Je pense qu'il y a des éléments du capitalisme qui sont assez détestables, et particulièrement dans leurs formes les plus sauvages. On n'aura pas et la croissance, et finalement la stabilisation et l'amélioration de la situation sur le point de côté. Il va falloir choisir.
On se rend compte qu'on s'en va. va dans un mur si on ne fait rien et qu'on s'en va dans un mur collectivement. Ça fait 35 ans maintenant qu'on espère que le développement durable nous permette d'améliorer la qualité de vie de tous les humains, de génération en génération. C'est vrai que notre sort s'est amélioré globalement. Mais jusqu'à maintenant, le développement économique s'est fait en consommant plus d'énergie et de ressources naturelles et en produisant des déchets et de la pollution. De quoi nuire au bien-être des enfants d'aujourd'hui, d'ici quelques décennies, si on n'inverse pas la tendance.
Il ne s'agit pas seulement d'aplatir la courbe ici, mais de continuer à générer de la richesse tout en rescapant la planète. On atteindrait alors ce qu'on appelle le découplage. Mais est-ce que c'est seulement possible ?
Certains pensent qu'on peut se servir du système économique actuel pour limiter et même renverser les dégâts et arriver à une croissance verte. D'autres sont beaucoup plus sceptiques. Une des voix les plus fortes du milieu universitaire à mettre en doute le fait qu'il puisse exister un capitalisme vert, c'est Yves-Marie Abraham. Il enseigne à HEC Montréal.
C'est vraiment étrange d'enseigner la décroissance au futur genre d'affaires. Bonjour. Bonjour Marianne. Pour l'instant, ça c'est un constat qui est scientifique, nous n'avons jamais été capables de générer quelque chose comme une croissance verte.
Ce fameux découplage, il n'a jamais été obtenu, et il semble qu'on soit très loin de l'obtenir. Ce qu'on est capables de générer, c'est ce qu'on appelle un découplage. c'est-à-dire que ça se dégrade un peu moins vite que ça ne croît sur le plan économique. Ou dit encore autrement, c'est-à-dire par unité produite, par marchandise que vous produisez, on fait un peu moins de dégâts.
Mais comme on produit de plus en plus de marchandises, au total, les dégâts s'aggravent quand même. Quels facteurs font que la croissance verte, vous n'y croyez pas du tout ? Il y a plusieurs raisons en fait.
Moi, je les classe en trois grandes catégories, ces motifs. Il y a des motifs qui touchent aux limites biophysiques planétaires. On a un certain nombre de ressources dont on a besoin aujourd'hui, qu'on utilise et pour lesquelles on n'a pas vraiment de remplacement.
Premier problème. Deuxième problème, c'est ces fameux effets rebonds. L'effet rebond, c'est quand on fait une économie d'énergie, de temps ou de ressources, mais que ce gain-là n'amène pas de réelle amélioration, parce que ce qu'on a gagné sert à produire encore plus ou à offrir un prix plus bas, qui mène finalement à à une plus grande consommation. Par exemple, les moteurs des voitures dans les années 70 et 80 étaient gourmands en carburant. On les a rendus beaucoup plus efficaces au fil du temps.
Sauf que ce qu'on observe, c'est que l'économie gagnait en réduisant la consommation de carburant est en fait réinvestie dans des trajets plus longs ou sert à acheter des véhicules plus gros, plus luxueux ou à se payer des activités énergivores. Ou bien tout ça en même temps. Plus on est efficace, plus on veut en faire plus.
On additionne les ressources qu'on utilise plutôt qu'on les substitue les unes aux autres. Et puis la troisième limite, c'est finalement les limites politiques. Ceux qui aujourd'hui sont les plus gros destructeurs sur le plan écologique sont aussi ceux qui ont le plus grand pouvoir politique.
Ils sont donc en position finalement d'éviter des limites à leur destruction ou alors de transférer ces coûts à d'autres salariés ou à l'autre bout du monde, etc. Parce que politiquement, ils ont cette capacité. Les arguments d'Yves-Marie Abraham sont super convaincants, mais ça reste un peu théorique.
Je m'en vais rencontrer quelqu'un qui avait commencé une carrière en sciences, mais qui maintenant est une des femmes d'affaires les plus influentes au pays. Elle œuvre en technologie propre. Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui disent que si le système ne change pas, il est fondamentalement corrompu ?
Le bout où je suis parfaitement d'accord avec eux, c'est qu'on s'en va vers l'épuisement des ressources, et ça c'est bien démontré. Il n'y a pas de doute sur ce constat-là. Est-ce que le capitalisme... Le capitalisme, au sens large, est responsable de tout ça, je ne suis pas certaine.
Est-ce que le capitalisme sauvage a fait des dégâts ? Ça, j'en suis certaine. Alors, je nuancerais tout ça. Si elle ne me l'avait pas dit, je n'aurais jamais pu deviner qu'André-Lise Méthode était une écoféministe engagée avec un intérêt pour l'anarchisme quand elle était étudiante.
Madame André-Lise Méthode. Elle a décidé de changer le système de l'intérieur en fondant la plus importante plateforme d'investissement en technologies vertes au pays qui a 5 millions d'euros. 500 millions de dollars sous gestion, cycle capital.
L'année dernière, j'ai découvert qu'un des outils puissants de changement dans nos sociétés à nous, nos sociétés capitalistes, c'était l'argent. Avant l'âge de 35 ans, il n'y avait rien qui indiquait que j'allais faire ça. Absolument rien. En fait, je n'avais aucun intérêt pour ça.
J'ai même coulé mon cours d'analyse économique pour ingénieurs. C'est tout le bien que je pensais de l'analyse économique pour ingénieurs. Mais qu'est-ce qui s'est passé ? J'ai réalisé que le capital de risque est un outil puissant de changement.
On investit sur des personnes, sur un potentiel, plutôt qu'investir sur des chiffres qui sont déjà accomplis. Quand vous investissez dans une entreprise qui n'a pas de revenus parce que vous pensez qu'elle va changer le monde, vous n'investissez pas sur les résultats financiers de l'entreprise. Vous investissez sur la personne qui est en train de vous expliquer comment va accomplir son rêve.
Je comprenais qu'en s'intéressant à cette question-là, on était en train de définir quelles sont les technologies qui allaient propulser une économie plus verte. Les partisans de la croissance verte disent que peut-être que le capitalisme n'est pas parfait, mais on n'a pas le temps, on n'a pas le luxe de jeter le système par terre puis d'en créer un nouveau. Penser qu'on pourrait effectivement, en l'espace de quelques décennies...
transformer une civilisation pour la réorienter vers quelque chose de complètement différent c'est très très optimiste ça c'est très optimiste je suis d'accord et à certains moments je désespère totalement bon maintenant le fait de continuer parce que en gros ce que nous ce que nous propose les défenseurs de la croissance verte et nous disent ou on n'a pas réussi jusqu'ici à le faire ce découplage notre croissance jusqu'ici n'a pas été verte mais elle va l'être bon mais ce qu'on constate c'est que concrètement du coup la destruction s'accélère malheureusement je pense que l'avenir va nous donner raison Et que de plus en plus, ce système va avoir du mal à se maintenir, qui va buter sur ses propres limites. On a un système qui ne va plus être capable de nous nourrir. Le système va servir surtout à essayer d'entretenir un peu ce qui peut encore être entretenu, mais on va avoir beaucoup de mal à générer de quoi vivre. Donc ça, ça va être des moments qui vont forcer la remise en question de ce système-là, d'une façon ou d'une autre. Malheureusement, c'est sûr que ça va être beaucoup plus violent et beaucoup plus désagréable.
qu'une stratégie qui consisterait à dire aujourd'hui on réfléchit, on regarde ce qu'on peut faire pour arrêter le désastre. Je vais discuter de tout ça avec Marie-Josée Privic, qui connaît très bien le secteur financier. Dans une ancienne vie, elle était analyste financière et elle a travaillé pour des entreprises cotées en bourse. Elle n'a pas tout à fait trouvé son compte en finances dites classiques Pour donner plus de sens à sa carrière, elle a choisi de se consacrer à l'investissement responsable, bien avant l'engouement actuel pour la finance verte.
Est-ce qu'on devrait changer de modèle économique ? Oui. J'aimerais ça une réponse courte. Oui, oui. Oui.
Absolument. S'il n'y avait rien à changer, on serait dans un modèle parfait et régénératif, et les générations futures auraient aucun souci de leur capacité de subvenir à leurs besoins. Or, ce n'est pas le cas.
Donc, je pense que oui, effectivement, il y a des choses à changer. De là à mettre le système capitaliste à la poubelle, je ne suis pas partisane nécessairement de cette option-là. Est-ce qu'il y a un système, une solution qui existe ?
Je ne suis pas sûre. Je sais qu'on parle de plus en plus de, peut-être de décroissance, on parle de beignets, où on balise le développement économique. Je pense que ça, c'est une très belle façon d'entreprendre le développement économique.
L'économie du bang c'est un concept qu'on doit à l'économiste britannique Kate Raworth. Le bang c'est la zone de développement économique qu'on devrait viser pour combler les besoins humains, tout en restant à l'intérieur des limites biophysiques que la Terre est capable de nous fournir. Il y a des pays qui respectent les limites planétaires, mais où les gens vivent dans des conditions difficiles, comme au Sri Lanka.
Il y a aussi des pays qui comblent presque parfaitement les besoins humains, comme ici au Canada, mais qui fracassent les limites écologiques. Jusqu'à maintenant, il n'y a aucun pays qui a réussi à atteindre l'équilibre de la zone habitable du Bain. Ce qu'il faut surtout éviter, c'est des grands fossés de rémunération.
Par exemple, mon confort à moi dépend de la vie de quelqu'un d'autre sur cette planète. Si on a pu croître comme on a cru en Occident, c'est précisément parce qu'on a maintenu dans des formes de sous-développement des pays du Sud. Il faut remettre en question la consommation.
Ça c'est clair, net et précis pour moi. Le premier geste, le premier mouvement, c'est celui de dire qu'il faut qu'on produise moins. Il faudrait revenir à ce dont on a besoin, puis redistribuer ça autrement. La deuxième chose, c'est partager beaucoup plus ce qu'il nous faut pour vivre, beaucoup plus que ce qu'on fait aujourd'hui. Et la troisième chose, c'est d'en décider ensemble.
C'est-à-dire qu'il faut des impératifs. qu'on puisse en décider ensemble. Imaginer un système économique dans lequel on n'est pas orienté vers le toujours plus, c'est extrêmement facile.
Il n'y a aucun système dans l'histoire de l'humanité qui a été orienté, comme le nôtre, vers l'accumulation permanente. C'est une innovation. propre au système capitaliste occidental qui émerge en gros il y a trois, quatre siècles, qui est orienté vers ce toujours plus haut.
Mais ça, on dirait que c'est souvent interprété comme il faudrait retourner à l'âge de pierre On vous dit ça plusieurs fois par jour, j'imagine. Est-ce que c'est ça qu'il faut faire ? Ben non, il y a des travaux de mesure là-dessus, sur ce qu'il faudrait, ça nous ramènerait à quel genre de niveau de vie, tout ça.
En général, ce qu'on lit là, c'est que ça pourrait nous ramener à des modes de vie qu'on a pu connaître au milieu du XXe siècle. Donc on peut... pourrait garantir à tous les humains aujourd'hui, et on est nombreux, une vie tout à fait digne sur le plan matériel sans produire comme on produit.
Donc en fait, c'est un système qui lui-même, c'est ça qu'il faut réaliser avec le capitalisme, c'est qu'il n'est pas orienté vers la satisfaction des besoins, il est orienté vers l'accumulation, l'accumulation d'argent, et à tout prix, c'est ça qui l'oriente. Donc on vise plus la surconsommation que la consommation tout court. Oui, on vise surtout la surproduction. C'est ça, parce que dans le discours écologiste actuel, on met beaucoup, beaucoup finalement la responsabilité.
sur le dos de chacun et chacune, en disant il faut consommer moins, etc. Regardez, ça détruit Mais on consomme autant parce qu'on est pris dans un système qui lui-même produit beaucoup, qui a absolument besoin qu'on consomme pour se reproduire. André Lys, on va jouer à un jeu.
Ça s'appelle Je me petit-bricole un capitalisme durable Ce serait quoi, étape par étape, les moyens de réparer le capitalisme pour qu'il fasse du bien à la planète ? Je pense que la première chose, c'est de le rendre transparent. Que les décisions soient claires, que les processus soient transparents, que les actionnaires et le public en général puissent voir comment les décisions se prennent. La deuxième chose, c'est aligner le succès avec les intérêts qu'on veut.
Alors si le succès, ce n'est que seulement la réussite financière, les patrons et les patronnes du capitalisme vont travailler pour la réussite financière. Mais si le succès, c'était aussi la diminution du CO2, l'augmentation de la place des femmes. et que les grands patrons étaient bien rémunérés, ainsi que les conseils d'administration, avec ces résultats-là, je pense qu'il y aurait ce qu'on appelle, de façon très classique, un alignement d'intérêts.
Des carottes, là. Il faut que la carotte soit attrayante, parce que le bâton, c'est jamais suffisant. Non. Est-ce que les gouvernements devraient quand même jouer un peu de bâton dans ce système-là ?
Les gouvernements ont un rôle extrêmement important. Le gouvernement est le régulateur. Ces solutions-là ne s'apporteront pas juste avec les règles classiques du marché que nous offre le capitalisme. Ça prend d'autres règles, et ça, c'est les États qui doivent légiférer.
Des fois, on se retrouve devant un produit au magasin qui est tellement pas cher qu'on se demande si on paie le vrai prix, si sa production a impliqué des coûts environnementaux ou humains qui n'apparaissent pas dans le prix sur l'étiquette. En ce moment, il y a plein de gens qui essaient de transformer notre modèle économique pour que ces coûts deviennent visibles. Un système qui avantagerait les entreprises qui font preuve de transparence.
C'est exactement... la mission que Marie-Josée Prévix est donnée. Les investisseurs, mais de plus en plus aussi les fournisseurs de capitaux, donc les banques, les compagnies d'assurance, intègrent les enjeux ESG dans leur prise de décision d'allocation de capital. Des enjeux de nature environnementale, sociale ou de gouvernance.
La réglementation se développe, on la voit en Europe, on la voit dans d'autres juridictions aussi. Ça veut dire que bientôt, les entreprises vont être obligées de divulguer leur performance ou leur non-performance environnementale, un peu comme d'ouvrir leur livre comptable devant les investisseurs. Absolument. Et c'est exactement ça l'objectif, c'est d'arriver à une divulgation ESG.
On parle vraiment d'un changement de paradigme, d'un changement de philosophie et on parle d'intégrer la notion de développement durable dans le modèle d'affaires même de l'entreprise. Donc, dans ce qu'elle fait et dans comment elle le fait. Peut-être qu'on oppose trop souvent capitalisme sauvage et décroissance moyenne âgeuse, comme s'il n'y avait rien entre les deux extrêmes.
Mais s'il y a une chose que l'urgence climatique nous enseigne, c'est que toutes les solutions efficaces sont nécessaires. Peut-être que la réponse se trouve dans un grand effort de sobriété, combiné à une économie au service de tous les humains et de la santé de la planète. La seule option qui n'est plus sur la table, c'est de ne rien faire, même face à des enjeux qui peuvent paraître insurmontables.
Ou on gère l'enjeu tous ensemble et on s'en sort tous ensemble, ou alors on ne s'en sortira pas personne. C'est un peu tanné d'en entendre parler. Ah oui ?
Oui. Je trouve qu'il y a beaucoup de gens qui parlent. Moi, maintenant, je veux juste voir les gens qui font. Puis une des raisons pourquoi je suis en capitale de risque, puis je suis dans la technologie, c'est parce que ces gens-là font ou essayent de faire. Si tu penses qu'il y a un problème, règle-le à ton niveau.
N'attends pas qu'il va se régler au-dessus de toi. Puis, il faut que les gouvernements aient le même genre de pensée. Tant qu'on est en vie, oui, il y a de l'espoir.
Tant qu'il y a de la vie humaine, il n'y a pas de raison de céder complètement au désespoir. Par contre, surtout pas essayer de sauver cette civilisation. Elle est complètement autodestructrice au plan écologique. Elle est très injuste sur le plan social. C'est la dernière des choses à faire.