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Hausse des frais en grandes écoles

Il y a presque 4 ans, j'avais pas de barbe, le goût de ma genre prépa était assez vilain et c'était une des premières fois que je faisais un facecam sur YouTube et je sais pas pourquoi mais je bougeais énormément les bras comme ça, vraiment c'était trop bizarre, je sais pas trop ce qui m'a pris de faire ça. Je pense que, je sais pas, j'étais un peu timide et puis j'avais pas très bien mangé et puis pas très bien dormi non plus, bref t'as capté quoi. Mais bref c'est pas le sujet, à l'époque donc je vous avais fait une vidéo sur les frais de scolarité en école de commerce, une vidéo qu'on aurait pu résumer en un seul mot, augmentation. Effectivement la tendance sur l'ensemble de la décennie 2010 était autour de 4 à 5% d'augmentation annuelle des frais de scolarité, au point qu'en 2021, on avait atteint deux barres hyper symboliques, 40 000 euros de frais de scolarité moyen et 135 000 euros pour les frais de scolarité de l'école la plus chère HEC Paris. Mais bon, depuis, il s'est passé quoi ? À part évidemment mon petit flot barbe de 3 jours. Eh bien, cette tendance largement haussière ne s'est pas du tout démentie, au point qu'à la lecture de l'enquête exclusive réalisée par Majorprépa sur les frais de scolarité 2025, on apprend que 4 barres symboliques ont bel et bien été définitivement franchies. En effet, désormais, l'ensemble des cursus du top 15 coûte plus de 40 000 euros, c'est plus de 50 000 euros pour le top 10, 60 000 euros pour le top 5. et même plus de 70 000 euros pour HEC Paris qui affiche cette année des frais de scolarité s'élevant à 71 750 euros. J'suis dans la boîte ! J'suis dans le club ! Dès lors, un certain nombre de questions tout à fait légitimes se posent. Pourquoi ces frais augmentent ? Est-ce que c'est encore rentable de faire une grande école de commerce aujourd'hui ? Et surtout, est-ce que ces frais de scolarité sont encore amenés à augmenter dans les années à venir ? Vous l'aurez compris, dans la suite de cette vidéo, nous allons tenter de rentrer dans le cœur de la mécanique financière des écoles, ... et tenter de mieux comprendre en tant que futur étudiant ou étudiant d'école de commerce ce qu'il faut penser de ces augmentations. Première question d'abord, pourquoi les frais de scolarité augmentent et continuent à augmenter ? La première raison et sans doute la plus importante, c'est la baisse des subventions étatiques accordées à ces écoles. Il faut bien comprendre qu'historiquement, la quasi-totalité des grandes écoles de management touchaient des sommes considérables d'argent public par l'intermédiaire des CCI, les chambres de commerce et d'industrie. Or, vers 2014-2015, l'État, dans une volonté de réduction drastique de ses coûts, a baissé les subventions accordées aux CCI, ... qui, par extension, ont arrêté progressivement de subventionner les écoles de commerce. Il faut bien comprendre que les grandes écoles de commerce étaient déjà relativement autonomes financièrement et que c'est pour ça que l'État a pu se désengager financièrement efficacement sans les compromettre tout à fait. A l'inverse, les IEP, les ENS ou encore les écoles d'ingénieurs ne sont absolument pas structurées pour vivre sans argent public. Il n'était donc pas question pour l'État de les lâcher. Parallèlement à cette fermeture de robinettes d'argent public, les écoles de commerce doivent affronter une concurrence nationale et mondiale de plus en plus féroce et cela engendre des frais supplémentaires. On peut par exemple se pencher sur le cas de l'ESSEC qui a le bon goût de publier ses comptes annuels. Sur ce compte de résultats, on voit donc que les charges d'exploitation de l'ESSEC sont passées de 122 millions d'euros sur l'année scolaire 2019-2020 à 160 millions en 2023-2024, soit une hausse de près de 30% en 4 ans. D'ailleurs, même si in fine le résultat net de l'ESSEC est légèrement positif, le pur résultat d'exploitation, le REX, est lui négatif à hauteur de moins 3 millions d'euros. Le truc qui a le plus augmenté, ce sont les salaires et les charges sociales inhérentes à 77 millions d'euros en 2023-2024, soit 20 millions de plus qu'il y a 4 ans. C'est le recrutement d'enseignants-chercheurs à l'ESSEC comme ailleurs qui porte en grande partie la croissance de la masse salariale. Cette recherche, bien sûr, elle nourrit les cours, mais elle est aussi essentielle pour décrocher les accréditations internationales telles que EQUIS, ACSB et AMBA. Elle est aussi fondamentale pour bien figurer dans les classements internationaux où, il faut le dire, les écoles françaises excellent. L'immobilier est aussi un autre poste de dépense considérable. Entre la fin des années 2010 et le début des années 2020, on ne compte plus le nombre de projets immobiliers, de modernisation, d'agrandissement ou même de création de campus. Beaucoup de ces projets immobiliers sont d'ailleurs basés à Paris, qui est devenu le théâtre d'une lutte sans merci entre les grandes écoles. Sans être exhaustif, on peut citer la rénovation du campus de SCP, les nouveaux campus de Neoma, Kedge, Grenoble, Odensias, Kema, TBS, Rennes School of Business, Montpellier Business School à Paris ou à proche banlieue, le nouveau campus clermontois de Clermont School of Business, etc. Pour supporter cette hausse des charges, les grandes écoles n'ont donc d'autre choix que d'augmenter les frais de scolarité d'une part, et d'augmenter la taille de leur promotion, tout programme confondu, d'autre part. Cette taille critique, elle est plus difficile à atteindre en France, car contrairement à la quasi-totalité des pays de l'OCDE, nous avons fait le choix, et c'est un héritage de la Révolution française, de séparer nos grandes écoles d'un côté et nos universités de l'autre. C'est ainsi que nos grandes écoles françaises se battent contre des facs américaines qui bénéficie d'un énorme marché intérieur, mais aussi d'un pouvoir d'attraction des étrangers sans commune mesure. À titre de comparaison, HEC c'est environ 200 millions d'euros de budget par an contre 6 milliards pour Harvard, un rapport de 1 à 30 entre les deux institutions et des frais de scolarité deux fois plus élevés outre-Atlantique, avec 5 fois plus d'étudiants full-time en 2025 pour l'institution américaine. Bon tout ça c'est bien beau, mais il faut se rendre compte de ce que représentent les frais de scolarité post-prépa pour les grandes écoles de commerce. Alors même si ce n'est pas la panacée, ces recettes elles sont évidemment considérables. Pour une école comme Neoma, l'école qui recrute le plus d'étudiants post-prépa, ça va représenter environ 20% de son budget annuel total. Attention, les chiffres en valeur absolue affichés dans ce tableau ne sont pas tout à fait vrais. D'une part parce que toutes les écoles ne remplissent pas leurs promotions, on va y revenir. D'autre part parce que certains étudiants ne payent pas ses sommes, on va y revenir. Et enfin parce que l'alternance a pris une place considérable dans le PGE des écoles, avec des volumes de prise en charge qui sont variables selon les écoles, on va y revenir. Mais tout de même, pour avoir des ordres de grandeur, on peut estimer que cette année, l'augmentation des frais de scolarité couplée à l'augmentation des places va permettre au top 10 de toucher. fait quelques 19 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2024. Enfin, ça peut paraître bête, mais les frais de scolarité augmentent tout simplement parce qu'il y a des étudiants qui sont prêts à s'acquitter de ces sommes. C'est ce qu'on appelle en anglais la « willingness to pay » . Emmanuel Comte, professeur à Schema Business School et accessoirement co-concepteur de l'épreuve d'ESH-ESCP Schema, avait sorti une vidéo fort éclairante à ce sujet il y a quelques années. Il explique en substance que dans le cas des billets d'avion low cost, chez Ryanair par exemple, Le prix d'un billet équivalent pour un même vol varie en moyenne de 1 à 9 entre celui qui a payé le moins cher et celui qui a payé le prix fort dans le même avion. Le travail de Ryanair, c'est donc de déterminer le plus finement possible la willingness to pay de chaque client, c'est-à-dire la somme maximale qu'il sera prêt à débourser pour acquérir ce fameux billet d'avion. Dans le cas de nos écoles, c'est un petit peu différent parce que le cerveau des étudiants compte autant que leur portefeuille et le but pour HEC, c'est pas juste de trouver les 400 qui sont prêts à vendre un rein pour rejoindre leur programme d'en école. Mais malgré tout, la même logique s'applique, Est-ce que oui ou non, des étudiants qui ont brillamment réussi le concours d'entrée vont broncher lorsqu'ils vont recevoir la facture des frais de scolarité ? D'où la question suivante, est-ce que c'est encore rentable aujourd'hui de faire une grande école de commerce ? Bon déjà, pas besoin de faire de faux suspense, la réponse est clairement oui sur le temps long. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder la pyramide des salaires et de se souvenir qu'en France, le salaire médian se situe environ à 30 000 euros brut annuel. Pour le dire autrement, la moitié des Français touchent moins de 30 000 euros brut annuel par an et on ne parle pas ici des salaires de sortie, mais bien de la rémunération de l'ensemble des salariés français. De l'autre côté, selon la CGE, la Conférence des Grandes Écoles, un étudiant qui sort d'une grande école de commerce va toucher en moyenne 39 000 euros brut annuel, avec évidemment beaucoup de disparités entre les secteurs. Par la suite, on a beaucoup moins de données précises sur l'évolution salariale, mais considérons grosso modo qu'un étudiant va réussir à doubler son salaire entre le début et la fin de sa carrière. Il va donc toucher environ 80 000 euros par an quand il va partir en retraite. Et bien dans de telles conditions, l'écart entre quelqu'un qui a fait une grande école et quelqu'un qui n'en a pas fait se situe sur l'ensemble de la vie professionnelle à Pays de l'Oise. plusieurs millions d'euros. Donc évidemment, à la lumière de ces chiffres, ça relativise les quelques dizaines de milliers d'euros investis au départ. Par ailleurs, il faut préciser que ces frais de scolarité ne sont pas toujours payés intégralement. D'abord, la majorité des écoles ont mis en place une modulation des frais de scolarité selon le revenu des familles. Ça, c'est quelque chose pour lequel j'avais milité dès 2019 et je suis vraiment heureux de voir que les grandes écoles se sont emparées de cette question de justice sociale. Par ailleurs, et ça tout le monde le sait, la tendance a explosé en France et les grandes écoles de commerce ne sont évidemment pas en reste. Ce sera un débat à suivre dans les mois à venir, puisque l'État compte baisser drastiquement les aides accordées aux écoles et aux entreprises dans un souci de réduction des dépenses. Évidemment, ça pose beaucoup de questions quant à la capacité des étudiants les plus modestes à financer leurs frais de scolarité. Il faut aussi malheureusement être clair sur quelque chose, c'est moins rentable qu'avant de faire une grande école de commerce. En effet, les frais de scolarité ont augmenté de plus de 50% en 10 ans, quand l'inflation sur la même période s'élève à 20%. La progression des salaires de sortie des managers n'atteint, quant à elle, que 17%. Il faut aussi être honnête, symboliquement, ce qui rend cette augmentation tout à fait insupportable, c'est la comparaison de plus en plus fréquente avec les autres grandes écoles, notamment les écoles d'ingénieurs. Forcément, c'est assez absurde de voir quelqu'un qui sort par exemple de Centrale Supélet, qui va avoir autant de chances de rentrer dans un grand cabinet de conseil que quelqu'un qui a fait HEC, qui a aussi fait une prépa, qui a a priori le même mérite, mais qui va d'un côté payer 10 000 euros de frais de scolarité maximum quand il va débourser 70 000 euros du côté de Julien Jossas. Mais la situation ne devrait pas évoluer dans les années à venir, et soyons clairs, si elle évolue, ce n'est pas pour faire baisser les frais de scolarité des écoles de commerce, mais bien pour augmenter ceux des écoles d'ingénieurs. On arrive donc à la troisième partie, mais jusqu'où ira donc cette augmentation des frais de scolarité des grandes écoles de commerce ? Alors cette question, elle se pose depuis des années, et à chaque fois qu'une augmentation importante intervient, comme cette année par exemple, il y a toujours des commentateurs qui vont dire « c'est pas juste » , « ce n'est pas possible » , « ce n'est plus acceptable » , etc. Mais si on est pragmatique, je répondrais plutôt que les frais de scolarité des écoles de commerce continueront à augmenter tant que celles-ci le pourront. Ce n'est pas un sujet moral, mais bien un sujet capitalistique et financier. Et en effet, à partir d'une certaine somme et au vu du nombre d'alternatives qui existent aujourd'hui, il est tout à fait plausible que les étudiants se détournent des grandes écoles de commerce. Il convient ici, comme dans une bonne vieille disserte de géopolitique, de faire une typologie. Commençons par le top 5, et là, plot twist, pour moi c'est quasiment infini, HEC, ESSEC, ESCP, EDEC et EM Lyon. augmenteront leurs frais de scolarité jusqu'à tendre vers le niveau des facs américaines. Pour l'anecdote, je vous ai déterré cet article de Challenge de 2015, une des premières fois où Major Prépa a été cité par un gros média, et honnêtement j'avais même pas capté avant de faire cette vidéo. C'est moi wesh ! Donc dans cet article, on voit comment les gens étaient déjà shock bar de payer 45 000 euros pour les decks, et forcément aujourd'hui ça fait quasiment sourire. Qu'est-ce que c'est ça les ! Pour le reste du top 10 et du top 15, en revanche je pense qu'il va y avoir un déphasage avec les augmentations spectaculaires du top 5, qui ne se vérifiaient pas jusqu'à présent. Ma prédiction, c'est qu'avec la résurgence du nombre de prépas dans la filière, et bien justement ces étudiants vont devenir de plus en plus importants pour les écoles parce que c'est plus difficile désormais de percer en bachelor, en AST et que les étudiants de prépa ont l'immense avantage d'être fléchés vers les grandes écoles. Néanmoins avec l'augmentation généralisée des frais de scolarité, je pense que de plus en plus d'étudiants vont se demander si au-delà du top 5, du top 7, du top 10, du top 15, ça dépend, il est toujours rentable de faire une grande école de commerce et donc que la logique du 6e qui vise à répartir les candidats dans les différentes écoles risque un petit peu de se déliter. Pour vous donner un exemple, on organise des forums pour les prépas dans différentes régions de France, et à Rennes, j'étais assez surpris, voire choqué, de voir des étudiants qui venaient me voir pour me dire que le 6e cette année tombait un petit peu avant les résultats de Dauphine, et donc ils demandaient s'ils pouvaient réserver leur place dans le 6e, parce qu'ils préféraient éventuellement aller à Dauphine s'ils n'étaient pas admis, par exemple, à l'EDEC ou à l'EMU. Alors pour l'instant, ce phénomène, évidemment, il est marginal, mais s'il devient vraiment substantiel, ce sera un vrai risque structurel pour les écoles. Et donc forcément, ça va peut-être les motiver un petit peu moins à augmenter les frais de scolarité, au risque de voir les étudiants se détourner d'elles. Bref, tout ça pour l'instant, c'est de la fiction, mais peut-être quelques mots pour conclure tout à fait cette vidéo. À quelques semaines maintenant, les résultats d'admission. Dans tous les cas, vous parviendrez à vous acquitter des frais de scolarité de ces écoles, quel que soit le montant, parce qu'il existe des prêts, il existe l'alternance, on a dit, des bourses, des modulations, des frais de scolarité. Et dans tous les cas, vous allez kiffer ces trois ou quatre années en école de commerce. Vous allez faire partie d'assos, vous allez faire des stages incroyables, vous allez rencontrer des dizaines et des centaines de personnes, vous allez partir à l'étranger. Donc en un mot, vous allez kiffer votre expérience en grande école et vous allez pouvoir vous insérer efficacement sur le marché du travail. Et ça, ça n'a pas de prix.