Alors la semaine dernière, on avait travaillé sur les textes écrits de Raban-Mor et sur le fonctionnement du rapport du texte au manuscrit, de l'image au manuscrit, de l'examètre d'actilique à une représentation spatiale. On avait vu qu'il y avait quelque chose de relativement important. Aujourd'hui on va faire quelque chose sur ce cours-là qui pourrait paraître comme un excursus mais qui m'a paru cependant essentiel. Dans la mesure où les troubadours sont inventeurs de deux choses. D'une part, une virtuosité formelle en langue vernaculaire.
Je sous-titre, la langue vernaculaire, c'est la langue populaire. D'autre part, c'est relativement... relativement anecdotiques. L'histoire veut qu'ils aient inventé l'amour. Alors, on va peut-être nous lancer, évidemment, l'amour existait avant, il était formulé auparavant, mais il est certain que la poésie des troubadours a contribué à mettre en forme toute une thématique, tout un imaginaire sur lequel nous vivons encore.
Je vous donne deux, trois éléments très, très rapides. Je vous rappelle que les troubadours nourriront... Jérôme Pétrarque, qui nourrit les poètes de la Pléiade, qui nourrit à peu près tout ce qu'on a comme idéal de l'amour jusqu'encore aujourd'hui.
Il y a donc une mise en forme de nos inconscients, de nos modèles idéologiques qui remontent au troubadour. D'où la nécessité de travailler sur ces personnes-là, d'autant plus que, assez généralement, dans le cursus de l'étudiant, de l'être moderne, à Rennes, mais aussi ailleurs, en général, on n'entend pas parler des troubadours. troubadours et j'ai le sentiment que c'est quand même un peu dommage.
Alors il y a un certain nombre d'idées reçues que je vais essayer d'éviter, un certain nombre d'idées claires que je vais essayer de mettre en place. Les troubadours, quand ? On évite toutes les choses du genre Georges Brassens, le troubadour des temps modernes.
Là on parle des vrais. Le troubadour c'est 1070-1300 environ. Ça nous met donc du XIe à la fin du XIIIe siècle.
Où ? C'est déjà quelque chose d'important dans le sud de la France. Le sud de la France, ça va être la région globalement où on parle la langue d'Oc.
Alors, une petite carte rapide. Elle arrive, voilà. Voilà les pays où on parle d'Oc. Vous voyez que ça passe quasiment au niveau de Bordeaux, parfois au sud.
Bordeaux est parfois considéré comme un pays de langue d'Oil. Ça monte jusqu'au sud de Lyon et ça monte dans les Alpes. Là, vous avez l'air dans lequel on parle les langues d'oc qui vont être le Poitevin, le Limousin, le Provençal, le Gapensé, l'Occitan, éventuellement le Catalan ou d'autres.
dialecte et si vous reprenez une carte celle là je vais prise dans l'anthologie de martin d'eric et vous trouverez que cette r doc si elle s'étend jusqu'à poitiers va descendre très largement jusqu'au sud de l'espace jusqu'au sud de l'espagne mais bien au delà des pyrénées en fait le domaine des troubadours ça va être l'ensemble du bassin méditerranéen puisqu'on aura des troubadours en italie et même en Sicile. Je le dis, c'est aussi quelque chose d'important, les troubadours auront suffisamment d'impact pour, d'une part, nourrir une certaine idée de la poésie lyrique en langue d'oïl, c'est-à-dire au nord de la France, mais même aussi... en Allemagne.
Quand vous entendez parler des Minnesänger, des chanteurs de Minnes, ce sont des gens qui reprennent la thématique de l'amour courtois. Donc vous avez un mouvement qui prend sa base. le voir entre Poitiers et Limoges, pour faire simple, et qui va avoir une ampleur suffisante pour descendre au milieu de l'Espagne, au sud de l'Italie et au nord de l'Allemagne, en traversant la France. Donc, pas absolument négligeable, on est d'accord. Alors, le problème, une fois qu'on a dit ça, où et quand, reste à savoir ce que c'est exactement qu'un troubadour.
Alors, on va commencer à Saint-Martial-de-Limoges. Limoges, vous voyez, c'est dans le centre, c'est une ville de pays d'oc, dans laquelle vous avez une cathédrale, Saint-Martial, qui a une grande importance à cette époque-là, dans la mesure où c'est autour de Saint-Martial et de l'école de Saint-Martial, au cours du XIe siècle, que se développe une nouvelle technique de chant liturgique à partir du trop. Regardez-le, ce petit mot, le trope, à moins d'avoir étudié Fontanier et Dumarset par cœur, vous ne l'avez pas souvent rencontré.
Qu'est-ce qu'un trope ? Voilà, à la question, j'apporte la réponse. Le trope vient du latin tropus, ce qui vous réconforte, et qui vient lui-même du grec tropos, on le verra plus loin.
Mode, mélodie, ton, chant, façon de s'exprimer. D'où le fait que le trop, on va pouvoir le comprendre comme un ornement aussi bien textuel que musical. D'accord ?
À partir de cela, on va remonter à l'archéologie du trop. Alors imaginez-vous dans les temps obscurs, quasiment ceux de Raban-Mort, du temps où les hordes normandes déferlent sur notre belle Neustrie, et voilà-t-il pas que quelques moines de Jumiège et de Saint-Vendry sont obligés de se réfugier à l'intérieur des Thèbes ? et aller jusqu'au monastère de Saint-Gal. Saint-Gal, c'est dans la partie alémanique de la Suisse, donc c'est assez loin des côtes, comme vous le voyez, et ça permet d'espérer un petit peu de calme. Et voici que Notker, Notker Balbulus, Notker le Bègue, explique qu'il tombe sur cette capacité technique qu'avaient des moines de Jumièges de...
Donnez des astuces mnémotechniques. Alors, je vais vous faire un petit coup de chant grégorien, ça fait toujours plaisir. Vous avez sans doute entendu du chant grégorien. Le principe général du chant grégorien, c'est une syllabe par note.
Ou une note par syllabe. Crédo in unum Deum. Voilà.
Le problème, c'est que ça se gâte quand on se met à chanter des Alléluia ou des Amen ou des Kyrie. Oh, oh, oh, oh, oh, oh, oh, oh, oh, oh, oh. Bon.
Ça, je vous fais la version courte. C'est globalement le credo grégorien qu'on chante encore dans certains rites archéologiques ou quand j'étais petit avant Vatican II. monastiques on a parfois des phrases musicales beaucoup plus importantes et très difficiles à mémoriser d'où l'idée que développe ici notre quai de composer un petit texte ou où sur chacune des notes de cette grande vocalise, on pourrait rajouter une syllabe.
À ce moment-là, le texte se fabrique à partir d'une phrase musicale et permet de la mémoriser. À partir de ce moment-là, voyez ce qui se passe. Chaque texte va donner lieu à des vocalises à un moment ou à un autre. Chaque vocalise, chaque ornementation, pour être plus aisément mémorisable, va donner lieu à un texte. Et ainsi se met en place ce travail du trop, c'est-à-dire de la création, de l'amplification, de la floraison, toujours dans un rapport texte-musique.
À partir de cela, Saint-Martial, à Limoges, l'école de Saint-Martial, développe très largement cette technique. Et on a conservé une trentaine de manuscrits de la bibliothèque de Saint-Martial, manuscrits du XI-XIIe siècle, qui sont des merveilles. Il y en a plusieurs à la Bibliothèque nationale, dans lesquels on voit ces textes musicaux mis en forme.
On appelle ça, à ce moment-là, un tropeur. Alors, attendons, tropère, ça devient intéressant, parce que vous comprenez que le troparium, c'est l'endroit où on fait des tropes. C'est l'endroit où on va resserrer les tropes. Alors, le tropator, c'est celui qui fait des tropes. Musique ou poème ?
En provençal, ça va donner troubadour avec des hauts fermés, troubadour Ce qui fait qu'on écrit troubadour ou on peut écrire troubadour c'est toujours la même façon de prononcer troubadour avec un haut très fermé. Nous y voici. Étymologiquement, le troubadour c'est celui qui compose des textes et de la musique, de la musique et ou des textes. Trop arrêt, ça va donner le verbe trouver. Il est logique à ce moment-là que, au nord de la Loire, en pays d'Oil, le poète qui écrit des textes et éventuellement de la musique s'appelle un trouvère.
Alors déjà, Brassens ne peut pas être un troubadour, puisqu'il est... Il écrit dans une langue d'oil et pas dans la langue d'oc. Alors j'en profite pour signaler deux, trois choses qui généralement m'amènent à élever la voix. Il y a un certain nombre d'idées reçues qui circulent sur le troubadour. Le troubadour est un auteur-compositeur.
Il fait des tropes, on est d'accord ? Il ne fait pas la manche. Ils chantent pas. Très important. Plus important encore, l'image que vous avez eue partout, c'est faux.
On est bien d'accord ? Et dernière chose qui est en général le corollaire des âneries que j'entends à la suite de ça, non plus. Le premier qui me parle du troubadour qui se balade avec sa guitare et qui fait la manche, je l'assassine.
Il faut bien réaliser que là vous avez une série d'à peu près de lieux communs qui sont de véritables catastrophes et qui vous empêchent complètement de comprendre ce qu'a pu être le troubadour au XII-XIIIe siècle. Et j'ai vu des cours d'histoire de la musique donnés par des collègues tout à fait respectables au demeurant qui nous expliquaient que le troubadour allait de château en château. Bah non ! Quelques noms de troubadours. Guillaume IX, duc d'Aquitaine, comte de Poitiers.
Bien. Geoffrey Rudel, comte de Blaye, folk, évêque de Marseille, Richard Coeur de Lion, vous avez entendu parler peut-être, il se battait, il a fait la croisade, il a été prisonnier. Et on pourrait signaler, parmi les gens qui ont composé des chansons en occitan, Frédéric II de Hennstaufen, empereur d'Occident.
Vous croyez que ces gens-là, ils avaient le temps de faire la manche à la terrasse des bistrots ? Vous voyez l'évêque de Marseille en train de promener son chapeau ? Non, ces gens-là, c'était des auteurs, compositeurs, qui composaient de la musique et des poèmes, et qui les confiaient au chant, à la divulgation, à des jongleurs.
Ça n'exclut pas qu'entre eux, éventuellement, ils poussaient la chansonnette, mais ça n'était pas des professionnels du spectacle. D'accord ? Après ça, il existe des jongleurs.
Des jongleurs, c'est-à-dire des intermittents du spectacle, des professionnels du divertissement. Il existe des jongleurs qui sont aussi des troubadours. Il existe des interprètes qui sont aussi auteurs-compositeurs. On fait bien la distinction d'une part entre troubadours et jongleurs ? ce qui est indispensable.
D'autre part, évidemment, entre troubadour au sud, trouvert au nord. Déjà, si vous avez ça à peu près clair, mon cours n'aura pas été tout à fait inutile. Bien, on continue. Maintenant, on va un peu reprendre les questions de musique et vous expliquer ce qui se passe quand même.
Là, vous allez écouter un bout de chant grégorien, un bout d'une lamentation, d'une leçon des ténèbres. C'est la liturgie du vendredi saint. Théoriquement, on vous annonce ça tout de suite. Alors vous vous souvenez du fonctionnement du chant grégorien et surtout des leçons des ténèbres. On a régulièrement une lettre grecque et ensuite le texte.
Pour arrêter là, qu'est-ce que vous avez entendu ? Vous avez bien entendu ce que je vous annonçais, le principe d'une syllabe par note, avec deux temps en temps sur la fin, là c'était la fin du verset, trois notes sur la dernière. syllabes. On a donc quelque chose de très régulier, de très homogène.
On en parlait peut-être avec vous, avec d'autres étudiants, on a rappelé que dans une église romane comme celle que vous avez, le merveilleux Saint-Philibert. de tournus, vous avez des voûtes rondes et une capacité pour le son d'entrer en résonance de façon extrêmement intense. À partir de ce moment-là, il n'est pas possible de faire des mélodies très compliquées, il n'est pas possible de faire une polyphonie, tout simplement parce qu'il reste toujours du son résiduel.
L'intérêt du chant grégorien quand il est bien fait, c'est que justement, à... La note que vous entendez se superpose la note précédente qui résonne encore fortement et la note encore précédente qui s'entend de façon plus légère. Vous avez constamment une harmonie dans le chant grégorien qui est due, je dirais, à la résonance, à l'écho qui se trouve dans l'édifice religieux. Si on l'écoute, je dirais, dans un endroit sans écho, on tue l'essentiel de l'intérêt du grégorien. Alors maintenant, on va écouter un bout.
d'un tropeur de Saint Martial, donc il s'agit d'une petite prose, In violata Maria, et vous allez voir comment ça se passe. Vous allez apercevoir que c'est beaucoup plus riche et complexe. Vous allez vous en apercevoir. Ce qu'on entend ici, vous le voyez très clairement, c'est sur des notes...
longues, des valeurs longues qui ont été rajoutées, ne figurent pas dans le manuscrit, vous avez quelque chose d'extrêmement orné, avec ce qu'on appelle des mélismes, des ornementations très riches. On est, je crois que vous l'entendez très clairement, dans une... une autre culture.
Je précise, bon là on vous a donné un petit exemple manuscrit, on peut en voir quelques pages sur le site de la Bibliothèque Nationale, vous avez la façon dont ces mélodies sont notées. C'est-à-dire ici, avec des notations pneumatiques, vous voyez, tous ces petits points qui sont au-dessus du texte correspondent à des modulations, à des phrases musicales. Alors donc, quelque chose de très riche, de très souple.
de très variés, qui manifestement provient d'une autre tradition que la tradition grégorienne. Ça vient d'une autre tradition parce qu'il semble très clairement que Limoges a subi l'influence arabe. Alors vous vous souvenez vaguement de Poitiers, 735, et de toutes les difficiles relations que l'Occident chrétien a pu entretenir avec l'islam.
L'histoire de Roland-Roncevaux montre qu'on a réussi à repousser les Sarazins, qui sont tantôt des musulmans, tantôt des basques, un peu n'importe qui, mais enfin, pas des gens comme nous, on a réussi à les repousser jusqu'aux Pyrénées. Et pendant du 8e au 12e siècle... Le glacis des Pyrénées, en dessous, ce que les Espagnols appellent la frontière, va être un lieu de bataille, de reconquête lente de la péninsule ibérique par les chrétiens qui s'achèvera à la fin du XVe siècle, mais ça va être aussi un lieu d'échange extraordinaire.
Rodrigue, le fameux site campéador, passe une partie de son temps à être au service de l'émir ou du sultan, etc., pour se battre contre le seigneur chrétien, qui est un petit peu plus injuste, un petit peu plus pillard que l'autre. l'autre. À partir de ce moment-là, il y a effectivement des échanges et ces échanges, ils vont se manifester par l'intérêt pour la musique et par l'intérêt pour la poésie.
Alors, l'intérêt pour la musique, on le retrouve très clairement. Vous avez peut-être entendu parler des nubes. Alors je rappelle l'expression faire la nouba.
Aujourd'hui, vous connaissez tous, vous pratiquez assidûment, c'est faire la fête. Bon, il faut savoir que la nouba, c'est un mot d'origine algérienne, d'Afrique du Nord, qui renvoie à toute une cérémonie... tout un cycle musical qui peut durer plusieurs heures et qui est extrêmement ancien et traditionnel.
Quand on écoute une Nuba arabo-andalouse, on est dans une musique qui se chantait déjà au XIIe, XIIIe siècle. siècle et qui est quelque chose d'extrêmement élaboré. Dans ces structures de Nouba, vous avez des strophes et des poèmes relativement compliqués, donc les Mouvachahat d'une part, et d'autre part, un système strophique relativement complexe.
Je vous en donne un exemple là sur le strophe qui suit. Vous voyez, on a fait une transcription en caractère romain du texte arabe. Ce que vous constatez, c'est un système de rimes A, A, A, B. Et ensuite, on a une rime orpheline qui va fonctionner en refrain. Ça, vous l'avez chez les textes des premiers troubatours.
Mais ce qui m'intéresserait, ce serait qu'on écoute un petit peu ce qui se passe dans une moussa wacha algérienne. Ce que vous constatez, c'est que peut-être ce goût interminable pour le mélisme, c'est-à-dire un texte complètement distendu.... Et en même temps, des ornementations extrêmement savantes, il est constant.
On retrouve dans les tropes de Saint-Martial à peu près la même chose que ce qu'on a dans la Nuba. Alors vous me direz, cette Nuba, non, c'est super algérien. Bon, vous enlevez les instruments de musique, vous enlevez les percussions, vous changez le timbre, qui est un timbre un petit peu nasal correspondant à une esthétique, et vous apercevez qu'on va entendre des choses tout à fait proches.
de ce qu'on a à Saint-Martial de Limoges, comme par exemple cette ancienne Lilium Floruit. Je crois que vous entendez assez clairement qu'on est dans ce type de musique qui est tout à fait... convaincant et si on écoute maintenant d'autres exemples je faisais défiler par derrière des illustrations qu'on a dans des manuscrits de saint martial qui sont intéressantes les manuscrits de saint martial théoriquement ça renvoie à la musique religieuse et qu'on voyait des petits bonshommes qui jonglent, d'autres qui jouent de la harpe, etc.
Ça veut dire qu'il y a vraiment une intrication de la musique religieuse et de la musique profane. Écoutons maintenant la tentative de reconstitution qu'a fait Brice Duisy d'une canto de troubadour de Guillaume Neuf d'Aquitaine, le tout premier. Poste de chantat. Avec sa bielle, vous apercevez qu'on est déjà assez proche, en fait, de l'univers arabe des Noubas.
Voilà, alors ça c'était le premier élément que je voulais vous poser, sur lequel on aurait pu insister davantage si on avait eu le temps, sur le fait que la thématique musicale, vous voyez qu'elle est parente, la thématique textuelle aussi. Il y a une sensualité... dans la musique arabe, il y a une sensualité dans les chansons adjaliques qu'on a pu conserver, qui est tout à fait comparable à celle que l'on aura chez les troubadours.
Mais cette influence arabe ne suffit pas à expliquer proprement tout l'univers des troubadours. Qui a-t-il d'autre ? Je suis désolé de le dire pour ces dames, mais la société dominante au XIIe siècle, au XIe siècle, c'est une société d'hommes.
Et pas n'importe quels hommes, les guerriers. Vous vous souvenez de la distinction traditionnelle entre les guerriers ? les prêtres et les paysans, il est évident que ce sont là les guerriers qui commandent.
Et qui commandent des endroits extrêmement importants, regardons ce qui se passe un peu dans le sud de la France, le château de Kéribus, qui est quand même quelque chose de fabuleux. Vous voyez que si on a oublié le sel, c'est un peu impressionnant. Le château de Montségur.
Désolé, ma photo est en noir et blanc, mais vous voyez quand même l'importance de ces forteresses. Et même si le château de Castel-d'Alemande est un peu moins impressionnant, on est... est quand même dans cet univers militaire. Alors, qui dit militaire, dit société d'hommes.
Société d'hommes jeunes, pleins d'entrains, et effectivement qui sont sans femme. Et qui est la femme dans le château ? La châtelaine et la fille du châtelain. Alors le problème, c'est exactement celui qui se retrouvait il y a encore une vingtaine d'années dans les lycées qui n'étaient pas mixtes, où vous aviez des cohortes d'adolescents boutonneux qui rêvassaient sur la seule fille qu'ils étaient. à peu près capable de voir qui était la fille du proviseur.
Si vous lisez les aventures du grand Duduche, immortalisé par Cabu, vous verrez toute la cristallisation affective qui se fait autour de la fille du proviseur, dont globalement tous les garçons sont... sont éperdument amoureux. Enfin, amoureux, on ne sait pas. Mais c'est en tout cas l'être qui occupe leur pensée.
À partir de ce moment-là, vous voyez qu'il est absolument indispensable à une société de jeunes gens pleins de sèvres de trouver à la fois des éléments de canalisation morale et de sublimation. L'amour courtois, la tradition des troubadours, va permettre de répondre à ces demandes-là. dans la mesure où tout le monde va se mettre à se cristalliser, à fantasmer sur la dame, sachant en plus que le jour où on épouse la dame, elle apporte une dot et on a les terres, et au lieu d'être un cadet de famille sans le sou, on devient un riche propriétaire terrien.
Donc la femme, c'est sur tous les plans, la possession de la femme, c'est la possession d'une puissance, l'accès à une puissance. Et tout cela, ça s'appelle le désir. Alors j'ai été chercher le dictionnaire étymologique parce qu'on oublie toujours ce que signifie le désir. Le désir, c'est ce qui me sépare de l'étoile.
C'est cette distance impossible à combler. Vous connaissez le fameux vers de Ruy Blas, Je suis le ver de terre amoureux d'une étoile Évidemment, cette distance, elle est impossible à combler, et c'est ce que la parole va être chargée de matérialiser. Regardez qu'on est en train de faire un glissement de sens. Il ne s'agit plus de tirer son plaisir d'une femme.
ce qui globalement s'apparente au viol, il s'agit d'essayer de sublimer cette absence de plaisir pour en faire quelque chose de supportable et éventuellement de plaisant. Le désir devient l'espace. qui me sépare de mon assouvissement, espace que j'essaye de meubler, d'arpenter par la musique, par la parole, par le chant, par l'exploit.
La femme est au-dessus de moi, j'essaye de la mériter, d'où le fait que parmi les dimensions des troubadours, il y a toute la dimension du melhurar, M-E-L-H-U-R-A-R, l'idée que l'on doit s'améliorer pour être digne de la dame. Vous voyez qu'on est dans une situation où le désir, tout simplement la pulsion, et on va le dire franchement, le rute, va être réorganisé de façon à améliorer une société, à la civiliser, à la polisser et à l'amener au mieux de ce qu'elle est capable d'offrir. À partir de cela, parallèlement, bizarrement, on voit apparaître la femme, et pas n'importe laquelle, la Vierge. Vous me direz, qu'est-ce qu'elle vient faire là ? Repensez à toutes vos églises romanes, celles dont vous avez le seul...
souvenirs. Je vous parlais de Saint Philibert, Saint Lazare, d'Autun, la Madeleine de Vézelay, Saint Césaire, Saint Cernin de Toulouse. Toutes les églises romanes sont dédiées à des saints et généralement à des évêques fondateurs. À partir du XIIe siècle, on a eu on est en train de découvrir une autre dimension de la religion, qui est la présence de la Vierge, celle que Claude Gilbert Dubois appelle Dieu la fille C'est-à-dire qu'au Dieu juge intransigeant, celui qui apparaît au jugement dernier pour damner les méchants, celui qu'on voit sur le portail de Moissac, sur le portail d'Autun, sur le portail de Vézelay, on va substituer une figure... Celle d'une femme qui m'aime et me comprend, qui a la capacité à prendre en compte les faiblesses humaines, et qui va être une figure de la mère, celle qui nous pardonne, celle qui va avoir ce rôle extrêmement essentiel.
Et vous pourrez remarquer... qu'à partir de la fin du XIIe siècle, la plupart des églises construites et des cathédrales s'appelleront Notre-Dame, Notre-Dame de machin, Notre-Dame de Paris, de Chartres, de Lens, etc. Ça correspond, ça, à... un changement des mentalités, un changement double, si vous voulez, qui fait que aux alentours du XIIe siècle, mettons entre 1050 et 1150-1200, cette bascule se fait de façon radicale.
Là, je vous donne donc la reproduction de la Vierge de Roquiamadour, que je trouve tout à fait extraordinaire et d'une grande modernité, si vous y réfléchissez. Si vous comparez à ce que peuvent être les Vierges romaines auvergnates de cette époque-là, vous voyez qu'on est déjà dans une autre dimension. dynamique.
Du coup, la femme va être non plus une quantité négligeable, ça va être effectivement un interlocuteur et on va voir arriver progressivement une thématique de l'amour courtois. Thématique qui fait que dans toute femme on voit la Vierge, dans la Vierge on voit toutes les femmes, le désir devient à chaque fois une occasion de s'améliorer. Mine de rien, la Bretagne est encore en première ligne, puisque c'est celui qui va divulguer dans l'univers aristocratique cette idée que la femme n'est pas quantité négligeable, ça va être Robert d'Arbricelle, qui est né dans la région de Rennes.
et qui va avoir une carrière de prédicateur tout à fait extraordinaire, tout en étant un petit peu mal vu, parce que rendez-vous compte, les hommes le suivent, mais les femmes aussi. Mon Dieu, que c'est répugnant ! Et les femmes et les hommes vont faire des choses ensemble, paraît-il.
On ne le sait pas. En tout cas, ce qui est intéressant, c'est que, favorablement accueilli par la famille des Plantagenets, Robert d'Arbricelle pourra fonder la première abbaye de femmes, l'abbaye de Fontevraud. qui sera l'abbaye royale des Plantagenets, celle où seront enterrés, au hasard, Aliénor d'Aquitaine et Richard Coeur de Lion.
Alors Richard Coeur de Lion, qui compose des cansos de Troubadour, et Aliénor d'Aquitaine, qui est l'arrière-petite-fille du premier Troubadour, Guillaume IX. C'est pas tout à fait négligeable. Arrivons à Guillaume IX. Alors, vous avez un portrait de Guillaume IX, là. Il y a un certain nombre de manuscrits qui nous conservent des vidas, à savoir des récits biographiques plus ou moins inventés.
Et sur certains manuscrits, on a les images. les portraits de ces seigneurs et de ces poètes. Guillaume IX, c'est assez extraordinaire.
C'est un grand seigneur, il le disait. Comte de Poitiers, duc d'Aquitaine. Et on nous le présente au départ comme un grand trichador des donnas. Un grand trompeur de femmes. Et il a des textes tout à fait admirables sur la façon dont il se fait passer pour muet, et qu'il arrive ainsi dans un château où se trouvent trois jeunes femmes, trois sœurs très belles et très vertueuses, qui se demandent, est-il bien ?
Bien muet, ce garçon. Il est bien fait, mais est-il bien muet ? Alors, elles vont faire un test pas tout à fait sympathique, lui prendre un chat sauvage et le lui passer dans le dos, toutes griffes acérées, et le jeune homme est tellement muet qu'il ne dit rien. Moyennant quoi, les trois dames sont rassurées et vont pouvoir tirer de lui tout le plaisir dont elles sont frustrées depuis si longtemps. Vous voyez qu'on est tout à fait dans l'amour courtois.
Au bout de quinze jours de ce régime plein d'entrain, Guillaume IX raconte qu'il rentre chez lui et se met à raconter l'histoire. On est dans l'histoire du Trichador d'Édouard Moutins. Vous avez une autre canceau de Guillaume IX qui raconte qu'il a deux beaux chevaux, deux belles juments, une blanche qui bat l'amble, etc., une noire qui cavale, etc. Et il fait une description enthousiaste.
de ces deux chevaux en se tournant vers le public et en disant, dites, lequel dois-je préférer ? Laquelle de ces montures dois-je préférer, de dame machin ou de dame arsène ? C'est-à-dire de mes deux maîtresses que j'ai représentées sous la figure de juments et de cavales enthousiastes. J'aime bien ce genre de truc parce que ça casse l'ambiance, manifestement. Vous demandez un peu où vous êtes.
L'amour courtois, ce n'est pas quelque chose qui sort comme ça. C'est, au départ, quelque chose qui va être fabriqué à partir de textes, on va le dire gentiment, plein de sèvres. Guillaume IX, c'est le premier des troubadours. Plus exactement, c'est le premier troubadour dont les œuvres nous soient conservées. Comme il était comte de Poitiers et duc d'Aquitaine, il a effectué...
Il y a effectivement toute raison pour qu'on conserve ses œuvres. Il y en avait sans doute avant. Mais c'est à partir de lui que les choses vont se mettre en place. Mais si vous regardez ce texte, dont on va peut-être pouvoir écouter un petit peu la façon dont Brice Duisy le chante en arrière-plan, si vous écoutez ce texte, qu'est-ce qu'il dit ? Je vais faire un vers, un poème, de pur néant.
Il ne sera ni sur moi, ni sur les autres. Il ne parlera pas d'amour, ni de jeunesse. ni de rien d'autre, car je l'ai inventé, je l'ai fabriqué en dormant sur mon cheval. Je ne sais pas quand je suis né, je ne sais pas si je suis heureux ou malheureux, si je suis étrange, étranger ou intime, je ne sais pas, et j'ai été enchanté de nuit sur une haute montagne. Et le texte continue.
Je ne sais si je me suis endormi ou si je veille, et je ne sais pas si je suis heureux ou malheureux. La suite du texte. J'ai une amie, je ne sais pas qui c'est, je ne l'ai jamais vue, je ne l'ai jamais fait, et je ne sais pas si ça me plaît ou si ça me déplaît, je m'en fiche. En tout cas, elle n'est ni normande ni française et elle n'est pas chez moi.
Alors, je suis amoureux d'une femme, vous entendez, dont je ne sais pas si elle existe. Je ne l'ai jamais vue et je l'aime. Et elle ne me rend ni tort ni raison.
Quand je ne la vois pas, je m'en porte très bien, je m'en fiche. Mais je n'en sais pas de plus belle et de plus noble et qui vaille davantage. Je ne sais pas où elle est.
si elle est dans une montagne ou dans une plaine. Voilà. Et après, on termine par J'ai fait le verre, je ne sais pas de qui. Et je l'envoie à celui qui l'emmènera plus loin, vers Poitiers, et qui le transmette, la contre-clé.
Alors si vous regardez notre texte, il fonctionne très exactement comme une sorte de petit coffre hermétique où on commence à nous parler d'amour en disant très bien, et c'est ça qui me paraît important, Je suis amoureux d'une femme dont je ne sais absolument pas si elle existe ou non, et à la limite je m'en fiche. Et malgré tout, il y a peut-être une clé à tout cela. Alors, ça vous amène peut-être, si vous repensez à l'histoire, à re-réfléchir un petit peu à la façon dont s'organise la poésie lyrique jusqu'au XVIe siècle.
Quand Ronsard est amoureux d'Hélène, de Cassandre ou de Marie, Marie, Hélène ou Cassandre, Cassandre n'ont d'intérêt que dans la mesure où elles servent de déclencheurs poétiques. Ce ne sont pas des dames dont il est éperdument amoureux. Il l'est peut-être, mais ce qui importe, c'est de manifester l'absence qui les sépare. par cette poésie.
Ici, le premier texte que l'on est, enfin, un des textes qu'on a du premier troubadour, revient très exactement à dire Je parle d'une femme dont je ne sais pas si elle existe. Et à vous de vous débrouiller, savoir s'il y a une clé, s'il y a une contre-clé, on s'en fiche. Ce qui compte, c'est que j'ai fait une verse des Dreithnien, et j'ai réussi, en dormant, à vous mettre dans un état un petit peu différent.
J'aime bien ce texte de Guillaume IX parce qu'il met dans une certaine perspective. Et la deuxième chose que l'on croit souvent, c'est l'idée du troubadour. Alors ça, on doit ça non pas à Brassens, mais à Viollet-le-Duc, à Victor Hugo. Le troubadour au genou de sa... dame en train de lui compter fleurette.
J'ai l'impression qu'on a tous vu cette image-là dans des adorables petites gravures 19e. Le troubadour est-il sincère ? Alors ça, il y a toute une rhétorique.
Et la rhétorique, elle travaille dès le XIIe siècle. Est-ce qu'on peut écrire de vraies et belles chansons d'amour si on est amoureux ou si on n'est pas amoureux ? Et alors, celui qui écrit des chansons d'amour s'il n'est pas amoureux, c'est pas un bon amant, et puis c'est pas des bonnes chansons. Mais, je veux dire, quand vous êtes complètement amoureux, heureux de surcroît, vous avez généralement autre chose à faire que de composer de sublimes chansons d'amour.
Je pense là encore à Brassens et à sa façon de faire le blason du con et de dire qu'il y a d'autres façons de lui rendre hommage et que je les connais. Là, on est dans une dynamique où la question va être celle de jouer la sincérité. Il faut que le poète, à froid, soit capable de se remémorer ses émois amoureux pour les transcrire avec la plus grande vraisemblance, le plus grand métier, s'appuyant non pas sur une sincérité immédiate, mais sur une sincérité, je dirais, mémorielle.
Alors, une belle histoire quand même, parce qu'il en faut une. L'exemple de Geoffrey Rudel. Vous avez entendu parler de Geoffrey Rudel. L'histoire en est touchante et lamentable. Il a écrit une très très belle cansu qui est L'encan de les jaunes sont l'encan de mai.
Quand les jours sont longs en mai, j'ai beaucoup de plaisir à entendre le chant des oiseaux au loin. Et quand je suis parti de là, je me rappelle un amour de loin. Et je vais malheureux en bronx et glisse, etc. Et rien, ni les champs, ni les fleurs d'aubépine ne me plaisent pas plus que l'hiver gelé.
Voilà. Ce qu'invente Geoffrey Rudel dans ce texte, c'est l'amour de loin, l'amour de l'homme. Et qu'est-ce qu'il dit tout simplement ?
Qu'un jour il verra cet amour de long, vous l'avez dans la deuxième strophe. Mais pour un bien qui m'arrivera, j'en aurai deux souffrances, car elle est très loin. Ah si, je pouvais être un pèlerin de façon à arriver jusque chez elle et de voir ses beaux yeux et d'être vu par elle.
Et le texte continue. Ah, qu'est-ce que je serais heureux quand je la verrais et je lui demanderais pour l'amour de Dieu, l'amour de loin. Et s'il lui plaît, je me logerais près d'elle, même si je suis de loin.
Alors ce sera de belles paroles quand nous devrons nous séparer. Et le texte continue. Ira te gausens man parrei, je m'en irai à la fois souffrant et heureux de l'avoir vue. Voilà une belle Kansu qui se continue, je crois encore sur Delès. Jamais d'amour je ne jouirai si je ne jouis de cet amour lointain, car je n'en connais pas de plus noble ni de meilleur, et je n'en vois d'autre en nulle part, ni de loin ni de près.
Donc voilà l'histoire de Geoffrey Rudel. Et cette canceau, elle est tellement belle, elle marque tellement les poètes et les troubadours qu'ils ont décidé de raconter la vie de Geoffrey Rudel. Il en est tellement amoureux qu'il décide d'une part de composer des bons poèmes, bonne mélodie, à pauvre maudit, avec des paroles simples. Et il va l'avoir regardé comme l'histoire est touchante. Ils se croisent et se mit en mer.
Malheureusement, il tombe à... Voilà d'abord, il fut transporté dans une auberge de Tripoli comme un mort. Et ceci fut dit à la comtesse. Et elle vint vers lui auprès de son lit, elle le prit dans ses bras.
Il sut que c'était la comtesse et tout à coup, il recouvra la vue et le woui. Et il remercia Dieu. Dieu de l'avoir maintenu en vie jusqu'à ce qu'il l'eût vu, et ainsi il mourut dans les bras de la comtesse.
Ce n'est pas beau, ça ? Alors, on n'a aucune idée, on sait que Geoffrey Rudel était bien comte de Blaye, on sait vaguement qu'il s'est croisé, on ne sait pas s'il est mort dans les bras de la comtesse de Tripoli. Mais si vous regardez la bide qui est racontée, ce n'est rien d'autre que l'extrapolation de la consul, Long can't lead you on son long and may l'extrapolation, la mise en œuvre de ce que peut être l'amour de loin.
Je suis amoureux d'une dame que je n'ai jamais vue. Je vais la voir et j'ai le bonheur de mourir entre ses bras et juste d'avoir les yeux qui se décilent au dernier moment, au moment ultime. Ça, ça c'est l'amour.
Et voilà comment se mettent en place des icônes, des éléments mémoriels extrêmement importants. Voilà pourquoi notre troubadour, il est toujours en train de surenchérir sur la sincérité, sur la vérité de ses sentiments. Mais cette sincérité, c'est ce que vous aurez très très souvent. J'aimerais juste vous signaler que les choses ne sont pas si simples. J'ai repris la quelques petites phrases de Paul Zumthor, un grand critique à lire de toute façon, je vous renvoie à son essai.
de politique médiévale, Paul Zumthor dans l'Universaliste donne une petite définition très claire des trois niveaux de Trobar. Et on commence par le plus simple, le Trobar leu, leu ou leu, simple et dépourvu de figure, je raconte les choses. Et c'est effectivement ce que fait Joffrey-Rudel sur des mélodies simples, et à part ce concept d'amour de langue, qui est peut-être un petit peu difficile, tout se comprend de façon très très claire.
simple. On n'a pas l'impression qu'il y ait une difficulté extrême. Ce sont les troubadours qui sont à la fois les plus touchants et parfois un petit peu les plus fragiles. On a parfois l'impression d'une mièvreté, d'une mièvrerie, pardon, quand on écoute certaines cants de sous. Mais il y a d'autres choses et le trobarléo n'est qu'une des catégories du trobar.
Vous avez aussi le trois-barres-rec, une façon de trouver où on va travailler sur des sonorités. Et là, je vous ai mis quand même un petit portrait, toujours dans les vides, d'Arnaud Daniel. Et Arnaud Daniel, il est considéré comme un artiste qui a fait de la musique, comme le plus grand et le meilleur des troubadours.
Quand vous lisez l'œuvre de Dante, vous voyez Arnaud Daniel dans les enfers, parce qu'il a fait de trop belles poésies sur certains points, et vous le voyez cité très régulièrement dans le De vulgari e gloquentia, toujours du même Dante, où on le considère comme le modèle absolu. Pour vous donner un exemple rapide de la poésie d'Arnaud Daniel, ce texte-là, qui ne vous paraît pas si compliqué que ça, mais... Laura Mara, Fasboeuf, Brancoux, Clarsier Quelle douce espèce a-t-elle fait ? frêlia est l'ex-bêche, elle auselle ramène, débarque cette mue, parce et non parce, parce que mes forces pour faire de l'irplaceur ramènent par l'oeil, qui m'avéra d'sbattout, dont aime mourir, si l'enfance ne m'assomme.
Alors, regardez un peu un petit peu le texte, vous apercevez qu'il y a des systèmes d'écho de rimes extrêmement complexes. Vous le voyez. On a ainsi une strophe très élaborée, mais cette strophe très élaborée peut se résumer, peut se ramener à une série d'alternances de décasyllabes et d'octosyllabes.
On se retrouve avec un texte qui peut, d'une certaine façon, se composer et se décomposer. Et en plus, je reprends la citation de Marlène Derriquet qui est en dessous, on a aussi On a une expression très complexe, ce qui fait qu'il y a des choses à chercher, il y a du sens à chercher, il y a une complexité formelle extrêmement élaborée à mettre en place. Ça, c'est l'exemple du travail rique.
Arnaud Daniel sera... l'inventeur, entre autres, de la sextine, dont je vous parlerai non pas la semaine prochaine, mais dans 15 jours, ou après les vacances, je ne sais plus, ce qui est une forme extrêmement riche et qui aura toute une série de conséquences. Dernier trobar, celui qui va m'intéresser évidemment, c'est le trobar clous. Le trobar clou, hermétique. Celui qui réclame une clé, d'une certaine façon.
L'obscurité des métaphores, clôture du sens, là c'est la formule de Zumthor. Et on considère qu'il s'agit d'un art consistant à la simultanéité des jeux d'opposition et d'un mouvement d'intégration des contraires. On va avoir pour cela l'exemple absolu qui sera celui de Rimbaud d'Orange, sur lequel on travaillera la semaine prochaine.
Une petite parenthèse toutefois sur... ce que peut représenter le trobarclous. À partir du moment où un texte est complexe, voire difficile, se multiplient, se démultiplient les lectures ésotériques. Depuis à peu près une centaine d'années, on a traditionnellement le discours selon lequel les troubadours, oh là là, c'est beaucoup plus compliqué que ce qu'on veut croire.
D'ailleurs, il y a des secrets cathares. Il y a quasiment la clé du trésor caché de Montségur à l'intérieur des poésies des troubadours. Et en fin de compte, quand il chante la Vierge, il chante la déesse, machin, etc.
Alors, s'il vous plaît, on se calme. sur les troubadours relève en général de l'illumination, un peu, je dirais, ce qu'on appellerait le syndrome d'Avintchekoud. Ça fait 50 ans, 100 ans qu'on a des grands canards, des grands canulars qui tournent comme ça et que les gens prennent souvent au sérieux, ou pas tout à fait au sérieux.
Si on regarde les textes des troubadours, ils nous parlent d'amour, ils nous parlent de politique, ils peuvent avoir éventuellement une influence catharde dans les mesures où... Il y a une exaltation de la femme plus pure que ceci ou cela, mais comme on ne sait plus rien des cathares et du détail de la tradition cathare, comme on ne sait pas grand-chose des conditions d'énonciation du texte, quand on commence à raconter des histoires, en général, on se fait plaisir et on dit n'importe quoi. J'insiste sur cette donnée-là.
On peut lire les textes. J'ai entendu il y a une dizaine d'années une analyse qui avait été, elle, un petit peu plus intéressante, qui montrait que certains textes... pouvait être recompris dans des perspectives alchimiques.
Mais alors, attention, ça nous mettait en Provence, au milieu du XIIIe siècle, dans des milieux judéo-contadins, au moment où l'alchimie et la Kabbal émergent des communautés juives et peuvent éventuellement avoir une influence. Il y avait un très bel article sur une Kansu qui commence par Alunel lutsu alunalutens Alunel, lui, une lune luisante Et à ce moment-là, ça pouvait être considéré comme éventuellement un écho d'incidence aux alchimies. C'est la seule démonstration convaincante que j'ai eue. Il se peut qu'il y en ait d'autres, mais je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup.
Alors, le Trobarclous, il se contente d'être un peu opaque, mais il n'est pas forcément hermétique. Vous ne trouverez pas le secret des Templiers. Et on va vous donner donc cet exemple d'une canceau de Troubadour.
La traduction doit vous aider complètement. Maintenant, on va se demander, le fleurin vert, sur les écueils tranchants et les tertres, qu'elle fait. fleur, neige, gel, gelée blanche qui cuit et tourmente étrange, etc. Bon, ce texte-là, on est d'accord, il ne saute pas aux yeux, on ne va pas dire que c'est du trop barreleux, et je ne vais pas vous raconter l'histoire d'un rainbow d'orange qui tombe dans les bras de la comtesse de Dix, comme l'a fait Geoffrey Rudel.
Par contre, je pense que ce texte a un sens, et, si vous en êtes d'accord, c'est ce que nous verrons la prochaine fois, la suite au prochain numéro.