En 1915, les Arméniens de l'Empire Ottoman sont victimes du premier génocide du XXe siècle. Cent ans plus tard, cet épisode tragique de l'histoire cristallise toujours des tensions entre le gouvernement turc, qui refuse de le reconnaître en tant que tel, et les Arméniens, qui poursuivent le travail de mémoire et d'histoire. A la fin du XIXe siècle, les Arméniens sont sous la coupe de l'Empire Ottoman et forment une minorité chrétienne de 2 millions d'habitants sur une population de 20 millions d'Ottomans. Dans certaines régions de l'Empire, ils sont majoritaires.
C'est le cas au pied du Caucase et en Cilicie. Certains sont restés dans la région de l'Arménie historique, située entre la Méditerranée et la mer Caspienne. Ils sont alors parfois en minorité.
Enfin, bons commerçants, ils vivent dans des grandes villes carrefour comme Constantinople, l'actuel Istanbul, Jérusalem et plusieurs villes situées aujourd'hui au Liban. A la fin du 19e siècle, l'Empire ottoman décline. Après la défaite face à l'Empire russe, En 1878, les Arméniens sont accusés par le sultan Abdoul Hamid II d'avoir pactisé avec l'ennemi.
Perçus comme des agents de l'étranger, les Arméniens sont victimes des massacres hamidiens, du nom du sultan, qui font 250 000 morts entre 1894 et 1896. En 1908, à la faveur de la révolution des jeunes turcs, l'arrivée au pouvoir de ce mouvement nationaliste est soutenue par les Arméniens. qui espèrent ainsi sortir de la tyrannie du sultan. Mais en avril 1909, les Arméniens de Cilici sont à nouveau victimes de tueries, orchestrées par le nouveau régime, qui font entre 20 000 et 30 000 morts.
Basé sur le racisme et le nationalisme, l'idéologie des jeunes turcs s'appuie sur les populations musulmanes pour tenter de retrouver la splendeur de l'Empire. Les Arméniens, accusés d'être des ennemis de l'intérieur, doivent être éliminés. tout comme les grecs ou encore les assyro-chaldéens. En 1914, l'Empire ottoman entre dans le conflit de la Première Guerre mondiale aux côtés de l'Allemagne. Le contexte chaotique de cette guerre donne l'occasion au pouvoir turc de mettre en place leur stratégie d'extermination des Arméniens.
C'est Alad Pasha, ministre de l'Intérieur, qui orchestre et planifie ce plan de destruction. Il comprend deux étapes. La première, d'avril à octobre 1915, et celle des déportations.
La seconde, de l'hiver 1915 à octobre 1916, est celle de l'extermination. Le 24 avril 1915, 650 notables arméniens de Constantinople sont arrêtés en quelques jours, déportés vers l'est de l'Empire, et pour la plupart éliminés. Cette rafle marque le début du génocide.
Dans de nombreuses villes de l'Est, comme Sivas, Mesreï, Erzurum ou Mousse, les Arméniens sont arrêtés et exécutés sur place. Ailleurs, ils sont déportés vers des camps, par train ou à pied, en direction d'Alep, ville devenue la plaque tournante des convois de déportés. De là, ils sont conduits vers des camps dans le désert de l'actuelle Syrie et Irak, où la plupart meurent en chemin. Der Ezor constitue la destination finale.
Les deux tiers de la population arménienne, hommes, Femmes et enfants sont exterminés. A la fin de la guerre, en 1918, le nouveau gouvernement ottoman affiche la volonté de juger les responsables des massacres et lance quelques procès. Quant aux Arméniens, ils caressent l'espoir de vivre dans leur nouvel état, dont le développement est garanti par le traité de Sèvres de 1920, mais ce traité n'est jamais ratifié.
L'espoir de Sèvres est brisé par le traité de Lausanne de 1923, qui partage l'Arménie entre la Russie de Lénine et le nouvel État turc dirigé par Atatürk. Ce traité prévoit aussi une amnistie pour les crimes commis entre août 1914 et novembre 1922, privant les survivants arméniens de la possibilité de demander justice. Aujourd'hui, après des décennies de déni, la Turquie reconnaît des massacres advenus dans le cadre de ce qu'elle appelle une « guerre civile » , mais refuse de les qualifier de génocide.
Ce n'est qu'à partir de 1965, 50 ans après les faits, que les premiers États commencent à reconnaître le génocide. Ils sont une vingtaine aujourd'hui. En 1985, la sous-commission des droits de l'homme de l'ONU adopte un rapport dans lequel les massacres des Arméniens sont reconnus comme un génocide. En juin 1987, c'est au tour du Parlement européen. Cette question est d'ailleurs l'un des points les plus sensibles des négociations entre Bruxelles et Ankara, qui a présenté sa candidature d'adhésion à la communauté européenne en avril de la même année.
Quant à la France, qui accueille la troisième communauté arménienne au monde, elle a reconnu le génocide en 2001, ce qui a suscité les vives protestations d'Ankara, tout comme la déclaration, en avril 2015, du pape François, qui a qualifié le massacre des Arméniens de premier génocide du XXe siècle.