Transcript for:
Besoin, consumérisme et transition écologique

Et dans l'actualité des idées aujourd'hui, de quoi avons-nous vraiment besoin ? On en parle avec notre invité, le sociologue Razmig Kecheian, professeur à l'université de Bordeaux. Après, la nature est un champ de bataille et c'est d'écologie politique.

Il publie les besoins artificiels à la découverte. En librairie, demain, sa thèse est simple. Face à l'épuisement des ressources naturelles, nous n'allons plus pouvoir continuer à consommer de manière illimitée.

Il va donc nous falloir faire des choix. différencier nos besoins légitimes des besoins égoïstes. Et c'est là que ça se complique. Comment faire ? Bonjour à vous, Rasmus Cocheillon.

Bonjour. Merci d'être avec nous. La consommation.

C'est le grand sujet qui vous préoccupe à travers ce nouvel essai. On connaissait les paradis artificiels. On entre avec vous dans l'univers sans frontières des besoins artificiels.

Est-ce que vous arriveriez à nous les définir ? en quelques mots ? Vaste question.

Le système dans lequel nous vivons, c'est le capitalisme. C'est un système qui est à la fois productiviste et consumériste. Il a besoin de déverser sur les marchés des marchandises toujours nouvelles qui doivent être consommées par qui ?

Par nous, consommateurs. Pour nous convaincre de les consommer, ces marchandises, le capitalisme crée périodiquement des besoins nouveaux, donc artificiellement, pour que cette double logique du productivisme et du consumérisme fonctionne. Donc le capitalisme est créateur de besoins artificiels toujours nouveaux qui s'expriment et qui évoluent tout au long de l'histoire. Ces besoins artificiels ont un caractère nocif pour l'environnement, d'une part, ils ne sont pas soutenables, on s'en aperçoit de plus en plus, mais ils sont également aliénants pour la subjectivité et pour la personne. Et donc l'objet du livre, c'est de réfléchir à la nature de ces besoins artificiels, à leur lien avec le capitalisme, et à la manière dont on pourrait combattre ces besoins artificiels pour aller vers un modèle de société écologiquement et humainement, disons, soutenable.

Alors il crée des besoins artificiels, mais il ne crée pas que ces besoins-là. Il répond aussi avec des biens à certains besoins vitaux, des besoins authentiques. On peut aussi tenter de définir l'artificiel par son opposé.

Oui, il y a des besoins qui sont manifestement artificiels, mais il y a aussi des besoins qui sont authentiques et qui sont tenus pour tels par les individus qui les éprouvent. C'est quoi par exemple ? En fait, dans l'ouvrage, il y a toute une gamme de besoins qui sont définis.

Il y a les besoins vitaux qui sont les... conditions sine qua non de la survie, se nourrir, respirer, etc. Et puis, il y a toutes sortes de besoins qu'on peut appeler des besoins de culture, que André Gortz, l'une des grandes figures de ce livre, appelle des besoins qualitatifs, et que Agnès Seller appelle des besoins radicaux.

Ça, ce sont des besoins de culture, par exemple voyager, écouter de la musique, etc. Ce ne sont pas des besoins vitaux, à proprement parler, mais c'est quand même des besoins qui donnent à la vie des individus son sens. Et donc, c'est des besoins évidemment très importants, du point de vue de la construction de la personne et du point de vue de la construction des sociétés modernes. Voilà, qu'on peut opposer donc culture, nature, avec des besoins qui nous permettraient de vivre bien, cette idée du vivre bien dignement, l'idée d'une vie bonne dans le sens de digne d'être vécue. C'est ça, les deux sont articulés, la nature et la culture. L'avantage des besoins, c'est que c'est une notion qui est ancrée dans la nature, dans la biologie même à certains égards, mais également dans la culture, et donc les besoins ont une histoire.

C'est cette double dimension des besoins qui m'intéressait, à la fois ancrée dans la nature et la culture. Et c'est ce qui permet d'utiliser cette notion pour penser la crise environnementale, qui a elle aussi une dimension naturelle, mais aussi bien entendu une dimension fortement politique, économique, etc. Alors vous ouvrez, vous, cet ouvrage sur l'exemple de la lumière.

La lumière, on a tendance à dire, c'est un besoin naturel, un besoin vital, authentique, mais c'est vrai qu'il existe aussi une lumière, des lumières artificielles. En quoi cette question, ou cet exemple de la lumière peut nous éclairer ? Oui, la pollution lumineuse, c'est un terme aujourd'hui très...

très étudiée, et la pollution lumineuse, c'est que le niveau de l'éclairage artificiel commence à devenir nocif pour l'organisme humain. Parce que, par exemple, il empêche la synthèse de la mélatonine, qui est l'hormone du sommeil, ce qui crée toutes sortes de pathologies. Donc la question que ça soulève, c'est quel degré de luminosité artificielle on a besoin dans le cadre des sociétés modernes pour continuer à vivre comme nous souhaitons vivre, et quel degré, au contraire, d'obscurité on a besoin pour que ces pathologies disparaissent.

et que la vie redevienne soutenable sans ces pathologies et qu'elle devienne soutenable également pour les écosystèmes. La lumière artificielle, passée à un certain stade, a aussi des effets nocifs sur les animaux par exemple. Donc c'est par excellence un sujet qui permet de poser la question de quoi avons-nous besoin justement. La consommation, c'est une question négligée, campez-vous dès le départ, par la théorie marxiste.

Pour y réfléchir, vous n'êtes pas parti de rien. Pour tenter de catégoriser nos besoins, dans les années 60-70, des penseurs comme André Gorse, que vous avez déjà cité, ou Agnès Heller, ont bâti, eux, une théorie du besoin. Alors, comment ont-ils procédé, ces penseurs de l'écologie, et qu'en ont-ils aussi déduit ?

On va écouter d'abord les mots d'André Gorse. Le lien entre plus et mieux est rompu. Et si vous voulez tenir compte de cette rupture, et permettre à...

une qualité de vie meilleure, il vous faut changer. Pas seulement de technique, il faut changer de paradigme. C'est-à-dire qu'il vous faut réorienter le système économique de façon à maximiser la valeur d'usage des produits, donc leur longévité, leur qualité intrinsèque, au lieu de chercher à maximiser leur valeur d'échange, c'est-à-dire ce que ça rapporte à chaque produit. entreprise ou à la croissance économique en général et vous ne pouvez pas imaginer une reconversion écologique c'est à dire une restructuration de notre appareil de production en vue de d'avoir non pas plus et moins moins bien, mais moins, mais mieux, de consommer moins tout en vivant mieux, parce qu'on consomme autrement et qu'on travaille autrement, vous ne pouvez pas avoir cela sans engager une politique globale au service d'un paradigme écologique, et pas simplement de vous occuper de la préservation de l'environnement.

Voilà, un lien entre le plus et le mieux qui est rompu. Vous êtes comme André Gors sur l'idée qu'il faut maintenant totalement changer de paradigme. Oui, absolument. Il faut des changements qui soient des réformes révolutionnaires, comme disait Gortz lui-même.

Donc des changements de structure et les feuilles de route pour le changement écologique, on dispose de ces feuilles de route. Mais il ne faut pas négliger également l'aspect individuel des choses. L'une des théories qui est mise en évidence par Agnès Seller, qui est une compagne de route de André Gortz, c'est la notion de dictature sur les besoins. C'est une situation où l'État se met à dicter aux citoyens les besoins qu'ils ont le droit de satisfaire et les besoins qui sont désormais prohibés, qui sont proscrits. Et donc il faut tenir les deux bouts d'une certaine façon.

Il faut à la fois des changements structurels, macroéconomiques, macro-sociologiques, mais en même temps il faut trouver une place à l'individu et à ses besoins, à sa subjectivité, pour faire en sorte que... que tout le monde soit embarqué dans la transition écologique. La dictature sur les besoins, c'est en aucun cas cette hypothèse stratégique-là qu'il faut envisager pour parvenir à réaliser une transition écologique qui soit plus égalitaire et qui soit soutenable. Ça a existé, cette dictature sur les besoins ?

Alors Agnès Seller, elle écrivait en Hongrie soviétique, et par conséquent, pour elle, la dictature sur les besoins, c'était le modèle soviétique, où vous aviez une sorte de bureaucratie d'individus qui décidaient quels étaient les besoins légitimes, qu'on pouvait donc satisfaire, et quels étaient les besoins tenus pour non légitimes. Évidemment l'Union Soviétique a disparu, mais cette notion m'a paru utile pour penser ce que serait le risque d'une sorte de dictature verte, ou une tyrannie bienveillante, comme le dit le philosophe Hans Jonas. Il ne faut évidemment pas que la transition écologique, ce soit l'occasion de faire fi de tous les acquis démocratiques.

Il faut au contraire, à mon avis, approfondir et même radicaliser la démocratie pour parvenir à une transition écologique juste, équitable et soutenable. C'est intéressant cet exemple de la dictature soviétique, en tout cas sur nos besoins. C'était cette idée d'imposer certains besoins par le haut, de jouer aussi à travers, vous donnez l'exemple de la file d'attente, sur la frustration, sur cette rareté. C'était ça ?

Oui absolument, c'était une rareté qui avait des caractéristiques propres au système soviétique. Alors la question de la rareté, elle revient dans le système capitaliste aujourd'hui par la raréfaction des ressources naturelles. Évidemment le capitalisme produit ses propres variantes ou ses propres formes de rareté auxquelles nous sommes confrontés dans le contexte de la crise environnementale. Donc l'idée n'est pas du tout de dire que d'un côté il y a l'Union soviétique, les modèles dits socialistes avec la rareté, et de l'autre l'abondance capitaliste.

Il y a une rareté relative, une rareté quand même, qui a des conséquences politiques dommageables, dans le capitalisme lui-même. Et avec la crise environnementale, on va être confronté de plus en plus avec ces formes de rareté qui vont peser sur nos systèmes démocratiques. C'est pourquoi il faut radicaliser la démocratie, me semble-t-il, justement pour sortir du capitalisme et aller vers une société qui ne sera pas nécessairement une société d'abondance.

Mais où ces formes artificielles de rareté qui sont propres au capitalisme, on puisse s'en débarrasser. Alors il n'existe pas, et vous le rappelez, de besoins collectifs, il n'y a que des besoins subjectifs, personnels. Mais on peut raisonnablement décider qu'il y a des besoins peut-être authentiques et des besoins superflus. Mais comment faire et puis à qui reviendra-t-il du coup de les distinguer ? C'est un terrain qui est quand même assez glissant.

Je vous propose d'écouter les mots à sujet de l'historien de la consommation Jean-Claude Thomas. Je crois qu'il y a toujours, lorsqu'on s'engage sur la question des besoins, on est sur un terrain glissant. Parce que qu'est-ce qui va nous permettre de distinguer le superflu du nécessaire ?

Sachant en fait que le superflu d'hier est le nécessaire d'aujourd'hui. Je reprends l'exemple du téléphone portable, c'était un objet superflu, d'ailleurs pas très pratique parce que gros, lourd et très coûteux dans les années 80. Aujourd'hui, l'objet s'est totalement banalisé. Et il est devenu un objet qui fait partie de notre panoplie d'objets quotidiens les plus nécessaires.

On pourrait dire la même chose pour d'innombrables objets qui ont commencé leur carrière comme objets de luxe, chers, réservés à une minorité, qui se sont progressivement démocratisés et qui sont devenus des objets que tout le monde possède aujourd'hui. Alors, si on se pose cette question, comment distinguer le superflu du nécessaire ? Je pense que c'est à peu près impossible, dans la mesure où le besoin n'est pas une réalité naturelle, c'est une réalité historique et sociale, qui est différente d'une société à l'autre, différente d'une époque à l'autre, différente d'un groupe social à un autre.

Et d'autre part, faire le choix, la discrimination entre besoins superflus et besoins nécessaires, imposerait l'existence d'une autorité capable de faire ce choix. Et le problème est qu'on glisse tout doucement vers un état despotique. Voilà, alors plusieurs points abordés là. Le téléphone portable pour vous, par exemple, superflu ou nécessaire ? Artificiel ou authentique aujourd'hui ?

Ça dépendra de l'évolution de la structure du téléphone portable en question. Il n'y a pas de raison de l'exclure par principe. Ça dépendra du fait de savoir si un téléphone portable durable, respectueux des écosystèmes, est possible ou pas. Et ça dépend en partie d'avancées technologiques. Donc l'argument n'est pas d'exclure par principe certains types d'objets, parce qu'ils seraient par principe impossibles à rendre écologiquement soutenables.

Donc ça veut dire qu'on définit l'importance ou l'authenticité d'un objet, d'un bien, plus par son contenu, son contenant, la manière dont il est produit, dont il est fait, que pour sa finalité ou sa fonction. Oui, et on le définit aussi politiquement. On décide collectivement, alors se pose la question de la souveraineté écologique, évidemment. On décide collectivement que tel besoin, par exemple, on va continuer à le satisfaire et que tel autre, on va renoncer à le satisfaire.

Je ne sais pas moi, par exemple, prendre un avion low cost pour aller passer un week-end dans la ville d'à côté, typiquement c'est un besoin qu'on va difficilement pouvoir continuer à satisfaire, tout simplement parce qu'écologiquement, ça n'est pas soutenable. Donc ça suppose d'inventer des formes de voyage nouvelles, non pas de renoncer au voyage, bien entendu, et même pas au tourisme, mais de réfléchir à des formes. de voyages qui soient respectueuses des écosystèmes, des niveaux d'émissions de gaz à effet de serre.

Et ça c'est une décision qui est à la fois scientifique mais qui est aussi fondamentalement politique, qui suppose l'exercice d'une forme de souveraineté écologique qu'il nous reste en effet à inventer. Ce n'est pas seulement la démocratie représentative, ça supposera d'autres institutions. Dominique Bourg parle par exemple d'une assemblée du futur, je l'évoque ça dans le livre, mais il y aura aussi à mon avis des formes de démocratie directes à l'œuvre qui viendront compléter le dispositif des institutions. démocratique à l'époque de la transition écologique.

Donc il faut compléter notre arsenal d'institutions démocratiques pour parvenir à effectuer une transition écologique à la fois respectueuse des écosystèmes, mais aussi égalitaire, aussi égalitaire que possible, et non aliénante. Alors ça c'est le sujet difficile, l'aliénation, puisque qui définit l'aliénation ? Est-ce que c'est l'individu ? Est-ce que c'est collectivement ? Évidemment c'est forcément les deux.

Ce qu'il faut c'est inventer des médiations qui permettent d'articuler l'individu. et le collectif. Ça reste largement inventé.

Et c'est ce que vous disiez sur le capitalisme. Le progrès, le capitalisme, nous a d'un côté offert un confort de vie qui n'existait pas avant. Il a aussi permis de démocratiser des pratiques jusqu'ici réservées à une poignée de personnes qui avaient les moyens de se les offrir. C'est le cas du voyage typiquement de l'avion aussi qu'on peut prendre.

Mais il a aussi créé une forme d'aliénation, des besoins nouveaux. on semble ne plus pouvoir se passer aujourd'hui. Si on prend un autre exemple, la voiture, la nouvelle voiture, à la fois, elle nous permet peut-être d'exister socialement, cette belle voiture scintillante d'une marque qui nous donne peut-être cette prestance sociale. Là, on sent l'artificialité du besoin, mais on peut aussi dire que les nouvelles voitures sont moins polluantes peut-être que les anciennes. Cette ancienne voiture qu'on essaye de faire vivre jusqu'au bout de sa vie tout en crachant des nappes de...

Oui, après ça ça dépend du cycle de vie de la marchandise, comme disent les économistes. Il faut voir dans quelle mesure il vaut la peine de faire perdurer une marchandise polluante plutôt que de la remplacer par une machine qui est technologiquement plus à la pointe et qui permette de polluer moins. Ça c'est des questions presque empiriques qu'il faut décider au cas par cas en faisant ce que les économistes appellent des analyses du cycle de vie de la marchandise. Quels sont les moments de la vie de la marchandise ? qui sont les plus polluants.

Est-ce que c'est la conception ? Est-ce que c'est la production ? Est-ce que c'est la marchandise de venu déchet ?

Ça c'est vraiment des choses qu'il faut définir au cas par cas. En France, des institutions comme l'ADEME par exemple, l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie font des analyses du cycle vie des marchandises que je cite à plusieurs reprises dans le livre et qui sont tout à fait passionnantes pour comprendre ce qui véritablement dans la durée de vie de la marchandise est polluant précisément et évidemment c'est... Pas toujours la même chose selon le type de marchandise considérée. L'artificialité d'une marchandise, ce n'est pas en soi un argument contre la marchandise. Il y a des choses artificielles qui sont merveilleuses, par exemple.

Quoi ? On peut vivre sans écouter de la musique, par exemple. La musique, en ce sens, est artificielle, en un certain sens. Mais une vie sans musique, une vie sans cinéma, une vie sans voyage, l'artificialité, ça fait partie de la condition humaine, d'une certaine manière.

C'est peut-être même ça qui la définit. Mais le problème qu'on a aujourd'hui, c'est qu'une certaine... La dose d'artificialité excessive n'est plus soutenable sur le plan de la durabilité des écosystèmes.

Donc il faut parvenir à des arbitrages. Qui dit arbitrage dit souveraineté. Et la question pour nous aujourd'hui c'est d'essayer de trouver quelle est la bonne forme de souveraineté politique pour faire ces arbitrages. La démocratie parlementaire, elle aura un rôle à jouer certainement.

L'Assemblée du futur à la Dominique de Bourg, elle aura certainement un rôle à jouer. Mais ce pour quoi je plaide aussi. C'est de formes de mobilisation à la base, une démocratie directe, basée éventuellement sur des formes renouvelées de conseils, à la fois de quartiers et de conseils de travailleurs, qui dans le contexte de ce que certains appellent l'effondrement des écosystèmes, cela va donner lieu à une délibération sur les besoins à chaque niveau pertinent, à chacune des échelles pertinentes.

Et qui tendrait vers quoi ? Vers une consommation plus égalitaire ? Oui, une maîtrise déjà, une maîtrise. Il y aura toujours des gagnants et des perdants, on ne peut pas essayer de... Mais ça dépend dans quelle mesure.

Évidemment dans le capitalisme, comme l'a montré notamment Thomas Piketty récemment, il y a beaucoup de perdants et peu de gagnants. Donc on peut aller vers une société plus égalitaire. Est-ce que l'égalité parfaite est possible et même souhaitable ?

Peut-être pas. Mais tout est une question relative. Et moi je crois beaucoup que la transition écologique est aussi une manière de promouvoir des formes nouvelles d'égalitarisme radical. Mais vous dites qu'il faut aussi dépasser, c'était le cœur de votre précédent essai, sur la nature est un champ de bataille, votre essai d'écologie politique, il faut essayer d'arrêter de croire qu'on peut dépasser nos divisions. En tout cas, arrêter d'appeler à cela, que c'est quand même aussi un mot d'ordre écologiste qui est vain aujourd'hui.

Oui, la transition écologique, ce sera un lieu de conflit. Il y aura des conflits parce que tout simplement, il y a des gens qui ont davantage intérêt au statu quo et d'autres qui ont davantage intérêt à ce que ça... Et la transition consumériste aussi, ce sera forcément un conflit ? Absolument, absolument.

Je ne crois pas à un monde social sans conflit. sans lutte des classes en particulier. Et donc, il n'y a aucun doute sur le fait que le conflit existera. Mais le conflit, ça ne veut pas dire le conflit violent, armé, je ne parle pas de ça.

Une conflictualité politique, le dissensus politique, si vous voulez. Et c'est le dissensus qui, ensuite, permet éventuellement aussi de passer des compromis, aucun problème. Mais l'appel à dépasser les divisions, et notamment la division gauche-droite, qu'on entend souvent dans les milieux écologistes. À mon avis, c'est une voie sans issue parce qu'il y a au contraire besoin de conflictualité, de mouvements sociaux, de mobilisation collective à la base pour faire advenir une transition écologique à la fois qui soit soutenable et qui soit juste.

Les marches pour le climat aujourd'hui sont dans la conflictualité, dans une certaine forme de conflictualité qui n'est pas violente, mais c'est des mobilisations qui cherchent à obtenir un certain rapport de force avec les gouvernements, espérons qu'ils y parviennent. Et ce que j'appelle la conflictualité politique, c'est ça, la transition écologique, ce sera ça, forcément. Alors, c'est réapproprier, repenser ces modes de décision par le bas, par la délibération collective.

Mais est-ce que vous voyez dans tout ça aussi une place pour les pouvoirs publics, pour la puissance publique ? Bien sûr, l'organisation collective doit créer un rapport de force qui permet la régulation, notamment par la loi. Donc les pouvoirs publics, ils ont évidemment un rôle important à jouer. Une partie significative de la transition sera une transition basée sur des réformes et des régulations d'ordre légal.

Derrière la loi, il y a le rapport de force politique, c'est ça l'élément important. Pour parvenir à la loi, il faut d'abord la mobilisation, dans un même mouvement, la mobilisation collective qui permette d'imposer à ceux qui ont intérêt au statu quo, donc à la non-transition écologique, les mesures qu'ils imposent. Il y aura forcément des perdants parmi les dominants, ça c'est certain, des perdants en termes de pouvoir économique et de pouvoir tout court, mais bien entendu que l'État a un rôle à jouer, notamment dans l'instauration d'un contrôle politique sur les processus productifs.

et sur la maîtrise de la consommation. Mais ça ne peut pas être que par en haut, parce que si c'est que par en haut, ça donne lieu à une dictature sur les besoins. Je reviens au thème d'Agnès Seller, une transition écologique qui serait uniquement par en haut serait oppressive en même temps qu'elle serait inefficace. On va en venir au mode de régulation éventuellement. Juste le mouvement des Gilets jaunes, pour vous, c'était le début de cette révolte consumériste ?

C'est possible, le mouvement des gilets jaunes, c'est plutôt un mouvement qu'on peut lire à travers l'intention d'inégalité environnementale. L'idée qui était derrière ce mouvement, c'est que les riches polluent davantage que les classes populaires, et c'est pourtant aux classes populaires qu'on fait passer l'addition, sous la forme de ces taxes sur les carburants. Donc c'est plutôt la question des inégalités environnementales, me semble-t-il, plutôt que celle des besoins qui étaient à l'œuvre dans ce mouvement. Mais en même temps, on peut dire que le besoin de mobilité, qui était à la base, évidemment le besoin de mobilité pour se rendre sur son lieu de travail, qui était à la base de la mobilisation des gilets jaunes, La mobilité c'est un besoin qui est essentiel pour beaucoup de gens, pour des raisons économiques, et par conséquent on peut sans doute aussi faire une lecture de ce mouvement, les Gilets jaunes à la lumière de la notion de besoin. Il faudrait creuser, je n'ai pas vraiment creusé, mais il est certain que cette hypothèse pourrait être une hypothèse intéressante, permettant d'ailleurs de faire le lien entre les Gilets jaunes et d'autres types de mouvements qui existent aujourd'hui, par exemple le mouvement des associations de consommateurs, les mouvements consuméristes, bref, des associations que j'évoque aussi dans le monde.

Tant vous refaites l'histoire, on va y venir justement. Avec nous jusqu'à 13h30, Razming Quecheyant à l'occasion de la parution de son nouvel essai à propos de nos besoins, les besoins artificiels qui paraissent à la collection Zone, à la découverte. C'est un des livres de la rentrée.

France Culture, il est 13h16. On va essayer de revenir à l'histoire aussi de ces besoins, de la création de ces besoins avec vous, Rasmig Kecheyian. Il faut rallonger notamment la durée de vie des biens, c'est ce que vous avez commencé à évoquer.

Arrêter de créer sans cesse de nouveaux besoins. Comment tout ça a commencé ? Je vous propose d'écouter un extrait du film documentaire réalisé par Cosima Danoritzer, prêt à jeter.

La documentariste allemande avait retracé la naissance d'un concept qu'on pratique beaucoup aujourd'hui, celui d'obsolescence programmée. Elle remonte à la pré-crise de 1929 et montre la fortune de ce concept jusqu'à aujourd'hui. Bernard London, un éminent courtier en immobilier, propose d'en finir avec la dépression en déclarant l'obsolescence programmée obligatoire.

C'était la première fois que ce concept était officialisé. Bernard London proposait d'assigner une limite de vie à tous les produits. Ils seraient ensuite considérés comme légalement morts.

Les consommateurs pourraient les retourner à un organisme gouvernemental qui les détruirait. Si quelqu'un conservait un article au-delà de la date limite, il serait passible d'une amende. Grâce à cette date limite...

La consommation et le besoin de produire des biens de consommation seraient relancés. J'ai trouvé que c'était une idée géniale. London pensait qu'en rendant l'obsolescence programmée obligatoire, l'industrie se remettrait en marche, les gens consommeraient à nouveau, et le plein emploi serait de retour.

Ils cherchaient à trouver un équilibre entre le capital et le travail, où il y aurait toujours un marché pour de nouveaux produits. Il y aurait toujours besoin de main-d'oeuvre et le capital serait ainsi récompensé. Là, on réentrait presque dans ce qu'était la dictature consumériste, créer des besoins en permanence, mais aussi pour faire vivre la société, pour créer des emplois en parallèle. Ça n'a pas marché, cette obligation de l'obsolescence programmée telle qu'elle avait été conçue, pensée par Bernard London au départ, au début des années 30. 20 ans plus tard, on l'entend, l'idée ressurgit, plus obligatoire mais désirée. C'est ça qui a été construit, bâti par la suite ?

Oui, ce qui est bien avec Bernard London, c'est qu'il ne se cachait pas de vouloir instaurer une obsolescence programmée pour sortir de la crise. Aujourd'hui, l'obsolescence programmée, quand elle est pratiquée par les industriels, est une vraie logique. Les industriels s'en cachent et il faut des associations, comme l'association Alta, l'obsolescence programmée, qui fassent des classes actions, des actions de groupe, comme on dit en français, pour faire le procès de cette obsolescence programmée, dans le cas des imprimantes, par exemple. Donc l'obsolescence programmée c'est véritablement la pointe avancée de ce productivisme et de ce consumérisme qui consiste pour les industriels à délibérément raccourcir la durée de vie des marchandises et par conséquent à favoriser le fait que des marchandises toujours nouvelles soient déversées sur les marchés lesquelles marchandises doivent être consommées par nous et pour les consommer le capitalisme doit créer en permanence des nouveaux besoins des faux besoins, des besoins qui sont artificiels. Donc on revient au début de notre discussion.

L'obsolescence programmée, c'est aussi une conséquence de cette artificialité des besoins toujours nouveaux créés pour faire tourner la machine capitaliste, la machine productiviste et consumériste. Alors est-ce que des mesures ont été mises en place pour essayer de freiner ça ? Alors la garantie, typiquement.

Il y a un ensemble d'associations emmenées par les Amis de la Terre et par le réseau Action Climat qui préconisent une augmentation de la durée de la garantie des biens à 10 ans, alors qu'aujourd'hui en France c'est autour de 2 ans. L'idée c'est que 80% des objets sous garantie sont ramenés pour être réparés par le possesseur. de la marchandise quand la marchandise est encore sous garantie. Quand la garantie est arrivée à son terme, ça tombe à moins de 40%.

Donc les marchandises sont d'autant plus réparées qu'elles demeurent sous garantie. Plus vous augmentez la durée de la garantie, si vous passez de 2 à 10 ans, et plus par conséquent, la tentation du consommateur sera non pas de jeter sa marchandise mais d'aller la faire réparer. Et de ce fait, on ralentit considérablement le rythme des mises sur le marché de marchandises toujours nouvelles.

C'est une manière de stabiliser le système des objets, d'une certaine façon que d'augmenter la durée de vie des objets par la garantie. La garantie, les garanties légales, ça a l'air de rien, ça a l'air d'être tout à fait anecdotique, mais en fait c'est un puissant levier pour rendre les objets durables et faire en sorte de ralentir cette double logique productiviste et consumériste. qui est caractéristique du capitalisme à toutes les époques, mais à notre époque davantage encore qu'auparavant. Il y avait eu notamment un allongement de cette durée minimale de garantie à deux ans de mémoire, dans la loi Hamon.

Oui absolument, c'était la norme européenne. En France on était en dessous de la norme européenne et puis avec la loi Hamon... On était à combien avant ?

Ça dépendait des types de marchandises mais c'était autour d'un an je crois, je ne sais plus exactement ce qu'il faudrait voir. Et donc il y a eu une mise aux normes avec la loi Hamon de... un alignement sur les pays européens mais là ce qui est préconisé par les amis de la terre et leur groupe d'association c'est quelque chose de beaucoup plus radical c'est de passer de 2 à 10 ans c'est considérable ça a l'air de rien et d'ailleurs les industriels s'ils sont pas trompés ils se sont opposés à cette mesure bec et ongles parce qu'évidemment ils ont intérêt à une mise sur le marché constante toujours plus rapide toujours accélérée de marchandises nouvelles parce que c'est la logique du taux de profit et que c'est la logique de la concurrence qui prédomine dans notre dans notre système capitaliste donc ça c'est véritablement une Une lutte sociale qu'il faut soutenir, ça a l'air de rien la garantie.

Non c'est ça qui est intéressant, ça a l'air de rien mais vous racontez aussi comment c'est pas si simple en fait à mettre en application aussi et on en revient au changement de paradigme évoqué par André Gors au début de l'émission. Il faut passer d'une société du tout jetable conçue comme telle aujourd'hui à une société du tout réparable, une société de la réparation. Absolument, et donc il faut que les marchandises soient réparables.

Aujourd'hui, de plus en plus, les marchandises ne le sont pas. Il faut des réparateurs pour les réparer aussi. Exactement, il faut aussi des réparateurs qui soient capables de les réparer.

On constate une évolution dans la nature même, dans l'ontologie pour ainsi dire des marchandises, qui est que de plus en plus, elles sont non réparables. Elles sont par exemple monoblocs. Donc vous n'arrivez pas à les démonter et à les remonter avec un ou deux composants supplémentaires pour rendre à l'ensemble sa durée de vie, une durée de vie de plus longue. Donc il faut non seulement augmenter la durée de la garantie.

Il faut aussi revenir à des objets qui sont démontables et réparables, donc changer la nature même, je veux dire concrète, matérielle des marchandises. Et le changement de paradigme que vous évoquez, qu'évoquait Gortz, il passe aussi par une réflexion sur la nature des marchandises, sur c'est quoi ces marchandises qui nous entourent, pourquoi ne sont-elles pas réparables, et pourquoi l'obsolescence est-elle la règle dans le système capitaliste. Et alors pourquoi elles ne le sont pas ?

Pourquoi ils ne le sont pas ? Parce que le productivisme est le consumérisme. En d'autres termes, le système capitaliste vit sous la dictature du taux de profit et de la concurrence. Et donc c'est pour ça que toute écologie sérieuse, d'une certaine manière, est anticapitaliste. En ce sens qu'elle doit soumettre à critique le système lui-même, le capitalisme, sous sa forme industrielle en particulier, qui a conduit à la crise environnementale dans laquelle nous nous trouvons.

L'écologie, ce n'est pas quelque chose de séparé de la critique du système économique dans lequel nous vivons. Au contraire, il faut que les deux soient conjoints. soit alliée.

C'est vraiment le système dans lequel nous vivons qui doit être dépassé pour trouver des solutions durables à la transition écologique. Évidemment c'est facile à dire. Les luttes seront nombreuses et les mesures de type extension de la durée de garantie à 10 ans seront elles aussi nombreuses, mais j'ai beaucoup d'espoir en lisant ce qu'écrivent et ce que font les associations, comme les Amis de la Terre et d'autres, l'intelligence des mouvements sociaux, je m'aperçois qu'il y a quand même lieu de... d'avoir une certaine espérance, parce qu'il y a beaucoup d'idées qui circulent, il y a beaucoup de gens qui se mobilisent, et il faut espérer que de tout ça émergent des solutions praticables.

Il y a également un rapport de force qui, comme je le disais, donnera lieu à des traductions légales, à des formes de régulation drastiques de la mise sur le marché de marchandises toujours nouvelles et de l'usage des ressources naturelles. Là c'est intéressant, vous citez des associations écologistes comme les Amis de la Terre. Tout à l'heure on évoquait les associations de consommateurs. Si rapport de force il y a à établir, on est combien de consommateurs aujourd'hui ? 60 millions, pour reprendre avec un clin d'œil le titre du magazine.

Pourquoi ce rapport de force ne s'est pas établi plus tôt ? Comment se fait-on qu'on soit passé de plus en plus, qu'on est glissé vers cette société du tout jetable, avec des produits si difficiles à réparer, des biens si difficiles à réparer aujourd'hui, et non pas des biens émancipés d'une certaine manière ? Pourquoi ce rapport de force n'a pas eu lieu jusqu'ici ?

Le capitalisme est un adversaire redoutable, il n'y a aucun doute là-dessus. A partir des années 70, les mouvements sociaux qui s'étaient illustrés dans les années 68 ont subi des défaites et des reculs. Et la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, une cinquantaine d'années plus tard, c'est exactement celle-là. C'est-à-dire que c'est la conséquence des défaites et des reculs. A l'époque où Gortz écrit, dans les années 60-70, sa théorie des besoins, c'est autour des années 60, il a évidemment encore l'espoir que les mobilisations collectives à l'échelle internationale qu'il a sous les yeux, dont les mobilisations environnementales naissantes.

donnerait lieu à une transformation de la société, à un dépassement du capitalisme dans un horizon... C'est pas ce qui est arrivé les 50 années suivantes, ce sont des années, des décennies de défaites et de reculs et de dommages apportés aux écosystèmes. Il faut reprendre le fil de cette lutte, il faut reprendre le fil de ces pensées, celle de Gortz en particulier, mais d'autres aussi, et essayer de remobiliser, à la fois par la théorie et par la mobilisation collective, sur le terrain, dans la perspective d'une sorte d'alliance de l'écologie et de l'anticapitalisme.

C'est de ça que parle le livre. Quelle place pour nos désirs dans cette nouvelle société que vous imaginez ? Alors désir-besoin, évidemment, c'est tout un sujet.

Moi, je suis parti des besoins parce que les besoins, c'est ancré en nature. Alors on peut dire que les désirs aussi, mais ce qui m'intéressait dans la notion de besoin, c'est qu'il y a des besoins vitaux qui sont ancrés dans la biologie de notre organisme, mais que le besoin, c'est aussi de la culture, c'est aussi de l'histoire. Le désir, c'est tout un autre chapitre. Il y a toute une théorie critique aujourd'hui qui s'intéresse à la notion de désir et qui est très intéressante. Évidemment, il y a une place pour les désirs dans la société.

soutenable que j'évoque, mais mon point de départ c'est plutôt la notion de besoin. Et parce que j'ai l'impression que la transition écologique c'est peut-être d'abord et avant tout une réflexion sur quels besoins on va continuer à satisfaire et que le besoin on va renoncer à satisfaire parce que ce sont des besoins à la fois aliénants et des besoins qui ne sont pas soutenables sur le plan écologique. Chaque concept vous permet de faire certaines choses et pas d'autres. Chaque concept a des limites et des potentialités.

Et moi j'ai préféré entrer par les besoins parce que ça me semblait propice à une réflexion en matière d'écologie politique. Mais ça doit être conciliable Totalement, j'espère bien Les besoins et les désirs Tout à fait, un livre est toujours partiel Les concepts ont des avantages et des inconvénients On peut parfaitement concilier les concepts de besoins et des désirs Ça suppose un peu de travail Ça ne se fait pas automatiquement parce que les points de départ n'étant pas les mêmes Les approches n'étant pas les mêmes L'histoire de ces concepts n'étant pas les mêmes Ce n'est pas forcément facile Mais ce serait tout un travail Non seulement d'ordre théorique Mais également d'ordre politique Est-ce qu'il faudra à un moment ou à un autre, et on terminera là-dessus, se serrer tous la ceinture, c'est-à-dire se jouer aussi sur ce sentiment de frustration qu'on évoquait tout à l'heure, et se dire que la non-satisfaction de certains besoins peut provoquer une réaction, voire une révolution, celle que vous appelez de vos voeux ? Peut-être, mais ça passera peut-être pas en se serrant la ceinture. Le capitalisme est quand même un système qui a créé de l'abondance, et largement de quoi faire vivre la planète entière. Il faudrait évidemment une réorganisation fondamentale.

Donc je ne pense pas que le problème de nos sociétés soit un problème d'insuffisante abondance, au contraire. Non, ce qu'il faut c'est prendre acte de cette abondance et puis réfléchir collectivement sur quels sont les besoins qu'on va continuer à satisfaire. Et encore une fois, poser cette question, évidemment, ça suppose des processus de mobilisation collective et toute une délibération collective qui n'ira pas de soi. Merci beaucoup à vous, merci Razmig Kecheyan d'avoir été avec nous. Les besoins artificiels, comment sortir du consumérisme, votre nouvel essai vient de paraître.

chez Zone, il sera demain en librairie même pour être plus précis. Un grand merci à toute l'équipe de La Grande Table, Mayanne Escovic et Laura Dutèche-Pérez pour La Grande Table des idées, à Oriane Delacroix et à Henri Leblanc qui ont programmé et préparé La Grande Table Culture à Sophie Marty et François Breus pour la règle très précieuse à la réalisation aujourd'hui c'était Eric Lancien avec Jean Frédérix et à la vidéo Morgane Danan