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Finance et Réchauffement Climatique : Enjeux

Là. Très bien. Et il va falloir surveiller régulièrement ce qui se passe parce que... Ça va être très très très long. Est-ce que tu t'es déjà demandé ce qu'il faudrait faire pour atteindre l'objectif des 2 degrés défini dans l'accord de Paris qui a été signé en 2015 ?

Le truc de la COP 21, là ? Ouais, c'est ça. Alors, comment on sauve le monde ?

Bah c'est facile. D'abord, il faudrait sortir de la logique de rentabilité à tout prix, et s'interroger sur ce que sont les vraies richesses qui nous intéressent. Ensuite, il faudrait un contrôle politique sur la création monétaire pour financer ce qu'on veut. Et évidemment, on arrête d'être obsédé par le PIB, et on s'occupe plutôt de réduire drastiquement les inégalités. Et on inclut une multitude de nouveaux indicateurs économiques, sociaux et environnementaux pour orienter nos actions.

Et voilà. Easy stuff. Euh, alors oui, sûrement.

Mais concrètement, comment est-ce que tu démarres pour arriver à ça ? Eh ben tu démarres pas. Je crois qu'il faut l'admettre, hein.

On est foutus, pis c'est tout. Ok, alors moi je propose quand même un truc. Le cadre de cette vidéo est assez spécifique. Je ne cherche absolument pas à faire une liste exhaustive de tout ce qu'il faudrait faire pour tenir l'engagement pris lors de la signature de l'accord de Paris.

Rappel, l'engagement signifie en gros plus aucune émission de gaz à effet de serre en 2050. Le but c'est de s'interroger sur ce qui pourrait être fait au niveau de la finance européenne. Donc l'idée c'est de se dire, pour transiter vers une trajectoire de degré, il va nous falloir transformer des tas de choses, nouvelles sources d'énergie, nouveaux modes de production, nouveaux modes de consommation. On pourrait dire qu'il va nous falloir et transformer notre usine de production et une bonne partie des produits qui en sortent. Et donc évidemment, faire ça va nécessiter des flux financiers et donc il faut que la finance soit de la partie.

Ben oui, mais c'est ce que je disais, il nous faut un contrôle politique sur la planche à billets. Voilà, donc c'est là que je pose une deuxième contrainte, on essaie de rester réaliste. Le contrôle politique de la planche à billets est probablement l'un des plus gros tabous européens.

S'il est évident qu'il faut débattre de ce sujet et faire évoluer les mentalités, on va partir du principe dans cette vidéo que l'action à mener est trop pressante pour attendre que le débat avance dans le sens qui nous plairait. On se fixe donc comme contrainte de rester dans le cadre des traités existants. Donc en gros, sans faire la révolution, comment on fait pour financer les bons trucs qui nous aident dès demain matin à respecter l'accord de Paris ? Comment on verdit la finance, quoi ? Ouais, alors non, je pense pas qu'on puisse dire ça.

Verdir la finance, c'est s'attaquer à l'impératif de rentabilité et le réduire à l'échelon d'une simple contrainte pour y mettre à la place des impératifs environnementaux et sociaux. Autrement dit, il faudrait des financiers qui pensent avant tout environnement et problématiques sociales, puis dans un second temps, qui regardent si c'est possible de gagner, voire de ne pas trop perdre d'argent. Alors c'est peut-être pas impossible, mais ça demande des transformations bien plus profondes que ce dont on va parler dans cette vidéo.

Nous, on va plutôt essayer de voir quels sont les leviers qu'on pourrait actionner pour essayer d'orienter les flux financiers vers le vert et donc aussi loin du carboné. Donc, thème de la vidéo, comment, en partant des règles existantes, les institutions européennes peuvent-elles nous aider à orienter les flux financiers dans le but d'atteindre l'objectif des 2°C ? Alors, c'est pas mal résumé, mais je vais encore devoir préciser.

Il existe de multiples angles d'attaque pour réussir à orienter les flux financiers. On peut imaginer moult manières de réglementer les différents acteurs, depuis les banques, en passant par les assureurs, les fonds de pension, les sociétés de gestion, les fonds spéculatifs, etc. Nous ici, on va s'intéresser spécifiquement aux banques, c'est-à-dire finalement aux planches à billets de la zone euro.

Celles des banques privées, évidemment, mais aussi la plus puissante de toutes, celle de la Banque Centrale Européenne. Le thème d'aujourd'hui devient donc comment peut-on orienter les flux financiers issus des planches à billets de la zone euro pour aller dans le sens du respect de l'accord de Paris. Eh ben... C'est précis cette histoire. Et on va faire ça en deux parties.

Première partie, plutôt les banques, et deuxième partie, plutôt la Banque Centrale Européenne. Dans le cas de l'éclat, 2020-2030 doit être la décennie d'action. Les places en dette de plus en plus pour payer tout seul la réponse au problème.

mais l'Etat seul ne peut pas le faire. La réponse à très court terme, ce sont les coalitions d'acteurs. Finance est un des éléments les plus importants pour pouvoir empêcher beaucoup de pays à faire ce qu'ils ont besoin de faire.

On a lancé plusieurs dizaines de coalitions pour dire comment on se bat contre la désertification. La certification ici, comment on se bat pour réduire les émissions de CO2 là. De plus en plus d'acteurs financiers privés s'intéressent à ces sujets.

La prise de conscience est là, la finance se transforme. A lot has been done over the last 5 years. We need to build the framework so that every financial decision takes climate change into account. Dès maintenant, il faut qu'on fasse la même chose sur la biodiversité.

C'est un devoir pour les pays les plus vulnérables de la planète aujourd'hui qui vivent les conséquences des erreurs passées. C'est un devoir pour les générations à venir. C'est un devoir pour nous-mêmes. Car c'est la trace.

que notre génération laissera durablement dans l'histoire. Alors, comment peut-on obtenir des planches à billets européennes anti-réchauffement climatique sous-entendu, qui nous aident à atteindre l'objectif des 2°C à la fin du siècle ? Ouais, comment on verdit les planches à billets quoi ? Et là il y a une question qui se pose immédiatement, c'est qu'est-ce que c'est que le verre ?

C'est quoi concrètement ? J'imagine qu'on parle pas juste des éoliennes et des pas de solaire, ça doit être beaucoup plus large que ça. Ok, alors c'est très bien que tu me poses cette question, il va falloir qu'on précise quelques trucs. Attention à ne pas confondre verdir et décarboner.

L'objectif fixé par l'accord de Paris signifie qu'il faut atteindre zéro émission de gaz à effet de serre d'ici 2050. Maintenant, si je représente comme ça l'ensemble des activités humaines du point de vue de l'énergie qu'elles requièrent toutes, sans exception, 85% d'entre elles sont carbonées. 85% de l'énergie qu'on utilise vient du pétrole, du charbon et du gaz. Et seulement 15% viennent du vent, du soleil, de l'eau qui tombe et des noyaux d'uranium qui se fissionnent.

Promouvoir le développement des activités vertes, donc verdir l'économie, ce serait... permettent le développement du cercle vert à côté du premier. Mais le problème, c'est que développer le vert ne suffit pas.

Il faut aussi faire diminuer le carboné. Il faut que le vert se substitue, remplace le carboné. Alors au passage, fun fact, si on regarde l'évolution de consommation d'énergie dans le monde entre 2015, à Cors de Paris, et 2019, on voit qu'on a ajouté 4000 MWh de vert pour 7250 MWh de carboné. Ok, ça papote, ça papote, mais concrètement, ça ne transite pas beaucoup.

Bref, on a donc deux thématiques très différentes. Verdir d'un côté, faire grossir le verre, et décarboner de l'autre, faire diminuer le carboné. Et du point de vue du réchauffement climatique, le développement du verre ne sert strictement à rien.

Tout ce qui compte, c'est la diminution du carboné. Comment ça, ça sert strictement à rien ? Si on veut maintenir le réchauffement climatique à 2°C d'ici 2100, la seule variable à laquelle le climat répond, c'est la diminution des émissions de gaz à effet de serre.

Donc la diminution de la taille du cercle carboné. Le grossissement du cercle vert ne fait rien pour le climat. Ah bah oui mince !

Bon alors forcément, faire diminuer le carboné sans faire grossir le vert, c'est abandonner une grande partie du confort matériel qui est le nôtre. Sachant que ce confort est très inégalement réparti à la surface du globe, et que personne ne veut rien abandonner de ce qu'il possède déjà, eh bien évidemment l'enjeu du grossissement du vert est immense. Mais il n'en demeure pas moins que ce n'est pas l'objectif primordial pour résoudre le problème du réchauffement climatique. Ouais, j'ai bien capté.

L'objectif, si on veut combattre le réchauffement climatique, c'est pas le développement du verre, c'est la réduction du carboné. Bon alors, juste quelques exemples histoire d'être sûr qu'on comprend bien. Est-ce qu'une éolienne participe à éviter le réchauffement climatique ? Eh ben, ça dépend.

Construire une éolienne, c'est ajouter du verre, mais c'est pas retirer du carboné. Donc une éolienne qui contribue à remplacer une centrale à fioul, à gaz ou à charbon, ok, ça permet de réduire les émissions. Mais une éolienne qui vient simplement s'ajouter à un mix de production électrique, qu'il soit carboné ou pas d'ailleurs, Ben non, ça, ça ne décarbone pas. Ouais, mais alors dans ce cas, on peut peut-être dire que l'éolienne empêche la construction d'une nouvelle centrale électrique qui aurait brûlé des ressources fossiles. Oui, bien sûr, mais je te rappelle que l'objectif, c'est zéro émission en 2050. Il ne s'agit pas simplement de prévenir le grossissement du carboné, ce qui serait déjà un sacré exploit, on l'a vu, on en est loin.

Il s'agit de le faire tendre vers zéro. Il faut organiser la mise à la casse des machines carbonées, et pas simplement éviter leur construction. Ouais, ok.

Bon alors autre question, est-ce qu'une centrale à gaz ça permet de décarboner ? Bon bah on a envie de répondre que non, parce qu'il est évident que la combustion du gaz naturel émet du CO2. D'un autre côté, si c'est une centrale à gaz construite pour remplacer une centrale à charbon, et ben oui, ça ça décarbone parce que brûler du gaz émet moins de CO2 que brûler du charbon. Bah oui mais si c'est zéro émission l'objectif ?

Zéro émission en 2050, peut-être que pour certains pays on peut envisager des centrales à gaz dans un premier temps avant de transiter vers du zéro émission plus tard. D'accord ouais. Donc faut vraiment recentrer le débat sur le carboné quoi en fait, pas sur le verre. Ça veut dire qu'il faudrait plutôt se demander comment est-ce qu'on peut décarboner les planches à billets, plutôt que se demander comment on peut les verdir.

Ah putain je m'impressionne moi-même là, la maîtrise du sujet mon pote ! Ouais c'est pas mal, mais soyons précis, le but c'est pas simplement de décarboner la planche à billets, le but c'est de la décarboner en nominale, par opposition à une décarbonation en proportion. En nominale ? Alors, petit exemple, voilà une planche à billets qui injecte 1000 dans l'économie, 500 vers le vert, 500 vers le carboné.

Comment peut-on verdir ou décarboner cette planche à billets ? Première méthode, augmentation du vert, 1000 vers le vert, 500 vers le carboné. Les deux tiers de la nouvelle planche à billets sont verts, comparé aux 50% de la précédente, j'ai bien vert 10, lâche décarboné la planche à billets. Deuxième méthode, augmentation du vert et diminution du carboné.

1250 vers le vert pour 250 vers le carboné, la planche à billets... devient 83% verte et 17% carbonée, j'ai bien verdi, cela a décarboné la planche à billets. Troisième méthode, diminution du carboné, 500 vers le vert pour seulement 250 vers le carboné, les deux tiers de la planche à billets sont verges, j'ai encore verdi, cela a décarboné.

Du point de vue des proportions, du point de vue des pourcentages, les méthodes 1 et 3 donnent des résultats identiques. En revanche, du point de vue des flux de décarbonation, ce sont les méthodes 2 et 3 qui donnent des résultats identiques. C'est ça que je veux dire quand je parle de décarboner la planche à billets en nominal. Puisque ce que l'on cherche, c'est la mise à la case du carboné, on veut voir une diminution des flux, et pas simplement une diminution en proportion.

D'accord, effectivement. Donc on peut pas juste parler de décarbonation de la planche à billets. Faut en plus rajouter qu'on veut une décarbonation en nominale.

Eh ben, on est pas dans la merde. Pourquoi ? Moi ça me semble plutôt clair.

Eh ben tant mieux pour toi, mais moi perso ça me facilite pas la tâche. Il y a déjà assez de trucs à penser comme ça pour réussir à sûr. Ah non, il faut rajouter en plus une histoire de connerie de nominale.

Bon, alors, décarbonation en nominale de la planche à billets égale décarbonation de l'économie. OK, faut que ça rentre. Ça devrait aller. Alors, à propos de ça, justement, il va falloir que je précise un truc. Ça, c'est juste un tout petit truc.

C'est une blague. Tu te moques de moi, là. Ça a quand même son importance. Tu vas voir, ça se comprend très bien. Il faut bien faire la différence entre un projet de décarbonation, on réduit les émissions de gaz à effet de serre, et la promotion ou non d'activités vertes ou carbonées.

Une planche à billets, c'est un outil de financement qui permet de promouvoir certaines entités, particuliers, états, entreprises, qui réalisent certaines activités plus ou moins vertes ou carbonées. Mais une planche à billets, ça ne déclenche pas un projet de décarbonation. Non, c'était pas clair. Ok, regarde. Un financier, sauf quelques exceptions, ça ne soutient pas un projet en particulier.

Ça soutient une personne, une entreprise ou un état qui a des tas de projets en cours et à venir. Total fait de la recherche et développement en capture et séquestration du carbone, par exemple. Bon, mais l'entreprise exploite aussi des puits de pétrole.

Quand tu investis dans Total, que tu deviennes actionnaire ou créancier, tu soutiens ces deux types de projets. Tu ne peux pas en choisir qu'un. L'entreprise est libre de faire ce qu'elle veut des fonds qu'elle obtient. C'est d'ailleurs un des soucis des obligations vertes. Les entreprises qui y ont recours n'ont pas besoin de prouver quoi que ce soit.

Elles déclarent qu'elles ont des projets verts, qu'elles ont besoin de financement, mais personne ne va vérifier que les projets sont réellement verts, ni même que les fonds obtenus ont été utilisés pour financer ces projets spécifiques. Donc à moins qu'ils deviennent actionnaires majoritaires et là, OK, ils contrôlent la boîte, un financier ne peut pas dicter sa loi pour qu'une entreprise utilise des fonds d'une manière ou d'une autre. Ah, merde !

En fait, la décarbonation de l'économie nécessite la coordination de l'ensemble des agents économiques, financiers inclus, mais pas financiers uniquement. Donc on peut certes décarboner en nominal une planche à billets, c'est-à-dire orienter les flux qu'elle génère vers des agents économiques dont les activités sont a priori plutôt vertes et plutôt pas carbonées, mais la manière dont les agents vont combiner leurs activités, leurs efforts, pour aboutir à une décarbonation effective de l'économie, n'est pas entre les mains des financiers uniquement. Cela relève aussi de la décision de l'épargnant, qui accepte plus ou moins de rendement pour voir plus de verre et moins de carboné financé, du consommateur qui fait attention à ce qu'il achète, du chef d'entreprise qui oriente les activités de sa boîte, et évidemment du politique, qui lui, en plus de pouvoir mettre sur pied des projets, peut carrément modifier les règles du jeu.

Alors je crois que j'ai l'intuition du truc, mais c'est quand même encore un peu flou. D'accord, alors prenons un exemple. Une entreprise fabrique des panneaux solaires, une autre fabrique des batteries, une troisième sait installer tout ça, et une quatrième est spécialisée dans le démantèlement de centrales à charbon. Un État, en faisant travailler toutes ces entreprises ensemble, peut lancer un projet de démantèlement et de remplacement de centrales à charbon.

Ce projet permet de décarboner l'économie, puisqu'on remplace une centrale qui fabrique de l'électricité à la demande en brûlant du charbon par un complexe de panneaux solaires et de batteries qui fait la même chose sans émettre de CO2. Ouais, ok. Bon, mais qui décide de lancer le projet ?

Les chefs d'entreprise et les politiques. Certes, le projet ne sera possible que si chacune des structures en présence, états et entreprises sont et ont été correctement financées. Il a fallu financer la recherche et développement pour les entreprises et il faut financer le déficit éventuel de l'état.

Mais la décision de lancer le projet n'est pas entre les mains des financiers. Les financiers ont financé des entreprises avec des activités plus ou moins vertes et un état en leur achetant leurs actions et leurs obligations. Et c'est ensuite l'entente des dirigeants de ces structures qui permet de mettre sur pied le projet de décarbonation. Mais si les dirigeants ne s'entendent pas, peu importe que les technologies aient été financées et que les savoir-faire existent. Le projet n'aura tout simplement pas lieu.

Alors, ok, je vois, mais ton truc ne marche que pour le verre, en fait. Si j'oriente la planche à billets vers le verre, je promeux le verre, donc je suis pas certain que ça va permettre de dégager du carboné. Mais si je coupe les vivres au carboné, bon, bah là, je suis sûr que les entreprises vont mourir petit à petit.

Donc je décarbone l'économie. Non, pas forcément. Tu vas avoir des entreprises tout à fait rentables qui pourront maintenir leurs activités carbonées, voire même les développer avec leurs propres bénéfices, donc sans aucun besoin de financement extérieur. Sans compter que nous là, on ne vise que la planche à billets, mais les flux financiers viennent aussi de l'épargne. Donc en décarbonant en nominal une planche à billets, tu ne fais que réduire certains des flux qui viennent d'habitude faire grossir certaines activités carbonées.

Donc ok, tu rends le processus d'engraissement du carboné beaucoup plus compliqué, ça c'est clair. Mais tu ne le mets pas forcément au régime pour autant. Ok, d'accord. Donc je résume pour être sûr d'avoir bien capté.

La réalisation de projets ne dépend pas que des financiers. Donc décarboner l'économie, c'est un truc super large qui implique tous les acteurs de l'économie et la manière dont ils interagissent. Et donc au niveau des planches à billets, tout ce qu'on peut faire, c'est orienter les flux vers ce qui peut nous aider. Donc le vert est loin de ce qui ne nous aide pas, donc le carboné.

Et c'est déjà très utile, mais on ne peut pas être certain que ça permettra une décarbonation de l'économie. Parce que ça, ça dépend de la manière dont les flux sont utilisés par les agents économiques. Est-ce que les États lanceront les bons projets ?

Est-ce que les consommateurs achèteront les bons produits ? Est-ce que les entreprises investiront dans les bonnes technologies et abandonneront les mauvaises ? Et donc aussi, est-ce que les gouvernements feront passer les bonnes lois ? Ça va, là, c'est bon, j'ai capté ?

Ouais, c'est bon. Donc... On peut verdir slash décarboner les planches à billets. Et si on veut avoir le plus d'impact possible sur l'objectif des plus de degrés, ce qu'il faut surtout c'est décarboner en nominal, donc diminuer les flux vers le carboné.

Mais ça ne résout pas tout. D'accord ? Ça veut dire que tout ce qu'on va raconter ici et maintenant ne permet d'adresser qu'une partie du problème.

Même en ayant des planches à billets européennes anti-réchauffement climatique, on aurait toujours besoin d'avoir des citoyens, consommateurs, chefs d'entreprise, politiques, qui, en proportion du pouvoir qu'ils détiennent, prennent leurs responsabilités. Bon ben voilà, finalement on retombe sur ce que je disais au début. On est foutu, c'est même pas la peine d'essayer.

Allez, on reste positif, maintenant que le cadre est posé, on peut démarrer. Le premier outil pour avoir des planches à billets anti-réchauffement climatique, et ici pour le coup ça s'adresse même aux flux financiers dans leur ensemble, c'est un truc qui s'appelle une taxonomie. Taxonomie ? C'est pas le coup des mecs qui empaillent des animaux ça ? Non, ça c'est la taxidermie.

Taxidermie c'est pas les collectionneurs de taxis plutôt ? Non. Ah bon ?

Alors, une taxonomie, c'est une liste qui classe des activités en fonction de certains critères. Et ici, nous, on parle d'une taxonomie verte. On liste les activités économiques et on définit différents critères qui permettront de dire si elles sont vertes ou non.

ou pas. Depuis juillet 2018, la Commission européenne, institution qui est à l'initiative des lois en Europe, a lancé le grand chantier de la classification des activités économiques vertes, ce qui va permettre d'obtenir un genre de note de verdure des entreprises. Seront considérées comme vertes les six activités suivantes atténuation du réchauffement climatique, protection contre les effets du réchauffement climatique, protection ou gestion des réserves d'eau douce, permettre une transition vers une économie circulaire, Prévention et contrôle de la pollution.

Et enfin, protection ou restauration de la biodiversité ou des écosystèmes. Et également, pour obtenir le tampon, il ne faut pas que l'activité de l'entreprise contrevienne à l'un des six critères. Par exemple, si tu fabriques des immeubles bas carbone, super bien isolés, atténuation du réchauffement climatique, check. Mais que tu construis à un endroit où tu détruis l'habitat naturel d'espèces protégées, tu contreviens à la protection de la biodiversité, donc tu ne peux pas être tamponné vert.

Ah oui, ok, donc genre, si tu fais de l'économie circulaire et de la gestion de l'eau douce, mais que tu fais ça avec des machines qui bouffent un max de pétrole, tu peux pas avoir ta pastille. C'est ça, on appelle ça le critère DNSH, Do No Significant Harm, ne fait pas de dommages importants. Une entreprise ne peut être considérée comme verte que si son activité est significative, sur au moins un des six critères, et si elle ne fait pas de mal aux autres critères.

Ok, cool. Donc ça va au-delà du simple respect de l'accord de Paris, finalement, on s'intéresse pas que aux émissions de gaz à effet de serre. Non, effectivement, le cadre est plus large, puisque la commission parle de développement économique durable, ce qui inclut donc la lutte contre le réchauffement climatique, mais pas que.

Et le but, c'est de fournir une liste de critères qui permettront aux entreprises de dire aux financiers si leurs activités sont taxonomie-approuvées ou non. Et d'ici 2023, et ici je simplifie un peu, mais en gros, toutes les entreprises de plus de 500 employés devront pouvoir dire quelle partie de leur chiffre d'affaires est considérée comme vert. Leur chiffre d'affaires ? Donc ce ne sont pas les entreprises qui sont tamponnées en vert ? Non, on tamponne des activités.

Par exemple, 5% du chiffre d'affaires de Total, ce sont des panneaux solaires et des batteries. Donc Total sera 5% verte. Hum.

C'est moi ou ça pue le greenwashing cette histoire ? Alors non, je pense pas quand même. On a par exemple une étude qui estime que, en prenant l'ensemble du chiffre d'affaires des entreprises du CAC 40, seulement 22% de celui-ci pourrait prétendre à un tampon vert.

Et avec le critère du do no significant harm il ne resterait plus que 2% de ce chiffre d'affaires. Donc la taxonomie semble quand même bien très sélective. Elle semble bien montrer que la situation actuelle est très loin d'être optimale et que les entreprises ont du boulot si elles veulent obtenir une meilleure note.

Le greenwashing intervient à partir du moment où on explique que cette taxonomie est la solution pour sauver l'humanité. Dire quelle proportion du chiffre d'affaires d'une entreprise est vert, c'est très bien. Après, il faut voir comment cette note de verdure impactera concrètement les flux financiers.

C'est-à-dire comment on va contraindre les financiers à utiliser cette note. Et puis aussi, on l'a dit, les flux financiers bien orientés ne font pas tout. Il faut aussi que les autres agents économiques prennent leurs responsabilités.

Donc une note de verdure, ce n'est absolument pas suffisant. En plus, ici on a une taxonomie qui ne fait pas de nuances. On n'aura pas les 50 nuances de vert, ce qui aurait permis de définir des priorités entre les différentes activités vertes. Bon, mais même au-delà de ça, la taxonomie de la commission pose un problème majeur. Elle permettra de tamponner les activités vertes des entreprises, mais pas de tamponner celles qui sont carbonées.

Et ça c'est chiant. Ah, parce qu'elle ne va pas permettre de décarboner les flux en nominal, c'est ça ? Oui, mais pas que. Reprenons l'exemple de Total et de ses 5% d'activité verte.

La note de verdure de Total, ici je simplifie énormément pour l'exemple, je ne vais pas aller regarder en détail toutes les activités de Total, mais en gros, la note de Total c'est un truc genre 95% d'exploitation de pétrole, 0 sur 1 en verdure, plus 5% de panneaux solaires et de batteries, 1 sur 1 en verdure. Note finale, 0,05 sur 1. Total est 5% verte. Ce qui n'est pas énorme quand même. Non, mais prenons maintenant une entreprise qui gère des maisons de retraite par exemple, et qui coche aucun des 6 critères de la taxonomie verte. La note de verdure de cette entreprise maison de retraite, c'est 0 sur 1. Donc du point de vue d'un financier qui souhaite verdir ses investissements, mieux vaut investir dans Total que dans les maisons de retraite.

Ah ouais, ok. Donc les entreprises sans activité verte, mais pourtant très utiles, se retrouvent moins bien notées que des entreprises plutôt néfastes, mais qui arrivent à mettre un petit morceau de vert dans leurs activités. Et voilà.

Il manque des notes négatives pour les activités carbonées. Il manque une taxonomie carbonée. En réalité, la vraie note de total, c'est 0,95 fois moins 1 plus 0,05 fois 1, ce qui nous donne une note de moins 0,9. Et là, on peut constater que des entreprises du type maison de retraite sont mieux notées que des entreprises du type total. Autrement dit, avec une taxonomie carbonée, une liste des mauvaises activités qui nous emmènent droit dans le mur, on pourrait aussi se rendre compte des entreprises qu'il faut éviter de financer.

Or, il est évident que pour permettre l'orientation la plus efficace possible des flux financiers, il nous faut trois types de nuances. Là où on veut plus de flux, le vert. Là où on en veut toujours autant, le neutre. Et là où on en veut de moins en moins, le carboné.

Bah oui, mais alors pourquoi la Commission n'a pas commandé une taxonomie carbonée en plus de la verte ? Parce que politiquement, organiser le podium des plus vertueux, c'est assez facile. On couvre les gagnants de laurier et puis on remercie les perdants de leur participation. Mais faire le classement des méchants laisse entendre qu'on va devoir sanctionner les plus méchants d'une manière ou d'une autre.

Et ça, le politique n'est pas prêt. Pourquoi il ne serait pas prêt le politique ? A mon avis, pour au moins trois raisons. D'abord, faire mal aux méchants d'une manière ou d'une autre, c'est risquer de se priver de leur business. On ne veut plus de certaines activités polluantes, mais les perdre signifie perdre des emplois.

C'est pour ça que le discours de la sobriété ou de la décroissance est si difficile à entendre. Décroître, c'est produire moins en faisant le tri, en ne sélectionnant... que ce qu'on veut vraiment produire, et en supprimant le reste. Mais produire moins, c'est moins de monde qui travaille, donc plus de chômeurs.

On se retrouve avec un problème d'allocation de la production. Dans le système actuel, l'emploi est la seule méthode socialement acceptable qui permet l'accès à la monnaie, qui donne le pouvoir d'achat, qui permet l'accès aux richesses produites. Logement, électricité, internet, nourriture, vêtements, transport, etc. Mais si la décroissance est la solution, s'il faut supprimer des pans entiers de nos industries qui produisent des biens et des services qu'on trouve inutiles et dont on veut se passer, et...

alors il faut complètement réorganiser la méthode d'accès au pouvoir d'achat, qui permet à chacun d'accéder aux richesses. Une méthode, ce serait de réduire drastiquement le temps de travail, par exemple, ce qui permettrait de créer plus d'emplois tout en réduisant la production. Une autre méthode, ce serait d'accepter que certains ne travaillent pas, ou encore de redéfinir complètement ce qu'on entend par travail.

C'est un immense sujet, il y a des milliers de choses à dire, alors je n'ai pas trop le temps de creuser, mais je pense que tu peux comprendre pourquoi les politiques n'ont pas le courage d'évoquer ce sujet. Ah bah oui, là c'est sûr, après avoir rabâché pendant des années qu'il faut inciter au travail, il faut traverser la rue, responsabiliser les pauvres. Si d'un coup il faut se mettre à moins produire, donc à moins travailler ou à recevoir plus d'aide sociale, il n'y a pas moyen d'être crédible une seconde. Le deuxième souci, c'est la coopération européenne.

Dire que le méchant c'est le charbon, par exemple, c'est stigmatiser l'Allemagne et la Pologne, qui en consomment encore beaucoup pour leur électricité. Au travers d'une taxonomie carbonée, en fonction de la manière dont les économies des uns et des autres sont câblées, Certains pays et certaines grosses entreprises très bien connectées apparaîtront comme plus méchants que d'autres. Tu peux imaginer les réactions des politiques que cela ne manquerait pas de provoquer.

Eh ouais, ok. Faut rester diplomate tout en pointant du doigt, pas simple. Bon et puis dernière raison, l'Union européenne est une construction politique néolibérale. Ce que ça veut dire, c'est que les institutions politiques et technocratiques européennes, parce qu'elles ont été construites sous l'influence de cette idéologie, essaient de rester neutres vis-à-vis du marché concurrentiel. L'idée c'est, le marché en concurrence oriente l'économie, décide de ce qu'il faut financer ou non, de ce qu'il faut produire ou non, de ce qu'il faut consommer ou non.

En bref, il décide de la manière dont l'humanité doit se développer. C'est la partie libérale de l'idéologie. En revanche, les institutions européennes sont là pour fabriquer le tissu juridique, réglementaire et de surveillance qui va permettre aux marchés en concurrence d'exister et d'être fonctionnels.

C'est la partie néo de l'idéologie, le fait de penser que le marché doit être créé, protégé et entretenu. Donc celui qui décide de la vitesse éducable du navire en économie c'est le marché. Et l'Europe est là pour protéger le marché.

En gros quoi. Ouais c'est ça, le marché en concurrence. Du coup, pour la Commission européenne, travailler sur une taxonomie verte qui signifie que certaines activités seront probablement, d'une manière ou d'une autre, et ça reste à définir, favorisées aux dépens de certaines autres, c'est déjà prendre un peu la barre à la place du marché.

C'est déjà orienter l'économie dans un sens plutôt que dans un autre. Mais alors quoi ? Si la taxonomie oriente l'économie à la place du marché, ça veut dire qu'elle n'est pas légale cette taxonomie ?

Non, la volonté de laisser le marché aux commandes de l'économie européenne, même si on peut en trouver des traces dans les traités, n'est pas réellement écrite de manière contraignante. Ça reste assez vague et interprétable, c'est pour ça que je parle d'idéologie plutôt que de traité ou de loi. Les institutions européennes, et donc les gens qui y travaillent, interprètent plutôt leur rôle comme étant celui de protecteur des marchés en concurrence, et pas comme commandant du navire économie. D'accord, je vois. Donc, ce que tu veux dire, c'est que c'est déjà plutôt pas mal que tout ce petit monde qui bosse à Bruxelles arrive à nous pondre une taxonomie verte, c'est ça ?

S'il faut en plus leur demander de faire une liste des méchants avec une taxonomie carbonée, là, ils risqueraient carrément de nous faire une syncope. C'est un peu l'idée, oui. La taxonomie verte est déjà un pas qui va dans une direction dans laquelle les institutions européennes n'ont pas l'habitude d'aller. D'ailleurs, on va reparler de la manière dont on essaie de les pousser à aller dans cette direction malgré tout, et tu vas voir que c'est assez subtil. Ah le néolibéralisme !

Pour rappel, petite vidéo sur la version européenne de cette idéologie, juste ici. Bon alors, les activités des entreprises tamponnées vertes, ça arrive en 2023. Les activités des entreprises tamponnées carbonées, on en a clairement besoin, mais pour le moment, c'est pas en projet à ma connaissance. Cela dit, autant le vert est un concept complexe et délicat à manipuler, parce que ça pose la question de ce à quoi les activités de demain devraient ressembler. du coup les possibles sont multiples, on a vu que les critères pris en compte par la Commission européenne ne s'arrêtent pas au problème du réchauffement climatique, autant le concept de carboné est beaucoup plus facile à identifier.

C'est pas compliqué, tout ce qui est exploration, extraction et exploitation en général du pétrole, charbon et gaz, ça on est certain que c'est à la base de la chaîne alimentaire du carboné et qu'il faut s'en débarrasser d'ici 2050 si on veut tenir l'engagement du plus de degrés à la fin du siècle. Ce qui nous amène au deuxième outil que l'appareil législatif européen peut mettre en place. Pour obtenir des planches à billets anti-réchauffant climatique, modifier les ratios de solvabilité des banques.

Wow, on vient de faire le grand écart là. On parlait tranquillement de faire des listes d'activités vertes et carbonées, la difficulté de repenser les modes de production et de distribution des richesses, tout ça. Jusque là je comprenais nickel. Et toi, bam, tu m'enchaînes par surprise avec un truc bancaire incompréhensible. Eh bah oui, mais je te rappelle que c'est ça le sujet de la vidéo en fait.

Comment on modifie les planches à billets européennes pour qu'elles deviennent anti-réchauffant climatique. Du coup... Première planche à billets dont on va parler, celle des banques privées.

Ah oui c'est vrai. Mais alors pourquoi on a fait tout un détour avec les histoires de taxonomie là déjà ? Parce qu'avant de venir tripoter les mécaniques d'allocation des flux issus des planches à billets, encore faut-il savoir où est-ce qu'on veut les envoyer ces flux.

C'est ça le rôle des taxonomies. Certes. Bon alors d'abord un avertissement.

S'intéresser à la réglementation bancaire n'est qu'une partie du problème. Les banques ont la planche à billets, ok. Mais il y a aussi tous les fonds d'investissement, les fonds de pension, les fonds spéculatifs qui gèrent l'épargne. Le sujet de l'orientation des flux financiers qui viennent de chez eux pose aussi question. Et oui, c'est logique.

Du coup, on commence par les banques et puis on enchaîne sur eux, c'est ça ? Non. Dans cette vidéo déjà beaucoup trop longue, on ne parle que de la planche à billets.

Donc voilà, gardez bien l'esprit qu'on ne s'intéresse qu'aux flux qui viennent des planches à billets et pas aux flux qui viennent de l'épargne, qui est un sujet encore beaucoup plus vaste. Ok. Un peu déçu, mais ok.

Alors, comme je le disais, les institutions européennes n'aiment pas orienter l'économie. Elles préfèrent le discours de la protection des marchés concurrentiels. Du coup, l'une des propositions pour orienter les flux des planches à billets privés, c'est obliger les banques à renforcer leur ratio de solvabilité quand elles financent des entreprises carbonées en utilisant l'argument du risque financier. Ouais, il y avait beaucoup de vocabulaire dans cette dernière phrase où visiblement je suis à côté de mes pompes.

T'inquiète pas, on va bien tout expliquer. En gros, l'idée, c'est de dire, le navire économie fonce droit sur le réchauffement climatique. Le marché, commandant du navire, ne se rend pas compte du risque de collision.

On va expliquer pourquoi. Donc, plutôt que de l'éviter, il continue de foncer droit dessus. Plus on se rapproche de l'impact, plus le virage nécessaire pour éviter l'obstacle devient serré.

Or, plus le virage est serré, plus les banques risquent de ne pas le supporter. On va aussi l'expliquer pourquoi. Et donc, pour protéger les banques...

contre ce risque de virage trop serré, il faut en passer par de nouvelles règles, de nouvelles contraintes qui renforcent la solidité financière des banques. Et il se trouve que le fait de renforcer la solidité des banques permet de rendre les entreprises carbonées vachement moins attractives pour les actionnaires des banques. Donc, on éloigne les flux des planches à billets privés des entreprises carbonées. Donc, même si je rappelle que tout ça ne dépend pas que des flux financiers et donc pas que des flux financiers des planches à billets privés, On décarbone quand même un peu l'économie, un minimum quoi.

Et donc on enclenche le virage pour esquiver l'impact. Oh mon dieu, ça m'a l'air extrêmement compliqué et tordu comme raisonnement. On provoque le virage en protégeant les banques contre le risque du virage. Y'a une circularité qui pue la merde là non ?

On va explorer tout ça en détail. Je démarre par l'aspect technique de la mesure. Qu'est-ce qu'une ONG comme Finance Watch propose comme réglementation bancaire ?

Et puis après, on s'intéressera au raisonnement utilisé pour obtenir l'intervention politique souhaitée. Le terme technique qui donne envie de crever dans un ascenseur en lisant un Becherel, c'est ratio de solvabilité. Oh, belle référence, je valide ! Il y a deux manières de faire faillite pour une entreprise. Faillite par manque de liquidité versus faillite par manque de capitaux propres.

Illiquidité versus insolvabilité. Illiquidité, je fais faillite car je n'ai plus les moyens de payer ce que je dois. Insolvabilité, c'est ce qui nous intéresse ici, ratio de solvabilité.

je fais faillite parce que la valeur de ce que je possède est inférieure à la valeur de ce que je dois. C'est toujours pareil. Imagine une banque propriétaire d'actifs, produits financiers divers, biens immobiliers, d'une certaine valeur. La question qu'on pose, c'est comment la banque a-t-elle pu devenir propriétaire de ces choses-là ?

Et la réponse se fait toujours en trois étapes. Étape 1, elle a demandé du financement à ses actionnaires. Étape 2, elle a fait des promesses diverses. Elle a promis de rembourser, c'est la dette, ou alors, option disponible uniquement pour les banques.

Elle a promis des sous. en créditant les comptes des uns ou des autres, c'est la planche à billets qui génère les dépôts. Et puis étape 3, elle a fait des bénéfices. La somme de ce qui a été injecté par les actionnaires plus la somme des bénéfices accumulés te donne les capitaux propres de la banque. La règle, c'est qu'on tire un trait au niveau de la somme de la valeur de ce que la banque doit et de ce qu'elle a promis et on dit, si jamais la valeur des actifs passe en dessous de cette ligne, l'entreprise est insolvable, c'est la faillite.

Le ratio de solvabilité, c'est le montant des capitaux propres divisé par la valeur des actifs. Plus le ratio est élevé, moins la banque risque l'insolvabilité. Parce que forcément, plus le ratio est élevé, plus les actifs financiers d'une banque peuvent perdre de la valeur avant que la faillite comptable ne soit prononcée.

Ah oui, c'est ça, le capital agit comme un genre d'amortisseur quand il y a une perte de valeur des actifs. Plus il y a de capital, plus on est safe. Et voilà.

Et pour une banque, la quantité de capital minimum à avoir par rapport à la valeur des actifs, le ratio de solvabilité, c'est un truc imposé par des lois européennes. C'est donc l'appareil législatif européen qui dit combien il faut en avoir. Et c'est un truc très touchy. Les lobbies bancaires sont au taquet dès qu'on commence à tripoter ces ratios. Parce que, ok, plus il y a de capital, moins les banques risquent de faire faillite.

Mais de l'autre côté, plus il y a de capital, moins les banques peuvent utiliser leur effet de levier et donc moins la rentabilité des actionnaires est forte. Et on a une vidéo de 3 minutes. Rendez-vous compte de l'exploit 3 minutes sur l'effet de levier, juste ici.

Mais on va quand même en redonner un exemple dans 2 secondes. Du coup, les banques ont tendance à lutter tout ce qu'elles peuvent contre toute réglementation qui leur demanderait de renforcer leur capitaux propre, d'augmenter leur ratio de solvabilité, ou dit encore autrement, d'augmenter la taille de leur amortisseur à faillite comptable. Ouais, ok, je crois que je vois. Ok alors, imagine un projet à financer. La banque prête 100 euros et ça rapporte 3% par an.

Est-ce que tu peux me calculer la rentabilité de ce projet du point de vue des actionnaires de la banque ? Eh ben, j'ai pas compris, là, il n'y a pas de calcul, ça rapporte 3%, tu viens de le dire. Non, la bonne réponse est... Tu n'as pas assez d'infos pour répondre. Ah bah oui, mais si d'entrée de jeu tu mets des pièges aussi, on va pas s'en sortir.

Il te manque l'info sur les capitaux propres. Une banque peut tout à fait prêter 100€ à n'importe quelle entreprise sans aucun souci, création monétaire. Il suffit d'appuyer sur une touche de clavier et pouf, les 100€ apparaissent sur le compte de l'entreprise. Sauf qu'on a dit que la réglementation bancaire européenne impose un ratio de solvabilité pour éviter les faillites comptables.

Donc si ce ratio est de 10% par exemple, et bien sur les 100€ prêtés... On peut utiliser la planche à billets pour financer 90 euros du crédit, mais pour les 10 euros restants, il faut que ça vienne d'un mélange d'argent versé par les actionnaires et de bénéfices accumulés par la banque. Ah ok, attends, ça y est, je connecte les points. 100 euros prêtés, 90 euros de planche à billets, 10 euros des actionnaires, donc rendement pour les actionnaires, 3 euros d'intérêt divisé par 10, qui leur appartient, 30% de rendement. Parfait.

C'est ça l'effet de levier. La planche à billets permet de démultiplier le rendement pour les actionnaires. 100 euros ont été prêtés et 3 vont être gagnés, si tout se passe bien, mais les actionnaires n'ont mis que 10 euros de leur poche. Bon, mais si j'ai une réglementation qui impose 20% de capitaux propres, tu vois que le rendement se retrouve divisé par 2. 3 euros gagnés sur les 20 euros qui appartiennent aux actionnaires, ça fait plus que 15% de rendement.

D'accord, d'accord, donc plus l'amortisseur est gros, plus les banques se privent du petit goût sucré de l'effet de levier, et ça, ça les saoule. Exactement. Bon alors, on force les banques à augmenter leur ratio de solvabilité pour les rendre plus résistantes face à un risque de faillite. Et pour le moment, on a une réglementation globale. C'est-à-dire qu'on dit aux banques, la somme de vos capitaux propres doit correspondre à...

C'est compliqué de donner un chiffre comme ça parce qu'en vrai, il y a plusieurs ratios avec différentes tranches. Bon, mais disons 8% de ce que vous financez. Donc, pour n'importe quoi qui nécessite 100€ de financement, peu importe ce que c'est, que ce soit du verre ou du carboné, c'est 92€ de planche à billets pour 8€ qui appartiennent aux actionnaires.

Et c'est là qu'on pourrait faire quelque chose pour éloigner les flux des planches à billets privés du carboné. Plutôt que de raisonner global, on pourrait avoir des ratios différents par type d'entreprise financée. Ah mais oui !

T'imposes aux banques des ratios plus petits ou plus grands en fonction du niveau de carbonation de l'entreprise, comme ça tu joues sur l'effet de levier. C'est ça ! Alors avec un exemple c'est toujours mieux. Entreprise non carbonée, 100€ prêté pour 3% d'intérêt perçu avec un effet de levier de 1 sur 10, Ratio de solvabilité à 10%, donc 10€ des actionnaires pour 90€ de planche à billets.

Et entreprise carbonée, 100€ prêté pour 3% d'intérêt perçu, mais avec un effet de levier de 1 sur 2 seulement. 50% de ratio de solvabilité, donc 50€ de planche à billets et 50€ des actionnaires. Le financement de l'entreprise non carbonée rapporte aux actionnaires 3 divisé par 10, 30% de rendement. Le financement de l'entreprise carbonée rapporte 3 divisé par 50, 6% de rendement.

Et la banque a tout intérêt à financer plutôt ce qui n'est pas carboné. Et voilà, avec une réglementation qui impose des ratios de solvabilité par type d'entreprise financée, on peut renforcer les amortisseurs des banques, en moyenne les banques auraient plus de capitaux propres, tout en rendant moins intéressantes les entreprises carbonées. Et là c'est très important de bien comprendre l'argument. L'idée c'est d'imposer un malus de rendement en cas de financement d'entreprise carbonée qui se traduit par un bonus de sécurité en cas de perte de valeur de ces entreprises. Je précise parce que les banques poussent pour qu'on fasse l'inverse, qu'on leur donne un bonus de rendement en cas de financement d'entreprises vertes, ce qui du coup se traduirait par un malus de sécurité.

Ah, j'ai pas saisi la subtilité là. Regarde, la version proposée par FinanceWatch, c'est plus de capitaux propres pour tout financement d'entreprises carbonées et capitaux propres normaux pour les autres entreprises. Conclusion, plus de capitaux propres dans l'ensemble, on veut des banques plus solides. on veut pas avoir besoin de les secourir en cas de crise, et financement des entreprises carbonées moins rentables que les autres.

La version des banques, c'est capitaux propres normaux pour les entreprises non vertes, et moins de capitaux propres pour les entreprises vertes. Conclusion, moins de capitaux propres dans l'ensemble, et financement des entreprises vertes plus rentables. Tu vois l'arnaque ? Ha !

Ah les petits malins, la vache ! Si t'es pas un pro des détails techniques, y'a carrément moyen de se faire avoir comme un bleu par les lobbies là. Ah ça ! Bon alors, maintenant que je t'ai expliqué les ratios de solvabilité, il faut que je te parle de cette notion de risque financier. C'est un concept absolument clé pour comprendre et le combat politique pour l'orientation des flux financiers en général, et le fonctionnement des institutions européennes.

On l'a dit, l'Europe est une construction politique néolibérale, ou plus précisément ordo-libérale d'ailleurs. Le mythe du marché, grand pourvoyeur de bien-être et de prospérité, y est très fort, particulièrement dans les départements en charge des services financiers. D'après ce mythe, les marchés en général, et donc les marchés financiers en particulier, c'est-à-dire l'interaction des financiers qui y travaillent, permettraient de faire émerger des prix renfermant toute l'information disponible.

C'est la fameuse légende des marchés efficients, plus particulièrement de sa version allocative, dont on a déjà parlé dans cette vidéo. L'idée, c'est que les financiers, pour chaque entreprise qui demande un financement, estimeraient un prix, taux d'intérêt ou prix de l'action, qui reflèterait pleinement les risques futurs et les opportunités futures de l'ensemble des activités de l'entreprise. Autrement dit, on regarde toutes les informations disponibles, on les interprète, on fait des projections pour prédire l'avenir, on en déduit les opportunités, les risques et les probabilités associées, ce qui nous donne un prix.

Plus il y a de risques, plus le prix baisse et le taux d'intérêt grimpe, et c'est l'inverse pour les opportunités, plus il y en a, plus le prix de l'action monte et le taux d'intérêt baisse. Non mais sans déconner, les marchés efficients quoi ! Comment prouver pseudo-scientifiquement que les financiers sont Madame Soleil ?

Allez voir la vidéo, c'est important. C'est évidemment complètement con de croire que les financiers arriveraient à calculer le futur. Il n'empêche que l'argument reste très ancré dans le fonctionnement des institutions européennes.

L'Europe part systématiquement du principe que n'importe quel marché fonctionne parfaitement. Ainsi, avant de pouvoir réglementer un marché, par exemple celui des banques, il faut d'abord en passer par une justification de l'échec de fonctionnement du marché en question. Tu vois l'idée ? Les marchés sont parfaits, les banques font partie des marchés, donc le marché bancaire fonctionne parfaitement par défaut. Si vous voulez changer le fonctionnement des banques, vous devez d'abord prouver pourquoi le marché bancaire n'est pas parfait.

J'ai bon ? C'est exactement ça. Et alors si j'ai bien compris, la justification du fait que le marché bancaire n'est pas parfait, c'est une histoire de risque ?

C'est ça. On essaie de justifier l'intervention du régulateur en construisant un raisonnement qui se base sur un ensemble de risques très particuliers posés par le réchauffement climatique. D'abord, il est très difficile à évaluer, ensuite il est systémique et en plus il soulève un problème de passagers clandestins, trois attributs qui ont tendance à le sortir du domaine d'expertise des marchés, même les plus idéalisés d'entre eux.

Ah bon ? Reprenons la métaphore que j'ai employée un peu avant. Le navire économie fonce droit sur une zone de danger, le réchauffement climatique, dans laquelle tous les scientifiques nous disent qu'il y a des icebergs.

Le commandant du navire, c'est le marché en général, l'espèce d'intelligence artificielle qui connecte tous les agents économiques entre eux, donc pas que les financiers. Font partie du marché tous ceux qui achètent et vendent des trucs. Les consommateurs, les entreprises, les états, les financiers. Et c'est donc le marché qui décide de la vitesse et du cap du navire économie. Il fait ses fameux calculs...

Oui, alors, calcul c'est trop fort, il fait ces fameuses estimations risque-opportunité. A chaque fois qu'il prend une décision, il estime combien elle va lui rapporter. Arriver en avance égale prestige, prestige égale plus de passagers, donc plus de bénéfices.

Mais, combien ça va lui coûter ? Accélérer demande de brûler, plus de charbon que prévu, donc le plein va coûter plus cher une fois à New York. Et puis, mettre la pression dans la salle des machines, ça pourrait provoquer des accidents, il faut penser assurances, et coûts d'entretien, etc. Eh ben dis donc, il raisonne froidement ton commandant.

Pour lui, tout est une histoire de thunes, en fait. Bien sûr, c'est ça l'idéologie de marché. Il est supposé poser les différents scénarios sur un papier et pour chacun d'entre eux évaluer les résultats financiers et les probabilités d'occurrence.

Le marché choisit ensuite le scénario qui rapporte le plus. Mais le marché fait des évaluations très discutables. Par exemple, pour le risque se prendre un iceberg dans la tronche le marché, qui n'a jamais entendu parler d'un tel événement dans toute l'histoire de la marine, se dit que la probabilité est infime. Encore plus infime s'il s'agit de l'événement se prendre un iceberg dans la tronche et couler suite à ça. En fait, la méthode d'évaluation des risques et des opportunités par le marché est indexée sur le passé.

Or, c'est pas parce qu'aucun navire n'a jamais coulé à cause d'un iceberg que ça n'arrivera jamais. Ouais, ok, je vois le genre. Le commandant se base sur ce qui est déjà arrivé dans le passé, donc il sait pas anticiper de manière pertinente les nouveaux problèmes.

Il sait voir que ce que son expérience lui a appris à connaître. Autre problème, le commandant ne sait pas anticiper un risque systémique, c'est-à-dire un événement qui paralyserait complètement sa capacité d'action. Ça c'est typique de la partie financière du marché, c'est typique des crises financières. Par exemple, en 2008, la faillite de Lehman Brothers paralyse les banques. Celles-ci savent qu'elles doivent impérativement se faire confiance et se prêter entre elles si elles veulent survivre, mais elles n'arrivent pas à se résoudre à le faire.

Les logiciels de gestion des risques indiquent qu'il ne faut surtout pas se prêter, car le risque de ne pas revoir son argent est trop grand. Mais parce que les banques ne se prêtent pas, eh bien... Toutes sont en train de suffoquer et aucun modèle de gestion des risques n'est capable de tenir compte de ça. Donc les banques se mettent toutes à se laisser mourir les unes les autres et ce sont les banques centrales qui sont obligées d'intervenir pour éviter l'implosion de tout le système bancaire. C'est d'ailleurs suite à ça que les chefs d'État rassemblés au G20 en 2009 ont impulsé les accords de BAL3, un accord international qui vise à promouvoir le renforcement des ratios de solvabilité des banques.

Le but était de les rendre toutes plus sûres afin qu'elles se fassent davantage confiance entre elles. Bref, tout ça pour dire que le réchauffement climatique correspond bien à la définition d'un risque que le marché en général, et les marchés financiers en particulier, est incapable de gérer par lui-même, inconnu car dont on n'a jamais fait l'expérience dans le passé, et suffisamment vaste, affectant suffisamment de pans entiers de l'économie, pour paralyser la finance dans son ensemble. Chose que les méthodes d'estimation des risques en finance ne savent pas inclure dans leurs équations.

D'accord, risque non évaluable, plus risque qui peut foutre en l'air toute la mécanique. Et du coup... ton histoire de passager clandestin, là, c'est quoi ?

C'est la partie les financiers font n'importe quoi dans leur coin et c'est le reste de l'humanité qui trinque Le marché n'est pas unifié dans le sens où il est composé d'une myriade d'acteurs qui agissent individuellement, mais qui ne sont pas nécessairement financièrement responsables des conséquences de leurs actions. Exemple, la finance européenne alloue les fonds à une entreprise qui émet des gaz à effet de serre, l'atmosphère se réchauffe, les glaciers fondent, le niveau des océans grimpe, la république de Vanuatu disparaît sous les eaux, les financiers européens agissent, les habitants de Vanuatu trinquent. Le raisonnement se répète à l'infini sur de multiples problématiques.

Les épargnants confient leurs fonds à des financiers avec comme objectif la maximisation du rendement, les financiers investissent dans des entreprises qui mènent des politiques de réduction des coûts, les entreprises délocalisent, les travailleurs les plus pauvres, ceux qui n'épargnent pas ou peu, trinquent. On ne peut pas s'attendre à ce qu'un marché rempli de ce genre de problématiques puisse tenir compte d'un risque aussi global que celui du réchauffement climatique. Ah, mais ça rejoint un peu cette vidéo, non ? Ouais, c'est ça. Ok, d'accord.

Donc, t'expliques que les conséquences du réchauffement climatique sont pas envisagées correctement dans les estimations du marché en général, des marchés financiers en particulier, donc les risques sont mal évalués, notamment chez les banques. Donc le marché fonctionne mal, donc il faut réguler. Alors oui, mais on n'en est pas encore rendu à l'impératif de régulation.

Ah mince ! Je pensais que j'avais capté du coup. On vient de l'expliquer, il est certain que le marché évalue mal le risque d'impact avec l'iceberg.

Autrement dit, on sait que ça va faire mal, mais on ne sait pas exactement comment ou à qui. Du coup, le marché n'a pas vraiment peur de l'impact. Il a plutôt tendance à maintenir le cap en mode business as usual.

D'un autre côté, les diverses institutions politiques, dans mon histoire on va dire que ce sont les gradés du navire, discutent de plus en plus du risque d'impact avec l'iceberg. Ils ont même signé un accord disant qu'ils feront tout leur possible pour forcer le marché à changer de cap. Il est aussi possible, on peut toujours rêver, que le commandant réalise de lui-même qu'il a sous-estimé le danger et qu'il modifie la trajectoire. C'est là qu'un nouveau risque apparaît.

Plus les politiques ou le commandant tardent à agir, plus le navire approche de la zone de danger, et donc... plus la manœuvre d'évitement devient difficile et périlleuse. L'appareil à gouverner pourrait ne pas la supporter et se briser.

Dans le monde réel, ce risque, c'est celui des stranded assets, ou actifs échoués. Plus on tarde à réduire nos émissions de gaz à effet de serre, plus il faudra les réduire violemment, à un rythme extrêmement élevé, pour tenir l'objectif des zéros émissions en 2050. On a donc des entreprises carbonées, dont le business model sera théoriquement obsolète d'ici 2050. qui continuent d'être financés et valorisés comme si le changement de trajectoire n'aurait jamais lieu, comme si les politiques ou le marché n'en viendraient jamais à imposer la manœuvre d'évitement, comme si l'interdiction des activités carbonées ne serait jamais prononcée. Mais du coup, si on part du principe que la manœuvre d'évitement aura bien lieu, tôt ou tard, alors les entreprises carbonées risquent de se retrouver le bec dans l'eau.

Pour l'instant, on se contente de dire à Total qu'elle devra être neutre en carbone d'ici 30 ans. Mais l'entreprise, qui ne voit aucune modification dans la manière dont elle est financée, peut tout à fait parier sur le fait que cette échéance est irréaliste, que jamais le politique ou le marché ne contraindra personne, que l'économie est bien trop dépendante des énergies fossiles, et que par conséquent, pour maximiser les profits des actionnaires, il vaut mieux continuer à opérer comme si de rien n'était. Mais si la contrainte arrive, d'où qu'elle vienne, si d'une manière ou d'une autre, Total et les autres se retrouvent à devoir mettre à la casse leurs raffineries, leurs tankers, leurs pipelines, leurs...

plateforme pétrolière, alors il leur faudra transformer l'ensemble de leurs activités. Si la contrainte tombe aujourd'hui, alors ils ont 30 ans pour agir, mais si elle tombe dans 10 ans, alors ils n'ont plus que 20 ans pour agir. Ah ouais, ok.

Et plus on se rapproche du 2050, plus la possibilité de transformer le business model des entreprises carbonées, par rapport à la vitesse à laquelle on leur demande de foutre à la casse leur machine, devient difficile. Donc du coup, l'appareil à gouverner qui lâche pendant la manœuvre, ce sont les entreprises carbonées qui pourraient se retrouver en grande difficulté, c'est ça ? Non.

ce sont les financiers en général et les banques en particulier qui pourraient se retrouver en grande difficulté. Si les entreprises carbonées se retrouvent dans la panade, elles deviennent des entreprises risquées. Donc le prix des actifs financiers qui leur sont associés vont baisser. Et donc les banques qui possèdent ces actifs vont voir leur bilan se dégrader.

Faille comptable à l'horizon, risque d'insolvabilité. Et c'est là qu'on retombe sur nos pieds. Parce que qu'est-ce qui protège les banques de la faille comptable ? Eh ben c'est ce qu'on a expliqué avant, c'est les ratios de solvabilité.

C'est... laissez-moi une seconde, la définition n'est plus chargée dans la rame... Voilà, voilà.

C'est combien de capital détenu pour faire face à une éventuelle baisse de valeur des actifs financiers ? Parfait. Parce que les financiers ne savent pas estimer les risques associés au réchauffement climatique, ils continuent de financer allègrement des entreprises carbonées qui devraient de toute urgence transformer de fond en comble leurs activités. Alors que ces entreprises ne font pas ça, que le navire continue de foncer sur la zone de danger et que ni les financiers ni personne ne réagit, il pourrait se passer deux choses. Soit le réchauffement climatique devient un danger suffisamment prégnant, les financiers deviennent conscients qu'il faut participer à enclencher le virement de bord, Il réévalue les risques associés aux entreprises carbonées, ce qui signifie que les actifs perdent de la valeur, donc ceux qui possèdent ces actifs se prennent une énorme claque financière.

Soit c'est le politique qui impose des contraintes aux entreprises carbonées pour qu'elles cessent leurs activités et le résultat financier elle-même. Il existe donc un risque de transition, un risque d'une manœuvre tellement brutale qu'elle briserait l'appareil à gouverner. Appareil à gouverner qui représente le monde de la finance en général et dans lequel on retrouve les banques. Donc pour les protéger de cette claque financière qu'elles n'anticipent pas, il faut augmenter leur ratio de solvabilité, puisque c'est ça qui les protège contre la baisse de valeur des actifs qu'elles possèdent.

Et il faut le faire en proportion des montants orientés vers les entreprises carbonées, puisque c'est là que se situe le risque. Ah ouais, donc c'est là qu'il ne faut pas se planter. On n'augmente pas les ratios de solvabilité des banques pour qu'elles survivent à l'impact avec le réchauffement climatique, on les augmente pour qu'elles survivent à la manœuvre d'évitement. Et c'est pas pareil. Non, effectivement, c'est pas pareil.

Le truc intéressant ici, c'est que la maintenance pour renforcer l'appareil à gouverner, l'augmentation des ratios de solvabilité, provoque la manœuvre d'évitement, puisqu'on l'a vu, il devient moins rentable pour les actionnaires des banques de financer des entreprises carbonées. Donc les flux de leur planche à billets sont moins dirigés vers le carboné, et donc certaines des entreprises carbonées qui avaient besoin de ces flux sont obligées de réduire leurs activités carbonées. Et donc, soit de mourir à petit feu, soit de transiter vers d'autres types d'activités. Ah ouais, c'est génial comme argumentaire, mais il y a un présupposé étonnant dans la démonstration, je trouve. Si le risque, c'est la manœuvre d'évitement, ça veut dire qu'on suppose que la manœuvre aura bien lieu.

Sauf que, est-ce qu'on est bien sûr de ça ? Alors, t'as raison, mais on s'en moque un peu. L'argumentaire s'adresse aux régulateurs, donc aux pouvoirs législatifs, aux politiques. Or, le politique, il a signé l'accord de Paris. qui dit qu'on aura plus de degrés en 2100, ce qui signifie zéro émission de gaz à effet de serre en 2050. Donc il a signé un papier où il s'engage à ce que la manœuvre ait lieu.

Conclusion, on lui présente des scénarios qui vont dans le sens de ce qu'il a signé. Le risque de transition apparaît, la nécessité de réglementer aussi, et on retombe sur la proposition d'augmentation des ratios de solvabilité. Mais alors, il y a un truc que je trouve pas logique. Si le réchauffement climatique représente un risque, et que les marchés ne savent pas anticiper correctement, alors...

Est-ce qu'on peut pas dire que le carboné est plus risqué que prévu, augmentation des ratios de solvabilité, et aussi que le verre est moins risqué que prévu, et donc la diminution des ratios de solvabilité, et du coup, t'orientes encore mieux les flux des planches à billets des banques, parce que tu favorises le verre et tu défavorises le carboné ? Alors attention, tu tombes encore dans le piège de simplifier le raisonnement. Le marché en général, et les marchés financiers en particulier, ne se représentent pas correctement le risque d'impact avec le réchauffement climatique, donc ils ne participent pas...

pas à modifier le cap, donc on va devoir faire une manœuvre brutale d'évitement, donc il y a un risque de casser le matériel lors de cette manœuvre. Question, est-ce que les entreprises vertes sont plus à même de résister à la manœuvre que n'importe quelles autres entreprises ? Oui, si la manœuvre, en plus de mettre à la casse le carboné, s'accompagne d'un développement massif du verre, mais non si on se contente simplement de mettre à la casse le carboné. Comme on ne sait pas bien si ce sera l'un ou l'autre, on n'est pas sûr que le verre est moins risqué.

Mouais. Ce serait quand même étonnant qu'on choisisse pas de faire les deux, non ? En plus, l'idée c'est quand même de provoquer la manœuvre, de provoquer le changement de cap.

Et à ce jeu-là, autant réduire les flux vers le carboné et augmenter ceux vers le verre. Eh ben non, on en a parlé au début de la vidéo. D'un point de vue purement technique, le changement de cap n'implique rien d'autre que la décarbonation de l'économie. Il faut réduire les émissions. Le fait de remplacer le carboné par du verre, même si c'est tant mieux pour les populations du point de vue de leur confort, ne favorise pas la lutte contre le réchauffement climatique.

Le changement de cap ne concerne directement que la réduction du carboné. Ah ouais, c'est vrai. Bon, mais c'est pas le seul argument.

Si tu allèges les ratios de solvabilité des banques en cas de financement d'entreprises vertes, tu risques de ne pas améliorer la solidité financière des banques. Forcément, puisque tu allèges les ratios d'un côté et que tu les renforces de l'autre, il est bien possible que ce soit la partie allègement qui l'emporte. Auquel cas, tu te retrouves avec des banques moins à même de résister à une crise financière.

Or, même si ta nouvelle réglementation te permet d'éviter le réchauffement climatique, il n'empêche qu'on n'est jamais à l'abri d'une bonne vieille crise financière comme celle de 2008 ou de 2010. Donc ici, l'argument supplémentaire, c'est de dire que les ratios de solvabilité des banques sont au plus bas, il ne faut surtout pas les diminuer, ne reste donc plus que l'option de les augmenter. Et dans le cadre du risque associé à la manœuvre d'évitement du réchauffement climatique, ce serait logique de les augmenter quand il s'agit du financement d'entreprises carbonées. Ok, et ben c'est pas du tout évident à comprendre, mais ça se tient j'ai l'impression.

Et pourtant, les banques arrivent à trouver des failles dans le raisonnement. Ouais, parce qu'elles trichent et qu'elles sont complètement déloyales j'imagine. En partie, mais pas seulement.

L'argument du risque financier causé par la manœuvre d'évitement en fait, c'est loin d'être un truc implacable. Ah bon ? Eh bien oui, mais il faut bien se rappeler que tout ça est quand même plutôt une magouille politicienne déguisée en charabia technico-financier pour essayer, à partir des règles du jeu existantes, de provoquer un changement de cap.

On dit on a signé un accord qui dit qu'on va éviter le réchauffement climatique Mais l'évitement du réchauffement climatique pose un risque financier. Ce risque n'est pas pris en compte par le marché financier. Donc, les prix des produits financiers associés aux entreprises carbonées sont faux. Donc, les modèles de risque des banques qui utilisent ces prix comme information sont faux. Donc, il faut les corriger.

L'augmentation des ratios de solvabilité des banques en cas de financement d'entreprises carbonées permet de faire ça. Et, et en fait c'est ce qu'on souhaite réellement, il permet aussi de changer l'orientation des flux des planches à billets privés, et donc de provoquer un changement de cap. Mais le danger c'est que le raisonnement est porté par toute la chaîne de causalité qu'on vient de décrire. Il suffit de briser un seul maillon pour que tout s'effondre.

Donc l'intervention du régulateur devient obsolète si les banques arrivent à le convaincre que le risque causé par la manœuvre, le risque de transition, n'existe pas, ou qu'il est largement surestimé, ou que les marchés financiers savent en tenir compte, ou que ça n'impacte pas la manière dont les modèles de risque fonctionnent. Pas de risque de transition pour les banques égale pas d'augmentation des ratios de solvabilité égale pas de réduction des flux vers les entreprises carbonées égale pas de changement de trajectoire égale on se prend le réchauffement climatique en plein dedans. Ouais mais alors comment est-ce que les banques pourraient réussir à justifier qu'elles prennent déjà en compte le risque de transition ?

Le concept de risque financier est extrêmement malléable et interprétable. Personne ne sait prédire l'avenir, personne ne sait ce que provoquera cette fameuse manœuvre. On en a déjà parlé dans cette vidéo. Donc on peut tout inventer. Depuis des scénarios catastrophes à base de faillite des entreprises carbonées, c'est le discours des ONG, à des histoires d'innovation financière, de nouvelles méthodes de gestion des risques.

Les banques vont te dire qu'elles vont diversifier leurs actifs, elles vont acheter des assurances, elles vont inventer des nouveaux produits dérivés qui les protègent, elles vont te... de pondre des scénarios qui minimisent la difficulté pour les grandes entreprises carbonées de changer de business model. Elles vont te parler de capture et de séquestration du carbone, de nouvelles technologies qui vont nous sauver, etc.

Mais du coup, si elles arrivent à convaincre le régulateur que le risque financier, qui je le rappelle, de toute manière est incalculable, il n'y a aucune équation ou méthode pour prédire l'avenir, c'est le flou total. Donc bref, si les banques arrivent à convaincre le régulateur que, contrairement à ce que disent les ONG, le risque financier est bien pris en compte, Alors on oublie l'augmentation des ratios de salvabilité en cas de financement des entreprises carbonées. Donc pas de changement de cap, on continue de foncer droit sur l'iceberg.

Ah et c'est chaud ! Le futur de l'humanité repose sur le résultat d'un débat autour d'une histoire de risques financiers causés par un virement de bord trop brutal du navire économie. Par contre, le risque de se prendre le réchauffement climatique, le fait que ça signifie une grande difficulté de survie pour une bonne partie de l'humanité, température et humidité insoutenables à certains endroits de globe, hausse et acidification des océans, baisse des rendements agricoles, effondrement de la biodiversité, ça c'est pas dans les agendas.

Alors ? Attention à ne pas croire non plus que seules les ratios de solvabilité des banques comptent, c'est pas l'alpha et l'oméga de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais effectivement, le concept de risque financier sur lequel repose tout l'argumentaire politique pour obtenir cette augmentation des ratios de solvabilité des banques n'est pas ultra béton. Ça peut partir un peu dans n'importe quel sens. Mais d'un autre côté, sortir de ce langage de risque financier, c'est aussi dangereux, puisqu'il semble que les institutions politiques ne veulent pas entendre d'autres types d'arguments.

D'ailleurs, les lobbies bancaires ne s'y trompent pas. Puisqu'ils attaquent la réglementation bancaire sur les deux tableaux. D'un côté, ils disent que c'est de l'orientation de l'économie, le politique prendrait la barre, et en plus ce serait pour pénaliser les banques, vous vous rendez compte, les banques sont essentielles à l'économie, il ne faudrait quand même pas les pénaliser, gna gna gna. Et de l'autre, ils disent que le risque financier du virement de bord est surestimé, ou alors qu'il est déjà intégré dans les modèles des banques. C'est quand même tout pété cette histoire, le vrai argument indébancable n'est même pas entendu.

Du coup, il faut en passer par un argument boiteux et tout faiblard qui, lui, est entendu, mais qui, comme il est à moitié crevé, peut se faire démolir par les lobbies bancaires. Eh ben c'est génial. Eh ben oui.

Mais c'est pas impossible non plus qu'on finisse par avoir un pouvoir législatif qui prenne ses responsabilités et qui dise Eh ben voilà, on réglemente les produits financiers dirigés vers les entreprises carbonées parce que c'est comme ça, on est le pouvoir politique, on décide des règles et on pense que le carboné, c'est dangereux pour la population mondiale, donc... Voilà, mesdames les banques, les ratios de solvabilité pour le cabonnet, c'est... j'en sais rien, 50% à partir de maintenant, 75% dans 10 ans, 100% dans 20 ans, et puis c'est tout.

Dans ce cadre-là, finis les débats pseudo-scientifiques sur l'estimation d'un risque financier que personne ne sait évaluer. La justification de la mesure devient parfaitement claire. On réglemente pour provoquer un changement de cap.

Parce qu'on a peur du réchauffement climatique et qu'on veut l'éviter. Mais... attends là...

On vient de se taper 1000 ans d'explications parce que justement on était parti du principe qu'on ne pouvait pas avancer sur ce terrain, que le politique ne voulait pas prendre la barre à la place du marché. Il n'aime pas le faire. Et on a dit qu'on essayait de rester réaliste dans notre argumentaire.

Et aussi, j'ai repris des arguments défendus notamment par Finance Watch. Mais le politique accepte pourtant de prendre la barre dans certains cas, considérés comme absolument inacceptables. Si tu te plonges dans les réglementations pour prévenir le financement du terrorisme, ou le blanchiment d'argent, tu vas voir un peu comment le politique n'hésite pas à contraindre les financiers et à leur prendre la barre des mains. Pour le réchauffement climatique, le politique a signé l'accord de Paris, il s'est engagé à obliger le marché à changer de cap. On devrait donc pouvoir lui proposer des réformes dont l'objectif est ce changement de cap.

Pourtant, on dirait bien que le politique reste trop frileux, il préfère entendre des arguments construits autour de ses prérogatives ancestrales, celles d'une intervention visant à protéger les marchés et pas à les orienter. D'un autre côté, si on veut que le politique mettre fin à cette contradiction entre ce qu'il a signé et ce qu'il se sent prêt à faire, alors il ne faut pas oublier de le lui rappeler et de le dénoncer activement. C'est l'une des raisons pour lesquelles il ne faut pas croire que le combat de Finance Watch est suffisant. Eux ont choisi l'angle technique du risque financier.

C'est un angle absolument nécessaire, parce qu'il permet d'attaquer cette impression de toute puissance technique que les banques donnent aux politiques. Quand on n'est pas expert, on a l'impression qu'un modèle de risque bancaire, c'est de la physique quantique ultra précise. Finance Watch arrive à attaquer ce discours et à le débunker en partie. Cela dit, on l'a vu, cet angle d'attaque ne garantit pas le succès.

En plus, c'est un angle difficilement compréhensible du commun des mortels, et du coup ça limite la capacité de communication. Conclusion, si pour des raisons de cohérence du discours et de crédibilité politique, Finance Watch ne peut pas dénoncer la contradiction politique dont je viens de parler, il faut garder à l'esprit que c'est aussi un angle qui pourrait permettre d'obtenir des résultats. En effet, si pour le moment l'inacceptabilité du financement des entreprises carbonées n'est pas encore suffisante dans l'esprit du politique pour qu'il se décide à taper du poing sur la table, il est évident que le discours de la société civile doit participer à cette évolution. Ouais, d'accord. Donc on a besoin des deux, quoi.

Attaquer la technique bancaire pour montrer que c'est quand même loin d'être une science dure, et attaquer le politique pour qu'il prenne ses responsabilités par rapport à ce qu'il a signé. Bon, oui. Ben, y'a plus qu'à espérer que ça arrive dans pas trop longtemps, parce que je rappelle qu'on a 30 ans pour transformer 85% de nos activités.

Passons au troisième outil qui permettrait d'aider à orienter les flux issus des planches à billets. Est-ce que tu saurais me dire si ta banque finance des entreprises dont les activités vont dans le sens d'une transition énergétique et écologique ? Est-ce que tu sais si ta banque finance plutôt du verre ou plutôt du carboné ?

Ah, pour savoir si mon épargne est utilisée à bon escient, c'est ça ? Ton épargne qui dort confortablement sur un compte en banque, sauf une partie de ce qui est déposé sur les livrets réglementés, ne finance rien du tout. Les banques financent tout avec de la nouvelle monnaie, et rien grâce à l'épargne.

S'il est vrai que quand l'épargne s'en va d'une banque, celle-ci ne se sent pas à l'aise du tout, il n'empêche que ce sont bien les crédits qui fabriquent l'épargne et pas l'épargne qui fabrique les crédits. D'accord, mais ça revient un peu au même pour ce qui nous intéresse. Si je laisse mes économies dans une banque qui finance plutôt du carboné, c'est comme si je la soutenais dans cette tâche.

En revanche, si j'envoie mes économies dans une banque plus vertueuse, je lui permets de faire plus souvent tourner sa planche à billets à elle pour financer des trucs vertueux. Et donc, OK, mon épargne sur mon compte bancaire ne finance rien, mais elle soutient quand même certaines politiques de financement. Alors oui, effectivement, dit comme ça, c'est correct. Bon bah du coup la réponse à ta question est non, je sais pas du tout dire si mon épargne est déposée dans une banque qui soutient plutôt du vert et plutôt pas du carboné. Mais bon, j'imagine que ça doit se trouver, faut aller regarder dans les rapports annuels.

Toi tu sais faire ça non ? Tu vas pas jeter un petit coup d'œil pour me dire un peu ce qu'il en est ? S'il te plaît ?

Ah bah oui bah merci, j'ai que ça à faire que de me taper des documents de 500 pages qui n'ont absolument pas été écrits pour répondre à la question qu'on se pose. Il faut bien comprendre que la communication financière des banques répond avant tout à une obligation de transparence vis-à-vis d'investisseurs. qui ne sont supposés s'intéresser qu'à la thunasse. On oblige les banques à rendre public tout plein de chiffres et de ratios qui sont liés à leur santé financière. Puisque le réchauffement climatique et le financement des entreprises carbonées n'est pas considéré par les financiers comme un véritable risque, les banques ne divulguent quasiment rien sur cette question.

Après avoir personnellement épluché les rapports annuels de BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, BPCE et Deutsche Bank, je peux t'assurer qu'on trouve quasiment rien, voire même parfois rien du tout. Certaines banques précisent leur exposition au secteur pétrole et gaz, mais pas d'autres. Et pour le charbon, on n'a aucune info. Juste des promesses pour les banques françaises que d'ici 2030 ou 2040, elles ne toucheront plus à ce secteur. On n'a pas de détails non plus sur les entreprises vertes qu'elles financent.

Souvent les énergies renouvelables sont évoquées, mais c'est loin d'être les seules infrastructures dont on a besoin pour tenir l'objectif des 2°C. On n'a pas d'infos non plus sur la répartition par secteur des produits financiers détenus par les traders de la banque. Bref, on a quelques données éparses et des méthodes de reporting non standardisées dans des documents très techniques, c'est pas exactement la définition de la transparence.

Et là, je me sens quand même obligé de rajouter un truc au montage. En fait, j'ai parcouru les rapports annuels de ces banques parce que j'ai participé avec des étudiants du MBA RSE de l'Institut Léonard de Vinci, avec Christian Nicolle et aussi sous la supervision de Gaël Giraud, à la réalisation d'un rapport qui va sortir en juin 2021, j'ajouterai le lien en description quand il sera sorti, dont le but était d'évaluer la quantité d'actifs carbonés détenus par les banques. Alors... Vous pourriez croire qu'il n'y a rien de neuf, après tout il y a déjà eu des rapports qui parlent du financement des énergies carbonées par les banques, je vous ai mis des exemples en description, mais en réalité l'approche de ce prochain rapport est toute neuve parce qu'elle s'intéresse au stock plutôt qu'au flux. On ne cherche pas à savoir à quel point les banques participent à envoyer de la monnaie vers les entreprises carbonées, on se demande à quel point les banques possèdent des produits financiers dont la valeur pourrait fortement baisser si on se lance sérieusement dans une transition énergétique.

Donc on se demande à quel point les banques sont soumises au risque de transition, le risque lié à la manœuvre d'évitement du réchauffement climatique dont on a parlé avant. Et pour ceux qui se demandent pourquoi ce genre d'évaluation n'avait jamais été faite auparavant, c'est parce que les banques sont de véritables boîtes noires. Il était extrêmement difficile de savoir ce qu'elles possèdent réellement.

Il nous a donc fallu construire toute une méthodologie autour des informations disponibles afin de tenter de répondre à cette question, et on aboutit à des ordres de grandeur qui permettent 1. d'avoir une meilleure idée de ce que représente vraiment le risque de transition pour les banques, et 2. de les contraindre à préciser ou à contredire nos chiffres via plus de transparence sur ce qu'elles ont dans leur bilan. Je ferai un tweet quand le rapport sera dispo, et comme je l'ai dit, je le mettrai aussi en description. Allez, fin de parenthèse, donc on disait les banques ne sont pas très transparentes quant aux actifs financiers qu'elles possèdent dans leur bilan. Ok, alors je crois que je te vois venir. On pourrait imposer une réglementation qui oblige les banques à publier un machin, un document qui explicite clairement quelles sont les entreprises financées.

Avec une jolie taxonomie verte et si on arrive à avoir une carbonée aussi, tout ça devient parfaitement lisible et transparent. C'est accessible à tous, les journalistes peuvent suivre le truc, nous transmettre l'info, c'est génial. Exactement. Si le politique n'est pas décidé à justifier son action par la signature de l'accord de Paris, on peut toujours utiliser ce même argument d'un évitement du réchauffement climatique qui induit un risque financier mal compris et mal estimé par le marché, ce qui permettrait au régulateur d'imposer aux banques la publication d'une documentation supplémentaire.

permettant de renseigner les investisseurs et accessoirement les épargnants, les journalistes et tout le monde dans le monde sur les niveaux de verdure ou de carbonation des bilans bancaires. Le problème de cette mesure, c'est que d'abord, la taxonomie carbonée n'est pas commandée, donc on risque de n'avoir que les niveaux de verdure. Et puis aussi, les banques vont se battre contre n'importe quel type de publication qui pourrait endommager leur image de marque. On parle de risque de réputation. Ouais ok je vois.

Bon bah pour le coup cet outil là était facile à comprendre. Alors petit récap avant de cliquer sur la deuxième vidéo. Premièrement, il faut bien garder en tête que l'objectif c'est la décarbonation de l'économie.

Zéro émission de gaz à effet de serre en 2050. En vue d'éviter un réchauffement climatique de plus de 2°C à la fin du siècle. Construire moult machines vertes ne résout pas le problème, puisque le but c'est avant tout de mettre à la casse les machines carbonées. On veut que soient mis en place des projets de décarbonation et pas simplement des activités vertes.

Cela dit, les financiers qui soutiennent avant tout des entreprises et pas des projets, et qui ne sont responsables que d'une partie des flux monétaires, n'ont pas le pouvoir de déclencher la décarbonation à eux seuls. Ça dépend aussi des consommateurs, des épargnants, des dirigeants d'entreprises et des politiques. Ainsi, orienter les flux financiers vers plus de verre et surtout vers moins de carboné n'est qu'une partie de la réponse.

Deuxièmement, avant d'orienter les flux, encore faut-il définir les termes. La taxonomie verte. de la Commission européenne va répondre à la moitié de la question en permettant de tamponner envers les activités des entreprises d'ici 2023. Problème, il manque une taxonomie carbonée qui, même si les pires activités pour le climat sont faciles à détecter, est absolument essentielle en vue d'une future réglementation qui permettrait 1. de distinguer les mauvais des neutres et 2. d'éviter que les flux financiers continuent d'irriguer les secteurs qui contribuent le plus à nous emmener droit sur le réchauffement climatique.

Troisièmement, on pourrait augmenter les ratios de solvabilité des banques en fonction de la quantité d'actifs financiers qu'elles possèdent et qui sont associés à des entreprises carbonées. Ça permettrait, par la réduction de l'effet de levier, de rendre le financement de ces entreprises moins attractif. On engage le changement de cap, tout en augmentant la résistance des banques à d'éventuels sautes d'humeur des marchés financiers.

Problème, l'argumentaire politique porté par la société civile qui permet de défendre une telle mesure est complexe. La faute à des institutions européennes qui raisonnent dans le cadre d'une légende totale, celle des marchés efficients, et qui ne veulent pas assumer un rôle d'orientation de la trajectoire de l'économie. Rôle qu'elles se sont pourtant engagées à assumer en signant l'accord de Paris.

Pour le moment, ces institutions politiques ne veulent entendre que des argumentaires pseudo-scientifiques à base de risques financiers non mesurables. Conclusion ? On arrive à proposer des choses.

Mais les lobbies bancaires sont capables d'ensevelir le régulateur sous une montagne d'études contradictoires, et la prise de décision est difficile. Idée pour avancer, il ne faudrait pas oublier de rappeler aux politiques qu'ils s'étaient engagés à modifier la trajectoire du navire, et que donc, l'argument du risque financier n'est pas nécessaire. D'ailleurs, plutôt que de soumettre la décision aux critères de ce qui pourrait arriver aux banques peut-être que recentrer le débat sur le critère du ce qui pourrait arriver à l'humanité dans son ensemble ne serait pas une mauvaise chose.

Quatrièmement, on pourrait forcer les banques à nous fournir une documentation claire qui nous permettrait de connaître le niveau de verdure des entreprises qu'elles soutiennent. Problème, même si ce genre de mesure serait relativement simple à mettre en place, les banques vont se battre contre ce type de documentation car elles détestent voir leur nom traîner dans la boue. De plus, tant qu'on n'a pas de taxonomie carbonée, on risque bien d'avoir les niveaux de verdure sans avoir les niveaux de carbonée.

Et c'est tout pour cette vidéo sur le verdissement slash décarbonation des planches à billets privées en Europe. On s'intéresse à la planche à billets boss finale, celle de la Banque Centrale Européenne dans la suite de cette vidéo, qui normalement est déjà disponible et qui doit s'afficher quelque part sur votre écran, ou par là je crois. A toute fin de suite.