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Analyse sur le pétrole et ses enjeux

Bonjour à tous et bienvenue dans cet épisode de mise au point où on va parler du pétrole et du pic pétrolier. Le pétrole veut littéralement dire huile de roche. C'est une huile minérale composée d'une multitude de composés organiques piégés dans des formations géologiques particulières. Il est essentiellement composé d'hydrocarbures, c'est-à-dire de molécules organiques exclusivement composées de carbone et d'hydrogène.

S'ajoutent à cela d'autres éléments comme le soufre, l'oxygène et un certain nombre de métaux. Le pétrole est la matière première de la pétrochimie dont sont issus plastique, textile et caoutchouc synthétique, détergent, adhésif, engrais, cosmétique, huile, bitume, etc. Ces utilisations non énergétiques du pétrole comptent pour environ 15% de la consommation de pétrole et on ne peut pas nier l'importance de ces matériaux pour nos sociétés. Et tout le reste c'est l'essence, c'est ça ? Tout le reste c'est l'énergie pour être plus précis.

Le pétrole et les ressources fossiles en général ont été avant tout une énorme opportunité pour l'humanité. Tout le monde ne s'en rend pas compte, mais si on a un tel niveau de vie aujourd'hui, c'est avant tout parce qu'on a eu accès à cette énorme réserve d'énergie. L'énergie, c'est ce qui permet tout. Produire un mouvement, de la chaleur, de la lumière, c'est souvent un peu oublié par les économistes, pourtant c'est une notion centrale.

Aujourd'hui, la majeure partie de la production est effectuée par des machines. Dans nos sociétés modernes, l'essentiel du travail physique est effectué par des machines. Sans cette énergie, notre niveau de production, et donc notre niveau de vie, s'effondrerait très rapidement. Et ce qui est considéré comme parfaitement normal aujourd'hui, avoir une voiture individuelle, prendre l'avion, chauffer à 22°C, deviendrait assez extraordinaire. En 2014, si on regarde l'ensemble de l'énergie consommée par l'humanité, les énergies fossiles comptent pour plus de 80% et le pétrole tout seul pour 31%.

Le pétrole, contrairement au charbon par exemple, ne sert que très peu à produire de l'électricité. Par contre, les deux tiers des produits pétroliers sont consommés par le secteur des transports où ils couvrent près de 90% des besoins en énergie. Ce qui n'est pas utilisé pour la pétrochimie et le transport est utilisé par le chauffage et l'industrie.

Mais attends, du coup je me demande, pourquoi autant pour les transports ? Parce que le pétrole et ses dérivés ont des propriétés incroyables. Et je dois insister un petit peu là-dessus. Un litre de gasoil peut déplacer un camion de 40 tonnes sur 3 kilomètres. Alors qu'un litre de gasoil coûte moins cher qu'une tasse de café.

On est tellement habitué à avoir accès à une énergie pas chère qu'on ne s'en rend même plus compte. Mais imaginez un instant combien il faudrait d'hommes ou même de chevaux pour déplacer un camion de 40 tonnes sur 3 km. Le caractère extraordinaire du pétrole vient de la densité d'énergie qu'il contient. Pour une même masse, l'énergie contenue dans l'essence est 50 fois plus importante que celle contenue dans une batterie de téléphone portable. Cela peut paraître anecdotique mais c'est ce qui explique l'intérêt du pétrole dans les transports où une grande densité énergétique est une nécessité absolue.

Ok, remplacer le pétrole dans les transports ça va être chaud. Mais pourquoi on aurait besoin de le remplacer ? Eh bien, tu sais sûrement que le pétrole est une ressource non renouvelable.

Le pétrole se forme à partir d'organismes vivants, algues, planctons, végétaux continentaux, etc. Ces matières organiques se sont déposées au cours des dernières centaines de millions d'années et on va les consommer en quelques siècles. Donc on consomme les ressources fossiles un million de fois plus vite qu'elles ne se forment.

Comme pour le phosphore de la dernière vidéo, on peut considérer qu'à notre échelle de temps, il n'y a pas de formation et on a donc une ressource non renouvelable, un stock fini et donc épuisable. Mais attends, si on exploite une ressource non renouvelable, on va forcément passer par un pic de production, non ? C'est pas ce qu'on avait vu la dernière fois ?

Si, c'est exactement cela et on l'observe déjà. Si on regarde certaines régions ou gisements, on peut déjà voir des pics de production comme sur ces trois champs pétroliers de la mer du Nord qui produisent de moins en moins de pétrole chaque année. Ok, je vois le genre, mais c'est pas très grave d'épuiser un champ de pétrole s'il y en a d'autres derrière. Exactement, et c'est le pic de la production au niveau mondial qu'on appelle le pic pétrolier.

L'existence d'un tel pic est une évidence mathématique qui découle directement de l'exploitation d'une ressource finie et non renouvelable. Le passage un jour ou l'autre par un pic de la production pétrolière est inévitable. Et du coup ce pic c'est pour quand ? Et ça c'est la question qui vaut des milliards de dollars. Et ce n'est même pas une image quand on sait l'importance du pétrole pour l'économie mondiale.

On peut commencer par la vision qu'en donnent des professionnels du secteur comme BP, une des plus grosses entreprises du pétrole avec un chiffre d'affaires de 375 milliards de dollars. BP commence par estimer les réserves mondiales prouvées, c'est-à-dire les réserves estimées récupérables avec une bonne certitude dans les conditions techniques et économiques existantes. Ensuite, Ensuite, en divisant ses réserves par la production en 2015, BP estime que l'on a encore 50 années de production au rythme de 2015. Sur ce graphique, on voit la production annuelle et la production cumulée en fonction des années avec évidemment deux échelles différentes. L'unité utilisé pour le pétrole et qu'on va donc être obligé d'utiliser est le baril. Un baril c'est 159 litres.

C'est donc une unité de volume et en aucun cas d'énergie. Et c'est très important de le savoir. 50 ans ? Mais c'est pendant longtemps, on est tranquille.

En plus cette durée augmente parce qu'on découvre de plus en plus de pétrole. En fait ces réserves prouvées sont de l'ordre de grandeur de tout ce qui a été consommé jusqu'ici. Et là on parle de réserves jugées techniquement extractibles et économiquement rentables.

Il y en a encore plus dans le sol dont une partie peut devenir rentable si les prix augmentent. Mais avant de regarder ce qu'il y a dans le sol, il faut expliquer un peu les différents types de pétrole. Il y a plusieurs types de pétrole.

Pourquoi est-ce que ça ne peut jamais être simple ? Non seulement il y a différents types, mais c'est important pour la suite. Penchons-nous sur la façon dont le pétrole se forme.

En mourant, les animaux et végétaux qui vont former les ressources fossiles vont rejoindre des couches sédimentaires majoritairement minérales. où il constitue une petite fraction de matière organique, environ 1%. Cette partie organique va être transformée par des bactéries et former ce qu'on appelle du kérogène. Ce kérogène n'a rien à voir avec le kérosène. C'est l'intermédiaire entre la substance organique et les ressources fossiles, charbon, pétrole et gaz.

Avec la tectonique des plaques, le kérogène va s'enfoncer dans le sol et va donc être exposé à une pression et à une température plus élevée. Les bouts de sédimentation se solidifient d'abord en une roche poreuse. Ensuite, la décomposition thermique du kérogène extrait l'eau et le CO2. Enfin, avec l'augmentation de la température, le kérogène se met à produire des hydrocarbures.

Plus la roche est chaude, plus la pyrolyse est intense et plus la fraction de gaz est importante. Avec cette transformation, la pression augmente dans les ports de la roche qui finissent par casser. La fraction liquide et la fraction gazeuse peuvent alors s'échapper.

A cause de la pression plus forte en profondeur, ils vont remonter vers la surface. Parfois, Il rencontre une couche imperméable et s'accumule en dessous en formant un réservoir. Et c'est de là que provient tout le pétrole ?

En fait, l'étiquette pétrole couvre une réalité assez large. On a d'abord ce qu'on appelle le pétrole conventionnel. Dedans, il y a le pétrole brut.

C'est le pétrole le plus facile à récupérer et le plus rentable. Il est liquide dans le réservoir et il reste liquide en en sortant. Il suffit de percer la couche imperméable au-dessus d'un réservoir et il sort tout seul.

Au moins au début. Ensuite, il y a ce qu'on appelle le condensat. C'est une fraction gazeuse d'un gisement qui se condense en refroidissant à la surface. C'est une fraction plus légère qui est souvent mélangée au pétrole brut et c'est pour cela que beaucoup de sources ne différencient pas les deux. Enfin, le pétrole conventionnel comprend les plus grosses molécules obtenues lors de l'extraction du gaz naturel.

Elles sont sous forme de gaz dans leurs réservoirs mais peuvent être liquéfiées. C'est ce qu'on appelle le gaz de pétrole liquéfié ou GPL. En gros, la différence se fait là-dessus.

Le charbon est solide, le pétrole est liquide. Et le gaz, bah c'est du gaz. Ok, du coup je suppose qu'il y a un pétrole non conventionnel ? Oui, et tu en as sûrement déjà entendu parler. Il y a le pétrole extra lourd qui est très dense et donc plus difficile à extraire que le pétrole conventionnel.

Il y a aussi les sables bitumineux comme ceux de l'Alberta au Canada. En gros, c'est du pétrole qui est remonté jusqu'à la surface et s'est mélangé avec du sable, de l'eau et de la terre. Ce vieux pétrole a été partiellement décomposé et il ne reste donc que les fractions les plus lourdes, les bitumes.

Il y a également le pétrole de schiste contenu dans une roche imperméable qu'il faut fracturer pour pouvoir extraire le précieux liquide. C'est le fameux procédé de fracturation hydraulique. Enfin, on peut également exploiter le kérogène, autrement dit la roche encore immature qui n'a pas encore eu le temps de former du pétrole.

Tout cela, c'est ce qu'on appelle le pétrole non conventionnel. Mais si on a tous ces différents types, ça nous fait plein de pétrole à exploiter. C'est une excellente nouvelle !

Effectivement, si on considère les ressources techniquement récupérables sans considérer les coûts. on a devant nous des milliers de milliards de barils de pétrole sous différentes formes. Ces ressources récupérables contiennent plusieurs fois tout ce qui a été consommé jusqu'ici. Ah mais on est super large en fait ! Pouf !

C'est trop cool ! Tu sais, je comprends ce que tu fais sur ta chaîne, de montrer des choses qui vont pas et ce qu'on pourrait faire. Et je respecte ça. Mais avoue que quand il y a un sujet où il n'y a pas de problème, c'est quand même vachement plus cool. Le pic pétrolier, C'est pour dans longtemps !

Bon, maintenant qu'on a raconté cette belle histoire, il est temps d'apporter des éléments critiques. Je suis conscient que c'est la vision de certaines personnes, mais il y a des gros défauts dans cette analyse. Et on va essayer d'y remédier.

Oh non ! Pourquoi tu m'as fait ça ? Après plusieurs tentatives, j'ai trouvé que c'était la meilleure façon de présenter les choses. Pour être honnête, c'est une des vidéos les plus longues, et c'est sûrement le sujet sur lequel j'ai le plus galéré. Euh...

Ok, cool. Euh... Tu veux un cookie ?

Non non ! J'essaie juste de t'expliquer qu'estimer le pic pétrolier est très difficile parce qu'il y a des facteurs économiques, techniques et politiques... Très important.

De nombreux pays ou entreprises ont des raisons de mentir, voire de se mentir, sur les différents paramètres en jeu. Et même si tout était transparent, il y a d'importants inconnus. Beaucoup d'analystes et surtout de scientifiques ont une vision très différente de celle qu'on a exposée jusqu'ici. Je comprends, je comprends. Allez, vas-y, je t'écoute.

On va commencer par modifier un petit peu le message sur l'augmentation des réserves. L'augmentation des réserves n'est pas nécessairement liée à la découverte d'un nouveau gisement. Beaucoup de champs...

déjà découvertes sont réévaluées soit parce qu'ils sont plus vastes que prévu, soit parce que des évolutions économiques ou techniques permettent d'en sortir davantage de pétrole. Pour prendre cela en compte, on peut tracer les découvertes au fil du temps en attribuant cette réévaluation au moment de la découverte du gisement correspondant. Quand on fait cela, on se rend compte qu'une grande partie du pétrole a été découvert il y a longtemps.

Les nouvelles découvertes sont de moins en moins nombreuses et de plus en plus petites. Dans les années 60, quand on consommait un baril, on en trouvait 6 autres. Aujourd'hui, malgré l'évolution des technologies, on ne trouve qu'un baril tous les 7 consommés. Quand on regarde les champs ou les régions qui ont déjà franchi leur pic, on se rend compte qu'il y a une différence de plusieurs décennies entre le pic de découverte et le pic de production.

En tout cas, les grandes découvertes de pétrole sont très probablement derrière nous. Non, tu ne m'as toujours pas convaincu. Ça peut paraître un peu froid, mais si ce problème on en a pour 50 ans, honnêtement. C'est pas le mien.

Attends, il est encore un peu tôt pour conclure. Première notion importante, le taux de retour énergétique ou TRE. C'est simple, on ne crée jamais de l'énergie.

On extrait de l'énergie de l'environnement ou on la transforme. Or, pour récupérer l'énergie, on doit en investir. Pour le pétrole, il faut creuser le puits, raffiner ce qui en sort et mettre en place des infrastructures de transport. Et il a fallu de l'énergie pour tout cela. Le taux de retour énergétique, c'est le ratio de l'énergie utilisable rapporté à la quantité d'énergie investie.

Par exemple, si un puits a un TRE de 20, cela veut dire que j'ai consommé 1 baril de pétrole pour en produire 20. Et donc, un TRE de 10, ça veut dire quoi ? Bah ça veut dire que j'ai besoin d'un baril pour en produire 10. Tu me prends pour un débile ou quoi ? C'est deux fois moins bien qu'un TRE de 20. Oui et non. ce n'est qu'à moitié vrai. Un TRE de 10 c'est 2 fois moins que 20 mais pas 2 fois moins bien.

Avec 20 on utilise 5% de l'énergie pour extraire 95% qui pourra être utilisé par nos sociétés. Avec un TRE de 10 on ne récupère plus que 90% parce qu'on en consomme 10%. Donc pas 2 fois moins. Honnêtement, avoir un TRE de 20 ou 40 ne change pas grand chose. Par contre, en dessous de 10, les choses se compliquent.

Avec un TRE de 5, on ne récupère plus que 80% de l'énergie disponible. Mais avec 2, on n'a plus que la moitié. Si le TRE est inférieur à 1, on perd de l'énergie.

Cela n'a donc strictement aucun intérêt. Ok, ça je saisis, mais j'ai du mal à voir où tu veux en venir. Le problème c'est que plus on exploite et moins les gisements sont rentables d'un point de vue énergétique. On s'intéresse d'abord aux gisements les plus rentables économiquement et énergétiquement.

Il suffit de percer pour que le pétrole jaillisse. Au fur et à mesure qu'on les épuise, on doit déployer plus d'efforts pour récupérer le pétrole qui reste ou aller en chercher dans des conditions moins idéales, plus loin, plus profond, en mer ou dans des régions inhospitalières. Donc logiquement le TRE devrait diminuer au fur et à mesure de l'exploitation. Exactement ! Et on le voit déjà.

Les premiers puits pétroliers avaient un TRE de 100. En 90, il est tombé à 35 et maintenant on est quelque part entre 10 et 20. Les sables bitumineux sont à moins de 4 et les pétroles de schiste autour de 5. Mais beaucoup de projections sont faites en négligeant complètement ce point, ce qui est un gros souci méthodologique. On ne peut pas faire des projections à TRE constant si on sait que celui-ci décroît en dessous de 10. Cela affecte aussi les réserves et en particulier celles des pétroles non conventionnels. Par exemple pour le kérogène, il faut extraire la roche, il faut la broyer et la chauffer à plus de 500°C avant d'en tirer du pétrole.

Ce procédé est tellement énergivore qu'il a probablement un TRE de moins de 1. Autrement dit, même sans considérer les aspects économiques, pour des raisons purement physiques, 20% des ressources récupérables dont on a parlé avant ne nous apporteront aucune énergie et ne seront donc probablement jamais exploitées. Ça me pose un problème. Si ce qui nous intéresse c'est l'énergie, Pourquoi on ne regarde pas les ressources et les réserves en termes d'énergie ? Excellente question ! C'est le problème avec cette figure et avec beaucoup de chiffres que l'on trouve sur le sujet.

On regarde tout en termes de barils et pas en fonction de l'énergie finalement apportée à la société. Par exemple, le gaz de pétrole liquéfié ou GPL contient 3 fois moins d'énergie par volume que le pétrole brut. En fait, le pétrole est un bel exemple de la loi des rendements décroissants. La fraction restante devient de moins en moins intéressante, aussi bien économiquement qu'énergétiquement.

au fur et à mesure de son exploitation. Mais attends, si c'est une nouvelle génération, Les gisements sont moins rentables énergétiquement et économiquement. Cela veut dire que c'est plus cher à produire, non ? Ah oui, faire une plateforme offshore requiert plus d'investissement que de fourrer un trou dans le sol pour atteindre un réservoir qui aura eu le bon goût de ne pas être trop profond.

Un gisement de pétrole donné n'est rentable qu'au-dessus d'un certain prix du baril, quand celui-ci est supérieur au coût de production. Autrement dit, si le prix du baril monte, plus de gisements sont rentables, et donc il y a plus de pétrole potentiellement exploitable. Mais ça c'est super logique en fait ! Moins il y a de pétrole dans le sol, plus il est cher. On se rapproche de la partie intéressante.

Non, c'est faux. Le prix du pétrole ne dépend pas directement des réserves. Sinon, il devrait augmenter au fil du temps, alors qu'en fait, il fluctue énormément. C'est le jeu de l'offre et de la demande.

Il suffit que certains pays veulent mettre hors jeu leurs concurrents qui produisent du pétrole moins rentable, ils ouvrent les robinets à fond et font chuter les prix. Et c'est pour cela que cette année, le prix du baril a été très bas. Ce prix dépend de la production et de la demande de pétrole et non des réserves. C'est un problème de flux et pas de stock. C'est pour cette raison qu'il dépend beaucoup plus de questions politiques que d'une perspective géologique.

D'ailleurs, c'est pour cela que notre système économique est très mauvais pour prendre en compte le caractère épuisable des ressources. Mais attends, le pic pétrolier, on a dit que c'était un pic de production. Donc faire comme BP et prendre les réserves et les diviser par la production annuelle pour avoir une idée du nombre d'années qui nous restent, ça... Ça pose pas un problème de faire ça ? Eh oui, c'est quelque chose de très important à comprendre.

Le problème du pic pétrolier est un problème de flux, pas de stock. Il est certain qu'après le pic, il y aura encore du pétrole et qu'on exploitera encore quelques temps. Mais il y en aura de moins en moins chaque année.

Parler du pic pétrolier, ce n'est pas du tout parler de la fin du pétrole. Ce pic de production peut en théorie être dû à une diminution de l'offre ou de la demande. Mais vu l'addition de nos sociétés au pétrole, on se dirige plutôt vers une contrainte d'offre. qu'une contrainte de demande.

On ne peut pas siphonner tout un champ pétrolier d'un coup. L'exploitation prend un certain temps. Pour le dire autrement, la taille du robinet peut être plus limitante que la taille du réservoir.

Et cette taille de robinet est limitée par des contraintes physiques, mais également par des contraintes économiques et financières. Sérieusement, il faut aussi considérer l'aspect financier. Le marché du pétrole représente plus de 1700 milliards de dollars.

C'est plus que le commerce de tous les métaux réunis. Et ce flux d'énergie conditionne une grande partie de l'activité économique. Son exploitation repose sur des investissements initiaux qui peuvent être très importants. Si le prix du pétrole augmente, des investissements supplémentaires peuvent être effectués pour développer des zones moins rentables.

Mais l'augmentation des prix diminue mécaniquement la consommation. Cette diminution peut entraîner une chute des prix qui limite considérablement les nouveaux investissements et la rentabilité des anciens. Du coup, on ne peut pas savoir si les prix vont augmenter dans le futur ?

Aussi ! Ils vont augmenter parce que le pétrole qui reste a un seuil de rentabilité de plus en plus élevé. Mais à cause des instabilités politiques, du jeu de l'offre et de la demande et de la structure financière, il y aura toujours des instabilités sur le prix. Et puis, il ne faut pas négliger la fragilité du système financier.

Comment ça ? Notre système économique tourne à la dette. Pour que sa structure tienne, il faut de la croissance. Mais la croissance est de plus en plus contrainte par les limites physiques de notre monde. Assez ironiquement, c'est la croissance qui permet l'endettement, qui permet l'exploitation des ressources fossiles, qui est encore largement nécessaire pour générer de la croissance.

Mais la diminution du retour de l'investissement énergétique et financier sonne le glas de ce système pour le moins instable. Je pense que depuis 2008, plus grand monde ne se fait d'illusions. L'effondrement du système financier est complètement envisageable et cela pourrait accélérer la diminution de l'apport pétrolier. Et qu'est-ce qui se passe quand on prend en compte le TRE, l'aspect financier, les problèmes de flux ? Eh bien les scientifiques qui s'intéressent qu'au pétrole conventionnel estiment que le pic aura probablement lieu avant 2030 et qu'il est même possible qu'il arrive avant 2020. D'ailleurs, le dernier maximum de production de pétrole brut, par exemple, a eu lieu en 2005. Si ça se trouve, le pic de pétrole brut est déjà passé.

Ah non, on le saurait sinon. On nous l'aurait dit quand même. Ah non, on ne le saurait pas. La production a stagné depuis et il faut bien comprendre qu'on saura qu'on éteint un maximum une fois celui-ci passé et que la production aura diminué. Au moment du pic, on ne peut pas savoir qu'on y est.

C'est une constatation que l'on ne pourra faire qu'à postériori, quand ça diminuera. Et si on considère tout le pétrole et pas juste le pétrole conventionnel ? En considérant toutes les formes de pétrole, la production continue d'augmenter et les prévisions de l'agence internationale de néergie donnent une partie toujours plus grande au pétrole non conventionnel.

et pas de pic avant au moins 2035. Mais il faut noter que ces scénarios sont critiqués par certains scientifiques qui pensent que la production des champs en exploitation pourrait décroître plus vite et que le rythme de découverte et de mise en production des champs est surévalué. Et puis, il y a encore un dernier aspect. Encore ?

Oui, et non des moindres vu l'orientation de la chaîne. J'ai longuement parlé du changement climatique et de ses impacts. Si on brûlait tout ce qui nous était disponible, les conséquences seraient dramatiques.

L'exploitation du pétrole, et en particulier du pétrole non conventionnel, a également d'autres impacts environnementaux. Il suffit de voir le paysage au-dessus d'un réservoir de gaz de schiste ou l'exploitation des sables bitumineux pour s'en convaincre. On n'a plus le temps de développer là.

Je sais que l'extraction du pétrole c'est pas joli joli. Et alors ? Il y a fort à parier qu'une société qui en a un minimum conscience laisse une partie des ressources fossiles dans le sol.

En fait, si l'on suit les recommandations du GIEC pour tenir les 2 degrés, on devrait laisser une bonne partie de ce qui reste dans le sol. Ah non, c'est pas comme ça que ça va se passer. On ne peut pas exclure l'élément environnemental de la complexité de la question. D'ailleurs, on voit déjà des répercussions. Des gros groupes financiers se retirent du fossile parce que c'est de plus en plus jugé comme un placement à risque.

Certains gros exploitants pétroliers ont déjà renoncé à l'Arctique pour des raisons financières et environnementales et on parle régulièrement de manifestations contre des projets d'exploitation ou des pipelines. Il est très dur d'estimer comment se fera l'arbitrage entre l'aubaine énergétique que constitue le fossile et les conséquences environnementales qui en découlent mais cet aspect aura une influence. Et même si ça a l'air d'être une idée difficile à intégrer, quand on parle des conséquences environnementales, on ne parle pas juste de la disparition des ours polaires.

mais aussi et surtout de la survie de nos sociétés. Et de quoi cet arbitrage dépend ? Pour moi, de la capacité des sociétés à comprendre le problème et à se projeter dans un avenir proche. Le coût environnemental à payer pour l'exploitation du pétrole est tel qu'une société qui en a conscience freinerait sa consommation au maximum. En gros, soit on renonce à certaines choses et on choisit ce que l'on garde, soit on s'obstine et on ne choisit pas les impacts négatifs qui en découleront.

Il va falloir gérer la sobriété. Il vaut donc mieux la choisir que la subir. Et toi, personnellement, le pic, tu en penses quoi ? C'est une question compliquée et même si la vidéo est longue, on aurait pu en parler encore très longtemps.

Je rejoins les analyses faites par un certain nombre de scientifiques et avoir un pic pétrolier avant 2030 ne m'étonnerait pas parce que leur approche me semble plus factuelle. Mais honnêtement, je pense qu'il est très difficile d'avoir une vision claire et juste de la question. Et beaucoup de prévisions passées se sont lamentablement plantées.

Ok, et du coup, quelles sont les conséquences ? Tu sais sans doute que le pétrole est très mal réparti entre les pays. Dès qu'il va y avoir des tensions importantes sur l'approvisionnement en pétrole, la situation va considérablement se compliquer pour les pays qui n'en disposent pas. Et encore pire si ce sont des pays pauvres. Ces tensions pourraient évidemment être à la source de conflits, et on verrait quelque chose de nouveau, des guerres pour le pétrole.

Je t'arrête tout de suite, tu racontes n'importe quoi là, il y en a déjà eu plein. C'était ironique. Et sinon, en dehors des guerres, il y a quoi au programme ? Le pétrole est le moteur de l'économie mondiale.

Sans pétrole, les choses vont considérablement se compliquer. En particulier dans les transports, où les contraintes sur les possibles sources d'énergie sont importantes. Dans un monde où l'approvisionnement en pétrole diminue alors que la demande augmente, se déplacer deviendra de plus en plus dur.

Bye bye les avions pas chers, le tourisme de masse et les deux heures de voiture par jour. Ah non, c'est pas possible ça, il y a forcément des substituts. On peut aussi faire du pétrole de synthèse à partir de charbon ou de gaz.

Mais ce sont des procédés coûteux et vu le problème du changement climatique, on ne peut pas assécher toute notre réserve d'énergie fossile. Les biocarburants ont un faible taux de retour énergétique et on ne pourra jamais en produire assez pour remplacer tout le pétrole sans affamer la moitié du monde. Même la production électrique ne serait absolument pas capable de remplacer les combustibles fossiles. Sérieusement, il faut se mettre dans la tête que les combustibles fossiles répondent à 80% de nos besoins en énergie.

Mais attends, pourquoi t'as dit que ça serait pas possible ? Ah bah parce que je veux continuer de prendre l'avion. Ah oui, et parce que tu veux continuer de prendre l'avion, tu penses peut-être qu'une énergie propre et infinie va apparaître du néant. Il faut bien comprendre un truc.

Quand la production économique repose sur des ressources non renouvelables, il est parfaitement logique de perdre cette production en même temps que les ressources qui la permettent. Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a aucune raison logique ou scientifique pour que des alternatives existent. On peut très bien perdre certaines choses que l'on considère aujourd'hui comme normales.

En fait, cela relève même du probable plus que du possible. Certes, dit comme ça, ça parait logique. Mais en fait, c'est ça la solution.

Construire notre société sur ce qui est renouvelable. Ah oui, pour le coup, je suis d'accord, il faut faire entrer notre société dans la durabilité même si cela veut aussi dire la faire beaucoup évoluer. C'est cela le vrai défi de notre époque où les pollutions et l'épuisement des ressources vont cruellement se faire ressentir. Mais pour cela, on a besoin de combustibles fossiles. Quoi ?

C'est une dure réalité. L'extraction des métaux pour construire de belles éoliennes et des panneaux solaires repose largement sur les ressources fossiles. De façon générale, les éoliennes sont des ressources qui sont très importantes pour la production de la nature.

En général, construire un monde durable demande un investissement énergétique que seuls les fossiles peuvent fournir. Mais du coup, on est grave dans la merde ! On est grave dans la merde parce qu'on gaspille tous les jours une énergie incroyable au lieu de l'investir pour assurer nos lendemains.

S'il y a un truc dont je suis sûr, c'est que quand on commencera à avoir faim, froid ou à manquer d'énergie, on portera un regard très différent sur le pétrole qu'on aura brûlé pour passer une semaine à l'autre bout du monde ou faire deux heures de voiture par jour pour se rendre à un boulot. On se demande parfois l'utilité. Ce jour-là, on se sentira bien con.

Bien, bien con. Bon, on va résumer un peu, parce que c'était pas facile. Le pic pétrolier est une certitude mathématique. La seule question à son sujet concerne sa date. Les estimations reposent sur de nombreux facteurs incertains, techniques, économiques et environnementaux.

Pour faire simple, le pic pétrolier a de très grandes chances d'arriver entre 2020 et 2050 et plus probablement dans la partie inférieure de cet intervalle. Le pic pétrolier est un maximum de production. Il y aura encore du pétrole et du travail pour l'exploitant après cette date.

La compression de l'œuf mondial de pétrole va s'accompagner d'un prix toujours plus élevé. de problèmes géopolitiques et de nombreuses contraintes pour nos économies qui reposent encore largement sur le fossile. La question du pétrole est extrêmement intéressante parce que l'on retrouve les problématiques liées à l'environnement en ne regardant qu'une seule ressource. Nos sociétés sont pour l'instant incapables de s'en passer mais sa consommation s'accompagne de graves conséquences.

Cet état de fait devrait pousser à utiliser sagement cette précieuse énergie. Pourtant, on continue de la gaspiller avec dédain. C'est clairement une question centrale pour nos problèmes d'aujourd'hui.

et de demain. Voilà j'espère que vous avez aimé cette vidéo qui m'a demandé pas mal d'efforts et de temps et je tiens à remercier les personnes qui m'ont filé un coup de main pour m'en sortir avec ce sujet un peu épineux. Surtout n'hésitez pas à regarder dans la description si vous voulez plus de sources ou d'informations, à me poser des questions, n'hésitez pas non plus à liker la vidéo si vous l'avez aimée, à la partager, à discuter de ce sujet autour de vous, c'est pour ça que que je fais ces vidéos. La prochaine vidéo parlera très probablement de l'épuisement des métaux qui est aussi un sujet épineux donc je vais avoir pas mal de lectures à faire pendant les vacances.

Et ben, bonne fête de fin d'année à tous et à bientôt sur le net.