Transcript for:
Gestion des Déchets Radioactifs en France

Bonjour à tous et bienvenue dans cette vidéo où on va continuer de parler du nucléaire et où je vais essayer de m'attaquer à la difficile question des déchets radioactifs. Comme c'est un sujet vaste, complexe mais important, j'ai découpé ça en plusieurs vidéos relativement courtes qui sortiront dans un intervalle de temps réduit. Dans cette première vidéo, on va se pencher sur les déchets nucléaires les plus dangereux.

Alors je sais que c'est un sujet que ceux qui me suivent déjà attendaient mais si vous êtes arrivés sur ma chaîne par cette vidéo, il y en a d'autres qui parlent du nucléaire et peuvent vous faciliter la compréhension de celle-ci. Si on a des nouveaux, je pense que c'est l'occasion de faire un petit point sur la méthode, les sources et tout ça. Et bien je lis tout plein de documents en privilégiant les sources les plus fiables et je vous fais un résumé de ce que j'ai appris en mettant en avant ce que je pense le plus important. Sur ce sujet, il y a beaucoup de documents accessibles en français.

Vous avez au moins 4 sources que je vous recommande. La référence la plus évidente est l'ANDRA, l'agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. Ensuite, il y a l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN.

C'est simple, c'est l'expert français pour tout ce qui concerne les risques nucléaires. Mais il y a aussi l'autorité de sûreté nucléaire, l'ASN, qui assure au nom de l'état le contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et également pour mission l'information des citoyens. Enfin, il y a un débat public actuellement ouvert sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs.

Jusqu'au 25 septembre, et normalement cette vidéo sortira avant, vous pouvez aller sur le site pour poser des questions à des experts, voir les questions des autres, accéder à de la documentation et participer aux discussions. Je vous encourage fortement à y faire un tour. Et tu as traité tout le sujet des déchets radioactifs avec ces 4 sources ?

Non, ce ne sont pas les seules sources que j'utiliserai dans mes vidéos sur les déchets radioactifs. Mais vous trouverez sur ces 4 sites énormément de documentation et des pages très bien faites avec un réel effort de transparence et de communication. Ce qui est à saluer de la part d'organismes publics.

Vous trouverez comme toujours les sources dans le lien en description. Cette vidéo se concentre tout de même sur le cas français. Chaque pays ayant des stratégies différentes, il faudrait faire une vidéo par pays si on veut aller vraiment dans les détails. Bon ok, assez de blabla, maintenant c'est parti.

D'abord c'est quoi un déchet radioactif ? Les déchets radioactifs désignent des déchets, c'est-à-dire de la matière pour laquelle aucune utilisation ultérieure n'est prévue ou envisagée. Comme je l'ai déjà dit de nombreuses fois, la radioactivité est un phénomène naturel et nous sommes nous-mêmes radioactifs, avec 8000 désintégrations par seconde environ pour un individu de 80 kg.

Pour qu'on qualifie un déchet de radioactif, il ne faut pas juste qu'il contienne de la radioactivité, il faut que sa radioactivité soit considérée comme dommageable pour nous ou l'environnement. Et voilà, ça commence à parler de radioactivité naturelle. On te voit venir avec tes gros sabots là, t'essaye de minimiser. On parle quand même de déchets qui vont rester dangereux pour l'éternité. Alors fais un petit effort.

Bravo, c'est la première idée fausse sur laquelle je tombe régulièrement. Là il faut bien comprendre que la dangerosité d'un matériau radioactif décroît au fil du temps. Chaque atome radioactif, ce qu'on appelle un radionucléide, a une période radioactive caractéristique. Par exemple, le plutonium 239 a une période radioactive d'environ 24 000 ans.

Du coup, tous les 24 000 ans, la moitié du plutonium 239 dans un échantillon se sera désintégré. Au bout de 2 fois 24 000 ans, il n'en restera plus qu'un quart. Puis plus qu'un huitième au bout de 3 fois 24 000 ans. Donc la pollution radioactive a la particularité de décroître dans le temps.

Ce qui est exactement l'inverse d'être éternelle. Alors t'es bien gentil avec c'est pas éternel mais plusieurs fois 24 000 ans, c'est quand même énorme ! Les premières civilisations, elles sont moins vieilles que ça.

C'est vrai que certains déchets nucléaires resteront radioactifs pendant une durée extrêmement longue. Mais différents radionucléides ont différentes périodes radioactives. Le cobalt-60 par exemple a une période radioactive de 5 ans, alors que le neptunium-237 a une période radioactive de plus de 2 millions d'années. On manipule donc des déchets qui ne sont pas dangereux sur les mêmes échelles de temps. Plus subjectivement, un truc dont je me suis également rendu compte, c'est que la durée de vie des déchets radioactifs était perçue comme une particularité de ce type de pollution.

Mais si on regarde le changement climatique ou la perte de biodiversité, ce sont des changements irréversibles, donc qui nous engagent dans le temps de façon bien pire qu'une pollution qui a pour particularité de décroître de façon irrémédiable. En gros, j'ai l'impression que la perception des déchets radioactifs souffre d'idées reçues sur ces déchets. ce qu'on va aborder dans cette mini-série, mais également d'une perception erronée des autres problèmes environnementaux qui sont également abordés sur cette chaîne.

Bref, pour en revenir au sujet, la période radioactive, donc l'aspect temporel, est un des paramètres les plus importants dans la classification des déchets nucléaires. Mais il y a autre chose à prendre en compte. Eh bien, à quel point c'est dangereux ?

La quantité de radioactivité je suppose ? Exactement. Et pour avoir une idée de ça, on regarde l'activité de l'objet en question, c'est-à-dire le nombre de désintégrations radioactives par seconde que l'on calcule en Becquerel. En première approximation, ces deux paramètres sont opposés.

Des radionucléides qui ont une très longue période radioactive seront peu actifs puisqu'il leur faut très longtemps pour se désintégrer. C'est pour ça qu'après une contamination de l'environnement, les radionucléides les plus dangereux sont ceux qui ont une courte période radioactive, mais c'est aussi ceux qui disparaîtront le plus vite. Directement après un accident nucléaire par exemple, un des radionucléides les plus dangereux est l'iode 131 mais sa période radioactive n'est que de 8 jours donc au bout de quelques mois il a presque entièrement disparu dans l'environnement. Pour la même raison, on ne trouvera pas d'iode 131 dans des déchets radioactifs ayant plus de quelques mois. Tu as dit en première approximation donc je suppose qu'il y a des subtilités.

Oui, comme toujours. D'abord, lors d'une désintégration, un atome se transforme en un autre atome qui peut lui aussi être radioactif et se désintégrer à son tour. avec une période radioactive complètement différente.

On peut ainsi former une chaîne de désintégration. Par exemple, la radiotoxicité de l'uranium tient plus de la radiotoxicité de ses descendants successifs que de l'uranium lui-même qui est au final très peu radioactif. Ensuite, comme on l'a déjà dit, toutes les désintégrations ne se valent pas.

Les radionuclides produisent différents rayonnements de différentes énergies et interagissent différemment avec notre organisme et l'environnement. On fait donc une différence entre l'activité qui ne regarde que le nombre de désintégrations par seconde et la radiotoxicité qui prend tous ces paramètres en compte. Mais pour classifier les déchets radioactifs, on ne va prendre en compte que l'activité et la période radioactive. Les déchets radioactifs sont donc découpés en catégories suivant ces deux paramètres.

Chaque catégorie présente des particularités différentes et les différentes catégories de déchets ne sont pas traités de la même manière. Mais pour comprendre la gestion des déchets nucléaires, il faut comprendre leur nature. Et comme c'est ce qui vous intéresse probablement le plus, cette vidéo va se concentrer sur les déchets nucléaires les plus dangereux. Elle sera complétée par d'autres qui expliqueront un peu ce qu'on fait de ces déchets ou qui parleront des autres catégories de déchets.

Le sujet des déchets nucléaires est vaste mais je pense que c'est important de bien le comprendre vu que c'est l'un des plus gros défauts de l'industrie nucléaire. Et une petite quantification, ce serait possible ? Parce que dire déchets les plus dangereux, personnellement ça ne m'évoque pas grand chose. Oui, je vais parler des déchets dits de haute activité.

Ce sont des déchets ayant une activité de plus de 1 milliard de becquerels par gramme. C'est-à-dire qu'il y a plus d'un milliard de désintégrations par seconde dans un gramme de matière. C'est très élevé. Votre activité à vous est plutôt autour de 0,1 Bq par gramme. Ce sont des matières au moins un milliard de fois plus radioactives que la plupart de ce qu'on peut trouver naturellement sur Terre.

Et ces déchets de haute activité, je suppose qu'ils sortent des centrales nucléaires. En bonne partie oui. Dans la dernière vidéo, on a parlé du fonctionnement des centrales nucléaires et dans les deux dernières on a parlé des assemblages combustibles. Tu t'en souviens ? Oui, c'est vrai.

Je t'écoute dans les vidéos mais je veux bien un petit rappel, ça ne me ferait pas de mal. Un assemblage combustible est un ensemble de tubes contenant de l'uranium enrichi qui sert de combustible pour les réactions de fission produisant la chaleur dans une centrale nucléaire. On a vu que les assemblages combustibles passaient entre 3 et 4 ans dans la cuve du réacteur nucléaire.

Le combustible est renouvelé par tiers ou quarts de la capacité du réacteur. Le déchargement se fait avec la centrale à l'arrêt et la cuve ouverte. Le combustible usé qu'on remplace est transporté dans la piscine d'entreposage.

Cette manipulation se fait sous l'eau pour assurer la protection des opérateurs et le refroidissement du combustible. Et ce combustible usé, il est si dangereux que ça ? L'assemblage combustible neuf avant son entrée dans la cuve du réacteur n'est pas dangereux parce qu'il contient deux isotopes de l'uranium à très longue période radioactive. Un employé peut se tenir à côté indéfiniment sans aucun risque.

Par contre, il suffit de se tenir plusieurs minutes sans protection à un mètre d'un assemblage usé pour être absolument certain de mourir. Un assemblage usé est donc très dangereux. Mais une couche d'eau d'une cinquantaine de centimètres divise le rayonnement gamma par 10 et atténue encore plus les rayonnements alpha et bêta.

Et les assemblages combustibles sont sous 10 mètres d'eau. Quelqu'un peut donc se tenir sans risque au bord de la piscine de stockage. Cet assemblage usé est donc un élément extrêmement dangereux mais qui n'a pas d'impact sur la santé des travailleurs qui sont protégés.

C'est une bonne partie de la complexité de la question des déchets radioactifs. On manipule des substances extrêmement dangereuses Mais ces substances n'ont pas d'effet si elles sont manipulées ou entreposées dans de bonnes conditions. Les déchets nucléaires sont un bel exemple de la différence entre un danger et un risque. Un danger et un risque, c'est la même chose.

Eh bien pas du tout. Quelque chose qui peut provoquer des dommages est dangereux. Un pot de fleurs en équilibre sur le rebord d'une fenêtre est un danger. Mais pour éventuellement blesser quelqu'un, il faut que quelqu'un soit présent en dessous de ce pot de fleurs. Il faut donc une exposition.

Le risque est la combinaison de ces deux éléments. du danger que représente quelque chose et de l'exposition à ce danger. Il y a plein de choses extrêmement dangereuses auxquelles nous ne sommes pas exposés. Les souches de maladies qui sont gardées dans certains laboratoires.

Par exemple. A l'inverse, il y a des choses moins dangereuses mais auxquelles nous sommes souvent exposés comme le couteau qui nous permet de couper le pain. Un couteau constitue un risque plus élevé pour vous et moi que des pathogènes confinés dans des laboratoires de recherche et vous vous êtes probablement déjà coupé.

Il est très facile de faire peur avec des choses dangereuses, des pathogènes, des astéroïdes qui pourraient tomber sur la terre, certaines substances chimiques ou les déchets nucléaires. Mais le risque que représentent certains objets du quotidien est bien plus grand parce qu'on y est beaucoup plus exposé. Chaque année, en France, le gaz naturel, l'électricité, les couteaux, les ciseaux, la pollution de l'air, l'alcool, le tabac, le sucre, les accidents de voiture, etc. tuent bien plus que les déchets nucléaires qui n'y tuent personne.

La distinction entre danger et risque est importante parce que le danger est souvent utilisé pour produire la peur et manipuler. Alors que le risque, qui est une notion beaucoup plus utile à notre santé, est un calcul découlant d'un raisonnement logique qui n'a rien d'intuitif. D'ailleurs, l'analyse des risques dans le nucléaire et ailleurs est un métier en soi.

Cette distinction entre risque et danger est valable dans tous les domaines et mériterait sans doute une petite vidéo. Ok, je comprends la distinction, je vais essayer de garder ça en tête. Alors tu nous as dit que le combustible usé, celui qui sortait du réacteur, était bien plus dangereux que celui qu'on y entrait.

Mais pourquoi ? Cette question va nous amener à parler un peu de ce que contient le combustible usé et c'est extrêmement important pour comprendre cette vidéo et les suivantes. Dans un assemblage de combustibles usés, il y a encore de l'uranium 235 et de l'uranium 238. On forme également dans le cœur d'un réacteur nucléaire des atomes plus lourds que l'uranium. C'est possible d'avoir des atomes plus lourds que l'uranium ?

L'uranium est l'élément le plus lourd présent naturellement sur Terre. Lui et tous les éléments suivants du tableau périodique, c'est-à-dire possédant plus de protons, sont radioactifs et donc instables. Les quatre éléments suivants sont dans l'ordre le neptunium, le plutonium, l'américium et le curium.

Le plutonium est considéré à part parce que certains isotopes du plutonium sont fissiles. On en a déjà parlé dans les vidéos précédentes. Ce plutonium permet de produire environ un tiers de la chaleur produite dans un réacteur à eau pressurisée comme ceux en fonctionnement en France. Le neptunium, le plutonium, l'amélicium et le curium sont formés par des captures neutroniques suivies de désintégrations radioactives à partir des atomes d'uranium. Ces éléments ne sont pas présents naturellement sur Terre ou alors à l'état de trace.

Et pourquoi il n'y en a pas naturellement sur Terre ? Comme vous le savez, tout l'uranium présent sur Terre y est depuis sa formation. Vu que l'uranium est radioactif, la quantité d'uranium présent sur Terre ne peut faire que diminuer.

Mais la période radioactive de l'uranium-235 étant de 704 millions d'années et celle de l'uranium-238 étant de 4,47 milliards d'années, il en reste une quantité non négligeable. Les éléments plus lourds que l'uranium ont des périodes radioactives plus courtes et donc s'ils étaient présents au moment de la formation de la Terre, ils se sont désintégrés depuis. Donc ces radionucléides ont une période radioactive courte. Courte devant l'âge de notre planète mais bien assez longue pour que ces déchets nous posent problème.

Par exemple, pour une tonne d'uranium introduite au cœur du réacteur, on va produire autour de 430 grammes de neptunium-237 qui a une période radioactive de 2,14 millions d'années. C'est un des radionucléides présents dans les déchets qui a la durée de vie la plus longue après l'uranium. On peut donc voir que c'est court devant la période radioactive de l'uranium mais c'est très très long devant nos durées de vie.

Donc dans le combustible usé on a de l'uranium et des éléments plus lourds au nom imprononçable. Mais ce n'est pas tout. Lors d'une fission d'un noyau d'uranium 235 ou de plutonium, on produit de la chaleur, on émet des neutrons, mais on produit également deux ou rarement trois produits de fission. Ce sont des atomes très souvent radioactifs qui sont plus légers que l'uranium et le plutonium. Il y a une trentaine d'éléments différents et ces produits de fission vont souvent former d'autres atomes en se désintégrant.

Stop ! Stop ! Ton combustible usé c'est trop le bordel, il y a trop de trucs dedans.

On ne peut pas simplifier un peu ? On va découper en catégories. Je parlerai donc des produits de fission, des actinides mineurs, du plutonium et de l'uranium. Quand on parle d'actinides mineurs, on parle essentiellement du neptunium, de l'américium et du curium qui sont trois radionucléides gênants. Retenez donc le terme d'actinides mineurs que je vais utiliser dans la suite.

Pour une tonne d'uranium en entrée du réacteur, on récupère en sortie, en plus de l'uranium, environ 34 kg de produits de fission. 10 kg de plutonium, 430 g de neptunium, 330 g d'américium et 26 g de curium. En France, on produit un peu plus d'un millier de tonnes de combustible usé par an, auquel s'ajoute une centaine de tonnes de combustible MOX dont on parlera dans la prochaine vidéo.

Est-ce qu'on a une idée de à quel point c'est dangereux ce combustible usé ? Oui, sur cette figure, on voit la radiotoxicité d'une tonne de combustible usé, calculée en considérant l'ingestion des différents radionucléides. Ce n'est donc pas la dose reçue si vous vous tenez à côté mais bien si vous mangez une tonne de combustible usé.

Cette figure peut légèrement changer avec l'enrichissement ou le temps passé en réacteur. Les deux axes sont en échelle logarithmique, on multiplie donc par 10 à chaque graduation. On voit que la radiotoxicité des 30 premières années est dominée par les produits de fission. Puis le plutonium prend le dessus.

Comme je l'ai dit plus tôt, les descendants successifs de l'uranium sont plus toxiques que l'uranium lui-même. C'est pourquoi la radiotoxicité de l'uranium contenu dans le combustible usé augmente. Parce qu'on regarde la radiotoxicité de l'uranium et des descendants qui vont se former. On voit également très bien que la radiotoxicité et donc la dangerosité des déchets diminuent avec le temps. Pour rappel, une dose reçue de 4 sieverts tue la moitié des personnes exposées.

Au bout de 10 ans, le début de ce graphique, il y a donc assez de radionucléides dangereux dans une tonne de combustible usé pour tuer plusieurs millions de personnes. A supposer qu'on leur fasse consciencieusement avaler de tout petits bouts de combustible usé. C'est un peu idiot comme remarque non ?

Tu te vois toi manger un petit bout de combustible usé comme ça au petit-déj ? Certes, et on pourrait trouver un paquet de substances produites par nos sociétés qui seraient dangereuses si on les faisait consommer par la population. Même des choses aussi anodines que des produits ménagers.

Mais donner une quantification du risque lié à ces déchets n'est pas si facile. Ce qui aurait un sens, c'est la dose à laquelle les populations sont exposées. On est exposé tous les jours à certains polluants, comme ceux issus des gaz d'échappement des voitures.

Mais on n'est pas exposé aux déchets nucléaires. On doit donc se contenter du danger en cas d'ingestion. Et pourquoi on regarde la radiotoxicité par ingestion ? Et pas ce qui se passerait, je ne sais pas, si on était à côté par exemple.

Si les déchets sont placés directement dans l'environnement, ce qui n'est pas du tout conseillé, ils peuvent se répandre et finir par être ingérés par des êtres vivants. L'ingestion a plus d'effet que l'exposition externe et est plus probable que l'inhalation pour une bonne partie des radionucléides. C'est sans doute pour ça qu'on regarde la radiotoxicité par ingestion.

Pour avoir un point de repère de la dangerosité, on utilise souvent la radiotoxicité du minerai naturel qu'il a fallu initialement extraire pour produire cette tonne de combustible usé. Je vais donc l'ajouter à ce graphique. Pourquoi on considère l'uranium naturel comme référence ? A partir du moment où la courbe totale passe en dessous de celle de l'uranium, la radiotoxicité des déchets est moindre que la radiotoxicité qui aurait été naturellement présente dans l'environnement si on ne s'était pas servi de l'uranium. On a donc diminué la radiotoxicité de radionucléides présents naturellement.

A très long terme, l'industrie électronucléaire diminue donc la radioactivité sur Terre. Ce qui est assez logique vu qu'on consomme un radionucléide avec une très longue période radioactive, l'uranium. Il y a un truc que je ne comprends pas, la vie est apparue et prospère sur terre malgré la présence d'uranium naturel. Du coup, ce n'est pas si dangereux.

On pourrait peut-être prendre un seuil un peu plus haut non ? Ce seuil est choisi pour rendre indiscutable la non-dangerosité des déchets passant en dessous puisqu'elle devient moindre que ce qui aurait été naturellement présent. Mettre un autre seuil est difficile parce qu'il faudrait voir l'exposition au fil du temps.

Si tu peux t'assurer que ces déchets radioactifs ne rentreront jamais en contact avec le vivant, la radioactivité n'a pas de problème. aucune importance. Alors où mettre un autre seuil ? Ok, je vois.

Et du coup c'est dangereux déchet radioactif. On en fait quoi ? Comme on l'a vu dans la dernière vidéo, à cause des désintégrations des produits de fission, l'assemblage combustible usé chauffe.

En fait, le combustible usé est trop chaud pour être transporté. Un assemblage en sortie de cœur va émettre un peu plus de 7 kW, l'équivalent de 2 ou 3 fours électriques comme ceux de notre cuisine. Or, il faut passer en dessous de 6 kW pour avoir le droit d'être transporté. Les assemblages vont donc être refroidis un an ou deux dans une piscine dans la centrale nucléaire elle-même. Mais s'ils dégagent de la chaleur, pourquoi on ne l'utilise pas pour produire de l'électricité ?

C'est ce qu'on fait dans une centrale nucléaire après tout. T'as vu ? J'ai retenu la vidéo de la dernière fois.

Un réacteur de 1500 MW, les plus gros réacteurs en France aujourd'hui, contient 205 assemblages. Si on en change un tiers et qu'on considère que les assemblages usés dégagent 7 kW, on dégage moins de 500 kW alors que la puissance thermique de ce réacteur est de 4 270 000 kW. En gros, on n'utilise pas la chaleur des déchets nucléaires parce que cette chaleur est très très faible devant celle dégagée par le réacteur.

Elle est suffisante pour nécessiter un refroidissement mais très insuffisante pour pouvoir être utilisée de manière industrielle. Et on les laisse pour toujours dans la piscine de la centrale ? Non mais là il y a des stratégies très différentes suivant les pays.

Pour commencer, on va regarder le cas le plus simple qui n'est pas le cas français. Certains pays comme les Etats-Unis, le Canada, la Suède, la Finlande ou l'Afrique du Sud considèrent directement l'assemblage usé comme un déchet. Et du coup eux, ils font quoi avec le combustible usé ? Une fois qu'il a suffisamment refroidi, le combustible usé est séché et entreposé dans des conteneurs hermétiques en béton, en métal ou dans une combinaison des deux. Il y a beaucoup de variantes existantes comme vous pouvez voir sur ces photos.

Ces conteneurs sont parfois placés dans des hangars ou des bâtiments dédiés et parfois juste placés en extérieur. Ils assurent le confinement des déchets et la protection des travailleurs et de l'environnement. Ils sont refroidis simplement par contact indirect avec l'air.

Par contre, ce n'est qu'une solution temporaire, typiquement pour une cinquantaine d'années. Mais du coup, quel est l'intérêt par rapport à juste le laisser entreposer en piscine ? Eh bien, le refroidissement est ici passif et le combustible est en fait... dans une structure étanche. Cet entreposage coûte donc moins cher que de garder le combustible en piscine.

Par contre, l'entreposage est moins dense qu'en piscine et la surveillance d'une potentielle dégradation du combustible est rendue difficile alors qu'en piscine cette surveillance est facile. Comme l'entreposage est moins dense, le refroidissement passif et le combustible confiné, l'entreposage à sec présente des risques accidentels plus faibles que l'entreposage en piscine. Et la solution à long terme c'est quoi ?

Eh bien dans le cas où on considère l'ensemble du combustible usé comme un déchet, il faut trouver une solution définitive pour gérer ce combustible usé sur des temps très longs, de l'ordre de la centaine de milliers d'années. Et on parlera de ça dans une autre vidéo. On n'est pas obligé de considérer l'ensemble du combustible usé comme un déchet ? Eh bien non. On a dit qu'un déchet était de la matière non valorisable.

Or, dans le combustible usé, il y a encore beaucoup d'uranium et il y a également du plutonium. Et dans l'uranium, tout l'uranium 235 n'a pas été consommé. Il en reste autour de 1% de la masse totale du combustible usé alors qu'il y en avait initialement 3,5% dans le combustible neuf.

On a donc consommé environ deux tiers de l'uranium 235. Le plutonium et l'uranium 235 peuvent être utilisés dans des réacteurs à eau pressurisée comme ceux en fonctionnement en France et l'uranium 238 sera potentiellement consommé dans des réacteurs nucléaires de quatrième génération si on en déploie un jour. C'est donc de la matière valorisable et c'est notamment pour ça que le plutonium est considéré à peu près comme un matériau de production. part des autres actinides. Mais dans ce cas-là, il faut la séparer du reste. Oui et c'est ce qui est fait au Royaume-Uni, en Russie et en France pour le combustible usé français mais aussi pour du combustible usé provenant de Suisse, des Pays-Bas, de l'Allemagne et de quelques autres pays.

En France, les assemblages irradiés qui ont refroidi un ou deux ans dans les piscines des centrales nucléaires sont ensuite transportés dans un entreposage centralisé à la Hague où ils vont continuer d'être refroidis. L'entreposage en piscine permet de contrôler le refroidissement du combustible et le confinement des radionucléides. La population française n'est donc pas exposée aux déchets nucléaires.

Il faut que ce point soit bien clair. Une fois l'assemblage suffisamment refroidi, au bout de 3 à 6 ans, on va lui faire subir quelques petites opérations. On va cisailler les crayons de combustible pour en faire sortir les pastilles d'uranium et tous les autres radionucléides.

Avec un procédé chimique. On sépare l'uranium et le plutonium de tout le reste. Cette séparation permet de réduire considérablement le volume des déchets puisqu'il ne reste que les produits de fission et les actinides mineurs qui constituent 4% du contenu des crayons. Donc encore moins si on regarde l'assemblage dans son ensemble.

Pour cette vidéo, on va laisser de côté les gaines, l'uranium de retraitement et le plutonium qui seront abordés dans d'autres vidéos. Et on va se concentrer sur les produits de fission et les actinides mineurs. Donc on se concentre sur 4% du combustible usé.

Oui ! mais ces 4% sont les substances les plus dangereuses présentes dans le combustible usé. En France, une fois que ces produits sont séparés du reste, ils sont vitrifiés, c'est-à-dire incorporés à une matrice de verre.

Un verre est un solide non cristallin et certains sont naturels. L'obsidienne par exemple est une roche volcanique vitreuse que vous connaissez sûrement. Le verre dans lequel on coule les produits de fission et les actinides mineurs est réputé très semblable à l'obsidienne.

Un verre accepte par nature de nombreux défauts et on sait donc que les déchets en resteront prisonniers. Et on en fait quoi de ce verre ? Ce verre est coulé dans un conteneur en acier inoxydable.

Une fois rempli, ce conteneur fait un peu moins de 500 kg dont 400 kg de verre incorporant une soixantaine de kilos de déchets, produits de fission et actinides mineurs. Les produits de fission et les actinides mineurs sont donc dilués dans une matrice de verre. Ils resteront intimement liés au verre pendant au moins plusieurs dizaines de milliers d'années. Les déchets les plus problématiques ne ressemblent donc pas du tout à un bidon jaune dégoulinant de liquide vert fluo mais à un conteneur en acier étanche rempli d'un verre solide sombre emprisonnant des radionucléides.

Le conteneur permet à la fois le confinement des déchets mais facilite également les manipulations. Au moment où le conteneur est rempli et scellé, il dégage encore 2 kW de puissance thermique, à peu près la puissance d'un four. Il n'a plus besoin d'être placé en piscine et peut être entreposé en surface et refroidi à l'air par convection naturelle.

Et au final, ça représente quelle quantité ? la production de ces déchets de haute activité. On l'a dit, 1200 tonnes de combustibles usés sont sortis des réacteurs chaque année, ce qui fait un peu moins de 20 grammes par français.

Sur ces 20 grammes, les produits de fission et les actines mineures constituent un peu moins d'un gramme qui vont venir s'ajouter aux déchets de haute activité une fois vitrifiés. En prenant en compte la matrice de verre et le conteneur en acier, ça fait une dizaine de grammes de déchets de haute activité par an et par français. A côté de ça, un français émet en moyenne 12 tonnes de CO2 par an et produit environ 500 kilos de déchets ménagers.

Encore une fois, on se retrouve face à la conséquence logique de l'extrême densité énergétique de l'uranium. Les déchets de haute activité dont on parle ici ne constituent même pas 1% du volume total des déchets radioactifs, mais contiennent plus de 95% de la radioactivité totale des déchets produits en France. Dans la suite de cette mini-série, j'aborderai les différents types de déchets radioactifs, les volumes totaux de chacune de ces catégories et les solutions envisagées pour chaque type. Et ces conteneurs de déchets de haute activité, ils sont dangereux ? Ils sont extrêmement dangereux.

dangereux. Juste après sa fabrication, le débit de dose au contact est tellement élevé que quelqu'un qui ferait un câlin à ce type de colis recevrait une dose létale en une dizaine de secondes. Le débit reçu à une distance de 1 m est moindre mais suffisant pour recevoir une dose létale en quelques minutes. Je parle d'une exposition directe au conteneur sans surconteneur, sans protection et avec juste 1 mètre d'air entre une personne et le conteneur. Au bout d'un siècle, le débit de dose à 1 m tombe à 3 Sv par heure.

Ce qui est encore suffisant pour tuer quelqu'un qui resterait 2 heures à 1 mètre du colis. A 300 ans, le début de dose à 1 mètre tombe à 17 mSv par an, ce qui n'est plus qu'une dizaine de fois la radioactivité naturelle. A ces doses, rien ne prouve des effets sanitaires. Rester 1 an à 1 mètre d'un colis de déchets de haute activité vieux de 3 siècles n'a probablement pas d'effet sur la santé. ou des effets très faibles.

Ces déchets ne resteraient donc pas dangereux à l'échelle du millénaire si on considérait la seule radiation émise par le colis. C'est aussi un truc important à comprendre avec les déchets. On entend souvent qu'ils resteraient dangereux pendant des centaines de milliers d'années. Mais la dangerosité décroît dans le temps.

Et la dangerosité n'est pas du tout la même dans 10 ans, dans 100 ou dans 10 000. Après, il faut évidemment multiplier cette dose par le nombre de colis qui vous entourent. Mais pourquoi on ne fait pas des conteneurs qui contiennent mieux la radioactivité ? C'est super dangereux pour les gens qui travaillent avec les déchets je suppose. Parce que la priorité du conditionnement est le confinement des radionucléides, l'évacuation de la chaleur et l'intégrité à long terme.

Pour se protéger des rayonnements, on peut les placer dans des surconteneurs en béton pour les déplacer par exemple. De plus, ces colis sont manipulés par des machines. Dans les fosses d'entreposage pour colis de haute activité de la Hague, ils sont placés dans des puits dans le sol.

L'épaisseur de béton permet de protéger complètement le personnel se trouvant potentiellement au-dessus. Cet entreposage en surface permet de garder confinés ces déchets radioactifs. Mais ce n'est pas la solution définitive.

Ces conteneurs en acier et leurs contenus forment les déchets ultimes dits de haute activité de la filière électronucléaire française. Et pourquoi on ne peut pas juste les laisser là, ces déchets ultimes ? Si les radionucléides sont libérés dans l'environnement, ces déchets présentent un risque pendant des centaines de milliers d'années.

Les stocker en surface ou proche de la surface impliquerait de devoir les surveiller et veiller à ce qu'ils restent dans de bonnes conditions pendant toute cette durée. Ce qui n'est pas imaginable puisque c'est une durée bien supérieure à l'existence des sociétés humaines. Il y a 3 axes complémentaires pour la gestion de ces déchets.

On s'assure qu'ils restent confinés à tout instant et on le fait en mettant en place des solutions adéquates d'entreposage. C'est ce dont on a parlé avec les piscines et les entreposages à sec et plus largement dans cette vidéo. Ensuite, on peut diminuer. leur radiotoxicité et enfin on doit trouver une solution définitive sur des temps très longs. Mais c'est super cool si on peut diminuer leur radioactivité.

Oui mais on parlera de ça dans le prochain épisode. Attends tu ne vas pas me faire ça, tu ne vas pas me laisser en plein suspense ? Si. Dans cette vidéo j'ai introduit le sujet difficile des déchets radioactifs.

Je vous ai expliqué la différence entre un danger et un risque que je pense fondamental pour apprécier la question des déchets radioactifs et qui peut être utile dans plein d'autres domaines. Les déchets radioactifs de haute activité dont on a parlé ici sont des substances extrêmement dangereuses mais auxquelles on n'est jamais exposé. On a vu ce que contenait le combustible usé et que certains pays considèrent l'ensemble de ce combustible usé comme un déchet radioactif.

Après un temps de refroidissement en piscine, ce combustible usé peut être entreposé à sec. D'autres pays comme la France retraitent le combustible. Les déchets de haute activité prennent alors une autre forme, plus compactes. et finissent également entreposés à sec. Pour l'instant, l'intérêt de ce retraitement doit paraître un peu mystérieux, mais on en parlera dans le prochain épisode de cette mini-série.

Pour l'instant, on n'a pas évoqué non plus les solutions qu'on a pour le stockage à long terme de ces déchets. Merci à tous d'avoir regardé cette vidéo sur un sujet qui me donne beaucoup de fils à retordre. J'ai choisi de découper au tout dernier moment en me rendant compte que la vidéo que j'avais prévue pour couvrir la moitié du sujet durait une heure. Et on m'a fait savoir que ce serait un peu indigeste. J'espère que ce choix vous plaira et que ça rendra ce sujet plus facile à aborder.

Certes, cette vidéo a mis du temps à sortir et vous êtes peut-être un peu déçus par sa longueur modeste. Mais d'autres devraient rapidement suivre. Ça fait quelques mois que la barre des 2000 euros a été franchie sur Tipeee. Et je suis très agréablement surpris par cet énorme soutien que vous m'apportez.

Vous me permettez de continuer à faire de la vulgarisation sur internet sur des enjeux que je trouve très important. Et je vous en remercie du fond du cœur. C'était le Réveilleur et à bientôt sur le net.