Les Fleurs du Mal mettent en scène le parcours d'une âme prisonnière de l'enfer terrestre et qui tente par tous les moyens de s'en échapper, de sortir de ce que Baudelaire nomme le spin en s'en remettant à l'idéal. Cette aspiration vers une réalité supérieure et enchantée qui échapperait au règne de l'ennui se clôt avec la dernière section du recueil dont fait partie la mort des pauvres, la mort. En effet... Il s'agit pour l'âme de mener une ultime expérience, de tendre vers un nouveau voyage, celui de la mort. Mais ce qui pourrait sonner comme une tragédie s'avère chez le poète un accomplissement.
Et si la mort était en fait le seul idéal et la seule joie à notre portée ? C'est la mort qui console, hélas, et qui fait vivre. C'est le but de la vie et c'est le seul espoir qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre et nous donne le cœur de marcher jusqu'au soir.
À travers la tempête et la neige et le givre, c'est la clarté vibrante à notre horizon noir, c'est l'auberge fameuse inscrite sur le livre où l'on pourra manger et dormir et s'asseoir. C'est un ange qui tient dans ses doigts magnétiques le sommeil et le don des rêves extatiques, et qui refait le lit des gens pauvres et nus, c'est la gloire des dieux, c'est le grenier mystique, c'est la bourse du pauvre et sa patrie antique, c'est le portique ouvert sur les cieux inconnus. Le sonnet s'ouvre sur un constat de sagesse, la mort est le but de chaque vie. C'est ce vers quoi nous allons...
tous et donc paradoxalement ce qui donne un sens de façon littérale à notre existence. Aucun drame en cela pour Baudelaire mais au contraire une consolation qui s'approcherait de l'ivresse d'où la comparaison dans le premier quatrain à un élixir. La deuxième strophe développe une nouvelle allégorie chère à Baudelaire, celle de la météo.
qui apparaît déjà dans l'ennemi, le poème numéro 10, ou dans la série des poèmes intitulée Spline. La vie, à l'horizon noir, est traversée d'intempéries, si bien que la mort apparaît comme un rayon de soleil, un abri, une auberge, où l'on pourra, dit-il, manger et dormir et s'asseoir, donc, paradoxalement, vivre. L'inversion devient totale dans les tercets puisque la mort devient une œuvre positive, orchestrée par un dieu ou un ange.
En effet, pour les pauvres que nous sommes tous, elle est la seule richesse qui nous reste. Ainsi donc, la mort ne termine rien, mais elle l'ouvre, elle l'ouvre vers le mystère. C'est la bourse du pauvre et sa patrie antique, c'est le porticouvert sur les cieux inconnus.
Et en fait, la mort est ce qui permet de trouver, pour le poète, du nouveau. Ainsi, il faut en revenir aux deux derniers vers des Fleurs du Mal, qui marquent la fin, ou plutôt le début d'un parcours, puisqu'il s'agit pour lui De plonger au fond du gouffre, Enfer ou ciel qu'importe, Au fond de l'inconnu, Pour trouver du nouveau.