Rappel de cours sur la notion de travail. On commence par une définition du terme. Le travail, c'est une activité de transformation de la nature à des fins utiles. On va tout de suite rentrer dans le vif du sujet avec une première conception du travail qui sera celle de l'opinion commune où le travail est envisagé négativement comme quelque chose que l'on n'aime pas, quelque chose que l'on aimerait fuir si possible. Alors essayons d'étayer cette première exception du travail. On va d'abord souligner le fait que le travail est une nécessité. En effet, l'homme n'a pas le choix, il est obligé de travailler, puisque s'il ne travaille pas, il meurt. En effet, la nature spontanément ne lui fournit pas de quoi survivre. Donc même plutôt qu'une obligation, on pourra dire que le travail est une contrainte. Je vous rappelle la différence entre une contrainte et une obligation. L'obligation, c'est le fait de faire ce que l'on doit faire tout en ayant le choix de ne pas le faire. La contrainte, c'est le fait de faire ce que l'on doit faire sans avoir le choix de ne pas le faire. Du coup, le travail, dans cette optique, est plutôt une contrainte. Il obéit à une forme de loi matérielle, celle de la vie, qui, au jour le jour, doit reconquérir son droit, pourrait-on dire, sur l'impérieuse nécessité de la mort. Ensuite, soulignons le fait que le travail est une contrainte pénible, En effet, le travail, on l'a dit, est une activité, c'est-à-dire l'exercice physique ou psychique d'une force par un agent quelconque. Or, une force, à partir du moment où elle est mise en œuvre, elle s'épuise elle-même, elle se consomme, elle est autoconsommation. C'est la raison pour laquelle le travail entraîne une certaine fatigue, et l'on comprend pourquoi le travail est vécu comme quelque chose de pénible et de douloureux, car fatigant. On peut renvoyer ici à l'étymologie du terme de travail qui vient du latin tripalium et qui signifie instrument de tortueux. Voilà, donc le travail contrainte, pénible. Et c'est la raison pour laquelle on a pu envisager le travail comme une malédiction. Et ici la référence que vous pouvez utiliser pour étayer cette conception du travail comme quelque chose de négatif, c'est le texte de la Genèse dans la Bible, dans l'Ancien Testament. On se souvient en effet que la Genèse distingue deux temps. Le temps d'avant la chute, le temps du bonheur, où la nature produit spontanément ses fruits, le temps du jardin d'Éden, où Adam n'a donc pas besoin de travailler, et ensuite le temps d'après la chute, où la nature devient jalouse de ses bienfaits et où Adam est contraint de travailler pour subvenir à ses besoins. On remarque donc que finalement, ce qui fait du travail une contrainte, une nécessité, c'est une transformation de la nature, qui spontanément ne va pas fournir à l'homme de quoi survivre. Voilà pour cette première acception du travail comme quelque chose de négatif, quelque chose que l'on aimerait fuir, et c'est la raison pour laquelle, par exemple, dans l'Antiquité, le travail était absolument méprisé et réservé aux esclaves, que l'on considérait comme des animaux, d'une certaine manière, puisque travailler, C'est faire en sorte de fournir de quoi subvenir aux besoins dus à notre animalité. Ce n'est donc pas une activité pour les Grecs spécifiquement humaine. C'est justement cette idée que l'on va essayer de renverser dans une deuxième partie en soulignant le lien entre travail et liberté. Alors ici, la référence qu'il faut maîtriser, c'est Marx. Marx, en effet, a comme idée que le travail est une activité spécifiquement humaine. Pour Marx, il est faux de parler de travail animal. Le travail, c'est le propre de l'homme. Et Marx met en perspective trois caractéristiques qui soulignent cette dimension humaine du travail. Il y a d'abord l'idée selon laquelle la fin du travail, écrit Marx, préexiste idéalement dans l'imagination du travailleur. Ça veut dire qu'à la différence de l'animal, l'architecte, par exemple, va concevoir son projet dans l'esprit avant de le réaliser, là où l'animal va agir instinctivement et involontairement. En concevant donc cette fin, le travailleur va déterminer sa volonté par la représentation de cette fin. Il y a donc un détour par l'esprit quand le travailleur s'active d'une certaine manière, ce qui n'est pas le cas pour l'animal. Ensuite, dit Marx, la réalisation du projet du travailleur n'est pas un simple changement dans les matières naturelles. En effet, la modification qui est opérée par le travail n'est pas immanente à la matière, mais allait, pourrait-on dire plutôt, l'inscription de la volonté du travailleur dans la matière. Et on peut se souvenir ici de la thèse hegelienne selon laquelle la conscience de soi, pour prendre conscience d'elle-même, a besoin de produire des œuvres extérieures, de s'inscrire dans le monde en produisant des œuvres extérieures. Et bien ici, Marx s'inscrirait un petit peu dans la continuité de Hegel, puisque dans le travail, je m'objective dans le monde, dans le produit du travail, et je m'y reconnais d'une certaine manière. Ce qui me permet de m'y voir et de prendre conscience de moi. Donc là, dimension proprement humaine, là encore, du travail. Et enfin, dit Marx, le travail n'est pas simplement une transformation de la nature, c'est aussi une transformation du travailleur. En effet, On a vu que le travail était une contrainte pénible. C'est donc un effort. Quand je travaille, je vais à l'encontre de mes inclinations naturelles qui veulent plutôt me conduire à ne rien faire. Mon penchant naturel, c'est plutôt la paresse. Rousseau disait qu'il est inconcevable à quel point l'homme est naturellement paresseux. Donc quand je travaille, je domestique finalement mes penchants. Je domestique mon animalité. Puisque j'obéis plutôt qu'à mes désirs, à ma volonté. En d'autres termes, quand je travaille, je suis libre, je me libère de ces penchants. Il y a donc une vertu du travail, une vertu de l'effort, et on dit bien que l'oisiveté est mère de tous les vices, de ce point de vue-là. Il y a donc un lien entre travail et liberté dans cette perspective-là, à partir du moment où on comprend que le travail est une activité spécifiquement humaine. Ceci dit, s'il existe en droit, Un lien entre travail et liberté, qu'en est-il en fait ? On peut se demander si le travail tel qu'il s'effectue aujourd'hui, et notamment à l'époque de Marx au XIXe siècle dans la révolution industrielle, est un travail qui permet la liberté du travailleur, ou si bien au contraire c'est un travail aliéné. Je rappelle la définition de l'aliénation, le fait d'être aliéné, c'est le fait d'être dépossédé de soi. Marx fait une critique du travail tel qu'il s'effectue au XIXe siècle, à l'heure de la révolution industrielle, En disant que c'est un travail aliéné, et ceci pour trois raisons. D'abord, écrit Marx, ce n'est pas une libre activité physique et intellectuelle. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que le travail ne permet pas à l'ouvrier, notamment, de déployer librement ses talents. En effet, ici, Marx fait une critique de la civilisation industrielle et de la division du travail qu'elle engendre, qu'elle suppose, et qui conduit le travailleur à répéter tout au long de la journée un ensemble de tâches simples, mécaniques, et qui sont déshumanisantes. Ici, je peux vous renvoyer à la référence, par exemple, des temps modernes, avec Charles Chaplin, qui illustre bien cette perspective. Ensuite, dit Marx, le travail est aliéné quand il est réduit à sa seule dimension de contrainte vitale. Là, l'idée est assez simple. c'est que le travail est aliéné lorsque je m'y rends, et que je n'y prends absolument aucun plaisir, lorsque je m'y rends simplement pour obtenir de quoi subvenir à mes besoins, lorsque je ne me sens pas du tout chez moi, que ce soit au bureau, au champ, etc. Et enfin, dit Marx, le travail est aliéné dans le mode de production capitaliste. Alors ici, pour plus de précision, je vous renvoie à la vidéo qui a été faite sur la citation de Marx, La religion et l'opium du peuple. où vous verrez que ce que reproche Marx au mode de production capitaliste, c'est l'extorsion de la plus-value. On se souvient que pour Marx, il y a les propriétaires des moyens de production, la bourgeoisie pour Marx au XIXe siècle, et ceux qui vendent leur force de travail, les ouvriers, et dont on vole le produit du travail, puisqu'ils ne sont pas propriétaires des moyens de production, selon Marx. et dont on s'approprie une part du sur-travail, c'est-à-dire la production de l'ouvrier qui ne sera pas rétribuée dans la journée. Donc, pour résumer, trois perspectives sur le travail. D'abord, la perspective de l'opinion commune qui est que le travail serait une malédiction, parce que c'est une contrainte pénible, quelque chose que l'on veut fuir. Toutefois, on ne va pas oublier de souligner la dimension spécifiquement humaine du travail avec Marx, et donc son lien avec la liberté. Et enfin, on situe... Le travail dans sa perspective un peu moderne, et on retiendra que dans cette perspective le travail peut être aliéné puisqu'il ne permet pas un libre épanouissement du travailleur.