Bien, bonsoir à tous. Merci au Théâtre du Chêne-Noir pour son invitation et à vous tous pour votre présence. Donc, nous allons parler d'amour.
Je n'ai pas besoin de longs préliminaires pour justifier le choix d'un tel sujet. D'abord parce que ce n'est pas moi qui l'ai choisi, c'est le théâtre du chêne noir. Il est vrai dans une liste que je lui avais proposée.
Mais aussi... et surtout parce que l'amour, d'évidence, c'est le sujet le plus intéressant. Presque toujours, pour presque tout le monde.
J'entends par là que si par exemple un soir vous dînez avec... quelques amis, la conversation peut porter sur le dernier film que vous avez vu ou la dernière pièce de théâtre, sur la situation économique, sur la situation politique, sur votre métier, et tout ça peut être tout à fait intéressant. Mais si tout d'un coup l'un des convives se met à parler d'amour, presque inévitablement, l'intérêt des autres en est très sensiblement augmenté. L'amour est le sujet de la question de la le plus intéressant, presque toujours pour presque tout le monde. J'ajouterais d'ailleurs qu'aucun autre sujet n'a d'intérêt qu'à proportion de l'amour que nous lui portons.
Par exemple, si quelqu'un dans la salle me disait, non, non, pas du tout, pour moi le sujet le plus intéressant, ce n'est pas l'amour, c'est l'argent. Je lui répondrais, bien sûr, ça prouve que vous aimez l'argent. C'est encore un amour.
Celui qui me dirait, moi ce qui m'intéresse le plus, c'est pas l'amour, c'est pas l'argent, c'est mon métier. Je lui répondrai bien sûr, ça prouve que vous aimez votre métier. Autrement dit, non seulement l'amour, au sens le plus ordinaire du terme, est le sujet le plus intéressant, mais encore une fois, aucun autre sujet n'a d'intérêt qu'à proportion de l'amour que nous lui portons.
L'amour très bien, mais... mais quel amour ? Parce qu'au fond, je peux aimer l'homme ou la femme dont je suis amoureux, je peux aimer mes amis, d'évidence, ce n'est pas le même amour. Je peux aimer mes parents, mes enfants, ce n'est pas le même amour.
Je peux aimer la musique, je peux aimer la philosophie ou la sagesse, philosophia, l'amour de la sagesse. Je peux aimer aussi bien pourquoi Pourquoi pas l'argent, le pouvoir, que sais-je ? Combien d'amour différent pour combien d'objets différents ?
C'est bien qu'ici, le français, qu'on dit pourtant une langue plutôt analytique, et qu'il est le plus souvent, fait preuve d'une puissance synthétique presque exagérée. Si bien que lorsqu'on parle d'amour, ça fait plaisir à tout le monde, mais finalement, on ne sait jamais trop de quoi l'on parle. C'est bien que pour essayer d'y voir plus clair, s'agissant d'amour, j'ai pris l'habitude non pas de parler grec, j'en serais malheureusement incapable, comme vous d'ailleurs sans doute de me comprendre, mais d'utiliser les trois mots grecs dont les anciens se servaient pour désigner trois types d'amour différents.
Ce sont les trois noms grecs de l'amour. Alors le premier de ces mots est très connu, même s'il est souvent mal compris, je vais l'écrire en gros pour qu'on voit, y compris au fond de la salle, c'est héros Le deuxième de ces noms grecs de l'amour n'est guère connu que par ceux qui ont fait au moins un peu de grec ou un peu de philosophie, c'est philia Enfin, quant au troisième nom grec... règle de l'amour, il n'est guère connu que par ceux qui ont une culture religieuse, en l'occurrence chrétienne, point trop déficiente, c'est Agapé.
On dit souvent Agapé avec un E fermé, moi le premier d'ailleurs, mais si on veut translittérer exactement le grec, il faudrait dire, et en tout cas on écrit Agapé avec un E ouvert. Donc voilà, les trois noms grecs de l'amour, Eros, Philia, Agapé, et ça sera à partir de maintenant le plan que je vais suivre, donc ma conférence... Avant qu'on en discute, évidemment, à un plan en trois parties. Grand 1, Eros.
Grand 2, Philia Grand 3, Agapé. Je commence tout de suite, bien sûr, première partie, Eros. Alors je disais, ce mot d'éros il est très connu évidemment en français mais assez souvent mal compris parce qu'à cause des mots érotisme, érotique, on a souvent tendance à... Pensez que Eros, ça serait la sexualité.
Non, pas forcément, pas spécialement, pas seulement. Eros, c'est le dieu grec de l'amour et non pas du sexe. En l'occurrence, c'est un amour particulier.
Ce que les grecs désignaient par eros, c'est exactement l'amour passion. Mais la vraie passion, c'est l'amour qu'on ressent quand on est raide dingue amoureux, comme on dit aujourd'hui. Autrement dit, mesdames, eros, c'est l'amour que vous ressentiez pour votre époux avant qu'il ne soit votre époux. Et souvenez-vous que malgré tout, c'était différent.
Même si c'est bien encore aujourd'hui, je l'espère pour vous, mais malgré tout, force est de reconnaître que ça n'est pas la même chose. Voilà, Eros, c'est la passion amoureuse, l'amour fou, l'envie dévorante de l'autre. Et puis Eros, c'est aussi l'amour selon Platon.
C'est l'amour selon Platon parce que le plus... plus beau livre de philosophie, jamais écrit sur Héros, de la vie à peu près unanime de tous mes collègues, c'est un livre de Platon, que certains peut-être d'entre vous ont lu, parce que c'est un livre court, très beau, assez facile, assez souvent présenté à l'oral du baccalauréat, qui s'appelle Le Banquet. Alors Le Banquet, qu'est-ce que c'est ?
Comme son titre l'indique, c'est un repas. Alors, ce sont des amis qui dînent ensemble. Ils se réassemblent un soir pour fêter le succès de l'un d'entre eux à un concours de tragédie, si mes souvenirs sont bons. Et comme ils savent que le plaisir d'une soirée entre amis tient moins à la qualité des mecs qu'au plaisir de la conversation, ils renvoient les domestiques et ils choisissent le plus beau des sujets de conversation.
Ils décident de parler d'amour. Ou plus exactement de parler de l'amour. pas d'homme, les confidents ne sont pas vraiment leurs forts, ils vont parler de l'amour, de l'idée d'amour, malgré tout c'est mieux que rien. Et chacun va y aller de son discours qui est à la fois une tentative de définition, d'explication de l'amour et un éloge de l'amour.
Comme si entreprendre de le définir c'était inévitablement aussi en faire l'éloge. Là on va y avoir sept discours successifs, tous plus pittoresques. que les uns que les autres, rassurez-vous je ne vais pas vous raconter les sept, ça serait évidemment trop long, et d'ailleurs philosophiquement peu utile.
Parce que de ces sept discours, la tradition philosophique n'en a retenu vraiment que deux. Le discours d'Aristophane et le discours de Socrate, qui sont dans la tête de tous les philosophes, alors que les cinq discours qui précèdent, il faut bien... reconnaître qu'on a quelques peines à s'en souvenir. S'il y a des profs de pilote dans la salle, enfin, il y en a au moins un qui est mon ami Laurent Bove, mais s'il y en a d'autres, je doute que ce n'est beaucoup qui puisse me raconter les sept discours du manquette platon. Et je suis certain qu'il n'y en a pas un seul qui ne puisse pas parler précisément du discours d'Aristophane et du discours de Socrate.
Mais le plus étonnant dans cette histoire, c'est que de ces deux discours, celui d'Aristophane, celui de Socrate, le grand public... Le public ne retient que le discours d'Aristophane. Je me souviens d'un colloque auquel je participais à Grenoble, je crois organisé par le planning familial, sur l'amour.
Colloque ouvert à tout le monde et dans la salle, plusieurs personnes ont fait référence au banquet de Platon. C'était tout, sans aucune exception, pour faire référence au discours d'Aristophane. Jamais pour faire référence au discours de Socrate.
à fait étonnant parce que le discours d'Aristophane, du point de vue de Platon, qui même Pétou l'a écrit, est un discours brillant, ah oui c'est Platon qui l'a écrit, mais vingt illusoire, mensonger. D'ailleurs, Platon détestait Aristophane. Ou parce que Aristophane, c'est un personnage du banquet de Platon, mais c'est aussi d'abord un grec réel de ce temps-là, un poète en l'occurrence. qui avait commis le péché des péchés aux yeux de Platon, il avait écrit une pièce de théâtre, L'Énuée, dans laquelle il se moquait de Socrate.
Péché sans rémission, surtout après la mort de Socrate, quand Platon écrit le Manquès. Aristote est déjà mort, condamné, comme vous le savez, par la cité. Et donc, il est exclu que Platon fasse dire à Aristophane qu'il déteste la vérité sur l'amour. Non, non, celui qui dit la vérité sur l'amour chez Platon, comme sur tous les autres sur les autres.
Le sujet, c'est Socrate, bien sûr. Mais alors comment se fait-il que le grand public retienne si facilement le discours d'Aristophane et se dépêche d'oublier le discours de Socrate ? Bien sûr, ça n'est pas un hasard. C'est qu'Aristophane décrit l'amour tel que nous voudrions qu'il soit. L'amour selon Aristophane, c'est l'amour tel qu'on le rêve, le grand amour, l'amour avec un grand A, comme on dit à 16 ans.
Et comme ça va dans le sens de nos désirs, et de nos illusions, c'est facile à retenir. Alors que Socrate ne décrit pas l'amour tel que nous voudrions qu'il soit, mais l'amour tel qu'il est. Et comme c'est beaucoup plus difficile à entendre et beaucoup plus exigeant, on se dépêche de l'oublier.
Moyen en quoi les deux discours sont éclairants, celui d'Aristophane nous éclaire sur nos illusions amoureuses et celui de Socrate nous éclaire sur nos désillusions. amoureuse. Je commence donc par le discours d'Aristophane. Alors Aristophane est un poète, je le rappelais, son discours est un discours de poète. Ça veut dire qu'il va nous raconter une histoire, un mythe en l'occurrence, un mythe c'est-à-dire une histoire qui se passe en un temps originel, en un temps d'avant le temps.
En ce temps-là, raconte Aristophane, l'humanité n'était pas du tout... comme nous voyons aujourd'hui qu'elle est. Chaque homme, chaque femme était double, et pourtant d'une unité parfaite.
En ce temps-là, par exemple, les hommes et les femmes n'avaient pas deux bras et deux jambes, comme vous et moi, ils avaient quatre bras et quatre jambes. Ils n'avaient pas un visage, comme vous et moi, ils avaient deux visages, un devant, l'autre derrière. Ils n'avaient pas un sexe, comme vous et moi, avaient deux sexes. Alors les uns avaient deux sexes d'hommes, c'est ce qu'on appelait les hommes. D'autres avaient deux sexes de femmes, c'est ce qu'on appelait les femmes.
D'autres enfin avaient un sexe d'hommes, un sexe de femmes. C'est ce qu'on appelait les androgynes, c'est-à-dire littéralement en grec, les hommes femmes. force et d'une audace invraisemblable. Au point qu'ils ont entrepris d'escalader le ciel pour s'en prendre aux dieux. Et ça, évidemment, les dieux, ils n'ont pas aimé du tout.
Alors, ils sont allés voir Zeus, le dieu des dieux, et ils lui ont dit, dis donc, Zeus, t'as vu les humains, ce qu'ils sont en train de faire ? Ils sont en train de monter au ciel pour nous chercher des noises. Il faudrait peut-être que tu fasses quelque chose. Zeus leur a dit, je m'en ai vu.
Alors, la première idée que Zeus a eue, bien sûr, c'est que les dieux, ils ont été en train de se faire des noisettes. Bien sûr, c'était d'envoyer la foudre, qu'on en finisse une bonne fois pour toutes avec ces petits humains agaçants. Oui, mais c'est vrai qu'ils sont agaçants, mais en même temps, ils nous font des prières, ils nous font des sacrifices, ils nous construisent des temples, ils font brûler l'encens.
Et ça, pour un dieu grec, c'est délectable. On n'a pas envie d'y renoncer. Si bien que Zeus explique à ses collègues divins, j'ai une meilleure idée. humains agaçants, je vais te les couper en deux, de haut en bas, par le milieu. Comme ça, double bénéfice, ils seront deux fois plus nombreux, deux fois plus de prières, de temps, de sacrifices, dans le sens, et puis deux fois plus faibles, parce qu'avec deux bras et deux jambes, ils ne pourront pas monter au ciel.
D'ailleurs, essayez, vous verrez, ça ne marche pas. Aussitôt dit, aussitôt fait. Voilà tous les humains coupés en deux, de haut en bas, par le milieu.
Et voilà pourquoi, monsieur, vous n'avez que deux bras et deux jambes, et non pas quatre. Premier mystère éclairci. Le problème, bien sûr, c'est que nous voilà par la même...
séparés de nous-mêmes, comme dit Platon. Nous voilà exactement amputés de notre moitié. J'étais un humain complet, et force m'est de reconnaître que vous n'avez devant vous qu'une moitié d'humain. Et donc, depuis ma naissance, je cherche éperdument la moitié qu'on m'a ôtée, la moitié que j'ai perdue.
Et alors, quand je retrouve ma moitié, quel bonheur de retrouver enfin la belle unité originelle, la belle complétude originelle. Bien, l'amour, c'est ça. Qu'est-ce que c'est que l'amour, nous dit Aristophane ?
L'amour, c'est le désir de se réunir et de se fondre avec l'objet aimé. Se réunir et se fondre avec l'objet aimé. Ma moitié, l'homme de ma vie, la femme de ma vie.
Se réunir et se fondre avec l'objet aimé et ne plus faire qu'un au lieu de deux. L'amour, c'est le désir de se réunir et de se fondre avec l'objet aimé. et de ne plus faire qu'un au lieu de deux.
C'est là, conclut Aristophane, le plus grand bonheur qu'on puisse atteindre. Alors vous comprenez bien ce qui s'est passé. Ceux d'entre nous qui sont issus d'un homme primordial, il avait deux sexes d'hommes. C'est une moitié d'hommes qui cherchent une moitié d'hommes. C'est ce qu'on appelle les homosexuels masculins.
Celles d'entre nous qui sont issus d'une femme primordiale, qui avait deux sexes de femmes. C'est une moitié de femmes qui cherchent une moitié de femmes. homosexuelles, féminines. Quant à ceux ou celles qui sont issus d'un ambrosisme primordial, un sexe d'homme, un sexe de femme, c'est une moitié d'hommes qui cherchent une moitié de femmes, une moitié de femmes qui cherchent une moitié d'hommes, c'est ce qu'on appelle les hétérosexuels.
Catégorie qui, chez Platon, ne bénéficie d'aucun privilège, quel qu'il soit. Mais voilà pourquoi il y a ces trois orientations sexuelles. Deuxième mystère éclairci.
Alors, vous voyez pourquoi je vous disais que l'amour, selon Aristophane, c'est l'amour tel qu'on voudrait qu'il soit. C'est l'amour tel qu'on le rêve. D'abord parce que c'est un amour exclusif.
Chacun d'entre nous n'ayant perdu par définition qu'une seule moitié, Vous avez perdu deux moitiés, trois moitiés, il y a un problème arithmétique massif. Chacun d'entre nous n'ayant perdu par définition qu'une seule moitié, ne peut aimer de cet amour-là, Eros, qu'un seul individu. L'homme de ma vie, il n'y en a qu'un, la femme de ma vie, il n'y en a qu'une.
Deuxièmement, c'est un amour définitif. Une fois qu'on a prouvé sa moitié, c'est pour la vie. Et même, annonce Aristophane, pour après la mort.
Troisièmement, c'est un amour qui nous comble absolument. Le plus grand bonheur qu'on puisse atteindre, disait Aristophane. Quatrièmement, c'est un amour qui met fin à la séparation et à la solitude. Ne plus faire...
Au lieu de deux. Bref, c'est l'amour fusionnel, comme dirait aujourd'hui nos psychologues, l'amour tel qu'on le rêve ou peut-être tel qu'on le regrette. Parce qu'il faudrait se demander si la seule occurrence vraie de cet amour-là, ça n'est pas l'embryon fondu dans le corps de sa mère. Parce que depuis que nous sommes nés, depuis que nous ne sommes plus dans le ventre de la mère, force est de reconnaître qu'en amour, on est toujours deux et jamais un. Force est de reconnaître qu'Aristophane a tort, surtout.
D'abord, premièrement, parce qu'il n'est pas vrai, que l'amour soit forcément exclusif. Mis à part ceux qui sont vraiment très très jeunes, presque tous, ici, nous avons été amoureux plusieurs fois. Mis à part ceux qui sont vraiment très très jeunes, presque tous, ici, nous avons été amoureux plusieurs fois. Je ne vois pas pourquoi, pour faire plaisir au dernier ou à la dernière, il faudrait oublier ou renier les autres.
Vous allez me dire, oui, on a été amoureux plusieurs fois, d'accord, mais successivement, pas en même temps, vous n'êtes... ça suffit. Que vous ayez trois moitiés successives ou trois moitiés en même temps, le problème arithmétique reste aussi massif. On peut être amoureux de plusieurs personnes, successivement, c'est vrai le plus souvent, et parfois en même temps.
C'est Jules et Jim au cinéma. Vous allez me dire, oui mais c'est du cinéma, oui mais on doit être quelques-uns dans la salle. Autrement dit, je ne dois pas.
être le seul à avoir été amoureux de deux personnes différentes à la fois. C'est vrai que ça reste l'exception, mais ce n'est pas une exception rarissime. Et puis surtout, je vais vous dire, si tous les hommes qui trompent leur femme avaient cessé pour autant de les aimer, la vie serait finalement plus simple qu'elle n'est.
Mais le problème de beaucoup d'hommes qui trompent leur femme, c'est qu'ils aiment leur femme. Ils ne supportent pas l'idée de la faire souffrir. Alors on dit les hommes sont lâches, c'est très vrai, mais on pourrait dire aussi bien les hommes sont gentils. gentil.
Ça prouve une seule chose, mesdames, c'est que la lâcheté et la gentillesse ne sont pas des qualités incompatibles, je vous dis certainement. Si toutes les femmes qui trompent leur mari avaient cessé pour autant de les aimer, la vie serait beaucoup plus simple qu'elle n'est. Surtout avec les femmes qui sont moins lâches ou moins gentilles que les hommes, et surtout à notre époque où le divorce est socialement bien toléré. et où les femmes sont souvent financièrement indépendantes.
Elles seraient parties, évidemment. Mais le problème de beaucoup de femmes qui trompent leur mari, c'est tout bêtement qu'elles aiment leur mari. Elles aiment aussi leur amant. Elles aiment deux hommes à la fois. Donc Aristophane a tort.
Deuxièmement, il n'est pas vrai que l'amour soit définitif. Parce que là encore, sauf peut-être les quelques très très jeunes gens qu'il pourrait y avoir dans la salle, presque tous, nous avons vécu aussi l'expérience du désamour. L'amour qui s'achève.
Et je ne vois pas au nom de quoi il faudrait décréter que l'expérience du désamour est moins vraie ou moins riche. d'enseignement que l'expérience de l'entrée en amour. Troisièmement, nous savons tous ou presque tous d'expérience qu'il n'est pas vrai que l'amour nous comble absolument.
Autrement dit, quoi qu'en dise Aristophane, il ne suffit pas d'aimer et d'être aimé Pour être heureux. Simplement parce qu'il y a mille excellentes raisons d'être malheureux, indépendamment de l'histoire d'amour. Le jeune couple qui vient de perdre un enfant, il peut bien s'aimer passionnément l'un et l'autre, ils sont à trois ans.
Atrocement malheureux. Autrement dit, Aristophane, l'amour n'a jamais suffi au bonheur. Enfin, quatrièmement, nous savons qu'il n'est pas vrai que l'amour mette fin à la séparation et à la solitude. Ne faire qu'un au lieu de deux, comme dit Aristophane, ce que nous vivons nous, c'est être deux et non pas un.
C'est ce qu'on appelle un couple, précisément. Et même dans l'expérience la plus proche... de la fusion aristophanesque, le coït, comme disent nos médecins.
Et même en cas d'orgasme simultané, dont chacun sait que ce ne sont quand même pas les plus fréquents, mais même en cas d'orgasme simultané, je vous rappellerai simplement que pour qu'il y ait orgasme simultané, simultané, il faut qu'il y ait deux orgasmes. C'est la condition stricte de la simultanéité. Et vous ne saurez jamais, jamais, vous ne saurez jamais ce que l'autre a vécu pendant que vous, vous jouissiez. C'est ce qu'on appelle la solitude.
À deux, voilà. Et non pas un. D'ailleurs, quand on est tout seul, c'est ce qu'on appelle la masturbation. C'est pas un péché, je suis d'accord, mais ordinairement, on considère que c'est quand même moins bien. Donc voilà, Aristophane a tort.
Aristophane se trompe, ou nous trompe, sans doute les deux, et c'est ce que Socrate ne lui envoie pas dire. En substance, Socrate lui dit, mon pauvre Aristophane, encore une fois, comme d'habitude, tu dis n'importe quoi. Tu fais des phrases, des phrases pour faire joli, mais tu n'as aucun souci. de la vérité.
Moi Socrate, je vais te dire la vérité sur l'amour. Alors c'est le dernier discours évidemment, celui de Socrate qui va nous dire la vérité sur l'amour. Bizarrement cette vérité sur l'amour, Socrate ne l'a pas inventé.
Il la tient d'une femme, Diotime. Et bien sûr, alors c'est un cas très rare. Dans toute l'œuvre de Platon, voire dans toute la philosophie grecque, c'est peut-être le seul cas, en tout cas j'en ai pas d'autres qui me viennent en tête, en tout cas un cas rare ici, où la...
La vérité vient d'une femme. Et bien sûr, on ne nous trappe pas de l'idée que ça n'est pas un hasard si c'est justement sur l'amour que la vérité vient d'une femme. Mon idée pour tout vous dire, c'est que l'amour est une invention.
des femmes. Attention, ça ne veut pas dire que l'amour n'existe pas. Des fois, les gens me disent, tu dis que l'amour est une invention des femmes, ça prouve bien que tu ne crois pas à l'amour. Pas du tout.
Si je vous dis que les frères Lumière ont inventé le cinéma, ça ne prouve pas que je ne crois pas au cinéma. Si je dis que les frères Lumière ont inventé le cinéma, ça ne veut pas dire que le cinéma n'existe pas. Ça veut dire au contraire que le cinéma existe, puisqu'ils l'ont inventé. Si je dis qu'Alexander Bell a inventé le téléphone, ça ne veut pas dire que le téléphone n'existe pas. Ça veut dire au contraire que le téléphone existe.
Si je dis que l'amour est une invention des femmes, ça ne veut pas dire que l'amour n'existe pas. Ça veut dire au contraire que l'amour existe, mais qu'il n'existerait pas. si les femmes ne l'avaient pas inventée. Autrement dit, mon idée, alors, c'est-à-dire c'est une boutade, c'est peut-être un peu plus qu'une boutade, mais en tout cas, ce n'est pas une proposition scientifique, il faudrait interroger des anthropologues, qui, très certainement, n'ont pas les moyens de répondre à la question. Mais mon idée, c'est qu'une humanité purement masculine, parce qu'après tout, la nature aurait pu inventer un autre mode de reproduction que la reproduction sexuelle.
D'ailleurs, d'autres... espèces, on donne l'exemple. Mon idée, c'est qu'une humanité purement masculine n'aurait jamais inventé l'amour. Le sexe et la guerre auraient suffi toujours. Disons, le sexe, la guerre et le football auraient suffi toujours.
Par chance. Pour les femmes, ça ne suffit pas, le plus souvent. Elles n'ont donc qu'inventé autre chose, et sans doute autre chose qui touche à la culture au moins autant qu'à la nature.
Et qu'elles ont inventé sans doute en tant que... mère bien plus et bien avant que de l'inventer en tant qu'amante. Mais elle inventait quelque chose d'autre que le sexe, la guerre, le football, qu'on appelle l'amour, qu'elles nous ont appris.
il a encore en tant que mère, bien avant de le faire en tant qu'amante ou qu'épouse, et que nous avons fini par acquérir peu ou prou aussi, nous les hommes, au point que chez les plus talentueux d'entre nous, on pourrait presque oublier que c'est un rôle de composition. Donc voilà, Diotime est une femme, c'est une prêtresse aussi. Et là encore, c'est sans doute pas un hasard si c'est une prêtresse qui est sur l'amour, dit la vérité.
Pas un hasard pour Platon, ça n'engage que Platon et non pas moi. Alors qu'est-ce qu'elle lui a appris, Diotime à Socrate ? Elle lui a appris la vérité sur l'amour. La vérité sur l'amour, pour résumer à l'extrême, on essaie d'écrire gros, mais le tableau est un peu petit, donc pardon pour ce qui est petit. pour ceux qui sont tout au fond, la vérité sur l'amour, selon Diotime et Socrate, elle tient en une double équation.
Ce que Diotime a appris à Socrate, c'est que l'amour est désir, première équation, l'amour est désir, et deuxième équation, Le désir est manque. L'amour est désir et le désir est manque. Et Platon enfonce le clou en écrivant, ce qu'on n'a pas, ce qu'on n'est pas, ce dont on manque, voilà. les objets du désir et de l'amour. Ce qu'on n'a pas, ce qu'on n'est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l'amour.
Ce que Dieu a appris à Socrate, c'est que l'amour est désir, première équation, l'amour est désir et deuxième équation, Le désir est manque. L'amour est désir et le désir est manque. Et Platon enfonce le clou en écrivant, ce qu'on n'a pas, ce qu'on n'est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l'amour. Ce qu'on n'a pas, ce qu'on n'est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l'amour.
J'ajouterais simplement, en titre à m'éloigner là pour le coup un peu de Platon, ou à le moderniser quelque peu... J'ajouterais simplement, et voilà pourquoi le bonheur si souvent est manqué. Voilà pourquoi, comme dit le poète, il n'y a pas d'amour heureux.
Pourquoi ? Qu'est-ce que c'est qu'être heureux ? Eh bien, être heureux, répond Platon, mais Épicure dira la même chose, Kant dira la même chose, presque tous nous pourrions dire la même chose.
Heureux, explique Platon, c'est avoir ce qu'on désire. Pas forcément tout ce qu'on désire, parce que là on sait bien qu'on ne fait ça maison. Mais enfin, être heureux c'est avoir une bonne partie, peut-être la plus grosse part de ce qu'on désire.
Très bien. Mais si le désir est manque, tu ne désires par définition que ce que tu n'as pas, puisque le désir est manque. Ou mais si tu ne désires que ce que tu n'as pas, par définition, tu n'as jamais ce que tu désires.
Et donc tu n'es jamais heureux, puisque être heureux, c'est avoir ce qu'on désire. Non pas bien sûr qu'aucun de nos désirs ne soit jamais satisfait, la vie, heureusement, n'est pas difficile. ici, il a ce point.
Mais dès qu'un de nos désirs est satisfait, ben, il n'y a plus de manque, puisqu'il est satisfait. Mais si le désir est manque, s'il n'y a plus de manque, il n'y a plus de désir. Vous n'avez donc pas ce que vous désirez, puisqu'il n'y a plus de désir. Vous avez ce que vous désiriez avant du temps où vous n'aviez pas. Vous me lâchez, je suis désolé.
Être heureux, ce n'est pas avoir ce qu'on désirait. Être heureux, c'est avoir ce qu'on désire. Et vous, ce que vous désirez, c'est avoir ce avez c'est pas ce que vous désirez c'est ce que vous désiriez avant du temps où vous n'aviez pas c'est pour ça que vous n'êtes pas heureux pardon pour ceux ici qui sont pleinement heureux c'est pas moi qui donne tort c'est la plateforme mais comme il donne par avance raison à aristote et spinoza dont je parlerai tout à l'heure je vous en félicite par avance leur demande simplement cinq minutes de patience le temps que j'explique aux autres, bien sûr, pourquoi les autres, eux, ne sont pas heureux. Mon idée, bien sûr, c'est qu'on ait un certain nombre dans la salle, à être tantôt chez Platon, tantôt chez Aristote et Spinoza, tantôt heureux, tantôt pas heureux.
Peut-être plus souvent dans l'entre-deux qui les séparent ou les unit. Mais que pour comprendre cet entre-deux, il est essentiel de comprendre la logique des deux pôles qui en structurent l'espace. Voilà le pôle Platon, le pôle Eros, c'est le pôle du manque.
Autrement dit, mon idée c'est que dans la mesure où vous donnez raison à Platon dans vos histoires d'amour, dans la mesure où vous ne savez aimer que ce qui vous manque, Alors, inévitablement, vous donnez raison aussi à Louis Aragon. Si l'amour est manque, Platon, alors Aragon, il n'y a pas d'amour heureux. Si vous ne désirez que ce qui vous manque, vous n'aurez donc ce que vous n'avez pas, vous n'avez donc jamais ce que vous désirez, vous n'êtes donc jamais heureux. Trois exemples pour rendre ça plus concret.
Alors, je commence par un exemple qui me concerne. Donc je suis philosophe, ça veut dire que j'ai fait des études de philosophie. Ça veut dire que l'objet désirable pendant mes années d'études, c'était l'agrégation de philosophie. J'ai passé cinq ans de ma vie à me dire en gros qu'est-ce que je serais heureux si j'étais agrégé de philosophie.
J'ai pas fait que ça, je vous rassure, mais quand même, je me suis dit très souvent. Ou les jours d'optimisme, qu'est-ce que je serais heureux le jour où je serais agrégé de philosophie. J'ai été reçu à l'agression de philosophie.
Sincèrement, que penseriez-vous de moi si je vous disais, les amis, je suis heureux parce que je suis agrégé de philosophie ? Vous diriez, ce type est un con. Vous auriez évidemment raison.
Mais ça nous dit quelque chose de très éclairant et pas seulement sur l'agrégation de philosophie mais bien sur la condition humaine. Ça nous dit que l'agrégation de philosophie comme quelques diplômes que ce soit... Adaptez ça à votre cursus propre.
Ça nous dit que l'agrégation de philosophie, comme quelques diplômes que ce soit, ne peut faire le bonheur que de quelqu'un qui n'est pas agrégé. Elle ne fait pas son bonheur puisqu'il n'a pas l'agrégation, et qu'elle lui manque s'il la désire. Et elle ne fait pas mon bonheur, puisque j'ai l'agrégation. En conséquence, elle ne me manque plus, ce qui me rend incapable de la désirer ou de l'aimer.
Bref, comme aurait pu dire Louis Aragon, il n'y a pas d'agrégation heureuse. Le deuxième exemple est plus embêtant. C'est l'exemple du travail.
Il y a peut-être quelques chefs d'entreprise ou cadres, je ne sais pas, dans la salle, en tout cas on va faire comme si, je leur dirais volontiers, souvenez-vous du... salarié que vous avez embauché il y a six mois. Vous avez celui qui sortait de 18 mois de chômage, 18 mois de galère.
Ça faisait 18 mois qu'il se disait tous les soirs, tous les matins qu'est-ce que je serais heureux si je retournais. Vous retrouvez un boulot. Et puis il y a six mois, vous l'avez embauché.
Emploi à plein temps, contrat à durée indéterminée, le bonheur. Enfin, le bonheur. Le problème, bien sûr, c'est que depuis que vous l'avez embauché, le travail ne lui manque plus.
Non, il y en a du boulot. Il y en a même beaucoup, en vérité. Il y en a plein les bras, du boulot. Et puis très vite, il y en a plein le dos.
que si le désir est manque, dès lors que le travail ne lui manque plus, ça veut dire qu'il ne désire pas travailler. Et si l'amour est désir, ça veut dire aussi qu'il n'aime pas son travail. Bref, ce que Platon nous aide à comprendre, c'est que le travail ne peut faire le bonheur que d'un chômeur. Mais il ne fait pas son bonheur puisqu'il est chômeur.
Il n'a pas de travail et il souffre de ce manque. Il ne fait pas le bonheur de sa vie. salariés, puisque les salariés ont du travail, qu'en conséquence celui-ci ne leur manque pas, ce qui les rend donc incapables de le désirer ou de l'aimer. Bref, comme aurait pu dire Louis Aragon, il n'y a pas de travail heureux. Le troisième exemple, qui nous ramène au cœur de notre sujet, c'est l'amour entre un homme et une femme, entre deux hommes et deux femmes, Eros, la passion amoureuse.
Parce qu'enfin, tomber amoureux, pour Platon, c'est quoi ? Eh bien, tomber amoureux, c'est découvrir tout d'un coup que quelqu'un vous manque terriblement. Jusque-là, vous étiez bien, pépère, peinard, et puis un beau soir, c'est devenu comme un patatra, coup de foudre, ravageur.
vous rencontrez l'homme ou la femme qui vous manque terriblement. Vous ne supportez plus de vivre sans lui ou sans elle. Vous êtes tombé amoureux.
Si vous êtes célibataire, c'est plutôt marrant, c'est déjà compliqué en vérité, mais la vie devient plus intense, plus poétique, avec à côté champagne. Si vous êtes marié, c'est une espèce de catastrophe et une source d'emmerdement à peu près indéfinie. Alors pour la simplicité de mon modèle, je vais imaginer que vous êtes...
vous êtes célibataire, mais je ne peux pas vous garantir que ça ne tombe que sur des célibataires. Donc vous êtes célibataire et chez le demi-commun, vous rencontrez l'homme, la femme, je veux dire la personne, pour ne pas avoir toujours à hésiter entre le masculin et le féminin, vous rencontrez la personne qui vous manque terriblement. Vous êtes tombé amoureux, vous ne supportez plus de vivre sans elle. Vous entreprenez donc de la séduire. Et là, de deux choses l'une, ou bien vous y arrivez, ou bien vous n'y arrivez pas.
Si vous n'y arrivez pas, le manque se fait souffrance. C'est ce qu'on appelle un chagrin d'amour. Vous aimez quelqu'un qui ne vous aime pas.
Oui, mais si vous arrivez à séduire cette personne, elle vous aime aussi. Vous vous installez ensemble. Éventuellement, vous vous mariez, vous faites des enfants.
Ben forcément, à force d'être là tous les soirs, tous les matins, à force de partager votre vie et votre lit, cette personne... va vous manquer de moins en moins. Pour une simple raison, mais très forte, c'est qu'elle est là.
Le problème, c'est que si le désir est manque, ça veut dire aussi que vous la... désirée de moins en moins. C'est même étonnant comme six mois plus tôt ou six ans pour certains, chacun son rythme, vous la désiriez plus que toutes les autres. Et six mois ou six ans plus tard, la première jeune fille un peu jolie et courvétue qui passe devant vous dans la rue, le premier homme un peu séduisant et mystérieux, vous paraît tout d'un coup tellement... désirable.
Le problème, c'est que si l'amour est désir, ça veut dire aussi que vous l'aimez de moins en moins. Et vous êtes mariés depuis six mois ou six ans, et un beau soir ou un triste matin, vous vous demandez mais au fond, suis-je toujours amoureux d'elle ? Amoureuse de lui ? La réponse est non, bien sûr.
Six mois ou six ans, et un beau soir ou un triste matin, vous vous demandez, mais au fond, suis-je toujours amoureux d'elle, amoureuse de lui ? La réponse est non, bien sûr. Sinon, vous ne vous poseriez pas la question. Peut-être que vous n'avez jamais osé le lui dire, à lui ou à elle.
Si vous les venez ensemble, c'est donc un petit peu embêtant. Joyeux Saint-Valentin ! Mais moi, je ne sais dire, enfin, moi j'essaye, que la vérité.
Mieux vaut une vérité qui fait du mal, une illusion qui fait du bien, je l'ai toujours dit. Non, vous n'êtes plus amoureux d'elle ou de lui. Attention, ça ne veut pas forcément dire que vous n'aimez plus. Ça veut dire que vous n'aimez plus comme ça, vous n'êtes plus en manque.
Vous n'êtes plus... C'est Platon, vous n'êtes plus, c'est Héros. Vous n'avez plus le choix que de tomber de Platon en sous-pénomène.
Ou en Michel Houellebecq, c'est pareil. Ça fait un peu plus mal. Non mais...
Je dis Michel Houellebecq, pour qui j'ai du respect ? Il en est antipathique, je suis d'accord, mais c'est un écrivain. c'est-à-dire relativement important, mais là c'est une référence philosophique parce que ceux qui l'ont lu savent que le philosophe de référence de Michel Houellebecq, c'est Schopenhauer. Alors pourquoi Schopenhauer ?
Ça s'écrit comme ça pour ceux qui ne savent pas. Pourquoi Schopenhauer ? Parce que Schopenhauer, philosophe allemand, 19e siècle, donc un bon considérable dans l'histoire de la philosophie, Platon c'est le 4e siècle avant Jésus, Schopenhauer 19e siècle après. Pourquoi Schopenhauer ? Parce qu'au fond, Schopenhauer résume tout ça en une phrase, dont je dis toujours que c'est la phrase la plus triste de toute l'histoire de la philosophie.
Comme ça, on aura touché le fond, on ne pourra plus le remonter. Alors quand je désire ce que je n'ai pas, le manque, Je souffre de ce manque, c'est ce que Schopenhauer appelle la souffrance. Mais quand j'ai, ce qui est dès lors ne me manque plus.
Ce n'est plus la souffrance, il n'y a plus de manque. La souffrance c'est j'ai faim, je n'ai pas à manger, je souffre de la faim. Une fois que j'ai mangé, je ne suis plus faim.
Il n'y a plus de souffrance. Et pourtant, il n'y a pas le bonheur. S'il suffisait de ne plus avoir faim pour être heureux, d'abord ça se saurait, puis ensuite la vie se...
ce serait quand même plus facile. Quand il y a du manque, Schopenhauer appelle ça la souffrance, quand il n'y a plus de manque, il n'y a plus de souffrance, et pourtant il n'y a pas le bonheur. C'est ce que Schopenhauer appelle, et le mot au fond est bien choisi, l'ennui. Qu'est-ce que Schopenhauer appelle l'ennui ? Je sais que l'ennui, ce n'est pas le malheur, ce n'est pas le bonheur.
C'est l'absence du bonheur au lieu même de sa présence attendue. Autrement dit, je me disais, qu'est-ce que je serais heureux quand ? Alors, quand j'aurai la dégation, quand je...
J'aurais tel métier, telle maison, telle femme, que sais-je. Et puis j'ai le diplôme, j'ai la maison, le métier, la femme, le mari, le bonheur n'est pas là. J'avais rendez-vous avec le bonheur, je me disais que je serais heureux si le si se réalise. J'avais rendez-vous avec le bonheur, je suis au rendez-vous, le bonheur n'y est pas. Le bonheur m'a posé un lapin.
Je ne suis pas malheureux, simplement je suis heureux. Je m'ennuie. Eh bien, la phrase la plus triste de toute l'histoire de la philosophie, donc écrite par Schopenhauer, est la suivante. Schopenhauer écrit, ainsi toute notre vie oscille comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui. Schopenhauer écrit, ainsi toute notre vie oscille comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui.
à l'ennui. Souffrance parce que je désire ce que je n'ai pas et je souffre de ce manque. Ennui parce que j'ai ce que dès lors je n'ai pas. Je ne désire plus.
Il y a un... Alors si on pourrait... Pour rendre ça un tout petit peu plus concret, sur le coup, vous savez cette jolie chanson de Claude Nougaro, quand une petite fille pleure dans une ville en pluie, si mes souliers sont bons, tu m'aimes, dis-moi, tu m'aimes, c'est tout ce qu'elle sait dire, il faut toujours qu'il me dise qu'il l'aime, il est un amable.
Il a dit qu'une fois, ça lui suffit. Enfin bref, elle va possiblement se jeter dans la scène. Alors dans cette chanson, il y a ce vers de Claude Nougaro. Quand le vilain Marie tue le prince charmant. Quand le vilain Marie...
du prince charmant. L'étonnant, bien sûr, et la force du verbe, c'est que le vilain Marie et le prince charmant, c'est le même homme, par définition. Alors, quelle différence il y a entre les deux ? C'est très simple.
Le prince charmant, c'est le mari qui manque. Le vilain Marie, c'est le prince charmant dont il ne manque plus. Souffrance du chagrin d'amour, ennui du couple.
Souffrance du chômeur, ennui du salarié. Ou bien vous aimez celui ou celle qui vous manque, que vous n'avez pas, c'est ce qu'on appelle la saga d'amour. Ou bien vous avez celui ou celle qui ne vous manque plus, c'est ce qu'on appelle un couple. Il y a une chose que Platon n'explique pas, peut-être une seule, c'est qu'il existe parfois des couples heureux.
Ça met une raison forte pour aimer les couples quand ils sont heureux et pour n'être pas platonicien. Il y a une chose que Platon n'explique pas, c'est qu'il existe parfois des travailleurs heureux. Ça met une raison forte pour aimer le travail quand il est heureux, et pour n'être pas platonicien.
Et ça, comme Platon est incapable de l'expliquer, on a besoin d'une autre théorie de la mort. qui n'est plus Eros, mais Philia Deuxième partie, Philia Alors philia en grec, ça signifie à peu près l'amitié. C'est la traduction la plus usuelle, la plus traditionnelle, c'est la meilleure, il n'y a pas d'autre qui soit satisfaisante.
Elle n'est malgré tout qu'à moitié satisfaisante, parce que philia en grec... En grec, ça a un sens beaucoup plus large qu'amitié en français. Par exemple, lorsqu'Aristote, oui parce que Héros c'est l'amour selon Platon, Philia c'est l'amour selon Aristote, et on le verra tout à l'heure aussi selon... Spinoza. Lorsqu'Aristote veut décrire l'amour entre les parents et les enfants, entre les enfants et leurs parents, il n'écrit pas Eros, mais Philia Non pas parce qu'il n'y a pas de sexe entre les parents et les enfants, encore une fois Eros ce n'est pas la sexualité, il peut y avoir du sexe dans Philia, non mais simplement comment voulez-vous manquer des enfants que vous avez ?
Comment voulez-vous manquer des parents que vous avez ? les seuls qui pourraient avoir un amour érotique d'enfant c'est le couple en mâle d'enfant comme on dit ils veulent faire un enfant, ça ne marche pas ils aiment l'enfant qui leur manque là c'est un amour érotique d'enfant mais une fois que l'enfant est né il ne manque plus il faut passer de l'amour de l'enfant qui manque à l'amour de l'enfant qui ne manque plus ce qui n'est pas non plus entre nous soit dit toujours si simple que ça mais qui plus est lorsqu'Aristote veut décrire l'amour entre l'homme et son épouse, entre la femme et son mari. Aristote qui a été marié deux fois, il est deux fois heureusement. Platon n'a pas été marié, Aristote oui, sa première femme est morte, il s'est remarié, ça a été deux ménages heureux d'après ce que nous disent les témoins, la tradition, etc. Lorsqu'Aristote veut décrire l'amour entre l'homme et son épouse, entre la femme et son mari, il a fait un débat son mari, il n'écrit pas eros Bien sûr qu'ils font l'amour ensemble, mais quand je dis eros ce n'est pas le sexe, c'est la passion amoureuse, c'est le manque.
Comment voulez-vous manquer de l'homme ou de la femme que vous avez qui partagent votre vie ? Aristote écrit philia Alors qu'en français, vous voyez, on hésiterait à parler d'amitié aussi bien entre les parents et les enfants que d'ailleurs entre les époux, les conjoints, les concubins, etc. Du moins aujourd'hui, et à mon âge si je sais, parce que finalement, dans les familles de la bonne bourgeoisie, fin 19e siècle, début 20e siècle, vous voyez les pièces de Fédot, Courteline, Labiche, les époux s'appelaient très volontiers mon ami, ma chère amie, ma... douce amie, mon tendre amie, filiale.
Vous direz oui mais ça ne se fait plus aujourd'hui. Encore une fois, à mon âge, assez peu, mais lorsque votre jeune fils ou jeune fille de 20 ans va venir... vous présenter celui ou celle qu'ils prennent pour l'homme ou la femme de sa vie, ils vous diront Papa, maman, je te présente mon ami Et vous comprendrez très bien ce que ça veut dire.
Ça veut dire que ces deux-là ont cessé de se manquer depuis déjà plusieurs semaines. Parce que s'il fallait présenter à papa et à maman d'abord, la ville encore serait vraiment trop compliquée. Mon ami, Philia Mon copain, ma copine, Philia C'est ce que Mon appelait joliment l'amitié maritale. L'amitié maritale c'est quoi ? C'est l'amour qui existe entre les deux époux lorsqu'ils s'aiment, évidemment.
Philia Donc Philia c'est l'amour de tout ce qui ne manque pas. Et quant au contenu affectif, et bien dans une phrase pure comme l'eau, Aristote va dire l'essentiel. Aristote écrit, aimer c'est se réjouir, aimer c'est se réjouir.
Je m'en dis pour... l'amour également pour Aristote et on le verra pour Spinoza. L'amour et joie, aimer c'est se réjouir. Vous voyez bien que là, tout s'inverse.
Parce qu'autant, si vous donnez raison à Platon dans votre histoire d'amour, si vous ne savez aimer que ce qui vous manque, inévitablement, vous donnez raison aussi à Louis Aragon. Si l'amour, il manque, Platon alors a... Aragon, il n'y a pas d'amour heureux. Si à l'inverse, c'est à Aristote que vous donnez raison dans vos histoires d'amour, si aimer pour vous, c'est se réjouir, alors d'évidence, Aragon a tort.
Il n'y a pas d'amour malheureux. Malheureux. Sauf dans le deuil, bien sûr. Parce que le deuil, alors au sens propre, l'autre est mort, ou au sens figuré, l'autre vous a quitté.
Le deuil recréant tragiquement le manque vous renvoie brutalement, douloureusement chez Platon. Mais en dehors du deuil, si l'amour est joie, alors il n'y a pas d'amour malheureux. Spinoza, 17ème siècle.
en Hollande, bien évidemment, Spinoza va dire, c'est pas un cours d'histoire, je me fuis, il faudrait toutes sortes de médiations entre Aristote et Spinoza, mais peu importe ici, pour l'essentiel, Spinoza va dire la même chose qu'Aristote, l'amour et joie. A partir, chez Spinoza, d'une théorie du désir. Parce qu'au fond, Spinoza serait d'accord avec Platon pour dire que l'amour est désir. Ça.
Oui. Mais certainement pas pour dire que le désir est manque. Autrement dit, le geste philosophique de Spinoza, ça va être ça. Remplacer un égal par un différent de.
C'est moi qui le dis comme ça. Spinoza ne parle pas de Platon quand il parle de l'amour. Mais si on veut reconstituer après coup leur dialogue posthume, c'est exactement ça que ça veut dire.
Pour Spinoza, oui c'est vrai l'amour et désir, mais non le désir. Le désir n'est pas manque parce que le désir est puissance. Puissance de jouir et jouissance en puissance. Jouissance possible. Attention, je n'ai pas dit pouvoir au sens politique du terme, non.
Puissance. Puissance de jouir, jouissance en puissance, autrement dit... dit exactement puissance au sens où l'on parle très communément de la puissance sexuelle. On en parle surtout pour les hommes, on pourra en parler exactement au même sens pour les femmes. Qu'est-ce que c'est que la puissance sexuelle ?
C'est la puissance de jouir. Parce qu'enfin, si vraiment Platon avait toujours raison. Si nous ne savions désirer que ce qui nous manque, reconnaissons que notre vie sexuelle serait encore plus difficile et compliquée qu'elle n'est, spécialement la nôtre, messieurs. Parce qu'il faut bien qu'à un certain moment, nous soyons en état de désirer celle exactement qui ne manque pas, puisqu'elle est là, puisqu'elle se donne, puisqu'elle s'abandonne.
Vous savez, il y a un genre d'homme vraiment platonicien, ou plutôt chez Platon, enfermé chez Platon. C'est ce genre d'homme qui n'a envie de faire l'amour que lorsqu'il est tout seul. Alors là, il n'y a pas de problème, il a des tas de désirs, de fantasmes, d'érections.
Sauf que dès qu'une femme est là et se donne, il n'y a plus personne. C'est ce qu'on appelle un impuissant ou un moment d'impuissance. Ce qu'il y tassait par différence qu'elle est la vérité du désir sexuel, qui n'est pas le manque, mais la puissance.
C'est ce qu'on appelle un impuissant ou un moment d'impuissance. Ce qu'il y tassait par différence qu'elle est la vérité du désir sexuel, qui n'est pas le manque, mais la puissance. Ou plutôt, les deux sont vrais, mais l'erreur de Platon est de n'avoir vu que le manque.
C'est-à-dire en matière de sexualité, chacun sait ce que c'est que le manque sexuel, c'est ce qu'on appelle la frustration. Et comme ça nous est arrivé à tous, on est bien placé, un, pour savoir ce que c'est, et deux, pour savoir que ce n'est pas la même chose que la puissance sexuelle. Chacun sait, surtout les femmes, que les hommes frustrés font rarement les meilleurs amants.
Mais bon, il n'y a pas que le sexe dans la vie, comme disait Colus, l'erreur de Platon, c'est aussi bien d'avoir confondu la faim... F-I-M, le manque de nourriture, avec la puissance de jouir de la nourriture qui ne manque pas. On n'appelle pas faim, mais en français, mais c'est aussi un grand concept spinoziste, l'appétit.
Alors, lorsque vous invitez des amis à dîner chez vous un soir, n'allez pas leur dire au début du repas, je te souhaite une bonne faim, je te souhaite de bien manquer de nourriture. pas être déçu, il n'y a rien à manger. Non, vous leur dites, ne t'en fais pas, j'ai prévu l'âge, tu n'auras pas faim. Je te souhaite d'avoir la puissance de jouir de la nourriture qui ne manque pas.
Bon appétit. La faim est une souffrance. On peut en mourir, on en meurt tous les jours dans le monde.
L'appétit n'est pas une souffrance, c'est une puissance, puissance de jouir. Et c'est déjà un plaisir. Le désir est puissance et l'amour est joie. Alors la définition qu'en donne Spinoza est un petit peu plus compliquée que celle d'Aristote, mais je vais l'expliquer en quelques mots.
Dans l'éthique, Spinoza donne cette définition. L'amour est une joie qu'accompagne l'idée d'une cause extérieure. L'amour est une joie qu'accompagne l'idée d'une cause extérieure.
Autrement dit, aimer, c'est se réjouir de. C'est ce de finalement que Spinoza ajoute à la formule d'Aristote. Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire ?
Ça veut dire que si quelqu'un vous dit, par exemple ce soir, Je suis joyeux à l'idée que tu existes. Ou bien Il y a une joie en moi. Eh bien, tu vois, la cause de ma joie, c'est l'idée que tu existes. Ou plus simplement, À chaque fois que je pense à toi, cela me rend joyeux. Vous prendrez ça, évidemment.
pour une déclaration d'amour et vous aurez bien sûr raison. Ça donne raison à Spinoza. L'amour est une joie qui accompagne l'idée d'une cause extérieure. Vous aurez raison, mais vous aurez aussi beaucoup de chance.
D'abord parce que c'est une déclaration spinoziste d'amour, ça n'arrive pas tous les jours, beaucoup sont morts sans avoir entendu ça une seule fois dans leur vie, donc c'est bien. Mais vous avez aussi beaucoup de chance, et surtout beaucoup de chance, parce que c'est le cas très rare. d'une déclaration d'amour qui ne vous demande rien.
Et ça, croyez-moi, c'est proprement exceptionnel. Vous allez me dire, mais quand on dit je t'aime, on ne demande rien non plus. Si, bien sûr, et pas seulement que l'autre réponde moi aussi. Ou plutôt, tout dépend de quel type d'amour on fait état lorsqu'on dit je t'aime.
Parce que si vous êtes chez Platon, soyons clairs, si vous êtes amoureux, dire je t'aime. Je t'aime, ça veut dire tu me manques. I need. comme chanter les Beatles. Te quiero, comme on dit en espagnol.
Je t'aime, je te veux, c'est le même mot. C'est donc bien demander quelque chose. C'est même tout demander, puisque c'est demander quelqu'un.
Et c'est pourquoi nos déclarations d'amour sont parfois pour l'autre tellement... en comprendre. Alors que dire, je suis joyeux à l'idée que tu existes, ce n'est rien à demander du tout, c'est faire état d'une joie.
Alors, imaginez, mesdames, ce que ça se passe plus souvent dans ce... sens là que samedi prochain dans une rue d'avignon un homme qui n'est pas votre mari ni votre compagnon parce que alors c'est pas drôle mais plutôt bien fait sa personne un homme que vous ne connaissez pas vous aborde et vous dit madame mademoiselle je suis joyeux à l'idée que vous existez qu'est ce que vous allez lui répondre même bien ça ne me regarde pas je suis d'accord mais Comme il n'est pas impossible qu'il ait emprunté son accroche à tel ou tel de mes livres, ou peut-être à cette conférence aussi, il faut quand même que je vous donne quelques éléments de réponse possibles, dont vous ferez bien sûr ce que vous voudrez. D'abord, madame, mademoiselle, je suis joyeux à l'idée que vous existez.
Vous pourriez par exemple lui répondre, ah ben ça, cher monsieur, ça me fait plaisir. Non, c'est vrai, vous me dites que vous êtes joyeux à l'idée que j'existe, alors vous le constatez, j'existe en effet, tout va bien. Bonsoir, monsieur. vous seriez au plus près de la sincérité parce qu'en gros quand quelqu'un vous dit qu'il vous aime ça fait plaisir en effet mais vous connaissez les hommes il va essayer de vous retenir il va dire attendez ne partez pas je veux que vous soyez à moi oh alors là mon pauvre monsieur c'est complètement différent relisez Spinoza l'amour est une joie qui accompagne l'idée d'une cause extérieure vous êtes d'accord ?
oui mais alors qu'est-ce qui vous réjouit ? et donc est-ce que vous aimez au fond est-ce que ce qui vous réjouit c'est l'idée que j'existe comme vous avez cru le comprendre d'abord auquel cas je m'en réjouis moi-même et je vous dis bonsoir Auquel cas, je reconnais que vous m'aimez, et je vous dis bonsoir. Ou bien, est-ce que ce qui vous réjouit, c'est l'idée que je sois à vous, comme je crains de le comprendre à présent. Auquel cas, ce que vous aimez, ce n'est pas moi, c'est la possession de moi. Et donc, mon pauvre monsieur, vous n'aimez que vous, et ça, ça ne m'intéresse pas du tout.
Bonsoir, monsieur. Alors là, je dois quand même déstabiliser. En gros, il y a deux possibilités.
Soit il se dit, merde, un intello, je me casse. Sincèrement, ce n'est pas le moins probable. Ce n'est pas grave, ça prouve qu'il n'avait rien à faire.
la terre. Ou bien il se dit vraiment celle-là, elle n'est pas comme les autres, il me la faut absolument, il s'accroche, mais vous l'aurez en effet déstabilisé parce que il va vous dire, écoutez je ne sais plus, je suis amoureux, quoi ? Vous pourriez lui répondre, mais mon pauvre monsieur... monsieur, c'est ce que je me tue à vous expliquer. Vous êtes amoureux, vous êtes ces platons, vous ne savez aimer que ce qui vous manque.
Mais enfin, on a assez vécu, vous et moi, pour savoir qu'à supposer que je cède à vos attentes, à supposer que je sois tout à vous, comme vous dites, forcément, à force d'être tout à vous, je vais vous manquer de moins en moins. Et puis moins qu'une autre, ou moins que la solitude. Est-ce que vous avez envie de vivre ça encore une fois ? Moi, vraiment, ça ne me...
ne m'intéresse plus. À moins, à moins, pourriez-vous ajouter, à moins que vous ne soyez capable d'être spinosiste, au moins parfois. À moins que vous ne soyez capable non pas seulement d'aimer ce qui vous manque, mais d'aimer ce qui est et qui vous réjouit. À ça, ça pourrait éventuellement m'intéresser. Écoutez, réfléchissez-y, voici mon numéro.
Ça, c'est celui-là, vraiment bien. bien sûr que je simplifie, je schématise, j'ai peu de temps, d'ailleurs je regarde si on voit où on en est, oui, effectivement j'ai peu de temps, bien sûr que je schématise, je simplifie, c'est toujours plus compliqué que ça. Évidemment que nos histoires d'amour, assez souvent, se situent entre les deux, le plus souvent ça commence par Eros, le plus souvent on commence par aimer quelqu'un qu'on n'a pas, quoique avec la libération de... meurt l'inverse, se produit plus souvent qu'avant. Mais le plus souvent, on commence par aimer quelqu'un qu'on n'a pas, et puis dans le meilleur des cas, on se réjouit de celui, non pas qu'on a, on ne peut jamais posséder un être humain, mais de celui dont on partage la vie.
Qu'est-ce que c'est qu'un couple heureux ? C'est un couple... où on est tombé de Platon en Chopin-Homer.
Quand il n'y a plus de menthe, il ne reste que l'ennui. Qu'est-ce que c'est qu'un couple heureux ? C'est un couple où on est monté de Platon en Spinoza.
Quand il n'y a plus de menthe, il reste la joie. Qu'est-ce que c'est qu'un couple heureux ? C'est un couple où on est tombé de Platon en Chopin-Homer. Quand il n'y a plus de menthe, il ne reste que l'ennui.
Qu'est-ce que c'est qu'un couple heureux ? C'est un couple où on est monté de Platon en Spinoza. Quand il n'y a plus de menthe, il reste la joie.
Dans le réel, c'est toujours plus compliqué que ça, mais là encore, ce sont les deux pôles qui viennent structurer l'espace, toujours fluctuant, toujours compliqué, de nos différentes histoires d'amour. Un jour, une de mes amies, qui devait avoir à l'époque 45 ans à peu près, nous parlant de son mari en son absence, il était marié depuis une vingtaine d'années, il avait fait trois enfants, elle me disait, bien sûr, je ne suis plus amoureuse de lui. Ils sont mariés depuis 20 ans. Bien sûr, je ne suis plus amoureuse de lui.
Mais tu vois, j'ai toujours du désir pour lui. Et puis surtout, ajoutait-elle, c'est mon meilleur ami. Cette femme de 45 ans qui m'explique... qui m'expliquait qu'elle faisait l'amour avec désir, avec son meilleur ami, m'a paru dire quelque chose de très vrai, de très fort, et en vérité d'assez troublant, sur ce qu'est la vraie vie érotique et aimante des couples.
Parce que je vais vous dire, faire l'amour avec sa meilleure amie, moi je trouve ça délicieux. Ceux qui préfèrent le ment, ils ont tout à fait le droit, mais si vous n'aimez pas ça, n'en dégoûtez pas les autres. Parce que bon, le couple c'est difficile, on est tous d'accord là-dessus, mais il ne faut pas non plus trop enjoliver le célibat.
Parce que c'est pas moins d'amour, filia, c'est plus d'amour. Alors c'était bien quand je parle de ça à des jeunes gens, ça m'est arrivé dans des classes, dans des lycées, etc., dans des conférences. Il faut bien que les jeunes filles soient un peu déçues. Je dis les jeunes filles parce que les mecs ils n'ont encore rien compris. Les jeunes filles, enfin les jeunes mecs, après on progresse quand même.
Les jeunes filles sont un peu déçues parce que ce qu'elles voudraient, elles, c'est Eros qui dure toujours. Il y a un philosophe vieillissant qui vient leur casser leur barrage. en disant désolé on n'a pas ça en magasin.
Non pas que la passion ne puisse pas durer, des années voire toujours, bien sûr que la passion peut durer des années, mais à une condition, c'est d'être malheureuse. Alors ça tant que le manque est là, tant que vous aimez quelqu'un qui ne vous aime pas, ça peut durer des années. On est quelques-uns là encore à avoir aimé pendant des années une femme pour ce qui me concerne, qui ne m'aimait pas. On peut en mourir, c'est Adèle Haas, le...
beau film de Truffaut sur l'une des filles de Victor Hugo, amoureuse folle d'un officier britannique, si mes souvenirs sont bons, l'officier ne l'aime pas, elle l'aime, elle, sans retour pendant des années, et elle en meurt. Oui, ça peut durer des années, à condition d'être malheureuse. Mais dès que... l'amour est heureux, il n'y a plus de manque. On n'est plus chéros.
Il faut apprendre à bâtir ensemble un couple et de la joie. Et c'est ça qu'il faut expliquer à nos jeunes gens, parce que sinon, que vont devenir nos jeunes filles ? A 15-16 ans, d'un coup vous la voyez pâlir, maigrir, la mère est un peu inquiète, le père aussi d'ailleurs. Et puis à un moment la mère entend des sanglots dans la salle de sa fille, la fille pleure, seule sur son lit. Alors la mère lui dit mais qu'est-ce qu'il y a ?
La chérie, elle craint le pire. Elle a été violée, elle se drogue, du racket, que sais-je. Et la fille lui dit, non, non, je suis amoureuse.
La mère soupire, c'est bon, ce n'est que ça, tout va bien. Elle est en manque. La mère la console, il y en aura un autre où il va t'aimer, tu verras, t'es jeune, t'es jolie, tout ça, très bien. Quelques années plus tard, la même jeune fille, alors elle est belle comme elle n'a jamais été, radieuse, splendide, manifestement heureuse.
Alors la mère se doute bien qu'il y a quelque chose, alors quand elle va la voir dans sa chambre, elle lui dit, alors ma chérie, c'est l'heure d'aller, et oui, sa fille lui explique qu'elle est amoureuse et qu'il l'aime aussi. Alors on les installe ensemble, éventuellement on les marche. Et six mois après le mariage, la jeune épousée appelle sa mère au téléphone en larmes.
Il lui dit, maman, je t'appelle parce que je vais demander le divorce. A nouveau, la mère craint le pire. Il boit, il se drogue, c'est intruant. Non, rien de tout ça, je te jure.
Il est vraiment très très gentil, j'ai rien à lui reprocher. Mais alors, demande la mère. Alors tu vois, explique la jeune femme, tu sais, je t'avais dit il y a quelques mois, tu sais, quand il entrait du... du travail, que j'étais entré avant lui, tu sais, rien que d'entendre son pas dans l'escalier, j'avais le cœur qui s'affolait dans la poitrine, rien que d'entendre son pas dans l'escalier. Eh bien, tu vois, hier, il est rentré du travail après moi, j'ai entendu son pas dans l'escalier et mon cœur est resté complètement étal.
Donc tu vois, maman, je ne suis plus amoureuse de lui. Et donc, par honnêteté, il faut que je le lui dise et qu'on se sépare avant d'avoir fait un enfant. La mère dit à sa fille, écoute ma chérie, c'est intéressant ce que tu me dis, mais tu vois, je vais passer te voir parce que ça vaut la peine qu'on en discute. Parce que tout d'un coup, la mère se dit, mais bon sang, si je lui laissais croire. Alors que ça allait durer toujours des années, cette espèce de passion dévorante, je suis peut-être passé à côté d'une partie au moins de mes responsabilités parentales.
La passion ne peut durer que dans le malheur, le bonheur par définition y met fin. Ce n'est pas un reproche à faire au bonheur. Il y a une formule de Nietzsche qui m'a toujours...
parce qu'elle est belle, comme souvent chez Nietzsche, dans sa littéralité. Je crois que c'est dans Zara Zoustra, Des enfants et du mariage Nietzsche écrit Beaucoup de brèves folies, c'est là ce que vous appelez l'amour Et à cette brève folie, le mariage met fin par une longue sottise. Ça prouve une chose, c'est que Nietzsche n'a jamais été heureux en couple. Ce qui est avéré par les biographes, mais là encore, ça n'est pas une objection à faire au couple.
Parce qu'en vérité, non seulement aimer celui ou celle dont on partage la vie, c'est plus de joie que le manque, C'est souvent plus de plaisir, y compris sexuel. Parce que reconnaissons que dans le feu de la passion et des premières fois, on n'a pas toujours été aussi bons que ça, les uns et les autres. Non, le couple c'est quand il est heureux, bien sûr. Pas si je peux me demeurer, si Spinoza, si Aristote. Le couple c'est plus de joie, donc plus d'amour.
C'est plus de plaisir, y compris sexuel. C'est aussi, et ce n'est pas rien, plus de vérité. Parce qu'au fond, tomber amoureux, eros, c'est quoi ?
Sinon, aimer les illusions qu'on se fait sur l'autre. C'est pas l'autre qu'on aime, c'est les illusions qu'on s'est bâties sur lui. C'est ce que Stendhal appelle dans son livre de l'amour la cristallisation.
C'est une métaphore, bien sûr, une analogie. C'est quoi la cristallisation ? L'exemple que donne Stendhal, c'est vous ramassez une branche de bois mort dans la rue, sur le trottoir.
C'est gris, c'est terne, c'est triste, c'est pas bon. Et vous la plongez dans une mine, je ne sais plus, de deux selles, si mes souvenirs sont bons, pendant quelques semaines ou quelques mois, vous la ressortez, et voilà la branche de bois mort couverte de diamants. Du moins, c'est ce qu'on croit voir, elle brille de mille feux, c'est super.
Et voilà, l'amour c'est pareil. Vous ramassez un homme dans la rue, c'est gris, c'est terne, c'est triste, c'est pas bon. Vous le plongez dans le cœur d'une femme amoureuse, et le voilà qui brille de mille feux, c'est super. mille feux. Sauf que c'est sous les mille feux des illusions de la dame, il reste la branche de bois mort, grise, terne, triste, pas bête.
Et l'homme, s'il est un peu lucide, se dit, mais qu'est-ce qui restera de son amour quand elle le connaîtra vraiment ? Vous savez ce que disait Gainsbourg ? On aime une femme pour ce qu'elle n'est pas, on la quitte pour ce qu'elle est.
C'est vrai aussi, bien sûr, pour les hommes. Même un homme, pour ce qu'il n'est pas, on le quitte pour ce qu'il est. Un de mes amis, il avait déjà au moins 45 ans lui aussi, un jour il me dit, il était tombé amoureux, il me dit, je l'aime pour son mystère. Je lui ai répondu, t'es en train de m'expliquer que tu l'aimes parce que tu ne la connais pas.
Ben écoute, prends le temps de faire connaissance. Le contraire de l'illusion amoureuse est énoncé à la perfection dans un vers d'Éloard à sa femme Neuch, un vers tout simple comme souvent chez Éloard. Éloard écrit simplement à sa femme...
On ne peut me connaître mieux que tu ne me connais. On ne peut me connaître mieux que tu ne me connais. Et autant la femme qui est amoureuse de moi, qui n'aime que les illusions qu'elle te fait sur moi, me met en position fausse et en...
60 ! Qu'est-ce qui va se passer quand on aura fait connaissance ? Autant celle qui me connaît mieux que personne ne m'a jamais connue, beaucoup mieux que mes parents. D'abord, on ne couche pas avec ses parents, beaucoup mieux que ses amis, parce qu'on ne couche pas avec ses amis. Comment on est au-dessus de quelqu'un qui vous connaisse vraiment ?
s'il n'a pas partagé votre amour. Eh bien, si la personne qui vous connaît le mieux au monde vous aime, tel que vous êtes, en vérité, et pas dans les îles de son amour, elle vous fait le plus beau, le plus bouleversant des cadeaux. Parce que sinon, alors là c'est Marie Svetaeva qui a dit ça dans une formule qui m'a toujours fait froid dans le dos. Elle écrit quelque part, une parité sruse du XXe siècle, comme vous le savez. Encore je suis de mémoire, mais c'est ça, presque mot pour mot.
Il écrit Quand une femme n'est pas amoureuse, elle voit un homme tel que ses parents l'ont fait. Lorsqu'une femme est amoureuse, elle voit le même homme tel que Dieu l'a fait. Lorsqu'elle n'est plus amoureuse, elle voit une table, une chaise. Ceux qui ont vécu ça, savent ce que c'est que le désamoureux.
Lorsqu'une femme est amoureuse, elle voit... Lorsqu'une femme n'est pas amoureuse, elle voit un homme tel que ses parents l'ont fait. Lorsqu'une femme est amoureuse, elle voit le même homme tel que Dieu l'a fait. Lorsqu'une femme n'est plus amoureuse, elle voit une table, une chaîne. Le contraire de ça, c'est on ne peut me connaître mieux que tu ne me connais.
Autrement dit, le couple est une expérience de joie, le couple heureux là encore, de plaisir, de sensualité et de vérité. C'est pour ça que c'est un lieu spirituel. Parce que la grande affaire de la spiritualité, finalement, c'est les noces de la joie et de la vérité.
Puis de Fallin, écrit quelque part, finalement... c'est le couple qui sauvera l'esprit. Il a raison.
Parce que pour tous ceux qui ne croient pas en une âme immatérielle, et ni Alain, ni moi, ni croyons, l'esprit c'est quoi ? C'est l'énos de la joie et de la vérité. Le couple n'est pas le seul lieu où ça peut se produire. Il faut se réjouir de ses amis, bien sûr.
Mais c'est celui où la vérité est la plus intime. Personne ne me connaît mieux que la femme qui part à ce navire, par définition. Et où la joie peut être la plus grande. J'ai vu ça un jour sur un chat, comme on dit aujourd'hui, d'adolescents en l'occurrence.
Donc, sans nom d'auteur, on va dire, anonyme du XXe siècle. C'était une espèce de devinette. Qu'est-ce que c'est qu'un ami ? Réponse, un ami c'est quelqu'un qui vous connaît très très bien et qui vous aime quand même. C'est bien.
Qu'une femme qui nous connaît tellement bien nous aime quand même, reconnaissons messieurs que c'est la chose la plus étonnante et la plus formidable qui nous ait été donnée de vie. Du moins tous ceux qui ont eu la chance d'être heureux en couple, c'est-à-dire heureux en amour. Joyeuse Saint-Valentin. Bref, il n'y a pas d'amour heureux, ni de bonheur sans amour.
Pour les licenciés, on a une phrase. Il n'y a pas d'amour heureux, il n'y a pas d'éros heureux, ni de bonheur sans amour, ni de bonheur sans filial. Il n'y a pas de manque heureux, ni de bonheur sans joie. On pourrait s'arrêter là.
Et d'ailleurs, les Grecs s'arrêtaient là. Peut-être que dans une étoile du théâtre, il aimerait bien que je m'arrête là aussi parce que je suis en train de dépasser, mais ce n'est pas grave. On pourrait s'arrêter là, les Grecs s'arrêtaient. Vous avez dit qu'il y avait trois mots en grec.
Et Rosphilia Agapé. Oui, il y a trois mots. Il y a trois mots, mais le troisième, Agapé, donc troisième partie, Agapé, le troisième nom grec de l'amour, vous ne le trouverez jamais chez Platon. Jamais chez Aristote, jamais chez Épicure, jamais chez aucun... un grec classique.
Ce qui s'est passé, c'est la chose suivante. C'est que, quelques 300 ans après la mort d'Aristote, dans un coin particulièrement paumé de l'Empire romain, parce que 300 ans après la mort d'Aristote, ce n'est plus les cités grecques, c'est l'Empire romain. Quelques 300 ans après la mort d'Aristote... Dans un coin particulièrement paumé de l'Empire romain, quelqu'un qui n'était même pas grec, même pas romain, une espèce de petit juif quelconque, s'est mis à tenir dans un improbable dialecte sémitique, en araméen semble-t-il, des propos étranges. Il disait par exemple Dieu est amour Il disait Aimez votre prochain.
Il disait Aimez vos ennemis. Et le plus étonnant, c'est qu'il y en a qui ont cru. Ils se sont dit C'est formidable ce que dit ce type, il faut le dire au monde.
Alors aujourd'hui, on le traduirait en anglais et on le mettrait sur internet. A l'époque, il faut le traduire en grec, parce que c'est l'Empire romain, mais la langue cultivée de tout le bassin méditerranéen, la koiné, c'est toujours le grec. A l'époque, il faut le traduire en grec et faire à pied le tour de la Méditerranée.
Alors on va essayer de le traduire en grec. Dieu est amour. O theos eros estim.
Les grecs sont pliés en deux de rire. Dieu est manque. Tu parles d'un Dieu. Dieu est amoureux à bon de toi ? Il est fou.
Et puis, soyez amoureux de votre prochain. Non mais attendez, le prochain c'est n'importe qui. Je ne vais pas tomber amoureux de n'importe qui. Le prochain c'est tout le monde, je ne vais pas tomber amoureux de tout le monde. Et puis alors, soyez amoureux de vos ennemis, là pour le coup, c'est une espèce de perversion.
Donc vous voyez, pour traduire l'amour évangélique, parce que c'est bien sûr de ça qu'il s'agit, eros, ça ne va pas du tout. c'est celui qui vous préfère. Même Aristote avait écrit, Ce n'est pas un ami celui qui est l'ami de tous.
Je me souviens quand j'étais étudiant, un jour j'ai compris que mon meilleur ami, homme, je vais jamais être passionnément, mais sans chastement si j'ose dire, mais passionnément, un jour j'ai découvert qu'il était l'ami de tous. Je l'ai découvert comme une blessure, bien sûr. Parce qu'il ne voulait pas qu'il m'aime moi comme il aime n'importe qui, il voulait qu'il m'aime. puisque les autres voulaient exactement qu'il me préfère.
Eh bien, s'il y a quelque ridicule à se croire l'ami de Dieu, c'est qu'il y a quelque ridicule à croire que Dieu me préfère. Et puis, je vais vous dire, on choisit ses amis, on ne choisit pas son prochain. Le prochain, c'est celui qu'il a. On l'a sur les bras.
L'ami, on le choisit. Quant à soyez l'ami de vos ennemis c'est violer le principe de non-contradiction, ce qui pourra vaincre la pire des perversions. Parce que l'amitié est forcément réciproque. Je peux être amoureux de quelqu'un qui n'est pas amoureux de moi, je ne peux pas être l'ami de quelqu'un qui n'est pas amoureux de moi. pas mon avis.
Donc vous voyez, pour traduire l'amour évangélique, héros ça va pas du tout, philia ça va moins mal, d'ailleurs saint Thomas, pardon, dira la charité est une amitié, mais ça coince un peu. Si bien que les premiers chrétiens... Et on semble-t-il inventer un nouveau mot, un néologisme, en tout cas qui n'est pas attesté en grec avant l'époque chrétienne. Et comme il y avait un verbe agapan qui signifiait aimer en un sens un peu vague, ils se sont emparés de ce verbe, ils en ont forgé un substantif agape pour décrire cet amour que Jésus professait. Amour singulier en ceci précisément qu'il se veut universel.
Merci. Agapé, que les latins vont traduire par Charité, et les français par Charité, surtout les français catholiques. Les français protestants ont tendance dans leur texte à traduire Agapé par amour. Les deux traductions sont bonnes, disons que Agapé c'est l'amour de Charité. On pourrait dire que c'est l'amour selon Jésus, mais si on veut rester dans le registre philosophique, Héros c'est l'amour selon Platon, Philia c'est l'amour selon Aristote et Spinoza, disons qu'Agapé c'est l'amour selon...
selon Simone Weil, avec un W, donc c'est la philosophe, et non pas bien sûr la femme politique, c'est la philosophe qui est morte à Londres en 42, 43, comme ça on va terminer avec une femme, Simone Weil, quelque chose qu'on a commencé avec une femme diotique. L'amour selon Jésus, mais si on veut rester dans le registre philosophique, Eros c'est l'amour selon Platon, Philia c'est l'amour selon Aristote, Spinoza, disons qu'Agapé, c'est l'amour selon Simone Weil. Avec un W, hein, donc c'est la philosophe, et non pas bien sûr la femme politique, c'est la philosophe qui est morte à Londres en 42, 43, comme ça on va terminer avec une femme.
Simone Weil, quelque chose qu'on a commencé avec une femme diotique. Pourquoi Simone Weil ? Parce que sur l'amour de charité, c'est elle qui me paraît la plus éclairante et là j'ai vraiment besoin d'être éclairé. Parce que, sincèrement, là je suis un peu embarrassé.
parce que je ne crois pas en Dieu. C'est vrai que je ne crois pas en Dieu, mais je dis toujours, être athée, ça ne dispense pas d'être intelligent. Donc on peut au moins essayer de comprendre.
Mais encore faut-il savoir de quoi on parle. Lorsque je vous parle d'Eros, la passion amoureuse, je parle d'expérience à des gens qui me comprennent l'expérience. On a tous été amoureux, presque tous plusieurs fois.
Lorsque je parle de Philia, je parle d'expérience à des gens qui me comprennent l'expérience. On a tous des amis, presque tous, on a vécu en couple. Lorsque je parle de la charité, lequel d'entre nous peut être certain d'avoir vécu une fois dans sa vie un pur moment de charité ? En tout cas pour ma part, c'est une prétention. que je n'ai pas.
Donc force m'est d'avouer devant vous que dans cette troisième partie, je parle de la charité par oui-dire. C'est le plus bas de connaissance selon Spinoza, mais comme le oui-dire en l'occurrence dure depuis 20 siècles, ou un peu plus. C'est aussi ce qu'on appelle une civilisation. Ça vaut la peine d'essayer de comprendre ce qui se dit là.
Alors quand elle essaie de comprendre ce que c'est que la charité, Simone Weil presque toujours commence par citer Thucydide, l'historien grec, qui dans les guerres du Péloponnèse, historien grec du 5e, 4e siècle avant Jésus, qui dans son livre Les guerres du Péloponnèse, écrit ceci Toujours et partout, par une nécessité de nature, tout être tend à affirmer au maximum sa puissance. C'est la logique de la guerre, guerre du Péloponnèse. Mais c'est la logique aussi bien de la politique. Toujours et partout en politique, tout être, tout homme, tout homme, tout parti, tente à affirmer au maximum sa puissance.
C'est la logique de l'économie, bien sûr. C'est la logique du sexe, en tout cas masculin, quand il n'y a que le sexe. Une formule de Sade, que je n'aime pas beaucoup, Sade, mais la formule m'a toujours frappé par une part de vérité profonde et désagréable. Sade écrit quelque part, tout homme est un tyran quand il bande.
Tout homme est un tyran quand il bande. C'est le sexe quand il n'y a que le sexe. Toujours et partout, par une nécessité de nature, tout être tente à affirmer au maximum sa puissance.
Et Simone Le dit, ben voilà, c'est vrai. C'est toujours vrai. Sauf quand il y a...
amour de charité. Comment dire l'amour de charité ? C'est un amour qui au lieu d'accroître sa puissance, comme le fait qu'il y a, parce que Spinoza dit l'amour est une joie, etc.
Mais la joie c'est quoi ? C'est un accroissement d'air. être. Passage à une perfection supérieure, disent les autres, augmentation de puissance. Et puis il y a Agapé, c'est un amour qui au lieu d'augmenter sa puissance, accepte de réduire sa puissance ou renonce à l'exercer.
C'est pas un amour sans puissance, c'est un amour qui renonce à exercer sa puissance. Trois exemples pour rendre ça plus concret. Il y a des années de ça, quand j'étais jeune père de famille, l'un de mes amis, par ailleurs un bris. brillant sociologue, mais à l'époque aussi, comme moi, jeune père de famille, un jour il me dit, finalement, les enfants, c'est comme l'eau, ça occupe toujours tout l'espace disponible.
Je lui ai dit, celui-là, il connaît vraiment la vie. Il y en a quelqu'un qui parle d'expérience. Les enfants, c'est comme l'eau, ça occupe toujours tout l'espace disponible. Si vous reculez d'un pas, ils avanceront d'un pas. Eh bien, je vais vous dire, les parents, c'est pas comme l'eau.
Ça n'occupe pas toujours tout l'espace disponible. Parce que si les parents occupaient toujours tout l'espace disponible, les enfants n'auraient plus d'espace pour... pour s'épanouir, pour grandir.
Par exemple, vous êtes chez vous, dans votre maison, un soir, les enfants sont dans leur chambre, à l'étage, et il est tard, c'est l'heure d'aller les coucher, ou bien il faut 30 bruits, ou bien il faut qu'ils rangent leur chambre, ou bien il faut qu'ils fassent leurs devoirs, bref, vous montez l'escalier, Vous allez arriver sur le palier pour rétablir l'homme. Par amour, joyeusement. Vous allez affirmer votre puissance.
Et puis vous arrivez sur le palier et par la porte entreouverte de la chambre des enfants, vous voyez les deux ou trois... petite tête blonde ou brune, tellement mignon, tellement fragile, tellement bouleversant de fragilité, qu'au lieu d'entrer pour affirmer joyeusement votre puissance, vous redescendez l'escalier sur la pointe des pieds. Le moment où vous redescendez l'escalier sur la pointe des pieds, pour Simone Weil, c'est un moment de charité. Ce n'est pas l'exemple qu'elle donne elle, c'est l'exemple que je donne moi.
Elle n'a pas eu d'enfant, elle ne peut pas savoir, mais c'est exactement ça. Deuxième exemple, Dieu, bien sûr. Parce que c'est pas hasard si Dieu est père précédemment. C'est que Dieu renonce à affirmer au maximum sa puissance.
Dieu a redescendu l'escalier. Donc la chambre est vide, et cette chambre vide... c'est ce qu'on appelle le monde. Parce que la vraie question métaphysique, c'est pourquoi diable Dieu a-t-il créé le monde ? Les gens naïvement croient que c'est mieux avec le monde que sans.
C'est mieux avec moi que sans moi. Bien sûr que non. puisque Dieu, par définition, est déjà tout le bien possible. Donc mieux que Dieu, c'est impossible.
Dieu ne peut pas faire mieux que Dieu. Dieu ne peut ni augmenter sa puissance, il est infini, constante, parfaite, ajouter quelque bien que ce soit au bien infini qu'il est. Il ne peut donc créer que moins bien que lui. Et quand il ne peut pas faire le bien, puisqu'il est déjà tout le bien, il est tout le bien. peut faire que le mal.
C'est une phrase que j'ai longtemps attribuée à Simone Bell, je me demande si c'est d'elle ou de moi, mais si c'est de moi c'est à propos d'elle, non mais... J'ai fait dire longtemps à Simone Bell, mais qu'on ne s'arrive pas à retrouver la phrase, j'en suis plus si sûr que ça, mais elle aurait dû écrire, Dieu n'a pu créer que le mal, parce que tout le bien, il l'était déjà. Ce qui est la seule solution vraiment forte au fameux problème du mal.
pourquoi est-ce qu'il y a tant de mal dans le monde s'il a été créé par un Dieu qui dit maman ben réponse s'il n'y avait pas de mal dans le monde le monde serait parfait mais si le monde était parfait le monde serait Dieu il n'y aurait pas de monde il n'y aurait que Dieu si bien qu'il a fallu que Dieu s'ampute si j'ose dire d'une part de sa perfection que Dieu renonce à être tout alors c'est un vieux thème mystique juif mais que peut-être bien Simone Weil ignorait mais qu'on appelle le Tsimshou, le retrait Dieu se retire et dans l'absence, dans le vide de Dieu. C'est comme quand on marche dans une place sur le sable mouillé, quand le pied se retire, il y a la trace en creux du pied absent. Bien quand Dieu se retire, il y a la trace en creux du Dieu absent. C'est le monde. Il y a du mal dedans, puisque c'est l'absence de Dieu qu'on appelle le monde.
Je vais vous dire, si le monde, c'est moins bien que Dieu, pourquoi diable, là encore, c'est à nous de le dire, Dieu a-t-il créé le monde ? Répond de Simone Bell, Dieu a créé le monde par un monde. Amour pour l'amour. Mais pas un amour qui veut augmenter sa puissance. Un amour qui consent à n'être pas tout.
Un amour qui diminue sa puissance pour qu'autre chose que lui puisse exister. Si Dieu avait suivi Thucydide, si Dieu avait voulu affirmer jusqu'au bout sa puissance, il n'y aurait jamais eu que Dieu. Mais cet amour-là agapé, charité, limite sa puissance, renonce à être tout pour qu'autre chose que lui puisse exister.
puissent exister. Agapé, Dieu. Alors, d'où la formule de Je, le premier répitre de Je, O theos agape esti Dieu est amour de charité. Enfin, troisième exemple, le couple, quand il est heureux.
Parce que c'est vrai que l'autre, il se résume beaucoup, vous existiez. Mais comme la joie c'est un passage à une perfection supérieure, il existe de plus en plus. Au fond, être joyeux c'est exister plus. C'est fou ce qu'il existe. Il existe de plus en plus, de plus en plus, il occupe une place invraisemblable.
c'est bien que vous, vous manquez un peu d'espace, un peu d'air. Alors à un moment, parce que vous êtes un peu fatigué, un peu triste, un peu déprimé, vous reculez d'un pas, pour avoir un peu d'air malgré tout. Mais lui, il vous aime, et donc joyeusement, il avance d'un pas.
Charité, qu'est-ce qu'il y a ? Si vous avez un problème, allez, on va au cinéma, on va faire un golf, par amour, sauf que vous, joyeusement, sauf que vous, vous avez envie de pleurer. A moins qu'au moment où vous reculez d'un pas parce que vous êtes en position de fragilité, l'autre, sentant votre faiblesse, recule de deux pas.
A le penser. Et comme en plus, vous avez peu de temps... forcément j'ai bâti mes concepts de façon un peu à la serpe. Bien sûr que souvent nos histoires d'amour mêlent Eros et Philia, et avec un petit peu d'agapé ou au moins de douceur dans les trois exemples que j'ai pris.
Bref, attention de ne pas absolutiser la différence entre ces trois amours. Ce ne sont pas trois essences séparées. Ce ne sont pas trois mondes différents.
Ce sont plutôt trois pôles, mais dans un même champ, qui est le champ des mers. Trois moments, mais dans un même processus, qui est le processus de vie. Il faut les prendre ensemble.
Et ce qui montre le mieux, ce que ces trois amours ont fait, ont de mêlée, d'inséparable en quelque chose. C'est l'image archétypale et de l'amour et de l'humanité. Et ce n'est pas un zin, là encore, si c'est l'image d'une femme.
C'est la mère à l'enfant. La mère qui allaite son petit. Regardez la mère, regardez l'enfant. Regardons d'abord l'enfant. L'enfant, il prend le sein.
Et il prend le sein, non pas du tout parce qu'il aime beaucoup sa maman. S'il vient de naître, il ne sait pas qu'il a une mère, il ne sait pas ce que c'est qu'une mère. Non, il prend le sein parce qu'il a faim, parce qu'il a froid, parce qu'il a peur.
Non pas par amour de sa mère, mais par amour de lui-même. Non pas par bienveillance, comme dirait saint Thomas, mais par concupiscence. Attention, la concupiscence, ce n'est pas seulement la sexualité, comme on le croit aujourd'hui, c'est un peu comme pour Héros.
La sexualité est un cas de concupiscence, mais un cas seulement. Ce que saint Thomas... L'amour appelle amour de concupiscence, c'est le fait d'aimer l'autre pour son bien à soi.
Quand je dis j'aime le poulet, ce n'est pas pour le bien du poulet. Amour de concupiscence. Par différence avec l'amour de bienveillance qui consiste à aimer l'autre pour son bien à lui.
Quand je dis j'aime mes enfants, ce n'est pas seulement pour mon bien à moi. C'est aussi pour mon bien à moi, c'est pourquoi il y a toujours de la concupiscence. Mais ça joue une part considérable dans le cas de l'amour. notamment pour nos enfants, d'amour de bienveillance. Eh bien, l'enfant, il prend le sein, non pas pour le bien de sa mère, mais pour son bien à lui, concupiscence.
C'est Eros, l'amour qui prend. L'enfant prend le sein pour son bien à lui, c'est Eros, c'est l'amour de concupiscence, c'est l'amour qui prend. Et maintenant, regardez la mère. La mère, elle donne le sein. C'est plus Eros, l'amour qui prend, c'est Philia, l'amour qui se réjouit, qui partage, qui donne.
Et elle donne le sein, non pas d'abord pour son bien à elle, même si ça lui fait aussi du bien-être, mais elle donne le sein d'abord pour son bien à lui, bienveillant. Mais, ce qui m'intéresse le plus dans cette histoire-là, C'est que la mère a été un enfant d'abord, un bébé d'abord, comme tout le monde. Elle a commencé par prendre, le sein ou le biberon, peu importe, mais elle a commencé par prendre. Nous commençons tous par héros. Et au fond, ce que Freud appelle le primat de la sexualité, c'est ça aussi.
Nous commençons, la mère était un enfant d'abord, elle a commencé par prendre le sein, et puis elle a appris à donner. Ce qui dit assez clairement ce que ça signifie que grandir. Il y a un maître hindou que j'aime beaucoup, L'Ami Prasadampal, pas, ce qui est dit quelque part, l'enfant ne sait que prendre, l'adulte c'est celui qui donne, l'enfant ne sait que prendre, eros, l'adulte c'est celui qui donne, philia.
J'aime bien cette formule parce que ça nous permet de... de mesurer pour chacun d'entre nous la part d'infantilisme qui demeure. La part d'infantilisme en vous comme en moi, c'est la part de nous qui ne sait que prendre, posséder, garder. La part adulte, c'est la part qui donne. Mais comme nous partons de très bas, disons que nous avons une bonne marge de progression.
Parce que là, j'ai pris l'ordre de mon exposé. Si on voulait maintenant indiquer une espèce d'ordre normatif, il faudrait mettre Eros en bas comme étant à la fois le plus important... et le plus facile. Et puis on apprend à s'élever vers la joie, le don, le partage, filial. Et si on universalise ce geste du don, on arrive possiblement à quelque chose qui ressemblerait à Agapé, qui serait comme une amitié sans rivage, une amitié sans appartenance.
Il s'agit non pas de... d'opposer ces trois amours, mais de comprendre finalement le chemin qui mène du plus bas, qui est aussi le plus important et le plus facile, Eros. Au plus élevé, s'il est possible, Agapé, en passant... par la joie, c'est-à-dire par filia.
Vous allez dire, mais alors, et Dieu dans tout ça ? O theos agape, il se dit. Eh oui.
L'amour est Dieu, ou plutôt Dieu est amour. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Parce que que Dieu, s'il existe, soit amour, ça ne prouve pas que l'amour soit Dieu. Parce que l'amour n'est Dieu que si Dieu existe, autrement dit l'amour n'est Dieu que si l'amour est tout puissant. Alors si vous pensez que l'amour est tout puissant, qu'il est plus fort que la mort, comme dit le cantique des cantiques, alors en effet vous êtes croyant, appelez le Dieu, c'est plus simple.
Si au contraire vous pensez comme moi que l'amour n'est pas tout puissant, parce que je l'ai connu. que des amours faibles, parce que humaines, évidemment. Si vous pensez comme moi que l'amour n'est pas plus fort que la mort, et croyez bien que je le regrette. Non pas bien sûr qu'il soit impossible d'aimer les morts, c'est possible, l'expérience du deuil suffit à le prouver. Mais parce que rien ne me permet de penser que les morts, eux, peuvent nous aimer.
Et surtout parce que l'amour n'a jamais empêché personne de mourir. Merci. leur enfant mourant le savent.
Ils l'aiment plus que tout. Ça ne suffira pas à sauver leur enfant. Alors si l'amour n'est pas plus fort que la mort, si l'amour n'est pas tout puissant, il n'est pas Dieu, bien sûr. Il est simplement ce qui, en l'homme, ressemble le plus à Dieu. Ce qui nous en a donné l'idée, peut-être.
Et pour l'athée, ce qui en tient lieu. Je vous remercie pour votre attention.