Transcript for:
Optimisation de soi et injonctions sociales

Peut-être que la meilleure version de moi, c'est une version chill. Si vous souhaitez mieux comprendre le fonctionnement de votre cerveau et de vos émotions, alors l'épisode de cette semaine va vous plaire. Qui va me protéger de moi ? Quand la source des fake news, c'est mon propre cerveau. Je prends mon travail très au sérieux, mais je ne me prends pas moi, Albert, au sérieux.

Mais pour moi, réussir la vie, c'est qu'elle passe avec le moins de souffrance pour moi et les autres. Donc tu dis que la vie n'a pas de sens, mais tu viens de lui donner un sens. J'ai le plaisir d'accueillir Albert Mokeber, docteur en neurosciences et psychologue clinicien porté par une mission, comprendre les mécanismes cognitifs de notre cerveau. Quoi ? Tu es juste cadre ? Tu ne peux pas encore CEO ?

Qu'est-ce que tu fais ? Être la meilleure version de moi, faire le maximum de fric, être le... plus beau, être le machin, c'est des injonctions qui en tant que psy font aussi beaucoup de dégâts.

On appelle ça une anxiété de performance. Pourquoi est-ce que tu fais les choses ? Euh...

Mais comprendre ne veut pas dire améliorer et Albert est très critique de l'ère de l'optimisation de soi dans laquelle on est entré. Une injonction qui est loin de servir notre bonheur. Est-ce que c'est utile ?

Mais est-ce que le plaisir n'est pas une forme d'utilité ? Imagine j'ai une baguette magique et je fais pfiou et maintenant tu es la meilleure version possible de toi. Now what ?

Juste avant que l'épisode ne commence, j'aimerais faire un gros big up à tous à tous les fidèles auditeurs et auditrices d'InPower, à toutes celles et ceux qui ont pris le temps de s'abonner au podcast. Ça me fait vraiment chaud au cœur. Et je suis ravie de vous inviter à rejoindre ma conversation avec Albert Mokeber.

Bonjour Albert. Bonjour. Bienvenue sur InPower.

Merci. Je suis ravie de t'accueillir. Big up à Sama, Sama Karaki qui nous a mis en relation. Vous avez sûrement écouté l'épisode avec Sama si vous nous regardez, sinon je le mettrais dans les notes parce qu'il était vraiment super. On va parler de pas mal de choses.

En fait, ce qui est bien avec le cerveau, c'est que c'est un sujet inépuisable. Mais avant de venir un peu dans tous ces détails, la première question que je pose à tous mes invités, c'est de se présenter de la façon dont ils le souhaitent. Je m'appelle Albert, je suis docteur en neurosciences et psychologue et j'aime bien pas faire beaucoup d'efforts. Tu aimes bien pas faire beaucoup d'efforts. Est-ce que c'est pas paradoxal avec le fait de faire un doctorat ?

Non. Parce que pour moi, de toute façon, on se réveille, on doit faire des choses. Il se trouve que j'ai fait un doctorat.

Ça ne veut pas dire que c'est facile et tout, mais j'avais mes potes au labo que j'aimais beaucoup. Je faisais mon master. Je ne voulais vraiment pas ne plus être au labo. J'ai fait plus une thèse pour être avec mes potes. Et le sujet m'intéresse évidemment, mais je ne pense pas que faire une thèse...

Parce qu'on l'a construit petit à petit, une thèse, donc on n'a pas conscience du truc. Je ne pense pas que ce soit plus difficile que n'importe quoi qu'on apprend au fur et à mesure. Mais tu as voulu être docteur en neurosciences et psychologue.

Tu aurais pu te satisfaire de juste docteur en neurosciences. Parce que c'est pas comme ça que ça s'est passé. D'accord.

Donc j'ai fait mes études au Liban, et en sachant que j'étais pas très bon à l'école, j'ai eu beaucoup d'errance dans mes études, je fais tout et n'importe quoi en gros. Tu peux nous dire, c'est quoi tout et n'importe quoi ? J'ai commencé en biologie, parce que je voulais faire de la génétique, et quand je suis arrivé au cours de génétique, j'ai trouvé ça désastreux, et surtout j'étais pas très bon en chimie organique, des trucs comme ça, donc j'étais un peu geek. J'ai un pote qui venait d'ouvrir une boîte d'informatique, il m'a dit tu veux pas venir bosser avec nous et à l'époque il y avait des certifications de Microsoft, on pouvait faire des certifications et le faire, j'ai dit ok du coup je disais à mes parents que je l'allais à la fac mais j'allais plus à la fac, j'allais au taf travailler en informatique en ordi, puis à un moment mon Mon père voulait payer la scolarité.

Je lui ai dit non, il n'y a pas besoin, je travaille. Il m'a dit non, non, non, tu dois au moins avoir un diplôme, même si tu veux faire de l'informatique, on s'en fout, mais tu ne peux pas, parce que demain, ton pote, sa boîte ferme, qu'est-ce que tu vas faire ? Je dis bon, ok, je suis reparti à la fac.

Et la fac où j'étais, c'est l'Université américaine de Beyrouth. Dans le système américain, tu peux choisir tes matières. C'est pas... C'est un peu à la carte. C'est un peu à la carte.

C'est sympa, ça. Tu tiens un diplôme et après, tu peux piocher un peu. Et tu peux être ce qu'on appelle majordless, c'est-à-dire tu n'as pas de... Tu n'as pas de cursus encore, et donc tu peux découvrir.

Je suis reparti à la fac, j'ai pris des cours d'informatique, j'ai détesté, c'était un cauchemar. Et donc j'ai commencé à prendre des cours de tout et n'importe quoi, littéralement. J'ai pris des cours de s'occuper des animaux domestiques, des cours de poterie, de peinture, etc.

Et un jour j'ai... un cours de psycho. Et il se trouve que soudainement, j'étais relativement bon.

Je galérais plus à avoir de bonnes notes, la prof était top. Donc j'ai commencé à faire de la psycho. J'ai eu une licence de psycho et un doc de bio, puisque j'avais commencé en bio bien avant.

et je ne savais pas trop quoi faire. J'ai eu une amie qui était venue à Paris pour faire des études. Elle m'a dit, pourquoi tu ne viens pas... J'ai beaucoup suivi mes potes, en fait.

Pourquoi tu ne viens pas faire un master de psycho, et après, si tu veux rentrer au Liban, tu rentres au Liban. Je dis, OK. Elle m'a dit, moi, je te présente le dossier et tout, si tu es pris, tu viens.

J'étais pris. Je suis venu faire un master à Paris 5 à l'époque, à Boulogne. Il fallait un stage.

J'ai trouvé un stage à la Pitié-Zalpêtrière. Et il se trouve qu'en France, il me dit, on est en train d'ouvrir un master de neurosciences. Est-ce que tu ne voudrais pas faire ça ? J'ai dit, ok. Je fais mon master de neurosciences.

Il y a une bourse, tu veux me présenter pour une bourse, pour une thèse ? J'ai dit, ok. C'est pas genre je me suis mis et j'ai planifié ma vie en disant j'ai envie d'être psychologue et neuroscientifique.

Je voulais rester avec mes potes, qui sont encore mes potes. Mais ça a bien tourné parce que parfois tu veux rester avec tes potes et en fait tu vends de la drogue. Ouais, je pense que j'en ai fait aussi ça. Mais toi après tu choisis la bonne raison. Voilà, exactement.

Il y a quelque chose qui m'interpelle dans ton discours, dans ce que j'ai entendu et lu de toi. Et d'ailleurs quand on s'est appelé avant d'organiser cet épisode, J'avais cru que tu faisais référence à, tu sais, mon blaze sur les réseaux qui est My Better Self. Alors je ne savais pas du tout.

Et du coup, ça m'interpelle, pourquoi est-ce que toi tu es critique, et je respecte totalement ça, de cette démarche de vouloir devenir la meilleure version de soi-même ? Je suis critique, pas de la démarche, je suis critique de l'injonction. C'est-à-dire si une personne me dit, moi, je ne sais pas, j'adore les échecs, je veux être le meilleur joueur d'échecs au monde, ok.

Ma critique, c'est dans une période, c'est pas du tout qu'on tombe là, je savais pas quand je l'ai dit. Mais même moi je deviens critique de ça aussi. C'est que, on veut pousser les gens à être les meilleures versions d'elles-mêmes, indépendamment du prix que ça coûte, indépendamment de... Qu'est-ce que ça fait ?

De la pression qu'on se met, etc. Sans vraiment comprendre pourquoi. C'est comme si le but est juste d'être la meilleure version de soi-même. Est-ce que la meilleure version de moi-même va... Déjà, qu'est-ce que ça veut dire moi-même ?

Moi, je travaille beaucoup sur cette notion qu'on appelle le self. C'est quoi moi-même ? moi-même, par exemple, disons moi, donc je suis neuroscientifique, je suis psychologue, mais aussi, j'aime bien jouer aux jeux vidéo, j'aime bien les échecs, j'aime bien mes potes. La meilleure version de moi-même, est-ce que c'est le meilleur neuroscientifique possible ?

et si je veux être le meilleur neuroscientifique possible malheureusement le temps est ce qu'on appelle un jeu à somme nulle c'est à dire par exemple maintenant on est en train de filmer ce podcast cette émission ça veut dire que je peux pas être ailleurs donc si moi je veux être la meilleure version de moi même de neuroscientifique ça veut dire que par exemple je vais jouer moins aux jeux vidéo donc je vais être une moins bonne version de moi même en tant que joueur de jeux vidéo ou une moins bonne etc et donc automatiquement on est en train de perdre d'autres trucs ça c'est un. Deux c'est la pression c'est à dire est-ce que j'ai besoin d'être la meilleure version de moi-même pour ce que je veux faire dans la vie. Par exemple, j'ai envie de passer la vie de la manière avec le moins d'efforts possible. Être une meilleure version de moi-même, ça va paradoxalement aller contre ce que j'ai envie. Et surtout, cette universalité de vision méliorative de l'humain qui souvent...

D'état, ce n'est pas obligatoire, mais qui souvent d'état sur un côté très individualiste. C'est-à-dire, je veux être la meilleure version de moi-même indépendamment de ce que ça me coûte. Même si ce que ça me coûte, c'est écraser d'autres gens, perdre en redistribuant... des ressources, etc.

Il y a tout ce truc de, s'il y a quelqu'un de toxique dans la vie, coupe-le de ta vie, etc. Non. Si mon meilleur pote devient toxique, je ne vais pas le jarter de ma vie.

Je vais essayer de voir si je peux l'aider, par exemple. Pour moi, c'est des valeurs qui sont très... connaître aujourd'hui, encore une fois, en tant que mouvement. Si une personne me dit, je ne sais pas, je vais être le meilleur chercheur au monde, je vais essayer de l'aider pour être le meilleur chercheur au monde, sans que moi je le devienne.

Mais c'est très... Ça ôte une dimension sociale qui, pour moi, est nécessaire pour notre espèce. Et donc, ça s'inscrit aussi dans une philosophie plus large d'être la meilleure version de moi, faire le maximum de fric, être le plus beau, être le machin.

C'est des injonctions qui... en tant que psy, font aussi beaucoup de dégâts. Parce que parfois, on se dit je fais tous les efforts au monde, c'est ça la meilleure version de moi-même ?

Je sens que je suis encore pas top, il y a tellement de gens meilleurs que moi. Notre cerveau est comparatif. Je comprends l'intention qui est très positive de genre, sois la meilleure version de toi-même.

Mais quand on regarde dans le réel, je trouve que ça a des effets très paradoxaux qui peuvent être très délétères. Et peut-être que parce qu'en tant que psy, je vois beaucoup plus de personnes qui vont mal à cause de cette injonction. Tout à fait.

En fait, moi, ma question, ce que je me demande, c'est est-ce qu'on le choisit vraiment ? Je pense que j'ai l'impression de l'extérieur que... qu'il y a un facteur sociétal qui est indéniable, mais il y a aussi presque un facteur, j'ai envie de dire génétique, où j'ai lu que toi, par exemple, tu parlais des échecs et tu disais que tu n'avais pas forcément envie de devenir le meilleur joueur d'échecs au monde, que tu kiffais juste jouer aux échecs. J'aimerais beaucoup, moi, juste faire quelque chose et me satisfaire de l'exercice de cette activité. Mais j'ai l'impression que je suis un peu wired, enfin, branchée.

pour chercher à faire mieux. Et je tire une vraie satisfaction de me dire, je ne sais pas, en musculation par exemple, j'ai soulevé un peu plus lourd, je suis allée un peu plus loin. Est-ce qu'on peut finalement se détacher ? de cette recherche incessante de performance ? Je suis la première à vouloir m'en détacher.

Alors il y a deux choses dans ce que tu dis. Est-ce qu'on peut s'en détacher ? Et je pense que oui, parce que je pense que, encore une fois, on présente le self comme une sorte de monolithe, alors que quand on le comprend, ce n'est pas comme ça. Donc il y a des parties en toi qui probablement n'essayent pas d'être les meilleures.

Donc comment est-ce qu'on peut faire ? Mais surtout, je reviens à ce que je disais avant, c'est-à-dire si par exemple toi, tu as cette drive, Tu as ce wiring qui fait que tu as besoin d'être la meilleure tout le temps. Pourquoi pas ? Mon problème n'est pas avec une personne qui me dit je vais être la meilleure personne possible Mon problème, c'est vraiment avec une sorte de courant de pensée qui dit que tout le monde doit être la meilleure version d'eux-mêmes.

En sachant que, par exemple, je joue à la guitare. Quand on commence à jouer à la guitare, on appuie sur les cordes de toutes nos forces pour faire sortir le son. Pour ceux qui connaissent un peu la guitare.

Mais à un moment, on réalise que je n'ai pas besoin d'appuyer de toutes mes forces. Par exemple, 20% de ma force est assez pour sortir un son assez net, 30% de ma force. Et donc aussi, quelque part... être tout le temps au setting maximum peut-être que je suis en train de perdre beaucoup de force imagine que je vais être le meilleur joueur d'échecs au monde par exemple et je suis un génie des échecs peut-être que être 70% de better self que je peux être est assez pour gagner tout le monde pourquoi est-ce que je vais mettre ces 30% en plus en sachant que quand on est dans une phase d'apprentissage plus on gagne, plus on arrive au bout et plus il faut plus d'efforts pour combler des mini mini mini progrès c'est à dire si moi je sais pas je joue à la guitare il me faut 50% pour pouvoir jouer 90% des morceaux au monde, on va dire, c'est des chiffres au hasard. Et après, pour chaque pourcent en plus, il faut mettre un effort de dingue.

Il faut se demander, est-ce que cet effort... Vaut la peine. Vaut la peine et surtout, qu'est-ce que c'est en train de me coûter parce que le temps est un jeu à somme nulle ?

C'est-à-dire, est-ce que je vais investir 10 heures par jour pour m'améliorer de 1% alors que ces 10 heures, je ne suis pas en train de les passer avec mes potes, à d'autres activités, peut-être qu'à côté de, je ne sais pas, la muscu, tu aimes bien, je ne sais pas. Je dis... découvrir de la nouvelle musique et que tu n'arrives pas à découvrir de la nouvelle musique en faisant de la musique pour une raison ou pour une autre, tu es en train de perdre d'autres trucs. Donc il y a déjà ça.

Et deux, encore une fois, c'est que cette better self n'est pas en train juste d'être, par exemple, je vais être la meilleure personne qui a le plus de compassion, le plus de compréhension. Ce qu'il y a aussi, il y a des sortes de disorders, c'est pas qu'on dit de troubles, qui sont en train d'émerger. Par exemple, je vais être la meilleure version de moi physiquement. Tout le monde connaît deux maladies, deux troubles, deux troubles du comportement alimentaire, la neuréxie et la boule.

boulimie et maintenant on est en train de voir émerger une nouvelle trouble, l'orthorexie. Il faut tout le temps, my body is my temple, il faut tout le temps que je mange hyper sain. Chez un dîner, je préfère ne pas manger que prendre un bout de pain parce que qu'est-ce que je vais faire de mon compte ?

Et donc il y a quelque part une sorte, on appelle ça une anxiété de performance. Ce n'est plus un truc sain en mode je veux être la meilleure version de moi. Évidemment que je ne me réveille pas en me disant je vais être un mec pourri, mais c'est peut-être que la meilleure version de moi C'est pas...

En fait, dans le mot meilleur, on peut dire que meilleur, c'est au max. Mais peut-être que meilleur, par exemple, c'est où je me sens le plus confortable. Peut-être que la meilleure version de moi, c'est une version chill.

Comment cette perception des choses influence-t-elle ? rapport au temps ? Ça influence beaucoup mon rapport au temps dans le sens 1 que je dis jamais que j'ai pas de temps.

Donc par exemple je consulte un jour par semaine parce que j'ai plein de d'activités et je suis full mais par exemple je dis jamais non à de nouvelles personnes. Même si je vais les voir une fois et après les réorienter. Si quelqu'un m'écrit un mail et me dit Je ne sais pas, je t'ai écouté sur le podcast et je trouve ça vraiment bien, je pense que tu me conviens. Est-ce que tu peux prendre mon thérapie ?

Je dis tout le temps Ok Je pense que quand on n'a plus le temps, on est mort. C'est le seul truc qu'on a. On peut perdre notre argent, on peut perdre notre pote, on peut perdre notre santé, on peut tout perdre. Mais le temps, c'est la seule chose qu'on a tout le temps. Parce que par définition, la mort, c'est la fin du temps de la personne.

Surtout, je ne m'aimais pas vraiment de… Je ne cours pas. J'essaye de ne pas courir. Alors que si, quand je raconte… tout ce que je fais, les gens disent mais comment est-ce que tu as le temps ?

Et je pense que c'est une attitude intérieure, c'est-à-dire, je sais pas, aujourd'hui on filme, après j'ai un truc, puis j'ai un truc puis j'ai un truc, puis j'ai un truc, puis j'ai un truc, mais je me déplace lentement. Tu n'es pas dans une recherche d'optimisation de ton temps ? Pas du tout. Parce que tu vois, ce que j'admire avec cette mentalité, c'est que, en effet, moi j'ai conscience du fait que vouloir, alors c'est pas forcément devenir la meilleure, mais en tout cas m'améliorer dans un domaine, voilà. que ce soit pour ma marque de sous-vêtements, que ce soit pour le podcast, l'écriture, ça demande d'y allouer du temps parce qu'on devient meilleur avant tout avec la pratique.

Tu me diras si c'est bien le cas. Mais d'un autre côté, en effet, j'ai envie de consacrer quand même du temps à mes amis, à ma famille, à lire, à faire des choses que j'aime. Mais j'ai l'impression que tout ça demande une discipline et justement, tu vois, un côté très...

Enfin, moi, je suis assez... Je sais trouver un terme positif, mais assez... On va dire avare, mais...

Je fais attention à où j'alloue mon temps, quoi. J'ai l'impression que c'est comme ça que je serai épanouie, parce que du coup, je fais attention à ne rien laisser, ou en tout cas à moins. à laisser le moins de côté possible.

Alors que moi, j'ai un peu le truc inverse. C'est-à-dire, moi, perdre du temps, c'est quelque chose qui n'est pas très grave. Pour des raisons aussi liées à mes sujets d'études, par exemple, perdre du temps, genre, je n'ai pas envie de perdre mon temps, c'est un truc très récent dans l'histoire de l'humanité. On appelle ça la commodification du temps.

C'est quand le temps est devenu une commodité. C'est devenu quelque chose qui a une valeur. Et ça, ça a commencé il y a 200-300 ans, avec la révolution industrielle, la création de l'emploi, etc. On n'a pas, en tout cas j'ai pas trouvé, s'il y a des personnes qui connaissent, je suis très content d'en découvrir, mais j'ai pas trouvé aucune trace d'un texte qui parlait de la perte du temps avant genre 1700. Ça existe pas. Parce que le temps est quelque chose qui est en trame de fond, c'est tout ce qu'on a.

Et je trouve ça... C'est assez fascinant que pendant la majorité de notre existence, le temps n'a jamais été une pression. Alors qu'aujourd'hui, je ne sais pas, tu veux voir ta pote, vous devez vous écrire et limite organiser un planning de dingue pour se voir.

Avec ma pote, genre, est-ce que tu serais disponible pour un déjeuner mardi ? Non, mardi, je ne peux pas. Mercredi, mercredi. Et moi, j'aime bien la spontanéité des rapports humains.

Tu passes dans le quartier, salut Albert, je suis sous ta joie. Tu es à la maison ? Oui, monte.

Même si je suis en train de faire quelque chose, je repasse. On va prendre un café, on prend un thé, ou au pire, chacun fait ses trucs, mais on est ensemble. Et donc parfois, c'est important pour moi de perdre du temps, de me rappeler tout le temps que ce truc ne devrait pas devenir un truc hyper important.

Parce que je ne pense pas que maximiser le temps qu'on met dans un truc automatiquement le rend meilleur. Je pense que ça passe par la pratique, mais ça passe aussi parfois par... Laisser de côté, voir ce qui se passe.

Quand on est dans le contrôle, on laisse tellement peu de place à l'imprévu. J'aurais pu m'écrire, dire j'ai rencontré Samah, est-ce que tu veux venir ici ? J'ai mon livre à écrire, j'ai des tonnes de trucs, etc. Te dire c'est pas le moment, je suis sous l'eau, etc. Je suis type, ok.

Ça a une limite ça quand même. Oui bien sûr. Tu vois, c'est-à-dire que si tu étais...

Enfin tu vois, si là, après cet épisode, tu reçois 200 messages de personnes qui veulent une consultation... Je les mets sur un an s'il le faut. Si vous voulez, vous venez en janvier. Mais est-ce que ça veut dire que tu dis oui à tout ? Ouais, quasiment.

Ah, donc t'es en mode yes man. Ouais. T'as vu le film ? Ouais. Sauf que je ne suis pas en train de yes maner un patron ou quelqu'un.

en train de yes maner. Ta vie ? Pas nécessairement ma vie. C'est-à-dire, en fait, par défaut, je dis oui et il me faut une raison très légitime pour dire non. On va dire ça comme ça.

Après, j'ai des priorités, par exemple. Je ne sais pas, il y a le dîner du siècle. Et genre, c'est le who's who.

ou de tout le monde, je sais que ça va me faire un networking de dingue pour mon taf, etc. Mais, je sais pas, des potes à moi m'ont dit qu'on va hang out pour un truc important pour l'un d'entre eux. Je vais aller voir mes potes, ou je vais passer du temps avec ma fille, ou je sais pas. Mais parfois, je vais peut-être aller au dîner.

Mais en général, par défaut, je dis oui. Sauf quand j'ai une raison importante. De dire non. Par exemple, je sais pas, on m'invite à un podcast sur une chaîne qui a reçu des personnes qui pour moi ne devrait pas avoir de plateforme pour des raisons, je suis quelqu'un d'assez engagé donc pour des raisons idéologiques, politiques je ne vais pas dire oui mais une chaîne qui a un abonné et c'est la maman de la personne qui a la chaîne me dit j'ai vu tes vidéos, je trouve ça vraiment top je suis en train d'essayer de démarrer un podcast j'ai besoin, est-ce que tu peux venir ça va te prendre 5 heures je dis ok parce que je prends mon ça va paraître très prétentieux mais je ne sais pas comment l'expliquer différemment je crois Je prends mon travail très au sérieux, mais je ne me prends pas, moi, Albert, au sérieux. Je ne suis pas en train de chercher à réussir dans le sens de la réussite professionnelle.

Je suis en train de chercher à essayer de réussir la vie, évidemment. Mais pour moi, réussir la vie, c'est qu'elle passe avec le moins de souffrance pour moi et les autres. Est-ce que tu as changé de vision des choses là-dessus ? Est-ce que tu avais la même définition de la réussite de la vie il y a 20 ans ?

Non, en fait, c'est marrant parce que quand j'étais en train de grandir, tout le monde me disait à un moment tu vas grandir, genre tu vas abandonner ce côté. Et j'en parlais avec un de mes potes la dernière fois parce que je disais... en fait, je deviens de plus en plus radical sur ce truc.

Alors que les autres sont en train d'aller... En anglais, on dit adulting. Tout le monde est en train de adulte autour de moi. Et moi, j'ai l'impression que je me radicalise sur ce truc de...

Je sais pas, par exemple, quelqu'un m'écrit pour une conf, je dis non, je peux pas, il me dit non, mais on a un budget, je sais pas, je peux te payer des sommes qui sont parfois, en tout cas pour moi, complètement démentes. Mais non, genre, si c'est non, non. Alors que mes potes me disent, mais genre, c'est une heure, tu vas te faire je sais pas combien.

Et c'est parce qu'aussi j'ai le privilège de pouvoir dire non. Évidemment, j'ai bossé, quand je suis arrivé du Liban, j'avais aucun rond, etc., j'ai fait tout et n'importe quoi comme taf. Mais maintenant que j'ai ce privilège... J'ai pas envie. Je sais pas, j'ai pas envie, en fait.

C'est ce qui coûte le plus, au final. En effet, ça c'est pas... Je comprends pas, je comprends pas le truc. Je sais pas, je fais un truc qui marche très bien, et on me dit, maintenant il faut un deuxième.

Non. Pas parce que j'ai pas envie, pas parce que... Je pense que les drives des gens, leurs motivations, doivent dépendre d'eux.

Et pas d'une sorte de pression d'être le meilleur, d'être le machin, de faire ce truc. Ce truc, c'est... Ce passe-là. Ça se résume en une phrase, c'est juste ne pas se prendre au sérieux. Je ne me prends pas au sérieux.

Tu peux me manquer de respect, tu peux m'insulter, tu peux machin. Ce n'est pas très grave. Je ne me prends pas au sérieux.

Mais juste ne dis pas des choses qui sont fausses sur la compréhension du monde. Je suis beaucoup plus... beaucoup plus énervé quand quelqu'un va parler, va dire, on n'utilise que 10% de notre cerveau et on va vous entraîner à en utiliser plus, que si quelqu'un vient et m'insulte.

Je ne suis pas particulièrement attaché à moi. Mais ça d'ailleurs, c'est assez fou. J'écoute pas mal de podcasts anglophones et parfois j'ai vraiment l'impression que le putaclisme... vaut plus que l'information et la véracité.

Et on en parlait avec Sama, des gens qui disent voilà le cerveau gauche, voilà le cerveau droit, voilà comment développer son cerveau gauche. Les mecs ont des PIJJ quoi. Oui mais en fait le truc c'est que derrière c'est sur-simplification. Justement, il y a tout le temps un côté amélioratif.

C'est-à-dire, personne ne dit, le cerveau fonctionne en cerveau gauche, cerveau droit, pour la connaissance. Le cerveau fonctionne en cerveau gauche, cerveau droit, je vais vous vendre un test pour savoir si vous êtes plutôt cerveau gauche, cerveau droit, et puis je vais vous vendre une manière de venir. la meilleure version de vous, en boostant vos capacités créatives, etc. Je fais des conférences dans l'entreprise, j'écris des bouquins, etc. Et tout le temps, on me dit, qu'est-ce qu'on va tirer de ta conf ?

Comment est-ce qu'on va l'utiliser ? Et neuf fois sur dix, je dis, il n'y a rien. Je n'ai pas de technique magique. Je travaille sur les biais cognitifs, des sortes de manières de fonctionner de notre cognition.

Je me dis, est-ce que vous pouvez nous proposer un atelier sur comment être moins biaisé ? Genre non. Je pense qu'on est une espèce hyper intéressante. Je pense que notre cerveau est un organe hyper intéressant.

Et ce qui m'intéresse dans mon métier, c'est de transmettre cette complexité, de dire c'est hyper compliqué en fait. Et d'expliquer pourquoi c'est hyper compliqué. Et donc ça va, c'est presque en opposition avec ces tips and tricks pour devenir plus créatif, pour devenir meilleur raisonneur, pour devenir un meilleur leader, etc. Mais ces trucs de sursimplification du cerveau, je vous ai déprimé parce que vous manquez de sérotonine, les réseaux sociaux nous rendent addicts parce que vous êtes de la dopamine, etc.

Il y a tout le temps derrière cette vision méliorative qui automatiquement est commerciale parce que je vais vous rendre meilleur grâce à moi. Et donc ça va être, faites une dopamine détox et venez faire mon cours de 8 séances de dopamine détox. Il y a un livre qui s'appelle Job with your right side of the brain, genre comment dessiner avec ton...

Même pour des choses qui ne sont pas supposées être de la performance, genre apprendre à dessiner, supposé être une sorte de plaisir sans pression, ça devient sur les neurosciences. D'ailleurs, c'est un peu le sujet de mon prochain livre, c'est cette neuromanie de vouloir tout expliquer par les neurosciences pour vouloir... Parce que ça fait sérieux, parce que ça fait scientifique.

On a trouvé l'air du cerveau qui est pour la peur. Apprenez à reprogrammer votre amygdale. Et c'est là...

Parce qu'il y a cette dimension de vente derrière. Alors que pour moi, la connaissance, et intéressante en tant que telle, même si elle n'est pas opérationnisable. Grâce à cette discussion, je pense que ça m'a un peu clarifié les idées. C'est-à-dire que je ne suis pas tant contre devenir une meilleure version de soi, tant que je suis contre vouloir tout le temps puiser une utilité de tout.

Tout doit être utile. À quoi ça va servir ? Quand une boîte me contacte pour un truc, elle me dit, comment est-ce que ça va aider nos collaborateurs ? Parce qu'il ne faut pas dire salariés maintenant, il faut dire collaborateurs, alors que c'est des salariés. Comment est-ce que ça va aider nos collaborateurs ?

Et je leur dis, ils vont juste apprendre des trucs. Si je pouvais aller vous faire une conférence de une heure et après vos équipes sont plus créatives, j'aurais le prix Nobel. Je ne serais pas en train de vous faire des confs. C'est dingue de se dire... Je vois une personne qui a une dépression légère et on a besoin de 1, 2...

2-3 mois de thérapie pour aller mieux et puis je vois des gens qui sont en train de promettre mon zémerveille dans un atelier inspirant de 2h, de 9h à 11h du matin et après genre pour moi c'est presque insultant à notre complexité Et dangereux pour la vulnérabilité des personnes qui entendent tout ça. Je pense pas que c'est hyper dangereux je pense pas qu'il y a des gens qui sont en train leur vie est en train d'être cassée en fait je pense que ça change pas grand chose, c'est à dire ces ateliers dont on va booster la créativité, on va booster le team building etc. Je ne pense pas que ça booste, je ne pense pas que c'est délétère.

C'est juste que ça coûte de l'argent, ça coûte du temps, ça coûte des trucs, etc. Et ça crée une illusion d'amélioration, alors que je pense qu'on devrait questionner. Cette vision améliorative de l'humain, que l'humain est né pour être la meilleure version de lui.

Ça peut être pour être la meilleure version de, je sais pas, la ville dans laquelle on vit, d'avoir un côté plus social. J'entends totalement, je pense pas que l'humain est né pour être la meilleure version de soi-même. Je pense en effet que c'est très propre au contexte dans lequel on vit, mais...

qui vit quand même pour, comme tu disais, avoir le moins de souffrance, donc le plus de plaisir, et j'emploierai pas le terme de bonheur, parce que je ne crois pas au bonheur, mais plus d'épanouissement possible. Et pour moi, ça peut passer par l'amélioration. Par exemple, il y a un sujet, j'en parle à toutes les personnes qui maîtrisent de près ou de loin le cerveau, un sujet sur lequel j'aimerais vraiment m'améliorer, c'est le niveau de concentration et surtout le flow.

Donc à savoir un niveau de concentration tel qu'on oublie que le temps passe. Moi j'ai toujours une conscience aiguë du temps qui passe, et de ce que j'ai à faire après, etc. Et les moments dans ma vie où j'ai été le plus épanoui, c'était quand je perdais la notion du temps, et j'étais tellement dans mon truc, que mon cerveau lâchait prise, entre guillemets. Ça, voilà, j'ai mis dans ce que j'en pense, on peut critiquer cette volonté de vouloir toujours du coup s'améliorer, mais le fait est que ça me rendrait plus épanoui.

Oui, encore une fois. On est en train de mélanger ta volonté en tant qu'individu et une injonction sur les autres, que tout le monde devrait faire ça. Par exemple, l'état de flot, super état, nécessite deux facteurs. C'est quelque chose qu'on a étudié. Il faut qu'une tâche soit difficile et que ton niveau soit très bon.

Donc le temps d'arriver à l'état de flot, tu dois t'améliorer. faire des choses qui commencent par être assez faciles. Par exemple, on ne peut pas être en flow en jouant du piano avant d'être assez bon et en train de faire un morceau assez difficile. C'est très difficile d'être en flow en Frère Jacques. Donc pour arriver là-bas, il faut que tu mettes tout cet effort.

Pour que tu mettes tout cet effort, c'est un effort que tu peux... en train de mettre ailleurs. Donc il faut décider, délibérer.

Le problème, c'est que quand tu as cette vision méliorative de toi, parce que ça coûte du temps et de l'énergie, ça peut être très frustrant. Parce que l'apprentissage est quelque chose qui est difficile, tu vas sentir que tu stagnes, que tu sers un plateau, que plus rien n'est en train d'avancer, que parfois tu es même en train d'aller en arrière, donc que tu persévères, tu vas être peut-être plus irritable, tu vas peut-être t'énerver plus facilement sur des gens qui bossent avec toi, sur tes potes, etc. Il faut accepter tout ce chemin. Le problème, c'est qu'on... Quand on dit, je vais développer une technique qui permet d'être en flow en 10 minutes.

Et donc la personne... Et après, derrière, il y a des commentaires. Oui, j'ai essayé, c'est trop bien, c'est trop bien.

Donc imagine une personne qui l'essaye et pour qui ça ne marche pas. Cette personne intériorise. Son incapacité.

Oui, elle se dit, je suis nul. Alors que non, ce n'est pas qu'elle est nulle, c'est que la méthode est un peu pourrie. Mais la méthode est certifiée, c'est une personne hyper connue qui l'a faite, etc. Et on le voit dans tout, que ce soit, je ne sais pas, dans les compétences sociales. dans juste la satisfaction de vie.

On appelle ça, en anglais, la hedonistic treadmill. L'adaptation hedonique, en français. Adaptation.

Je trouve qu'en anglais, c'est mieux puisque treadmill, c'est le tapis de gym. Et c'est cette course permanente de vouloir tout le temps chercher un sort d'état de grâce, que ce soit le flow, que ce soit la satisfaction, que ce soit ne plus avoir d'émotions négatives. Et paradoxalement, c'est cette course qui est en train d'empêcher ces soucis de la vie.

sensations d'arrivée. C'est-à-dire si par exemple toi tu es tout le temps en train de penser à qu'est-ce que tu vas faire après, en fait peut-être que tu ne sentirais pas le temps passer juste en ne pensant plus au temps. Oui mais je sais pas.

Après ça se travaille à l'échelle individuelle. Et enfin la version améliorative quand on dit on veut passer la vie avec le moins de souffrance, il y a des personnes pour qui la souffrance n'est pas quelque chose d'individuel, c'est quelque chose de collectif. Par exemple je peux pas ne pas souffrir si je sais qu'il y a des gens qui souffrent. Je sais pas que moi je suis comme ça. Mais...

Déjà, la souffrance est différente pour tout le monde. Il y a des personnes pour qui savoir qu'elles ont aidé une personne toxique au lieu de la jeter de leur vie, ça leur apporte une gratification beaucoup plus importante que Ah oui, je n'ai plus cette personne toxique dans ma vie, mais du coup, je suis seul. Et donc, mon problème, c'est plus avec ces sortes de généralisations, qu'il y a une méthode, pour moi, la vie n'a pas de sens. Et donc, il n'y a pas un sens intrinsèque à la vie. Et donc, ces injonctions, évidemment, c'est très propice à notre vie.

époque, parce qu'on ne peut pas sortir une philosophie, une connaissance est fille de son époque. On est tout le temps, c'est comme des vases communicants. Donc tout ça, ça s'inscrit aussi avec l'American Dream, l'ultralibéralisme, l'ultraconsumérisme, de tout le temps avoir tout et un produit.

On ne devient que des sociétés de services. En gros, si tu as de l'argent, tu as accès à des services en plus. Tu peux avoir un coupe-fil à l'aéroport. Il y a des aéroports qui maintenant ont des trucs VIP, tu coupes la file, tu coupes la sécurité, tu coupes tout. Tu peux avoir un taxi plus facilement, tu peux avoir tout, tu peux aller à des vacances plus cool, etc.

Et donc l'index devient juste l'argent, si tu as de l'argent. Tu as une vie plus facile, tu n'as pas d'argent, et l'écart est beaucoup plus grand, parce qu'il y a des gens qui vont me dire ça a toujours été comme ça Non, l'écart n'a pas du tout, du tout, du tout, du tout, du tout, du tout, été toujours comme ça. Du tout. C'est une sorte de mythe.

Mais c'est vrai qu'on aurait tendance à penser que quand il y avait des classes sociales, je ne sais pas, je pense à l'époque médiévale où tu avais le tiers état, la seigneurie et les clergés, tu avais quand même une énorme diff'. Alors c'était peut-être sur un pourcentage moins élevé, moins important de personnes riches, mais tu avais quand même des écarts. Mais surtout, il n'y avait pas le rêve.

C'est-à-dire que tu es né dans une case et tu le rêves. Donc ça change tes aspirations et tes ambitions. Tu ne pensais même pas que c'était possible donc tu te contentais de ce que tu avais.

Je suis né paysan, je ne peux pas me dire à moi mon rêve, c'est de devenir un seigneur. Parce que de prime abord, tu es mal né. Ce n'est pas possible. Notre cerveau est comparatif, on se compare avec des trucs qui sont dans notre environnement.

Alors qu'avec le American Dream, c'est... Non, tout le monde peut devenir Steve Jobs, tout le monde peut devenir Bill Gates, etc. Alors que dans les stats, c'est pas vrai.

Ouais, ouais, j'ai... Et donc tu internalises l'échec. C'est un peu le travail de Sama, qu'elle développe dans son bouquin.

C'est-à-dire que tu vas internaliser l'échec, parce que tu te dis, tout le monde me dit que c'est possible, et moi je n'y arrive pas, donc c'est de ma faute. Et du coup, tu te retrouves avec tous ces gens qui sont dans cette hedonistique treadmill, cette adaptativité... hédonique ou hédoniste où tu es tout le temps en train de courir, de courir, de courir, de courir, de courir, alors qu'on a des recherches qui montrent. Un joueur de foot qui dit, mon rêve c'est de gagner la Coupe du Monde, il gagne la Coupe du Monde, on va lui dire ok, est-ce que tous ces efforts que tu as fait, tu as reçu une récompense qui est assez satisfaisante ?

Et ils disent en fait non. J'étais très content, j'étais on top of the world pendant deux jours et après c'était retour à l'entraînement. C'est quoi toi ton rapport à l'échec ? C'est chiant, c'est nul, personne n'a envie d'échouer.

une fois je fais des vidéos parfois avec Welcome to the Jungle on a fait une vidéo sur l'échec et ça me fait très marrer parce que très souvent on ramène des gens c'est quoi ton plus bel échec etc ce que j'expliquais c'est que souvent ces gens ils sont pas là pour parler de leurs échecs ils sont là pour parler de leur réussite, faire une sorte de fausse humilité genre j'ai échoué ma boîte était au bord de la faillite mais la personne maintenant elle est clairement une personne qui a réussi elle est juste en train de dire j'ai échoué pour mieux réussir moi ce qui m'intéresse il y a un philosophe que j'aime beaucoup qui s'appelle Sioran ce qui m'intéresse c'est les gens qui ont échoué et pas réussi on fait jamais ça on invite jamais quelqu'un qui a échoué Et qui n'a pas réussi. Moi, je n'aime pas échouer. Après, je comprends que dans des situations d'apprentissage, c'est nécessaire.

Je comprends rationnellement que je suis obligé pour devenir meilleur. Parfois, ça ne va pas marcher. Parfois, quelque chose ne va pas fonctionner.

Mais venir dire, quand j'ai un échec, je me dis que c'est une opportunité d'apprentissage, m'ouvrir à la vie et tout. Non, quand j'échoue, ça fait chier. Oui, mais tu vois, pour rebondir sur ce que tu disais, pourquoi est-ce qu'au moins je n'invite pas des gens par exemple qui ont enchaîné les échecs ?

Mais parce que tu dis what's the point ? Pourquoi ? Je suis d'accord avec toi.

Pourquoi dire qu'on s'intéresse à l'échec ? On ne s'intéresse pas à l'échec, on s'intéresse à la réussite. Et on veut juste être...

plus humble, donc on dit je m'intéresse à l'échec. Mais si on s'intéresse à l'échec, autant inviter des gens qui ont échoué, et c'est tout. Et dans ce cas-là, tu vas arriver très vite à ton raisonnement mais what's the point ?

Pourquoi est-ce que je suis en train d'inviter quelqu'un qui va me dire en fait j'ai ouvert ma première boîte, elle a fait faillite, je suis allé m'embaucher dans une boîte miteuse, j'ai été viré, et maintenant je suis au RSA, et je sais pas comment je vais m'en sortir. Peut-être que ça peut être hyper intéressant, et peut-être que quelqu'un va le faire, et moi en tout cas je regarderai. Mais souvent...

Quand on dit, on va parler de l'échec. C'est de la fausse modestie pour dire qu'on va parler de comment tu as galéré avant de réussir hyper bien. C'est comme si on est à la fin du film.

Donc oui, l'échec est nécessaire, mais on ne va pas aller le glorifier et raconter. Les gens qui échouent et qui n'ont pas la chance après de rebondir, personne n'a envie d'être à leur place, même eux. C'est hyper difficile. Donc je n'aime pas échouer, même si c'est inévitable. Quelque chose qui m'interpelle, c'est que tu ne cherches pas, j'ai l'impression que...

consciemment à t'améliorer, mais tu n'aimes pas non plus échouer. Donc, pourquoi est-ce que tu fais les choses ? Déjà, c'est pas que je cherche pas à m'améliorer, je cherche pas à devenir la meilleure version de moi. C'est très très très différent. Évidemment que je cherche à m'améliorer en tant que chercheur en neurosciences.

J'essaye de comprendre comment fonctionne le cerveau, j'essaye de comprendre... Ce qui ne sont pas des sujets faciles. Comment est-ce qu'émerge la conscience ?

Est-ce qu'on a du libre-arbitre ? C'est quoi le lien entre émotion et rationalité ? Est-ce qu'ils sont en opposition ?

Comment est-ce qu'on prend une décision ? Comment est-ce qu'on change d'avis ? C'est un sujet très difficile. Et évidemment que j'essaye de m'améliorer pour essayer d'apporter une toute petite brique à l'édifice qu'on appelle la science ou la connaissance humaine. J'essaie pas d'être la meilleure version de moi sur ce point, c'est-à-dire je vais pas me réveiller et aller au labo et rien faire d'autre tous les jours, de manière quasi obsessionnelle, parce que c'est pas moi.

Encore une fois, quelqu'un qui le fait, j'ai pas de problème. Mon problème, c'est si cette personne qui le fait dit, si tous les chercheurs ne font pas ça, c'est qu'ils sont pas en train de faire l'effort, donc c'est de mauvaises personnes, parce que c'est de leur faute, parce qu'ils sont pas en train de le faire assez. Donc encore une fois, il y a une différence entre l'individu et l'injonction générale.

Donc j'essaye de m'améliorer, mais je ne m'acharne pas dessus. Ça, c'est sûr. Mais c'est une très bonne question de pourquoi est-ce que je fais les choses.

Et la réponse va être un peu bizarre, parce qu'on n'a pas le temps. Chacun a sa philosophie un peu de vie. Moi, ma philosophie de vie, je me...

réveille, je ne peux pas dormir tout le temps, je me réveille, il faut que je fasse des choses. Autant faire des choses qui ne sont pas trop désagréables et qui de préférence m'intéressent. Je fais des choses parce que de toute façon il faut que je fasse des choses.

Donc je choisis les choses qui me plaisent, qui m'amusent, qui sont cool. Je ne sais pas si tu connais le shogi, c'est un emoji qui fait comme ça. Je l'ai tatoué. Pour moi c'est ça, c'est genre pfff.

c'est très nonchalant oui, c'est oisif j'aime bien l'oisiveté oui on peut dire que c'est nonchalant mais c'est une nonchalance par rapport à moi je suis jamais nonchalant avec des personnes qui viennent être en consulte je suis jamais nonchalant quand je suis en train de faire une conf je suis pas nonchalant dans ce que je suis en train de dire maintenant c'est une attitude entre Albert et Albert tu es pas tellement important en fait ça c'est un autre truc de my better self c'est genre you're special you're important j'y crois pas non, je ne suis pas particulièrement important, je ne suis pas particulièrement spécial. La majorité d'entre nous, on est moyen. C'est la définition de la moyenne. C'est très, très bien.

C'est très, très, très bien. Je n'ai pas particulièrement envie d'être autre chose. Parce que c'est, encore une fois, une philosophie de vie.

Pour moi, à un moment, j'ai capté qu'on va tous mourir. Et du coup, la vie va passer, je vais mourir à un moment. Je vais juste la traverser en me prenant le moins la tête possible et en causant le moins de souffrance autour de moi. Donc tu dis que la vie n'a pas de sens, mais...

tu viens de lui donner un sens. La vie n'a pas de sens, ça ne veut pas dire que la vie a un sens négatif, ça ne veut pas dire que la vie a un sens positif. La vie n'a pas de sens, c'est qu'il n'y a pas un sens inhérent à la vie extérieure à moi, et du coup, chacun d'entre nous est en train de lui donner un sens. Donc oui, moi je lui donne ce sens, et encore une fois, mon sens n'est pas universel. Le danger, c'est quand je commence à dire, je j'ouvre demain un podcast et je dis, my was if self, je dis à tout le monde, en fait, il faut que vous soyez tous flemmards, il faut que vous soyez tous, vous vous en foutiez du temps qui passe, que euh...

vous ne devrez pas vous prendre au sérieux. Non, je rencontre quelqu'un qui se prend hyper au sérieux, qui me dit, moi, en fait, je vais écraser tout le monde. C'est ça le but de ma vie. Je le respecte.

Peut-être qu'on ne va pas être d'accord. Peut-être que je vais le combattre s'il devient, je ne sais pas, quelqu'un dans la vie publique. Mais la vie n'a pas de sens. Donc chacun peut créer le sens qu'il veut.

Par rapport à ce que tu viens de dire sur la personne avec qui tu ne serais pas d'accord, avec qui tu échangerais... Tu l'as dit un peu plus tôt que tu pouvais refuser une interview sur un média si jamais il reçoit des personnes qui, à ton sens, ne devraient pas avoir de plateforme. Qui sont ces personnes-là et pourquoi on ne devrait pas leur donner la parole ? Est-ce que le propre de la démocratie, et je me fais l'avocat du diable parce que je pense pareil, mais est-ce que le propre de la démocratie ce n'est pas de donner la parole à tout le monde ? Non, le propre de la démocratie ce n'est pas d'empêcher la parole des gens.

pas de donner la parole. C'est-à-dire, moi, demain, j'ai un podcast. Ce n'est pas du tout antidémocratique si je dis que je ne reçois pas des gens de l'extrême droite, par exemple. Parce qu'ils ont ces news, ils ont des tonnes d'autres plateformes.

Ils n'ont pas besoin de moi. Je n'ai pas besoin de donner encore plus de plateformes. Donc, le problème de la démocratie, et ça, je pense, c'est un truc qu'on confond tout le temps.

La liberté d'expression, ce n'est pas la garantie d'avoir une plateforme pour avoir la liberté d'expression. C'est-à-dire, tu peux exprimer ce que tu veux, on ne peut pas te mettre en taule, on peut pas t'interdire mais on est pas obligé de te donner la parole tu te fais déplateformer de Youtube c'est pas de la censure tu peux aller ouvrir ta propre chaîne si tu arrives pas à créer un site comme Youtube bah désolé pour toi c'est à dire que tes idées ne font pas tellement écho mais si Youtube commence à donner c'est leur droit aussi si Youtube décide de devenir une plateforme je sais pas d'extrême droite j'irai pas à Youtube c'est mon choix mais la liberté d'expression, c'est pas l'obligation d'avoir une plateforme, et surtout c'est pas une liberté, la liberté d'expression c'est pas la liberté de la conséquence de ton expression, c'est-à-dire si quelqu'un va et dit quelque chose d'hyper raciste on décide que nous on veut boycotter cette personne, c'est aussi notre prérogative, tu as le droit de dire ce que tu veux j'ai le droit de penser que c'est pourri et donc je veux pas être avec toi, tout le monde parle de la cancel culture, de la cancel culture machin machin, mais en fait c'est juste un mot qui... qui existe déjà s'appelle du boycott.

Quand quelqu'un se fait canceler ça ne veut rien dire. La personne est juste en train de se faire boycotter parce que des humains, et c'est leur droit aussi, estiment que ce que cette personne représente, c'est quelque chose qu'ils ne veulent pas. Support.

Une personne qui se fait canceler elle n'a aucune conséquence juridique. Ce n'est pas un terme juridique. Donc si moi, demain, je suis un neuroscientifique, je dis quelque chose d'hyper homophobe, et les gens me disent en fait, on ne veut plus t'inviter parce que tu es homophobe je ne suis pas en train de me faire... cancel, dans le sens où les flics arrivent chez moi et on me dit les gens n'ont plus envie d'être associés avec moi et ils ont entièrement leurs droits, après on peut débattre de quel est le threshold le curseur à partir de quel moment je me dis ok moi je veux plus m'associer avec cette personne Et on pourrait dire qu'il y a certaines personnes qui ont un curseur très très bas, genre à n'importe quelle mini-déviation, on fait une campagne de boycott. Ça, c'est un autre sujet.

Mais ce truc de Ah, on va cancel... Ça s'appelle le boycott, ça existe, c'est un droit aussi qui est démocratique, de dire Moi, cette enseigne est en train... d'embaucher des enfants à l'autre bout de la terre, je ne veux pas acheter, je ne suis pas en train de la cancel.

Elle, elle a le droit de faire ça. Je pense qu'elle ne devrait pas avoir le droit, mais dans le monde d'aujourd'hui... D'ailleurs, oui, ce n'est pas tellement légal.

Non, mais voilà. Et moi, j'ai le droit de dire, en fait, je ne veux pas être associé avec toi. Donc oui, moi, des plateformes qui reçoivent des gens d'extrême droite, je n'ai pas envie d'être avec eux.

Des gens qui reçoivent des personnes qui poussent des soins, par exemple, qui, on sait, non seulement ne marchent pas, mais empirent la qualité de soins. qu'une personne pourrait recevoir, je n'ai pas envie d'être associé avec vous. Ça ne veut pas dire que je vais défendre des positions autres ou que je vais juste aller chez des gens qui pensent comme moi.

Mais il y a certaines choses où je me dis inviter quelqu'un d'autre. Et de la même manière, si moi j'ai une plateforme, je ne vais pas inviter tout le monde parce que je pense qu'ils ont assez de déco en société et que je n'ai pas envie. C'est hyper intéressant, c'est un peu le sujet d'une vidéo que j'ai sorti hier où je réfléchis à ça et j'en suis arrivé à la conclusion en effet que le problème aujourd'hui c'est qu'on a tous un curseur différent sur ce qu'on tolère ou non, mais qu'on part du principe que notre curseur est le bon, est le juste curseur.

Et donc en effet, si je suis la première à dénoncer notamment des enseignes de fast fashion qui exploitent des travailleurs... Et ça me semble normal de le faire, mais à l'inverse, je le prends extrêmement personnellement quand des personnes vont m'accuser de ne pas être vraiment engagée pour la planète parce que je ne suis pas végétarienne. Et j'ai réalisé qu'en fait, c'était juste mon curseur et que les personnes qui m'accusaient de ne pas être parfaite, c'est leur curseur. Mais le problème que j'ai aujourd'hui, c'est que du coup, le fait de ne pas avoir le même curseur est une forme de justification au boycott.

Alors qu'on pourrait juste dire, on n'a pas le même curseur, ce n'est pas grave en fait. Enfin, tu vois, nous, de notre conversation, on n'a pas exactement le même curseur. C'est pas grave, je peux quand même te parler, je peux quand même te recevoir, tu vois.

Et c'est un peu aujourd'hui le problème que j'ai avec la faculté à condamner extrêmement rapide. C'est qu'on oublie, enfin on oublie, il n'y a plus de droit à l'erreur, il n'y a plus de seconde chance, il n'y a plus juste de réflexion. On a le droit de débattre et ce qu'on dit n'est pas forcément parfait. Ça ne veut pas dire qu'on doit condamner. Les personnes qui le disent quoi ?

En fait, tu as répondu à ça au début. Ça dépend du curseur. Il y a chez chacun ce qu'on appelle des valeurs sacrées.

Ça n'a rien à voir avec la religion. Les valeurs sacrées, c'est des choses qui sont des no-no pour nous. Et on peut dire qu'aujourd'hui, il y a des groupes pour qui les valeurs sacrées... sacrées sont très très larges. En général, c'est un truc hyper restreint.

Par exemple, je ne sais pas, pour faire un truc hyper simple, la pédophilie, c'est une valeur sacrée. Je ne peux pas jamais inviter une personne pédophile, jamais acheter un business pédophile, etc. Pédocriminel.

Si on veut être woke. Oui, il y a des personnes aujourd'hui qui ont une sorte de valeur sacrée sur plein de sujets. Mais aussi, il faut se rappeler que c'est des pourcentages, c'est-à-dire...

Il y a tout le temps une sorte de col qui est radicale sur n'importe quel sujet, que ce soit le végétariennisme, le véganisme ou l'antispécisme. Donc il y a des personnes qui sont antispécistes, qui vont être plus radicales que d'autres. Il y a des personnes qui sont contre la fast fashion. mais qui se disent, bon, j'ai vu, je ne sais pas, des chaussures Nike qui sont vraiment cool ou j'ai vu un truc sur Shane.

Je ne sais pas si on s'appelle Shane. On n'a même pas besoin de le savoir parce que ça ne vaut pas la peine de le mentionner. Je me dis, bon, ce truc, j'ai vraiment flashé, je l'ai acheté une fois.

Alors que pour quelqu'un d'autre, c'est genre quoi ? Tu as acheté une fois sur ce site ? C'est complètement dément que tu fasses ça alors que moi, je suis engagé quotidiennement pour les interdire de la vente. Parce que ce qu'ils font est pas éthique.

Donc c'est normal. Et c'est juste qu'aujourd'hui, on a tous une plateforme. Et donc, on peut tous faire plus de boucans. Mais pour moi, ça, c'est sain.

Moi, j'ai pas de problème avec ce truc dans la société actuelle. Tout le monde dirait, c'est en train de machin. Je pense déjà, un, qu'il y a des problèmes beaucoup plus graves.

Mais ça, c'est un mauvais argument. Mais surtout, deux, on vient tous d'avoir des plateformes. Et on est encore en train d'essayer de comprendre qu'est-ce qu'on va en faire.

Donc là aussi, on parle tous du droit à l'échec. Il faut aussi le droit à l'échec que de ne pas comprendre comment utiliser nos outils technologiques encore, et d'attendre, ça ne fait même pas 10-15 ans qu'il y a les réseaux sociaux, d'attendre qu'on se donne encore 10-15 ans, et puis ça va se tasser je pense. Ça va se tasser d'un côté ou de l'autre, mais on est encore en train d'essayer de comprendre.

On a soudainement tous une voix. Ce qu'on est en train de faire maintenant, il y a 15 ans, ce n'était pas possible. C'était soit je passe à la télé, soit je passe à la radio.

C'est fini. C'est fini. Donc oui, on ne sait pas encore comment utiliser ces outils.

Chacun peut s'exprimer, chacun peut exprimer son curseur. Le curseur n'est plus quelque chose de descendant d'une sorte d'autorité. Et limite, c'est sain, le temps de voir qu'est-ce qu'on va en faire.

Comme ça, on découvre toute la variabilité qu'il y a. Mais je peux comprendre que si quelqu'un est antispéciste, donc pour lui, un autre animal, quelqu'un de vivant comme un humain, elle ne peut pas supporter que quelqu'un soit en train de manger un autre individu. devant elle.

Je le comprends. Est-ce que ça veut dire qu'elle peut forcer tous les autres à faire la même chose ? Non, et surtout, ils ne le font pas.

On peut descendre maintenant après et manger un burger. Mais c'est juste que, aussi, je pense qu'on s'offusque très vite. Tout le monde traite les autres d'être fragiles et tout le monde traite les autres d'être victimisants. Alors que c'est juste des valeurs différentes et des combats différents. Et au final, pour moi, c'est ça, la politique.

La politique, c'est l'organisation d'un groupe d'humains et chacun défend l'homme. défends ses valeurs, chacun décide où il veut aller ou pas, et donc moi oui, par défaut je dis oui, sauf quand j'ai une raison de dire non et dire non c'est par exemple, oui j'irai pas dans des médias d'extrême droite même si l'extrême droite fait genre non mais nous c'est pas très grave machin, et je suis d'accord que quelqu'un qui regarde ce truc dit ah lui c'est un bien pensant machin machin, j'ai aucun problème, oui je suis un bien pensant, j'aime bien le politiquement correct je vois pas pourquoi on voudrait être un faux pensant ou un mal pensant, je comprends pas pourquoi on voudrait être incorrect donc c'est des trucs que j'assume... depuis très longtemps, j'ai pas de problème.

T'as jamais peur de déplaire ? J'ai très peur de déplaire les gens que j'aime bien. Mais je peux pas vivre dans une trocque de déplaire tout le monde, quoi. Si un de mes potes me dit, putain, tu m'as vraiment déçu, ou une de mes amies me dit, c'était vraiment pas cool ce que tu as fait, je peux culpabiliser pendant dix mois dessus. Ça me trotte dans la tête et je suis en train de faire autre chose et bim, j'ai un flash, je suis très facilement chantable.

On peut me chanter très facilement, genre, un chantage émotionnel, je suis vraiment nul à ça. Réglisse. les gens que j'aime bien. Mais non, si quelqu'un dit, ah oui, lui, je sais pas, c'est un woke. Tu t'en fous.

Oui. En parlant de chantage émotionnel, je sais plus si c'était dans un article aussi que j'ai lu de toi où tu parlais de gaslighting et un peu de manipulation. Et je me suis dit, tiens, c'est intéressant, j'en ai jamais parlé dans un épisode, mais c'est malheureusement encore trop fréquent. Comment est-ce qu'une personne en couple...

pourrait se prémunir de ça, ou le cas échéant, si ça lui arrive, s'en rendre compte, tu vois, prendre conscience qu'on est en train de se faire... manipulés par un pervers narcissique par exemple. J'ai l'impression que ça repose un peu sur des mécanismes psychiques.

Est-ce que tu as des billes à nous apporter là-dessus ? Les autres, tes potes. Les écouter. Oui, c'est très très difficile.

En fait, par exemple, je travaille sur la désinformation en ligne. Je suis membre du panel d'experts du CSA, maintenant l'ARCOM, pour la lutte contre la désinformation en ligne. Donc on a beaucoup pensé à comment apprendre aux gens l'éducation aux médias, vérifier les sources, s'il y a plusieurs sources, etc.

Et on a des outils, on a des billes, comme tu dis. mais moi ce qui m'intéresse dans mon travail c'est qui va me protéger de moi quand la source des fake news c'est mon propre cerveau par exemple quand mon cerveau est en train de me convaincre que cette personne est bonne pour moi alors que clairement cette personne est abusive mal intentionné, me fait douter de ma propre mémoire, comme c'est le cas dans le gaslighting, etc. Et on ne peut pas penser par soi-même.

Une des plus fausses conceptions que j'entends sur le raisonnement critique, c'est pense par toi-même, fais tes propres recherches. On est des animaux sociaux. Il faut apprendre à penser contre son cerveau et le cerveau des autres. Et donc c'est très important d'avoir dans son entourage des gens de confiance, des gens que je sais sont bienveillants pour moi. Si moi, j'ai des signaux qui viennent de moi, parce que souvent quand on est dans des relations, comme ça, on n'est pas très à l'aise mais on rationalise, on trouve des excuses on pardonne, il était fatigué il passe par une période de stress il a mal, il a machin, il a machin si j'ai des gens qui sont importants pour moi, que je sais ont mes meilleurs intérêts à coeur, etc et qu'ils me disent, qu'elles me disent toutes que ce que je suis en train de faire est mauvais pour moi, je dois faire avoir une sorte d'humilité, de me dire je vais les écouter au-dessus de ce que moi je suis en train de me dire.

D'apprendre à... Ça s'appelle de la conformité informationnelle, d'apprendre à me conformer à l'opinion de ces gens qui sont avec moi depuis très très longtemps, qui sont en train de me dire que je suis en train de faire quelque chose qui n'est pas bien pour moi, alors que je le sens un peu, parce que ce n'est pas possible de s'en rendre compte seul. C'est hyper compliqué.

Je ne dirais pas que ce n'est pas possible, mais c'est hyper compliqué, on n'a pas une méthode magique. Et pour moi, cette dimension sociale de la cognition humaine, des relations sociales, des relations amicales, de la relation familiale, quand on a la chance de tomber sur une famille. Parce que la différence entre la famille et les amis, et tout le monde la connaît, c'est qu'on ne choisit pas notre famille, on choisit nos amis. La chance d'avoir choisi des amis qui sont cools, qui sont bienveillants, qui m'aiment bien, même si parfois certains peuvent être toxiques, mais je pense que c'est le plus gros... facteur de protection qu'on peut avoir dans la vie.

Ok. Mais ça demande à faire passer la raison au-dessus de l'émotion. Je faisais une conf hier, le matin, tu aurais dû venir. Ah, j'aurais dû, mais j'étais pas au courant. Sur les émotions et les raisons, parce qu'ils sont pas en opposition.

D'accord. Nos émotions... En fait, il faut penser plutôt... C'est court, ça prend deux heures, mais je vais faire la version condensée. C'est tout le temps une diade émotion, émotion, raison, motivation, contre une autre diade émotion, raison, motivation.

C'est rarement... Il y a quasiment jamais une... une émotion qui est en opposition à une raison. Chaque émotion est tout le temps accompagnée d'un raisonnement et d'une motivation.

Et chaque autre émotion, par exemple, je suis dans une relation qui est mauvaise pour moi, mes émotions sont plutôt négatives, mon cerveau me dit, non mais comment est-ce qu'il a pu faire ça ? Et ma motivation, j'ai envie que ça s'arrête et je veux partir. Il y a une autre triade ou diade, une émotion qui me dit, je ne sais pas, mais je l'aime. Un raisonnement qui dit, mais il était fatigué, il ne voulait pas vraiment m'insulter.

et ne vais pas vraiment me taper ou je ne sais pas quoi. Une motivation, j'ai envie de rester parce que je pense que si je mets assez d'efforts, ce truc va marcher. C'est tout le temps cette opposition.

Et donc oui, c'est de mettre de côté parfois la diade qui est plus forte, qui est le choix par défaut, qui est de rester. C'est tout le temps plus difficile de partir que de rester. Donc oui, ça nécessite cette sorte d'humilité entre soi et soi-même. C'est-à-dire en fait, si j'ai 4, 5, 6 potes qui ne se connaissent pas, qui sont en train de me dire que je fais n'importe quoi, peut-être que je ne devrais pas m'écouter.

Est-ce que ce que tu nous partages sur cette diade raison-émotion implique que la raison peut avoir une influence sur l'émotion ? Parce qu'autant on sait que l'inverse est vrai, on dit que l'amour en aveugle, le fait d'aimer quelqu'un, ça peut nous faire faire des choses qui n'ont pas vraiment de rationalité. A l'inverse, parfois, je trouve ça difficile que la raison influe sur l'émotion qu'on ressent. Par exemple, je...

j'ai pas mal moi de culpabilité quand je fais pas les choses comme je pense que j'aurais dû les faire et tu vois j'ai beau essayer de rationaliser la chose j'ai pas l'impression que ça change quelque chose à l'émotion que je ressens qui est genre j'ai merdé je suis nul tu vois j'ai merdé je suis nul etc ça c'est de la pensée c'est pas l'affect donc ton affect de boule au ventre etc et accompagné de pensée de je suis nul je vais pas réussir je sais pas il y a des gens qui dépendent de moi et je suis en train de les laisser tomber ça c'est une raison donc déjà dans comment tu en parles l'autre côté c'est il faut plus que je me mette la pression etc et l'émotion qui va venir avec si par exemple je vais relâcher mon corps ne plus avoir la boule au ventre etc donc oui bien sûr que l'émotion peut plus facilement on va dire impacter le contenu de nos pensées parce que l'émotion a quand même cette dimension un peu automatique mais bien sûr que des pensées peuvent affecter les émotions je te donne un exemple très simple tu assises chez toi tu commences à penser à une événement événements un peu douloureux dans ton passé, tu commences à pleurer. C'est ta cognition, le fait que tu commences à penser à ce truc qui a déclenché l'émotion. Donc ça marche dans les deux sens, mais c'est sûr que l'émotion est en plus automatique, j'ai envie de dire, plus facilement, influe plus facilement. Mais tout le temps quand tu as une émotion, tu as un set de pensées qui lui est associé.

Et tout le temps quand tu as un set de pensées, tu as potentiellement une émotion, même si c'est l'émotion, c'est une émotion neutre, c'est une émotion commune. même. Si je ne suis pas à la fin du podcast, je vais aller quelque part et je vais être en train de me réfléchir à comment est-ce que j'étais, peut-être que j'aurais dû dire ça mieux, etc.

Ces pensées vont créer des émotions en moi. Est-ce que ça veut dire que la pensée positive a une réelle efficacité parce que je trouve ça assez je trouve que c'est aussi une autre forme d'injonction de nous inciter à penser positif quand parfois tout ce dont on a besoin c'est au final d'extérioriser la négativité mais d'un autre côté si j'entends ce que tu dis je comprends d'où ça vient parce que si jamais le fait de penser positif peut nous permettre De dépasser une émotion négative, c'est utile. En fait, ça dépend de ce que je suis en train de positiver. Il y a une sorte de point d'inflexion.

C'est-à-dire qu'on a besoin d'avoir une sorte d'outlook positif dans la vie. pour pouvoir démarrer, mais à un moment, juste positiver, quand c'est contre les faits, ça a ce qu'on appelle un backfire effect et ça devient plutôt très très négatif. Par exemple, je ne sais pas, si on reprend l'exemple d'une relation malsaine, je suis dans une relation malsaine et je positivise, je suis juste en train de...

Perpétuer mon malheur. C'est pas parce que je me dis ah non il m'aime, mais il m'a foutu un coup hier parce qu'il était fatigué, qu'il va arrêter et que soudainement il va commencer à être sympa avec moi. Et surtout c'est important de pouvoir exprimer des émotions négatives. c'est-à-dire les émotions négatives ont une fonction et on ne peut pas juste dire d'interdire les affects négatifs, je vois beaucoup de gens sur les réseaux qui sont tout le temps en mode self-love, machin, machin, machin qui se trouvent que je suis psy et... Mais quand on est en séance, c'est juste une façade.

Et ce que je leur explique, c'est que cette façade te fait beaucoup plus de mal que ce que tu imagines. Parce que tu es en train de te couper en deux. Tu es en train de créer quelque chose qui n'est pas toi. Et donc tu es tout le temps en train de te comparer à ce toi qui est meilleur que toi dans le réel.

Et donc de nourrir cette frustration d'idéalisation qu'on montre aux autres, alors qu'intérieurement on sait que ce n'est pas le cas. Quand les personnes se partagent sur les réseaux, tu veux dire ? Oui, ou sur les réseaux, ou devant des gens, ou en soirée, ou n'importe quoi. tout, personne n'a le droit d'aller mal oui c'est sûr mais pour avoir des témoignages de personnes qui me suivent depuis plusieurs années, je sais que le fait de parler d'amour de soi d'acceptation de soi, de faire réfléchir autour de ça, ça a fait que il y a eu beaucoup de personnes qui m'ont dit merci en fait de part ce que tu as partagé, j'ai pu travailler là-dessus il y a une différence entre tu parles de l'amour de soi et tu montres une image de toi comme si tout va bien tout le temps, parfaite l'image de perfection ne sert à personne il faut bien, évidemment qu'il faut s'apprécier mais il y a une différence entre la pensée positive donc tout ce qui m'arrive je dois tout le temps le transformer en un truc positif et croire que j'ai de la valeur c'est à dire il faut avoir une bonne estime de soi c'est préférable mais c'est difficile parce qu'il y a tellement de pression c'est pas supposé être si difficile que ça en fait je pense que c'est difficile parce qu'on se met tous une barre incroyablement haute Et donc on est tout le temps en train de galérer à l'avoir, on est déçu, on est frustré, et la barre est là, et puis là, et puis là, et puis là.

Et parce qu'on l'a fait dépendre de facteurs qui ne dépendent pas forcément de nous. Oui, de toute façon, c'est pas possible de faire que ça dépend juste de moi, parce qu'on vit en société, etc. Mais oui, la balance...

Ce n'est pas top. Est-ce que tu vois une différence là-dessus dans les passions que tu reçois pour les femmes et pour les hommes ? Oui bien sûr, déjà parce que la société est patriarcale, donc il y a beaucoup plus d'injonctions sur les femmes.

notamment sur le physique, sur l'humeur déjà les femmes ont une sorte de réputation d'être plus émotionnelle, d'être plus hystérique dans un milieu de travail on sait qu'une même remarque genre J'ai vu une vidéo hier de deux joueurs de foot. Donc un joueur, c'est pas des joueurs, c'est des anciens joueurs de foot. Et donc un ancien joueur, une ancienne joueuse, qui se sont échangés leur compte Twitter, juste pour voir qu'est-ce qui se passe.

Et donc lui, il était en train de tweeter de son compte à elle, et elle, elle tweetait de son compte à lui. Les deux sont analystes de foot. Et lui, il recevait des messages, tu aurais dû plus rester à la cuisine, ça se voit que tu comprends rien en foot, machin, machin, machin. Et elle, elle recevait des messages, top analyse. c'est incroyable, on voit là l'expert, merci d'être là, alors que c'est elle qui est en train...

Donc oui, bien sûr qu'il y a des différences, pas qui sont intrinsèques aux hommes et aux femmes nécessairement, mais l'image qu'on renvoie, et encore une fois, on est des animaux sociaux, donc oui, il y a beaucoup plus de pression au travail, beaucoup plus d'injonction à la beauté, de manque d'émotion, ce qui parfois, paradoxalement, rend des femmes plus sévères, parce qu'elles veulent prouver plus qu'elles, elles ne sont pas des êtres émotionnels. Est-ce que ce mythe... des femmes qui sont hystériques ou qui sont beaucoup plus émotionnelles, à une véracité scientifique ? On ne peut pas savoir, parce que vu qu'on vit dans une société patriarcale, on ne sait pas si les femmes sont plus émotionnelles pour des raisons inhérentes à elles, ou si c'est parce qu'on leur a assigné ce rôle, et donc elles deviennent. Après, il y a des différences biologiques dans les systèmes hormonaux, parce que...

mais on ne sait pas c'est quoi le pourcentage le poids etc qu'est-ce qui est social et qu'est-ce qui est biologique et pour le cerveau il y a encore des personnes qui le prétendent est-ce qu'il y a une différence structurelle entre un cerveau féminin et un cerveau masculin Alors le mot technique qu'on utilise s'appelle le dimorphisme. Par exemple, les organes jonidaux sont dimorphiques, ils ne sont pas du tout les mêmes entre une personne de sexe masculin et une personne de sexe féminin. Le cerveau ne le considère pas comme un organe dimorphique, il considère que c'est un organe qui n'est pas dimorphique. Et en ce moment, il y a un débat énorme parce que c'est très difficile de savoir d'où ça vient.

Donc il y a une méta-analyse énorme qui est sortie qui dit non, il y a des gens qui ont répondu, d'autres chercheurs qui ont répondu oui mais vous n'avez pas très bien traité les données. S'il y a un dimorphisme, il est minime. Et il ne peut pas expliquer les différences qu'on voit dans la société.

Moi, je fais partie de ceux qui croient que... ce dimorphisme n'existe pas, que c'est une sorte de mini-artefact, parce que nos IRM ne sont pas encore top, des problèmes de résolution, etc. Mais même ceux que je connais, qui eux défendent l'opinion inverse, disent que de toute façon, ça ne peut pas expliquer l'écart énorme qu'on voit dans l'expression sociétale entre les hommes et les femmes. Il y a un point sur lequel j'aimerais revenir, on en a un peu parlé, mais c'est de l'oisiveté. Dans ton travail, tu fais presque l'apologie de ne rien faire.

Et au-delà du fait que, tu vois, en effet, je le comprends de ta personne, ça permet déjà de vivre de manière plus sereine et plus tranquille, est-ce qu'il y a des bienfaits ? à ne rien faire pour le cerveau ? C'est une sorte de question qui retourne sur elle-même, parce que du coup, on est en train de trouver une utilité dans un truc qui, par définition, ne devrait pas l'être.

Mais pour répondre à ta question, oui, ça a une utilité. Notre cerveau a besoin de rêver assez, besoin qu'on le laisse tranquille. Il y a des trucs relativement bénéfiques qui se passent. Mais si vous voulez vous mettre à rien faire, ne le faites pas parce que ça a des bénéfices.

Parce que que ça ne marche plus automatiquement. On appelle ça les comportements tournés vers la performance. Et ça ne dépend pas de l'activité. Par exemple, je peux jouer de la guitare et être prêt à prendre plaisir, et je peux jouer de la guitare en me mettant une pression parce que je veux devenir le meilleur guitariste au monde.

C'est plus une question d'attitude. Si je rentre chez moi et je me dis, j'ai entendu Albert Muckeberg, le neuroscientifique, qui dit ne rien faire, ça active le réseau de défauts, le mode par défaut du cerveau, et donc ça va m'aider. Je me dis, je ne vais rien faire, je m'assois là, et je commence à penser. est-ce que mon DMN est activé, est-ce que mon DMN est... Ça ne va pas le faire.

Il faut vraiment... Et c'est une sorte de serpent qui se mord sa propre queue, ce truc de mélioration. Parce que c'est tellement présent dans notre époque qu'on a du mal même à comprendre qu'est-ce que ça veut dire faire quelque chose qui n'a pas d'utilité. Mais est-ce que le plaisir n'est pas une forme d'utilité ?

Parce qu'en effet, à chaque fois, tu me chopes là-dessus et je me rends compte que moi, j'ai peut-être un mode par défaut là-dessus. Mais en fait, pour moi, le plaisir est une utilité en soi. Oui, mais aussi, l'état de je ne suis pas en déplaisir et je ne suis pas en train de prendre plaisir n'est pas si désagréable que ça.

C'est-à-dire, je ne suis pas en train de dire je vais aller me faire du mal. Quoique, il y a beaucoup de gens qui se font du mal dans cette vision améliorative. Des restrictions alimentaires, je ne mange pas des glaces alors que j'aime ça, j'ai des crampes, je me casse, machin, machin, machin.

Ce n'est pas hyper plaisant. On le fait quand même pour la vision améliorative. Donc moi, je suis en train de te dire, sortez un peu de cette vision améliorative et d'un point de vue phénoménologique, genre la phénoménologie, c'est comment je vis les choses.

C'est pas si désagréable. Mais ce que je veux dire, c'est que c'est pas non plus grave si on n'aime pas ne rien faire. Non, c'est pas grave. Parce qu'il y a presque aujourd'hui l'injonction inverse.

Moi, ça me prend la tête, des gens qui disent que c'est important de s'ennuyer. Du coup, j'ai l'impression de peut-être... Je sais pas, je suis pas en train de réinitialiser mon cerveau comme il faut. Il fait pas assez rien, tu vois. Tu es encore en train de penser à quelle est l'utilité du truc.

Moi, et encore une fois, je suis pas du tout en train de dire... à personne, je ne sais pas les caméras sont où, à personne, de ne rien faire ou d'être oisif. Je suis en train de dire, moi je suis comme ça parce qu'on m'a posé la question. En général, je ne suis même pas intéressé particulièrement par les deux mois, mais c'est un peu le format aussi de la conversation qu'on est en train d'avoir. Mais tout ce que je dis, c'est que si vous ne faites rien, un, ce n'est pas grave, et deux, juste ne suivez pas, ne rentrez pas dans la roue hédoniste.

Parce qu'il le faut. En fait, ce que je suis en train de dire, c'est que la manière dont on présente la vie aujourd'hui, c'est que par défaut, on devrait tous être en train de maximiser le plaisir, d'être la meilleure version de nous-mêmes, d'être mélioratif, de demander à quoi ça sert, de ne faire que des trucs qui servent à quelque chose, qui nous aident à progresser dans la vie. à aller de l'avant, à monter, etc.

Ce que je suis en train de dire, c'est juste un truc très simple, c'est que cette vision de la vie n'est pas quelque chose d'universel, elle n'a pas toujours existé au cours de l'humanité. Il y a des tonnes de courants philosophiques hyper intéressants qui proposent des visions de la vie qui sont différentes. Essayez juste de vous y intéresser. Si ce mode est en train de vous causer de la souffrance, si vous n'êtes pas bien, si le soir parfois vous pleurez pour aucune raison, si vous vous retrouvez isolé socialement pour suivre votre rêve, pour devenir la meilleure, etc.

Juste sachez qu'il y a une sorte d'illusion cognitive qui a lieu aujourd'hui dans le monde où on pense que la société et l'espèce humaine s'est toujours organisée comme ça, que ça a toujours été une question de qui a le plus d'argent, de qui est le plus beau. de qui est le plus riche, de qui peut être la meilleure version d'eux-mêmes. Ce n'est pas vrai, il y a d'autres courants philosophiques.

Il se trouve que moi, celui que moi je suis, c'est un courant plus relaxé sur le rapport des angoisses existentielles de la vie. Mais il y en a des tonnes d'autres. Intéressez-vous si ça vous parle.

Pas aux miens, aux différents courants qui existent, parce que d'autres manières de vivre ont existé, et je trouve dommage qu'on les passe à la trappe. C'est tout. C'est marrant parce que c'est un peu le...

je fais un parallèle avec la vision que j'ai de... de l'apparence physique et du fait qu'aujourd'hui je critique le fait qu'il y ait une vraie pression sur l'image, sur ce qu'on renvoie et que ça ne tient qu'à nous presque de se détacher de ce regard-là et d'arrêter d'essayer de performer un genre pour satisfaire la société. Mais ce qui est vrai et ce que je n'ai jamais réfuté, c'est que ça reste plus simple.

Dans notre société actuelle, d'être perçu comme beau, et que ça reste presque même un privilège de pouvoir se dire, en fait, moi, je m'en fous de mon apparence, je me coiffe pas, je me coiffe pas, etc. Et donc, je comprends les personnes qui peuvent m'opposer cet argument. Et à l'inverse, dans ce que tu nous partages, vu que peut-être moi, j'ai pas encore, ou je le ferai jamais, mais cette vision de la vie comme étant, du coup, un peu comme, par rapport au physique, très détachée de, en fait, je m'en détache, je fais ça pas pour les autres, je le fais pour moi.

et en fait, peu importe si je suis la meilleure ou pas, ça reste plus facile dans notre société de jouer ce jeu-là, de performer, tout simplement. Et en fait, j'ai l'impression que ça peut quand même nous rendre plus heureux, même si ce n'est pas forcément un discours que j'ai envie d'avoir. J'aimerais pouvoir me satisfaire de peu et puis pas chercher à avoir tel ou tel accomplissement. Mais le fait est que, personnellement, ce que j'ai accompli jusqu'ici, Cette recherche d'amélioration m'a ouvert des portes, m'a donné des opportunités qui aujourd'hui me laissent tout simplement le choix. Donc l'idée ce n'est pas forcément d'être la meilleure, mais c'est d'avoir le choix.

Et je n'aurais pas pu avoir ce choix si je n'avais pas performé ce que la société attendait de moi. Oui, et encore une fois, le cas particulier, tant mieux si ça a marché pour toi. Maintenant imagine que tu avais fait tout ça et que tu n'avais pas eu le choix. Et tu aurais continué, continué, continué, continué.

Ça aurait été quelque chose d'assez délétère. pour toi, alors que si peut-être tu avais je sais pas, tu avais essayé, ça avait pas marché tu t'es dit bon c'est pas en train de marcher, ça va être grave tu as été employé dans une boîte, tu as ton boulot de 9h à 17h, tu as des potes de travail hyper cool, tu rentres chez toi, tu as le temps d'aller voir des gens de rester à la maison, de rien faire de regarder la... la télé, etc. Si ça se trouve, dans cet univers parallèle, si je vais faire une grille de satisfaction de vie, cette autre toi, peut-être qu'elle aurait été aussi satisfaite que la toi d'aujourd'hui.

Peut-être moins, peut-être plus. On n'en sait rien. Tout ce que je dis, c'est que peut-être.

c'est le cas, mais où je suis complètement d'accord avec toi, c'est que c'est exactement le même raisonnement, la pression de réussir et la pression d'être beau c'est la même chose, tu as réussi ou tu tends, ou tu as envie de te détacher de la pression d'être beau mais tu vois pas pourquoi tu devrais te détacher de la pression de réussir why not ? tant mieux si ça marche pour toi encore une fois pour moi le problème c'est l'injonction aux autres, que ça soit l'injonction d'être beau soit l'injonction de réussir, de dire quoi ? tu es juste clair cadre, tu peux encore CEO.

Qu'est-ce que tu fais ? Tu sais que tu peux être CEO. Et surtout, dans l'organisation sociétale, on ne peut pas tous être des chefs.

Et on le voit. Vous ne le voulez pas forcément. Parfois, moi, tu me dis, il y a une personne qui comprend très bien un sujet, que moi, qui m'intéresse. Tu me dis, tu vas être son suiveur.

Je dis, ok. Qu'est-ce qu'il veut que je fasse ? Ou qu'est-ce qu'elle veut que je fasse ? Je vais où elle veut. Et ça, dans ce récit mélioratif, parce que c'est un récit qui est profondément individuel.

Il n'y a plus de place pour la collaboration. Il n'y a plus de place pour... Ok, tu sais quoi, en fait, tu me donnes des ordres, je suis. Moi, je n'ai pas de problème à être un suiveur. Du tout, zéro.

Je n'ai pas de problème à ne pas être un leader. J'ai un problème avec l'abus d'autorité, bien sûr. J'ai un problème qu'on me donne des ordres et je n'ai pas envie de les faire, bien sûr. Mais je pense que ce truc de tout le monde devrait tout le temps monter au maximum, C'est pas jouable, quoi. En fait, ça rejoint un peu une forme de philosophie du bonheur qui est d'apprécier le chemin et pas la destination.

C'est qu'en fait, tu vois, si j'avais une autre vie, que j'avais fourni les mêmes efforts, mais que je n'avais pas accompli ce que je voulais accomplir, tant que j'ai pris du plaisir à l'effort, moi, au final, c'est ça qui m'importe. Donc c'est un peu faire sans attendre, enfin, sans avoir d'attente. Peut-être que c'est le problème aujourd'hui, c'est qu'on a trop d'attente. Après, il y a aussi... Oui, bien sûr, il n'y a plus trop d'attente et il y a trop d'objectifs complètement...

déconnectés du réel. Mais aussi, il faut savoir que tout ce qu'on est en train de dire, depuis le début, c'est pour les personnes qui ont le choix. Si je suis dans une sorte de misère sociale, si moi, par exemple, j'ai eu la chance de pouvoir venir en France, mon visa aurait pu être refusé, je serais encore au Liban.

Puis c'est tout. Dans un pays effondré, ma famille encore au Liban, etc. Tout ça, c'est déjà un privilège.

Qu'on puisse être en train de discuter de... Est-ce que je veux être embauché ? Est-ce que je veux être un chef ? Est-ce que je veux être CEO ? Etc.

La majorité des gens, ils trouvent un taf et ils sont obligés de le prendre. Sinon, ils peuvent pas manger. Et eux aussi, ils sont en train d'être endommagés par cette injonction.

Parce que tout le monde est sur les réseaux sociaux. Et donc, il y a tout le temps quelque chose qui est en train de me rappeler... En fait, ta vie est pourrie. Tous les matins, je me réveille, je vais au taf...

Et on me rappelle que ta vie est pourrie. Et donc, c'est aussi de montrer qu'en fait, non, ta vie ne peut pas être juste jugée par les fringues que tu portes, par ce que tu peux acheter, etc. En sachant que, évidemment, évidemment que dans le monde d'aujourd'hui, si tu as plus d'argent, ta vie est plus facile. Si tu es plus belle.

ta vie est plus facile, etc. Mais ça ne veut pas dire qu'on est tous obligés de jouer ce jeu. C'est juste que ce jeu a réussi à créer une sorte d'illusion cognitive, que ça a toujours été comme ça, que c'est juste la continuation. normal de l'évolution des humains.

Et ça, c'est pas vrai. Quel est l'impact des réseaux sociaux sur notre cerveau ? T'en parlais un peu, il y a ce côté de comparaison permanente qui est extrêmement toxique.

Est-ce que, de par ton travail en neurosciences et en tant que psy, et les personnes que tu vois, tu as observé des enseignements sur comment ça a modifié nos... Alors, modifier notre cerveau, notre cerveau est un peu plus résistant que d'être modifié en 10 ans, donc ça n'a pas vraiment modifié notre cerveau, mais je dirais, tout dépend des usages. Quelles sont les pages que je suis en train de suivre ?

Combien de temps est-ce que je suis sur les réseaux sociaux ? Quelles sont les idées qui me sont associées ? Il n'y a pas un truc qui est inhérent, genre les réseaux sociaux, c'est mal. Je peux utiliser les réseaux sociaux pour...

pour m'informer sur la philosophie et je peux utiliser les réseaux sociaux pour me rappeler tout le temps que je suis une merde alors que je suis destiné à être quelqu'un de spécial. Et aussi, on voit une sorte d'injonction à l'excellence, parce que c'est une vie qui est fantasmée, les réseaux sociaux. On n'est pas en train de montrer notre vie comme elle est.

Il y a quelques études sur l'estime de soi chez les ados qui montrent que ça peut avoir des effets délétères. Mais le problème principal, pas directement. des réseaux sociaux, mais des téléphones portables, des ordis, des écrans en général, c'est la sédentarité.

C'est qu'on ne bouge pas. Donc on reste tellement de temps assis et ça c'est très mauvais pour notre corps, pour notre fonctionnement, etc. Il n'y a pas encore d'études qui disent qu'il y a un truc inhérent dans l'objet.

C'est juste que ça hape notre attention et donc un ado ou une ado de 14-15 ans peut passer 6-7 heures entre l'école puis rentrer à la maison et être sur la console. sur le téléphone, etc., où on n'est pas en train de bouger notre corps. Ça, c'est un problème qui traverse toute la société. Aujourd'hui, il faut faire du sport, il faut aller, c'est une heure, dans une salle, à bouger son corps, alors qu'il y a 150 ans, c'était complètement absurde, parce que ça se faisait naturellement. Il fallait marcher, il fallait porter des trucs, il n'y avait pas d'ascenseur, il n'y avait pas de voiture.

Je pense que c'est la sédentarité, vraiment, le problème. Il y a encore quelques études sur l'estime de soi, sur des choses comme ça, notamment chez les jeunes, avec ces injonctions à la beauté. mais on n'a pas encore assez de recul pour dire que c'est un truc inhérent il n'y a rien sur l'attention c'est ce que j'observe le plus ce réflexe qu'on peut avoir alors qu'on n'avait pas avant je sais pas si toi tu fais un peu du deep work où pendant 2-3 heures tu fais un truc et je me rends compte que j'y arrivais très bien à 15-16 ans et qu'aujourd'hui au bout d'une heure je suis là genre ah ! Je vais quand même regarder si je n'ai pas reçu un message.

Et moi-même, ça me rend ouf. J'aimerais bien... Après, c'est le principe de l'addiction, j'imagine.

Ce n'est pas de l'addiction, parce qu'il n'y a pas les critères de l'addiction. Mais c'est sûr qu'il y a des habituations. Il y a une sorte d'habitude de débloquer et de voir. Mais il ne faut pas oublier que cet objet que j'ai dans ma poche a aussi une dimension sociale. C'est-à-dire, je prends mon téléphone, est-ce que je suis en train de regarder ou est-ce que je suis en train de voir si quelqu'un que j'aime bien m'a écrit et je veux lui répondre ?

Est-ce que je fais ci ? Est-ce que je fais ça ? etc etc c'est encore trop tôt pour dire que ça modifie notre attention mais c'est sûr que ça fragmente parfois l'attention parce que j'ai ces interruptions par exemple moi quand je suis en train de travailler je fais des blocs de travail, ça s'appelle la technique de Pomodoro je vais travailler par exemple 45 minutes et puis faire une pause de 10 minutes etc etc souvent quand on me dit on a un span d'attention qui est devenu très très court je donne tout le temps le même contre-argument tout le monde me dit les gens ne peuvent plus se concentrer pendant plus de 5 minutes pendant plus que 6-10 minutes à cause des réseaux sociaux comme ça Comment est-ce qu'on explique qu'il passe 6 heures à binge-watcher une série sur Netflix ? C'est aussi le truc du contenu, de ce qu'on est en train de faire. Je connais des gens qui ne vont pas se lever pisser parce qu'ils veulent finir la série.

Donc non, ce n'est pas notre attention qui est modifiée, c'est les usages. Il faut qu'on voit comment est-ce qu'on modifie ces usages. Encore une fois, ce sont des choses qui sont très...

récentes, c'est des plateformes qui ont pris beaucoup de pouvoir en très peu de temps, donc qui ne sont pas assujetties à la législation. On a beaucoup de mal à voir qu'ils ont pris beaucoup de place aussi bien dans nos échanges sociaux que dans nos échanges politiques. dans l'économie.

Je ne sais pas, tu as ton podcast, tu n'as pas une page Insta, tu n'existes pas. Insta, ce n'est pas une instance publique. Si demain, Insta décide qu'il ne t'aime plus, soit il te shadowban, soit il te ban, Tu fais faillite, du jour au lendemain.

Ça ne dépend pas du tout de règles d'organisation de la société. Et pour moi, c'est ça le vrai danger. C'est-à-dire, on a des plateformes privées qui ont pris une place tellement centrale au cœur de nos vies et qui peuvent décider de ton bien-être au final, de ton well-being, pas bien-être de la gentille, je suis content, mais de ta capacité à vivre. Et on n'a aucun retour démocratique.

On parlait de démocratie. La démocratie, c'est aussi une délibération commune de comment on va organiser. la société, on ne peut rien faire. Parce que c'est des boîtes qui sont américaines ou chinoises, par exemple pour TikTok. Et encore une fois, ça peut te ruiner ta vie.

Si demain, tu te prends la tête avec quelqu'un qui est très haut placé chez Instagram et qui se dit, en fait, on va la shadowbanner et tu vois tes vues et tout ça chuter à 200, 300, alors que tu es à 10 000, 15 000, 1 million, je ne sais pas combien tu fais de vues, mais je te souhaite autant que tu veux. C'est ta boîte qui capitule. Tu as un resto, tu n'es pas sur Google Maps, tu n'existes pas. Tu veux faire de la politique, tu n'es pas sur Twitter.

tu n'existes pas. Est-ce que ça n'a pas toujours été le cas ? On a tous un boss. Moi je le vois comme ça, les gens qui critiquent les métas, les gaffas. En effet, on est carrément dépendant d'eux mais en fait on est tous dépendant de quelqu'un.

Non parce que les boss, il y avait les droits du travail. Ton boss par exemple, il te vire, tu l'emmènes au prud'homme. En France, on parle en France parce que les français ont décidé. Il y a une sorte de décision collective. Meta te vire, tu fais rien.

Tu fais rien du tout. Il n'y a pas de recours. Donc oui, on dépend tous les uns des autres.

Encore une fois, il y a des animaux sociaux, mais on avait un moyen d'organiser les liens sociaux. Et je ne suis pas en train de critiquer les GAFAM ou Meta. Je suis en train de critiquer le système politique.

Parce qu'évidemment, je ne peux pas en vouloir à Mark Zuckerberg, parce qu'il est content qu'il n'y ait pas de contraintes sur comment il gère sa propre plateforme. Je suis en train de dire, nous, on n'est pas en train de bien réfléchir à comment on est en train d'organiser la société. Je peux dire...

du tout genre c'est les méchants etc on est dépassé par les événements et il faut juste qu'on voit comment est-ce qu'on va restituer de la gentilité pour que nos organisations soient meilleures on n'a pas parlé d'intelligence et enfin C'est pas que je voulais absolument en parler, mais je me questionne, pour là, m'intéresser un peu à la culture asiatique, sur les différences de considération de l'intelligence à travers le monde. Notamment, eux, c'est une amie qui me disait ça, c'est, je crois, les top QI dans le monde, c'est genre Corée, Japon, Chine, enfin, tu vois, en gros, les pays asiatiques. Qu'est-ce que ça vaut vraiment ?

Comment peut-on travailler dessus, si on peut travailler dessus ? dessus et si on veut travailler dessus, je n'ai pas une injonction. Enfin voilà, juste je me pose la question.

Déjà le QI c'est un test qui... c'est très difficile de faire des comparaisons interculturelles. D'accord. Parce que c'est un test qui est indexé à la population où on le fait passer et aussi qui dépend de qu'est-ce qu'on en enseigne. Donc si toi on t'enseigne pas les suites logiques, les machins, tu vas avoir un mauvais QI.

Et le QI... est un peu organisé à la base pour la culture américaine voire un peu européenne, etc. On peut entraîner des gens à réussir bien le test du QI. Ça ne veut pas dire que le test du QI n'a pas de validité ou de valeur.

c'est un très bon prédicteur pour le résultat scolaire, c'est même parfois un bon prédicteur pour la réussite dans la vie, etc. Mais les comparaisons interculturelles sont un peu plus difficiles à faire. Et surtout, quand on parle d'intelligence, qu'est-ce qu'on met dedans ? Par exemple, en science, quand on parle d'intelligence, on est en train de parler de certaines capacités cognitives, la mémoire de travail, combien est-ce que tu peux garder d'informations dans ta mémoire de travail, ta capacité à raisonner, comment est-ce que tu peux intégrer des informations que tu connais déjà, tes compétences verbales.

Combien est-ce que tu connais de mot ? Combien est-ce que tu connais de synonyme ? Combien est-ce que la manière dont tu parles peut être enrichie ?

La logique ? Combien est-ce que si tu fais des rotations dans l'espace, par exemple tu as un cube avec plein de dessins dessus, et je te dis si je le tourne 180 degrés... Il ressemblerait à quoi ?

Et comment est-ce qu'on peut améliorer ça ? Vous pouvez aller vous entraîner sur l'exercice du QI. Est-ce que c'est quelque chose qui est souhaitable pour tout le monde ?

Je ne pense pas. Est-ce que ça va vraiment m'aider dans ma vie quotidienne en tant que psy de pouvoir faire mieux des rotations dans l'espace de forme géométrique ? Je ne suis pas vraiment sûr. En général, pour n'importe quoi, la meilleure façon de l'améliorer, c'est de s'entraîner. Je suis à n'importe quoi.

Que ce soit l'intelligence, le sport, courir vite, battre un jeu vidéo, mieux comprendre les statistiques, c'est de s'entraîner. Je n'ai pas vraiment de baguette magique, de technique issue des neurosciences. T'inquiète, on n'en veut pas, on sait que ça n'existe pas. S'entraîner, ça peut se faire de plusieurs manières. Il y a des méthodes d'apprentissage, par exemple, mélanger les sujets, ça aide.

Ça peut être du cramming, ne pas tout mettre. Il faut pouvoir faire des grosseurs. laisser du temps pour se reposer, dormir, s'hydrater, étudier en groupe.

D'accord. S'entraîner en groupe, c'est un énorme motivateur. Si je veux devenir meilleur joueur de tennis, si je joue avec un pote avec qui je m'amuse, c'est moins chiant que si j'ai un coach, et je fais des séances avec un coach toute la journée. Donc la dimension sociale de l'apprentissage. Il y a une vidéo qui est sortie récemment, je ne sais plus c'est qui, qui l'avait mise sur les mieux apprendre, qui était pas mal faite.

Ok, je la mettrai dans les commentaires. les notes. Mais ça t'inquiète pas toi de voir, pour le coup, on parlait de pression, cette obsession de la réussite et de l'intelligence qu'il y a dans certains pays d'Asie. Si, bien sûr. Ça a des dégâts énormes.

J'en connais qui vivent là-bas. En fait, les enfants vont à l'école de 8h à 17h. Et ensuite, ils vont à l'école du soir de 17h à 22h pour continuer. Et en fait, je me dis mais c'est plus des humains, c'est des robots. Ils sont en train d'essayer d'être la meilleure version d'eux.

c'est ça le coût c'est ça la question dont on parle mais comme je disais la meilleure version de nous même c'est ce qu'on veut en faire c'est à dire que moi la meilleure version de moi même ça peut être la version la plus épanouie de moi mais eux c'est la version la plus intelligente voilà le prix que ça coûte c'est de ne pas avoir de vie et de passer sa journée à faire des maths mais ça ce truc de meilleure version de soi à une sorte de facette de la meilleure version aussi de, par exemple, mes enfants. En tant que parent, j'ai envie que mes enfants soient la meilleure version d'eux-mêmes. Et là aussi, ça a causé beaucoup de dégâts.

On avait des enfants qui, le matin, vont à l'école, puis ils ont cours de tennis, puis cours de piano, puis cours de gym. cours de yoga, il faut qu'ils mangent sain, les 5 fruits et légumes, etc. Et du coup, on crée des enfants qui ont ce qu'on appelle de l'anxiété de performance, qui souvent développent des phobies scolaires, ils ne veulent plus faire des exams parce qu'ils ont peur de mal faire, donc ils préfèrent ne pas faire.

faire tout, parce que ces injonctions d'être the better self, c'est aussi transmis aux enfants. Et donc on a des cas parfois extrêmes en Asie, mais on n'est pas si différents nous, c'est juste qu'au lieu que ça soit juste les maths, moi je connais des parents, leurs enfants ont des agendas de ministres. Il y a natation le samedi matin, puis il y a le cours d'équitation, puis il y a les cours d'échecs, parce que les échecs c'est associé à l'intelligence, donc il faut évidemment que mon enfant soit joué aux échecs. Puis il y a le foot, parce que peut-être qu'ils vont être les plus... les prochains, Messi et Mbappé, etc.

Et ça aussi, c'est des injonctions. Et enfin, le problème de l'éducation, pour moi, le vrai problème de l'éducation, c'est que c'est quelque chose d'hyper individuel. Donc on dit aux gens de faire des examens seuls, d'étudier seuls, de ne pas s'entraider dans des examens, etc.

Et quand on finit notre cursus universitaire, on nous dit, maintenant, collaborer. Mais on n'a pas appris à travailler ensemble, parce que toutes les études... Il y a des exposés de groupe. Oui, il y en a un à chaque 10 000 emplois, et souvent une personne qui fait tout l'exposé, et les autres se mettent à côté. Ils lisent leurs fiches comme ça.

Donc, on appelle ça des injonctions paradoxales. On veut que les gens collaborent, mais on les enseigne à prendre du plaisir juste de la réussite individuelle. Je suis le premier de la classe, et donc je suis meilleur.

Et donc, il y a encore cette dimension compétitive. Je ne dis pas que la compétition, c'est mauvais. Je dis que ça soit tout par le prisme de la compétition. Ça crée pas mal d'effets délétères, comme la phobie scolaire, comme l'anxiété de performance. J'ai des enfants qui ont 4 ans.

14, 15, des ados qui ont 13, 14, 15, 16, 17 ans, qui ne devraient pas avoir tellement de pression sur leurs épaules. C'est triste à l'adolescence d'avoir tellement de pression sur notre épaule. Comment tu le vis, du coup, toi, par rapport à ta fille ?

Tes enfants, si t'en as d'autres, mais... J'ai une fille. Ouais, moi, je me mets à la place des parents.

C'est genre, non, mais toi, surtout, sachant tout ce que tu sais, sachant que ce n'est pas bénéfique d'être comme ça, mais d'un autre côté, tu veux quand même le meilleur pour elle. C'est pas seulement je veux le meilleur pour elle, c'est que si moi, je dis à ma fille... je vais te renseigner ma oisiveté mais elle, elle est avec ses potes là elle est encore très jeune, elle a deux ans et demi mais quand elle sera plus grande si elle, elle est oisive et toute la société est en train de courir Elle va aller très très mal. Moi, je n'ai pas reçu de loisiveté par mes parents. C'est juste que des rencontres dans la vie m'ont développé ce tempérament et donc je le vis bien.

Mais si je l'essaye de transmettre à ma fille, je risque de l'abîmer beaucoup plus que si je l'inscris sur dix cours le samedi, le dimanche, etc. J'essaye de faire comme je peux, mais je galère parce qu'on vit en société. Ça crée un décalage, c'est un peu la même chose avec les réseaux sociaux. Imagine que j'ai un ado, une ado de 13-14 ans, et je lui dis, moi, les réseaux c'est très mauvais, donc pas de TikTok pour toi.

Pas de TikTok pour toi. Elle va à l'école le lendemain, tous ses potes sont en train de faire la dernière danse. de Wednesday, elle est isolée socialement.

Tu suis les trends. Bien sûr, c'est le baril de mon métier. Je passe beaucoup de temps sur le réseau à suivre ce qui se passe, bien sûr. Et du coup, elle est isolée. Et donc le coût, ce que moi je veux, qu'elle ait une...

une santé mentale saine, donc pas de réseaux sociaux pour elle. Le coup, c'est qu'elle est misérable avec ses potes. C'est hyper difficile et c'est quelque chose qui me fait pas mal peur et que j'appréhende beaucoup. Comment est-ce que je vais concilier ce que moi je crois être bien avec l'impression sociétale, avec elle, comment elle peut être vraiment bien.

Donc on voit, au cours de notre discussion, comment est-ce que cette dimension médurative n'est pas du tout juste genre soit une bonne version de toi. c'est en train de moduler nos rapports sociaux notre rapport même au divertissement je me demande est-ce que me divertir c'est bien ou est-ce que je ne devrais même pas me divertir parce que c'est en train de m'impacter négativement et le divertissement c'est pas nécessairement juste des séries pour moi aller voir mes potes c'est du divertissement donc ça dépend mais on voit comment il y a une sorte de modulation de toutes les facettes de la vie où le seul alpha et omega de la vie devient Est-ce que c'est utile ou pas ? Quelque chose qui n'est pas utile dans mon avancée vers une sorte de but.

Et c'est quoi le but ? Genre, ok, imagine que j'ai une baguette. Moi, j'ai une question pour toi. Imagine que j'ai une baguette magique et je fais...

Et maintenant, tu es la meilleure version. possible de toi. Now what ?

Genre, qu'est-ce que tu fais ? Ça y est, tu as réussi, tu t'es entraîné, genre, disons qu'on a une jauge et tu es à 100% sur toutes les jauges, de tout. Ton attitude, ton contrôle émotionnel, ta carrière, tout le monde te...

connais. On fait quoi après ? L'idéalisation que j'en ai, c'est une forme de satisfaction pleine.

Mais connaissant le mécanisme de l'adaptation idéonique, je sais que ça ne durera qu'un temps et que je serai en effet très certainement malheureuse de ne plus avoir de marge de progression. C'est pour ça que mon but n'est pas d'être la meilleure personne. Mon but est de progresser. Juste moi, c'est comme ça que je m'épanouis.

Donc le but en soi, c'est... Donc le goal, c'est juste le progrès en tant que tel. C'est pas où tu vas arriver en progressant. Non, du tout. C'est le progrès.

C'est de me dire que... Et en plus, j'accepte aussi le fait que parfois je recule. Mais c'est juste de me dire, ok, dans un an, je serai peut-être plus compréhensive avec les autres.

J'aurais réussi à peut-être être moins dans le contrôle. J'aurais peut-être écrit un autre livre sur un autre sujet qui m'intéresse. Ça va ? C'est pas trop négatif ?

Non, mais encore une fois, j'ai pas de jugement sur... Je rencontre une personne qui me dit Moi, mon but dans la vie, c'est d'avoir un milliard de dollars. Je le juge pas négativement.

Le problème, c'est qu'il dit Les gens qui n'ont pas un milliard de dollars, c'est ceux qui ont échoué leur vie. Tu me dis que pour toi, le but, c'est juste de sentir que tu es en train d'aller de l'avant sur plein de compétences en toi. C'est hyper louable.

Ça me fait sentir vivante. Après... après je te rejoins totalement sur le côté mais il y a des facettes où moi j'essaye d'être aussi le meilleur sur moi par exemple d'être plus compréhensif d'être moins dans des réactions rapides etc bien sûr que je le fais, la question c'est combien de moyens est-ce que je vais allouer à ce truc Si pour devenir plus compréhensif, il faut que je culpabilise si je regarde une série sur Netflix, c'est que ce n'est pas une manière hyper saine de devenir plus compréhensif. Parce que je ne suis pas compréhensif avec moi-même. Mais comment on s'en détache ?

Parce que je trouve que parfois, le fait d'en avoir conscience n'est pas suffisant. Non, comprendre quelque chose n'est pas du tout suffisant. Si je déçois, je peux te le montrer en une seconde.

Je te montre une illusion d'optique, là où l'illusion d'optique est maintenue. Elle ne s'effondre pas. On appelle ça des effets non collapsibles. C'est-à-dire que savoir ne suffit pas. Et ça, ça dépend de chaque personne.

C'est un travail qu'on peut démêler pour comprendre le pourquoi tu commandes, même si je comprends. Beaucoup de gens qui vivent les injonctions à la beauté comprennent que c'est complètement absurde, savent que les photos qu'elles sont en train de voir sont photoshopées, mais se pèsent tous les soirs en se disant Merde, j'ai pris 400 grammes Savoir ne suffit pas du tout, du tout, du tout. C'est vrai que ça, c'est difficile de ne pas avoir de mode d'emploi pour en sortir.

Je pense qu'on est beaucoup à être victime de cette injonction à la performance. Et on aimerait se dire, c'est bon, je peux juste profiter de prendre mon après-midi off sans culpabiliser. Mais je pense que oui, ça demande un grand travail sur soi, de rencontres, de lecture.

Oui, c'est une pression sociétale énorme. Est-ce qu'il y a des choses qui nous abrutissent ? Il faut déjà voir c'est quoi être abruti. Il y a des choses qui nous... C'est perdre des compétences, des capacités, des neurones ?

Des neurones, non. On ne perd pas de neurones. Ok. En fait, les neurones qu'on perd normalement, l'alcool, l'excès d'alcool peut faire perdre des synapses, pas des neurones.

D'accord. Et là, je parlais de plus, pas des substances. Parce que oui, si tu te shoot, tu prends du crystal meth tous les jours, tu vas t'abîmer, mais pas juste ton cerveau, tout ton corps.

Et le cerveau est un organe dans un corps, il n'est pas détaché du corps. Quand on parle d'abrutissement, c'est un mot qui est comparatif. c'est par rapport à quelque chose. Et donc ça dépend.

Oui, on peut perdre des compétences sociales si je ne reste pas avec des gens. On peut perdre... En compétence, si je fais tout le temps la même chose, bien sûr.

En compétence cognitive, si on ne pratique pas... Oui, bien sûr. Mais je ne pense pas qu'il y a des activités qui créent une sorte d'abrutissement généralisé.

En général, faire la même chose, genre la monotâche, même si c'est la tâche la plus vertueuse. on monte, on est en train de perdre ailleurs. Parce que c'est une sorte de zero-sum game. Par exemple, si moi je me dis, en fait, je ne veux plus rien faire que lire des bouquins hyper érudits, je suis en train de perdre ailleurs.

Lisez les romans qui vous plaisent, pas ceux que la société vous dit de lire. Écoute Albert, j'ai quelques dernières questions pour toi. Si tu avais une ressource à nous conseiller, que ce soit un livre ou un film ou un podcast, qui t'a particulièrement touché et que tu aimerais recommander aux personnes qui nous écoutent, ce serait quoi ?

Je ne sais pas, One Piece. C'est un manga, non ? Oui. Ok.

Super. Que je lis depuis 20 ans, qui m'a beaucoup formé. Je ne le conseille pas aux autres, mais c'est quelque chose qui m'a touché.

Après, en recommandation aux autres, si on parle de loisiveté, il y a Éloge de loisiveté de Bertrand Russell, qui est pas mal. Si jamais tu pouvais entendre quelqu'un au micro Dean Power, qui est-ce que tu aimerais entendre ? Thibaut Grissinger.

Je ne connais pas. C'est un peu de chercheur. Ok.

Et ça me ferait trop de bruit. Je vais regarder tout ça. Et la question signature du podcast, je suis très curieuse de ta réponse.

Ça signifie quoi pour toi, prendre le pouvoir de sa vie ? D'avoir le choix. Quand on a le choix, c'est déjà énorme.

Super. Merci beaucoup Albert pour cette conversation qui m'a beaucoup fait réfléchir. Si jamais les personnes qui nous écoutent encore, et ils sont beaucoup, veulent te suivre, en savoir plus sur ce que tu fais, où est-ce que tu veux qu'on les redirige ? Je suis juste actif sur Facebook.

D'accord. Parce que j'écris. Et c'est la seule plateforme où je peux écrire. Il y a Medium aussi. Oui, Medium, ça n'apparaît pas dans le fil.

C'est vrai. Il faut aller le chercher. Je suis sur Instagram et je n'utilise pas vraiment.

Si on veut me suivre... peut-être qu'un jour je l'utiliserai mais pour le moment je ne l'utilise pas et pour t'envoyer un message du coup c'est sur Facebook ? non c'est n'importe où en fait on peut m'écrire je vous donnez mon mail c'est albert.chiasma.co c-h-i-a-s-m-a.co ok je mettrai tout ça dans les notes et puis j'espère à très vite très vite ciao merci beaucoup