Les amis, juste un mot pour vous dire que j'ai lancé un Patreéon. Vous y trouverez. Des vidéos exclusives, des fiches récapitulatives, mais aussi des bonus et des FAQ pour vous permettre d'approfondir vos connaissances. C'est un moyen simple de soutenir mon travail et permettre à la chaîne de continuer d'exister. Le lien est dans la description. Merci pour votre soutien et bonne vidéo. Après avoir parlé de Descartes, il est temps aujourd'hui de s'intéresser à un des philosophes les plus appréciés de l'histoire de la philosophie. mais aussi l'un des plus complexes, Spinoza. Quand on ouvre l'éthique pour la première fois, on constate très rapidement que le texte n'a rien à voir avec un discours philosophique traditionnel. Il organisé la manière d'un traité mathématique, ce qui le rend immédiatement déroutant. Et puis dans le fond, il faut le suivre. Et même si le style n'est pas désagréable, les phrases sont courtes, les mots en apparence paraî simple, mais sa gymnastique des idées, elle est complexe. Donc si vous trouvez que les textes de Spinoza sont imbuvables, ne serait-ce qu'après quelques lignes, et ben c'est normal, c'est le cas pour tout le monde. Cela dit, Spinoza, c'est aussi un des philosophes les plus appréciés. Et donc ça peut paraître un petit peu paradoxal. Comment un auteur aussi complexe peut susciter autant d'admiration ? Et bien pour plusieurs raisons. D'abord par l'intensité de son esprit. Il est pas facile à lire certes, mais quand on parvient à saisir ce qu'il dit, non seulement c'est satisfaisant, mais c'est brillant. On se dit "Mais comment un homme du 17e siècle a-t-il pu élaborer une pensée aussi moderne ? Cette gymnastique des idées est déroutante, mais en même temps, quelle maîtrise ! Quel talent ! Il y a une forme d'admiration, ne serait-ce que pour l'homme au-delà même des idées. Il y a presque quelque chose d'esthétique. Et puis deuxièmement, parce que Spinoza ne se contente pas de théories abstraites. Vous savez quand on lit des cartes, on passe forcément par les méditations métaphysiques. Le problème des méditations, c'est que concrètement dans la vie de tous les jours, on en voit pas l'intérêt. L'ouvrage le plus célèbre de Spinoza, ce n'est pas un ouvrage métaphysique. L'ouvrage le plus célèbre de Spinoza, c'est une éthique. Alors, c'est quoi une éthique ? Une éthique, c'est un ouvrage qui nous apprend à mieux vivre. C'est une philosophie de vie. Alors oui, il traite de la question de Dieu et donc son ouvrage a quelque chose de métaphysique. Mais ce n'est pas parce qu'il parle de Dieu que Spinoza croit en Dieu. Au sens traditionnel du terme. Quand on ne connaît pas Spinoza, on peut se dire "Oh non, encore quelqu'un qui commence son livre par nous parler de Dieu. Ça va être mystique, ça n'a aucun sens." Mais Spinoza, c'est pas ça. En réalité, Spinoza commence par les questions métaphysiques uniquement pour mieux s'en délester. Il parle de Dieu au début comme ça, il n'a plus à le faire. Donc la question métaphysique est presque secondaire chez Spinoza. Ce qui compte, c'est pas Dieu, c'est pas la mort. Ce qui compte c'est la vie. C'est ce qui se passe ici. C'est comment mieux vivre. Spinoza n'a rien de mystique. C'est quelqu'un d'extrêmement rationnel. Il prépare le terrain pour les lumières et c'est même lui qui en réalité va tuer Dieu avant Nietzsche. Et donc en ça, ça le rend absolument passionnant. Bon voilà, maintenant que cela est dit, on va donc parler de Spinoza [Musique] simplement. Spinoza né en 1632 à Amsterdam. Il est issu d'une famille juive portugaise qui a fui l'inquisition et s'est réfugié au Pays-Bas. On est au 17e siècle. Donc c'est le siècle d'or des Pays-Bas. Le pays est plutôt prospère. On le voit particulièrement bien dans l'étoile de Rambrante et de Vermè, tous les deux contemporains de Spinoza. Amsterdam, il reçoit une éducation strictement hébraïque. Il étudie les livres de Moïse, les rois, les prophètes, le Talmud. Et c'est à partir de ces 17 ans lorsqu'il travaille dans le commerce de son père où à côté il commence à fréquenter une école de libre penseur, une école dirigée par Franciscus Vaniden où il apprend le latin et où il s'éloigne de la communauté juive. Il ne participe plus aux cérémonies. Il va même jusqu'à critiquer verbalement les écritures, la conception de Dieu, l'immortalité de l'âme et cetera, des principes fondamentaux de la religion. ce qui aboutit en 1656 alors qu'il a à peine 24 ans à son excommunication. Il est maudit publiquement pour hérésie. N'appartenant pas non plus à la communauté chrétienne, il se retrouve donc isolé. Dès lors, il quitte Amsterdam, il quitte sa famille et ses proches et il va vivre dans de petites villes aux alentours et à la campagne. Pour gagner sa ville, il se forme au métier de tailleur de verre d'optique. Et pendant ce temps, il étudie rigoureusement des cartes. Il s'approprie sa philosophie, ses concepts. Il va même écrire un livre à son sujet. Il faut savoir que des cartes ayant vécu dans le coin, il avait encore une très grande influence dans la région. Spinoza l'admire et en même temps, il va réussir à le dépasser, à dépasser sa pensée, à s'en émanciper. Et c'est ce qu'on va voir maintenant. Le finalisme, c'est l'idée que chaque chose a une fin, que chaque chose a un but. Par exemple, le but d'une graine, c'est de devenir un arbre. Si une idée héritée d'Aristote est reprise par l'Église catholique, tout dans la nature agit intentionnellement en vue d'une fin, en vue d'une fin prévue par Dieu. Voilà comment l'église s'est emparée du finalisme. Autrement dit, tout a une fin parce que Dieu en a décidé ainsi. Il y a l'idée d'un plan divin. Pourquoi le soleil brille ? Parce que Dieu l'a conçu pour qu'il brille. Dieu a créé le soleil pour éclairer la terre, manifester sa gloire et sa bonté. On est encore dans une époque où la science moderne n'existe pas. Les choses existent uniquement en vue d'une fin, en vue d'un objectif. Pour Spinoza, ce mécanisme de pensée est absolument inconcevable. Pourquoi est-il inconcevable ? Parce qu'en expliquant les choses par leur but, on n'en recherche pas les causes. Qu'est-ce que le soleil ? Ce n'est pas quelque chose qui brille. Le soleil, c'est une boule de gaz en fusion composée principalement d'hydrogène et d'hélium. soumise à des réactions nucléaires qui produisent de la lumière et de la chaleur. Et c'est cette réalité physique qui explique pourquoi il brille et nous réchauffe. Mais si on ne se pose pas la question des causes, on ne produit aucune connaissance complète. Le finalisme pour Spinoza, c'est vouer un culte à l'ignorance. C'est répondre à l'obscur par le plus obscur. Prenons un autre exemple. La foudre frappe une maison. Si l'on dit c'est la volonté de Dieu, il punit ses habitants pour leur péchés. On répond à l'obscur, ce qu'on ne sait pas pourquoi la foudre a frappé la maison par le plus obscur, une entité qu'on ne connaît pas, Dieu. On répond à l'ignorance par l'ignorance. Or l'ignorance n'est pas un argument. Et le grand combat de Spinoza, c'est l'ignorance. OK ? Maintenant que Spinoza nous a dit ça, il ne peut pas se permettre de critiquer le finalisme qui est la pensée dominante de l'époque sans proposer une alternative. Alors, quelle est-elle ? Et bien, pour Spinoza, chaque chose est régie par une cause. Il ne s'agit pas d'expliquer les événements par leur but, mais par leur cause. La pluie n'est pas là pour arroser les cultures ou punir les hommes comme on le pensait parce que Dieu en aurait décidé ainsi. Non, elle est simplement le résultat d'un enchaînement de cause naturelle. évaporation de l'eau, formation des nuages, condensation, pluie. Tout ce qui arrive à une cause, c'est ce qu'on appelle le déterminisme. Il y a dans le déterminisme de Spinoza quelque chose de très rationnel pour nous. Cela dit, cela implique deux conséquences importantes et absolument révolutionnaires. Premièrement, si tout a une cause, alors il n'y a pas de libre arbitre. Alors, nous ne sommes pas libres parce que chacune de nos actions s'explique par un enchaînement causal. Nous sommes le résultat d'une histoire de décision logique propre à la singularité de notre existence. Nous pensons être libres seulement et uniquement parce que nous ne connaissons pas les causes qui s'appliquent à nous. C'est une illusion de la liberté. Ça, c'est la première conséquence cruciale du déterminisme. Nous ne sommes pas libres. La deuxième conséquence, c'est que s'il n'y a pas de plan divin et si nous ne sommes pas libres, alors il n'y a aucune objectivité morale. Il n'y a pas de choses bonnes et de choses mauvaises. Il n'y a pas d'un côté les bonnes actions et de l'autre les péchés. Il y a seulement les actions qui nécessairement se devaient d'arriver. Donc ça ne fait pas sens de dire qu'il faut bien se comporter pour aller au paradis ou que certaines actions mènent en enfer. Je vous donne un exemple. Une adolescente qui aide une vieille dame à traverser la rue, elle pourrait se dire qu'elle a fait une bonne action, qu'elle a choisi librement de faire ce qui lui semble bon. Mais pour Spinoza, ce n'est pas parce qu'elle a jugé que cette action était bonne qu'elle l'a réalisé. Elle a réalisé cette action parce qu'elle a été déterminée à le faire. Elle a été déterminée par des causes antérieures à la réaliser par son éducation, par le regard des autres parce qu'elle a été élevée dans un environnement où l'empathie était valorisé parce qu'elle a vu d'autres personnages y ainsi et cetera et cetera. C'est pour ça qu'elle a réalisé cette action. Mais l'idée de bien et de mal dans l'action n'a rien à voir avec le fait qu'elle l'it réalisé. Elle a été déterminée à le faire. De la même manière, celui qui insulte n'est pas quelqu'un de mauvais en soi. Ces insultes s'expliquent par des causes qui ont mené à cette action. L'emprise d'une émotion comme la colère, un manque de reconnaissance, une frustration, un sentiment d'injustice et cetera. Pour Spinoza, la nature est dépouillée de valeur. Il n'y a pas de valeur tel que le bien ou le mal, l'ordre et le désordre, la beauté et la laideur. Tout cela ce ne sont pas des réalités inscrites dans la nature. Ce ne sont que des rapports subjectifs au monde. Il n'y a pas d'objectivité morale. Et ainsi, en une théorie, Spinoza vient de renverser toute la morale judéo-chrétienne admise par tous à son époque. Le problème de la théorie déterministe de Spinoza, c'est qu'elle se inévitablement à une objection. Si tout est régi par une cause, il y a forcément une cause qui précède toutes les autres. Les finalistes lui diraient "Mais mon cher Parou, si tout a une cause, alors quelle est la première des causes ? Si tout a une cause, comme tu le dis, alors on peut remonter la chaîne à l'infini et à la fin que tu le veuilles ou non, tu finiras probablement par tomber sur la même chose que nous." C'est-à-dire, et tu le sais bien, Dieu Dieu est la cause de toutes les causes. Sans Dieu, ce monde n'existerait pas, la vie n'existerait pas. Nous n'existerions pas. Alors, quelle est la réponse de Spinoza à cette objection ? Et bien, la réponse, elle est simple. Pour Spinoza, il n'y a pas de Dieu. La nature, elle est là, elle existe et c'est comme ça. Dieu, c'est la nature. Pourquoi aurions-nous besoin d'un Dieu pour que la nature existe ? La nature, elle est là. Point. Nous ne pouvons pas l'expliquer, mais cela ne signifie pas que c'est Dieu qui l'a créé. On ne peut pas tout expliquer mais cela ne signifie pas qu'on ne peut rien expliquer. Et donc c'est pas si grave si on ne connaît pas la première des causes. Avant d'avoir un marteau pour forger, il a bien fallu forger un marteau. Autrement dit, avant de connaître la cause qui expliquera toutes les autres, on peut commencer à travailler sur les autres causes qui nous mèneront peut-être à celle-ci. Alors évidemment, il ne peut pas dire ça comme ça parce que s'il avait dit ça au 17e siècle, il y a bien longtemps qu'il se serait fait pendre. Comme il ne peut pas dire ça, alors il va travestir le langage. Il va utiliser un vocabulaire, un lexique qui possédait un sens traditionnel bien spécifique, par exemple Dieu. Et il va le redéfinir. Qu'est-ce qu'il va dire ? Et bien, par conséquent, il va dire que Dieu, Dieu c'est le réel. Dieu, c'est tout ce qui existe. Nous appartenons à Dieu. Les arbres appartiennent à Dieu. La terre appartient à Dieu. Tout est en Dieu. Vous voyez comment c'est différent. C'est tellement différent qu'on a du mal à utiliser le mot Dieu, à imaginer Dieu comme la nature. Mais en réalité, à chaque fois qu'il utilise le mot Dieu, il parle de la nature. Il parle du réel dans son ensemble. Avec Spinoza, Dieu ce n'est plus une transcendance. Ce n'est plus un être extérieur à la nature. Ce n'est plus un créateur. Il faut oublier toutes les images. Oublier la chapelle 16. Il n'y a pas un être doté de pouvoir surnaturel qui aurait créé le soleil, la terre, les plantes, les hommes et cetera. Non, Dieu c'est la nature. Dieu est synonyme de nature. Et à chaque fois que le mot Dieu est employé dans les textes spinosistes, vous pouvez l'interpréter comme le réel. Bon bah, vous comprenez mieux pourquoi il a été [Musique] excommunié. Pourquoi Spinoza défend-t-il le déterminisme ? On a vu que Spinoza a rigoureusement étudié des cartes. Spinoza est dans la continuité de des cartes. Quel est le but de cartes ? Le but de Descartes, c'est de construire une science véritable, une base de connaissance fondée sur des démonstrations rigoureuses sans ambiguïté ni confusion possible. Il s'oppose à la scolastique et il est influencé par Copernic et Galilée qui semble tous deux remettre en question le savoir de l'église. Je vous renvoie ma vidéo sur des cartes si besoin. Pour Spinoza, il y a également cette volonté de comprendre le monde, de comprendre comment il fonctionne, comment il fonctionne vraiment. Or, comme on l'a vu, la logique finaliste ne tend pas vers la connaissance. La logique finaliste mène à l'ignorance. Et je vous ai dit que le grand combat de Spinoza, c'est l'ignorance. Pourquoi ? Car l'ignorance n'est pas seulement problématique. Elle est véritablement dangereuse et elle comporte deux risques majeurs identifiés par Spinoza. Le premier risque majeur, ce sont les affectes négatifs, la peur, la haine, la colère, la jalousie. Quand on ignore les causes réelles événements, on a tendance à se laisser guider par des préjugés, des impressions, des croyances infondées. Cela nourrit des émotions négatives, la peur de ce qu'on ne comprend pas, la haine de ce qui nous échappe, la jalousie envers ce que l'on interprète comme une injustice, et cetera et cetera. Et cela vaut notamment pour les relations humaines. Donc le premier point, le premier risque, ce sont les affects négatifs. Le deuxème risque, c'est un risque politique. Dans la logique finaliste, on divise inévitablement la population en deux catégories. La première catégorie, ceux qui enseignent, ceux qui savent, ceux qui détiennent la parole de Dieu et qui donc détiennent le pouvoir. Et de la deuxième catégorie, ceux qui écoutent ceux qui sont dans la soumission. Les premiers par conséquent, ont tout intérêt à laisser la population dans l'ignorance car ils peuvent faire dire à Dieu ce qu'ils veulent. Car dans la logique finaliste, la fin espérée est souvent celle que nous avons décidé. Et quant à ceux qui oseraient se révolter, remettre en question l'autorité, on les condamne, on les persécute, on les met à l'écart. Voilà les deux grands dangers de l'ignorance et voilà tout l'enjeu, toute l'importance de fonder une science basée sur des connaissances véritables. Si l'ignorance est un danger, la grande question est désormais de comprendre comment accéder à la connaissance selon Spinoza. Or, pour Spinoza, il existe trois genres de connaissance. Le premier genre et le moins adéquate, c'est l'imagination ou l'opinion, c'est-à-dire une connaissance par la perception du sensible, ce que l'on voit, ce que l'on sent, ce que l'on a pu entendre. Ces perceptions sont souvent partielles, confuses, incomplètes car elles se limitent à ce que nos sens. Elles ne permettent pas une compréhension rationnelle des causes. Par exemple, c'est l'enfant qui regarde le soleil et qui se dit qu'il est tout petit. Il a une idée partielle du soleil. Pourquoi ? Parce qu'il ne connaît du soleil que ce qu'il en voit. Or, ce qu'il voit, c'est un point, c'est une boule au loin et par conséquent, cette boule lui paraît minuscule. De la même manière, c'est une opinion politique qu'on entendrait à la radio et qu'on ne confronterait pas à d'autres points de vue, à un examen plus rigoureux. Dans ce premier genre de connaissance, on est complètement passif. On est soumis aux passions, c'est-à-dire aux causes extérieures qui nous déterminent sans réellement les comprendre. Le deuxème genre de connaissance, c'est la raison ou les connaissances par le biais de notions communes. C'est quoi les notions communes ? Ce sont des caractéristiques, des propriétés partagées par plusieurs corps. On recherche des similitudes afin d'en tirer des conclusions générales. Par exemple, j'observe que plus je m'éloigne d'un objet, plus il me semble petit. Cela vaut pour tous les objets. Je généralise et j'en déduis que tous les objets de taille équivalente paraissent plus petits lorsqu'ils sont plus éloignés. J'applique cette règle au soleil. Ainsi, bien qu'il me semble petit dans le ciel, cela s'explique par sa distance. Je conclus. Le soleil doit donc être beaucoup plus grand qu'il n'y paraît car il est extrêmement éloigné de moi. Dans ce deuxième genre de connaissance, je cherche donc à comprendre les structures communes qui relient les phénomènes. On se rapproche déjà d'une connaissance beaucoup plus scientifique. Le troisième genre de connaissance, c'est l'intuition. Spinoza parle de science intuitive. C'est une connaissance immédiate des choses directes, intuitive de la vérité. Alors attention, ici, il ne faut pas confondre l'intuition au sens courant qui serait de l'ordre de l'instinct, du pressentiment, qui appartiendrait donc au premier genre de connaissance avec l'intuition spinosiste. L'intuition au sens spinosiste est purement rationnelle. Cela signifie davantage une compréhension totale des relations logiques entre une chose et son essence, entre une chose et les propriétés qui la composent. Par exemple, le mathématicien voit immédiatement de manière intuitive que si c'est à 3, ce que 4 est à 2. Ce n'est pas un préjugé. Il ne dit pas ça complètement au hasard. Le mathématicien dit ça parce qu'il a une compréhension si fine des mathématiques que la raison a atteint sa perfection et qu'elle lui indique que 6 est le double de 3 et que 4 est le double de 2. C'est devenu complètement naturel. Tand deuxème genre de connaissance procède encore par déduction, le troisème genre de connaissance découle d'une compréhension si complète de la nature qu'il permet une connaissance spontanée de la vérité. Selon Spinoza, nous vivons, nous l'avons dit plusieurs fois, dans un monde déterministe. Alors, certains d'entre vous pourraient se dire "Bon bah, c'est juste triste. Nous sommes déterminés par des causes que nous ne comprenons pas toujours, que nous ne maîtrisons même pas la plupart du temps et qui nous mènent à des actions sur lesquelles nous n'avons aucun contrôle et à la fin, bah nous mourons." C'est une vision relativement triste et pessimiste de la vie. Et bien pourtant la philosophie de Spinoza, c'est tout le contraire. La philosophie de Spinoza, c'est une philosophie de la joie et c'est une philosophie du bonheur. Alors, comment est-ce possible ? C'est là que ça devient intéressant. L'homme, en effet, n'est pas libre. Il est rempli de désirs et il ne les contrôle pas. Il est déterminé par ses désirs. Et là encore, il faut bien faire attention au lexique utilisé par Spinoza. Le désir ce n'est pas choisir pour Spinoza. Le désir a un sens bien particulier. Désirer, c'est être déterminé par des causes qui elles nous mettent en mouvement. L'homme est toujours déterminé à désirer. Il n'a pas de faculté à désirer. Désirer n'est pas un verbe d'action. Donc, on n'est pas libre. On est esclave de nos désirs. Cela dit, même si l'homme est déterminé par des cause extérieur, il est néanmoins doté d'une puissance d'agir, d'une capacité d'action. Alors, vous pourriez me dire "Mais comment est-ce possible ? C'est complètement incohérent. Comment pourrions-nous être à la fois déterminé et en même temps être doté d'une puissance d'agir, d'une certaine liberté en somme ? Et bien pour comprendre, utilisons une métaphore. Imaginons un courant, une rivière. Nous nageons dans la rivière. Le courant est si fort que nous sommes déterminés à aller dans le sens du courant. Nous ne pouvons en aucun cas nous extraire du courant. Nous ne pouvons pas sortir de la rivière. Nous ne pouvons pas remonter la rivière. Nous sommes donc déterminés à aller dans le sens du courant. En revanche, nous sommes dotés d'une capacité d'action. Certains vont nager à contesens et vont s'épuiser. Ils seront emportés par la suite par le courant. D'autres vont voir des fruits leur pendronnés au bord de la rivière. Ils seront tentés d'aller les attraper. Mais malheureusement, par manque de compréhension des effets du courant, il n'y arrivent jamais et sont constamment déçus. et d'autres ont compris à quelle vitesse descendait la rivière et tantôt il se laisse aller. Tantôt il nag pour gagner de la vitesse et jouir d'une sensation de liberté encore plus forte et tantôt ils anticipent les branches qui arrivent et attrapent les fruits à leur portée. La compréhension de la nature et de son environnement offre une plus grande puissance d'agir. Et c'est cette puissance d'agir qui nous rend heureux. Voilà en une image la théorie de Spinoza. Dans l'ignorance, nous sommes complètement soumis au déterminisme. Grâce à la connaissance de la nature et des hommes, nous pouvons augmenter notre puissance d'agir. Or, qu'est-ce que la joie ? Et bien c'est justement une augmentation de notre puissance d'agir. Et la tristesse, c'est une diminution de notre puissance d'agir. Lorsqu'au contact d'une expérience qui sur le long terme m'affecte positivement, il se produit en moi de la joie car elle augmente ma puissance d'agir. Je prends un exemple. Quand je lis un livre d'histoire, j'ai désormais une meilleure compréhension du monde. Cette compréhension me rend heureux à la fin. À la lecture de ce livre, je ressens de la joie car ma puissance d'agir a augmenté. Autre exemple, je gagne un match de foot, ma confiance et la confiance de mon équipe augmente. Je suis heureux, l'équipe est heureuse. Cette joie est l'expression d'une augmentation de notre puissance d'agir. Le gain de confiance au contact de la victoire nous rend plus fort, nous rend plus capable. À l'inverse, si je travaille sur un projet important, qu'un collègue bruyant passe constamment derrière moi, par exemple, il parle fort au téléphone, il me déconcentre, je perds le fil de mes idées, je suis agacé. Au contact de ce collègue qui m'affecte négativement, qui m'agace, je ressens une forme de tristesse. La colère est une forme de tristesse. Pourquoi suis-je triste ? parce que ma puissance d'agir au contact de ce collègue diminue. Le bonheur chez Spinoza, c'est une physique désaffecte. Il faut rechercher la joie. Il faut se mettre en condition pour être affecté positivement sur le long terme. Ce qui en réalité se traduit par une constante augmentation de notre puissance d'agir. Et pour se mettre dans de telles conditions, il est nécessaire de comprendre les causes qui nous animent. C'est donc par la compréhension que nous pouvons atteindre le bonheur. Quand le christianisme nous apprend à mourir, Spinoza nous apprend à mieux vivre. Que renir de tout ça ? trois points essentiels selon moi. 1. Spinoza ne croit pas au finalisme. On n'explique pas les choses par leur but mais par leur cause. Car sans la compréhension des causes, on a une compréhension partielle du monde et alors tout le monde peut dire ce qu'il veut. Deuxièmement, le désir précède la morale. Si nous sommes déterminés par des causes, alors la morale est une conception subjective. Je ne désire pas quelque chose parce qu'elle est bonne, mais elle est bonne parce que je la désire. C'est ceux qui dirigent et qui ordonnent qui fixent la morale. Or, dans un monde déterministe, cette morale n'a pas lieu d'exister. 3. La compréhension du monde mène au bonheur car la compréhension des causes qui nous animent augmente notre puissance d'agir et la joie n'est que l'expression de cette augmentation. Pour être heureux et libre, il faut se conditionner à être affecté positivement. Et pour se conditionner à être affecté positivement, il faut comprendre les causes qui nous déterminent. Donc la compréhension mène au bonheur. Je voudrais terminer sur un dernier point. Ce qui fait de la philosophie de Spinoza une philosophie absolument complète, c'est que la compréhension de la nature est une source de joie infinie et par conséquent une joie qui se partage. Ce n'est pas parce que je comprends que je prive un autre d'une part de compréhension. Non, au contraire, quand je comprends les causes qui m'animent, je peux les partager. Ainsi, au contact de l'autre, je peux apprendre. Lorsque l'on comprend que la compréhension mène à la joie et que les autres peuvent nous y aider, alors on comprend que la philosophie de Spinoza n'est pas seulement une philosophie de la joie, mais aussi une philosophie du vivre ensemble, une philosophie de l'union. Quand Thomas Hobs pense l'homme est un loup pour l'homme, Spinoza Martel, l'homme est un dieu pour l'homme. M. [Musique]