centrale comme une religion d'État. Mais tout n'est pas rose et progressivement, deux entités rivales émergent au sein de l'empire qui se disloque.
Les dynasties qui se battent entre elles pour contrôler la Chine du Nord à cette époque construisent elles aussi des fortifications sur le même modèle jusqu'à ce que le général Yang Jian ne parvienne à réunifier la Chine sous l'empire des Sui en 581. Entre 581 et 618, les Sui vont construire Beaucoup, mais alors beaucoup de fortifications en envoyant des centaines de milliers, voire des millions de travailleurs forcés, dont... Un grand nombre meurt sur les chantiers. Un épisode historique qui a donc participé, faut bien le dire, à nourrir une sorte de rejet des grandes murailles dans la culture chinoise.
Cette dynastie des Sui disparaît à son tour assez vite, en raison d'une guerre extérieure contre le royaume de Goguryeo, qui correspond à une partie de la Corée de la Manchurie et de l'extrême-orient russe actuel. Pendant près de 300 ans, les dynasties issues des steppes du Nord, qui ont adopté la culture chinoise, participent grandement au développement de la grande muraille. Plusieurs milliers de kilomètres de murs sont construits en quelques années grâce à la facilité de la mise en œuvre de la technique du pisé, mais aussi à l'expérience des chinois de l'époque en la matière.
Pendant les 300 ans qui suivent, de 618 à 908, la dynastie Tang ne construit pas un seul bout. de murailles. Et pour cause, ils changent radicalement la gestion de leurs frontières en délégant les postes de commandants aux frontières à des personnalités non-khanes, par exemple à des turcs. La ligne défensive devient inutile puisque les responsables de ces espaces tampons entre la Chine et les peuples voisins sont capables de diplomatiquement tenir les relations en réduisant les conflits.
Le IXe siècle est une longue période de déclin pour les Tang. Troubles internes et difficultés sur la frontière nord de l'Empire les font progressivement sombrer au tout début du Xe siècle. La Chine est alors à nouveau divisée mais la dynastie Song, chinoise, elle, règne sur la plus grande partie de l'ancien empire, à l'exception du nord-est, à savoir la Manchurie et la Mongolie intérieure, dominée par les Liao et le nord-ouest contrôlé par les Cicillas. Sans compter les Mongols qui vont bientôt rentrer dans la partie. En gros, les Song vont avoir besoin de pas mal de motivation pour résister et ils vont plutôt bien y arriver.
Plutôt que de construire de nouvelles lignes de défense, les Song vont consolider les des dynasties Qin et Han. Tout ça réduit les coûts et les murs faits de blocs de pisé pouvaient être rapidement révisés et augmentés d'une courtine. En plus des murs de terre classique, les Song utilisent de nombreux stratagèmes comme des murs faits de végétation en plantant des arbres, mais aussi des canaux et des lacs artificiels.
Combinés à leur cavalerie, ils arriveront à contrer la cavalerie nomade pendant presque 200 ans. Mais au XIIe siècle, les Liao sont battus par une nouvelle dynastie barbare, les Jin. Après s'être emparés du nord-est, les Jin sont en train de se débrouiller. vont également repousser les Song vers le sud. Adoptant à leur tour la culture chinoise et la pratique des longues fortifications, ils vont eux aussi en construire énormément.
Et ils leur apportent en plus quelques améliorations, notamment ce que l'on appelle le « dédoublement » . Les fortifications des Jin ne sont plus composées d'un seul fossé extérieur avec son mur, mais d'un premier fossé extérieur, d'un premier mur, d'un fossé intérieur et enfin d'un second mur. Autant vous dire que pour les traverser, il va falloir s'accrocher.
Les Jin ont construit des murs selon leurs conditions. selon deux tracés, un premier à environ 500 km au nord de leur capitale, Chengdu, proche de l'actuel Pékin, l'autre à 1000 km au nord, presque au sud des montagnes de Sibérie. Une particularité qui a poussé les historiens à s'interroger sur l'utilité réelle de telles fortifications. Ils ont même émis l'hypothèse qu'à cette époque, la construction de ces fortifications aurait pu devenir pour les djinns une coutume voire une punition pour les prisonniers. Des murs qui auraient pu mobiliser jusqu'à 750 000 travailleurs en même temps.
On l'a dit tout à l'heure, une nouvelle force va faire son entrée dans l'histoire de la Chine, les Mongols. Dès les années 1210, le chef mongol Gengis Khan est en guerre avec les djinns et il connaît d'importants succès. Mais il faut attendre 1234 pour que les djinns disparaissent, quelque chose de très important. années après la mort de Genghis Khan. Le dernier empereur djinn, Aizong, se suicide alors que sa capitale est assiégée.
Malgré les améliorations apportées par les djinns à la construction de la grande muraille, celle-ci semble avoir été sans effet face à l'invasion mongole. Dans les décennies suivantes, les Mongols conquièrent le reste de la Chine et les Song, que les Jin avaient repoussés au sud, sont les suivants à succomber à l'invasion mongole. En 1279, la Chine est conquise par Kublai Khan, le petit-fils de Genghis Khan, qui renomme sa dynastie Yuan. Mais les Mongols ne s'arrêtent pas à la Chine, ils prennent possession d'un territoire qui s'étend de la Corée à l'Ukraine en passant par l'Asie centrale et le Moyen-Orient.
Comme les Song, les Yuan mongols font donc bon usage des places fortes chinoises pour les réaffecter. et les utiliser à leurs avantages. Résultat, ils n'avaient pas besoin de la Grande Muraille pour se défendre. Le seul mur construit par les Yuan sera celui qui entoure leur capitale d'Adu, l'actuel Pékin, avec une muraille protégeant 10 km² de la ville. J'en profite au passage vu que l'épisode est relativement long pour rappeler que depuis tout à l'heure j'utilise le terme Grande Muraille pour désigner les fortifications chinoises, mais qu'à cette époque là on n'utilise pas du tout ce terme.
Et d'ailleurs, le marchand vénitien Marco Polo, qui est présent en Chine à cette période, de la fin du XIIIe siècle et qu'a laissé ses récits de voyage, a priori il semble jamais avoir entendu parler des nombres de murs construits par les chinois au cours de leur histoire. En tout cas, il n'en fait jamais mention dans ses écrits. Alors attention, ça ne veut pas dire que les murs n'existaient pas, mais juste que ces murs-là n'étaient pas considérés comme un ensemble, il n'y avait pas de grandes murailles.
Dès le XIVe siècle, la dynastie Yuan est mise en difficulté par la révolte des Turban-Roues, nom donné en référence aux foulards rouges que portaient les rebelles. Ces révoltes, suivant des mauvaises récoltes, durent en effet plusieurs décennies et font peu à peu plonger la Chine dans la guerre civile. C'est un des généraux meneurs de la révolte, Zhu Wanshang, un chinois, qui fonde la dynastie suivante après la prise de la capitale des Wans en 1368. Il bâtisse sa nouvelle dynastie, Ming, ce qui signifie « brillant » .
Les débuts de cette nouvelle dynastie sont prospères, le territoire est contrôlé par une armée efficace qui se déplace beaucoup et les chinois ne construisent toujours pas de nouveaux murs. Pour l'instant. Si les Ming prennent le contrôle de la Chine, les Mongols n'ont pas complètement disparu, ils sont seulement repoussés en Mongolie et les Chinois doivent continuer de se défendre.
Au départ, les Ming construisent des forteresses isolées qu'ils relient ensuite par des murs à proximité de la capitale. On est donc sur des constructions plutôt défensives. Mais plus pour longtemps, puisque après 1380, ils construisent aussi des forteresses offensives dans la steppe qui servent de base avancée pour attaquer les nomades. Au début du XVe siècle, cependant, une erreur stratégique est commise par l'empereur. A priori à cause de soucis économiques, ces places fortes sont abandonnées permettant aux Mongols de réoccuper une partie de la Chine du Nord et de menacer sérieusement le pouvoir Ming.
Pire encore, la forteresse de la Chine du Nord est en train de se débrouiller. de Tumou est perdue en 1449 face aux Mongols à seulement une centaine de kilomètres de Pékin. L'armée chinoise est vaincue, le jeune empereur Ying Song est capturé et une partie de la cour meurt au cours de la bataille.
La régence est assurée par son frère Jingxiu. qui devient encore plus intransigeant avec les Mongols et refuse toute négociation. Les Mongols ne parviennent pas à s'organiser pour profiter de leur victoire et Yingchong est libéré et revient finalement sur le trône.
Le commerce avec les Mongols va reprendre, ainsi que la pratique du tribut pour maintenir la paix. C'est dans ce contexte que les Ming construisent en 1474 leur première longue fortification, longue de plus de 900 km, pour protéger leurs frontières nord-ouest. Construit en terre, ce mur fait 9 mètres de hauteur et est aussi aussi bien garni de tours et de postes de garde.
Il est nommé Tabien, qui signifie « grande frontière » . Et jusqu'au milieu du XVIe siècle, ce mur sera agrandi, renforcé et régulièrement entretenu par les chinois. Au cours de la première moitié du XVIe siècle, les Ming multiplient les fortifications pour faire face à la menace mongole, d'autant plus que ces derniers se sont unis vers 1500 et se font de plus en plus menaçants.
L'empereur Jiajing, qui règne à partir de 1521, n'arrange pas non plus les choses. Il déteste les barbares, y gens envers eux et entend même refuser tout commerce entre eux et les chinois. Privés de cette possibilité de commerce, les mongols deviennent encore plus agressifs et prennent par la force ce qu'ils ne peuvent plus obtenir par le commerce.
En 1550, un reine mongol, comme il en existe tous les ans, vient s'aventurer jusqu'à une trentaine de kilomètres à l'est de Pékin. Pendant trois jours, les mongols pillent et brûlent tout ce qu'ils trouvent. La catastrophe est même visible depuis le haut des murailles de la capitale chinoise.
Un événement vécu comme particulier. particulièrement humiliant pour les Chinois. Dans les années qui suivent, les attaques redoublent d'intensité. Rien qu'en 1567, plusieurs dizaines de milliers de Chinois sont tués par les Mongols au cours de leurs expéditions de pillage. Face à la menace qui grandit, il va falloir trouver des solutions.
Et c'est là que l'idée émerge d'un nouveau mur, d'un nouveau genre, qui permettrait de séparer définitivement le monde chinois du monde barbare des Mongols. Une grande muraille de pierres et de briques. Les Ming commencent donc la construction de leur grande muraille de pierres et de briques en 1572. D'est en ouest, ce nouveau mur passe en Manchurie par Liaodong, Ajitsu au nord-est de Pékin, par Tatong, Taïwan, Yulin, Peninxia au bord du Flavio Jaune, Guwan et Wuwei.
L'utilisation de la pierre et de la brique est LA grande innovation de ce nouveau mur. Une innovation qui demande beaucoup plus de technique que la seule terre, mais aussi une main d'œuvre beaucoup plus nombreuse. Et donc ça coûte beaucoup plus d'argent. Malgré tout, le plus souvent, le cœur de ce nouveau mur reste en terre. La brique et la pierre servent de revêtement afin qu'il ne se dégrade pas trop vite.
Comme les autres avant elle, cette longue fortification est aussi augmentée de tours et de forteresses de garnisons. A la fin de la dynastie Ming, en 1644, la quasi-totalité de ce mur est achevée. Il n'y a qu'à l'extrémité ouest qu'une partie des murs est encore en terre. La fin de la dynastie se joue d'ailleurs en lien avec cette grande muraille puisque pendant une nouvelle guerre civile, le général Wu Sangwei, qui dirigeait la forteresse de Shan muraille et rejoint la mer, laisse entrer en Chine les Manchus.
Ces derniers et mettre en place la dernière dynastie impériale en Chine, les Qing, qui règne jusqu'au début du XXe siècle. La grande muraille dont tout le monde parle aujourd'hui et que vous connaissez sûrement via les images que vous avez pu en voir, c'est, vous l'avez compris, ce mur des Ming de briques et de pierres. On a tous l'image hyper impressionnante de cette grande muraille qui va serpenter dans les collines, à tel point qu'aujourd'hui c'est une réalisation qui est inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO et qui est un lieu touristique important pour la Chine puisqu'elle accueillait environ 10 millions de visiteurs par an.
avant 2020, parce que Covid. Mais malgré tout, la Grande Muraille n'a absolument rien d'un objet unique, d'où l'expression de longue fortification ou de cité fortifiée étendue, qui permet de désigner toute la diversité des murs et des protections que les Chinois ont construits pendant plus de 2000 ans d'histoire. Il y a eu au cours de l'histoire chinoise de nombreux tracés différents, et si la plupart des murs semblaient tourner contre les peuples du Nord, certains murs ont aussi été construits au Sud.
Comme on l'a vu également, le but de ces murs n'était pas toujours défensif, bien au contraire, parfois ils avaient un but offensif pour appuyer une nouvelle conquête par exemple. Pour résumer, la plupart des idées reçues qu'on a sur cette grande muraille sont donc tout simplement fausses et la grande muraille ne peut pas être comprise sans toutes les autres fortifications construites avant elle et qui ont également marqué la culture chinoise. Merci à tous d'avoir suivi cet épisode préparé avec Tony Livet et Arnaud Bertrand. J'espère qu'il vous aura permis d'y voir un petit peu plus clair sur ce sujet de la Grande Muraille et sur l'histoire de la Chine en général.
Merci également à Tianxi Media, notre partenaire, qui est une agence qui promeut la culture des pays de l'Asie. Ça nous permet de faire cette série sur l'histoire de la Chine et on va pouvoir continuer de nous évader un petit peu en dehors des frontières de la France et de l'Europe pour le reste de l'année. On se retrouve très bientôt sur Nota Bene.
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