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Apollinaire et l'art des calligrammes

et c’est comme ça que Guillaume Apollinaire a baptisé une toute nouvelle forme d’art : entre littérature et dessin, le calligramme Bienvenue dans cette vidéo qui va nous donner l’occasion d’explorer la vie et l’oeuvre d’un poète français dont vous avez très certainement déjà entendu le nom : Apollinaire. Et si on se souvient de lui c’est notamment pour avoir plus ou moins inventé un art à part entière, un mode d’expression nouveau et hybride : quelque part entre la poésie et le dessin… On y revient dans quelques minutes ! Commençons par un peu d’histoire… un peu de son histoire parce qu’il y en a des choses à raconter ! d’abord Apollinaire, avec un P et deux L… Ne s’appelle pas Apollinaire . Non, son vrai nom, c’est Guillaume Albert Vladimir Alexandre Apollinaire de Krostowitzky… il a écourté un peu avant de signer des poèmes… Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, Guillaume Albert Vladimir Alexandre Apollinaire de Krostowitzky ne nait ni en Russie (comme semble l’indiquer le prénom Vladimir), ni en Pologne (comme semble l’indiquer le nom Krostowitzky) non, il nait à Rome à la toute fin du XIXème siècle, en 1880 pour être précis. Et pour être très très très précis, cette vidéo sort même la semaine de son 142ème anniversaire. Alors, attention, cet homme nait au XIXème siècle en Italie mais ça n’empêche pas qu’on le considère comme un des plus grands auteurs français du XXème siècle pour une raison toute simple : sa carrière littéraire est majoritairement composée d’oeuvres parues après 1900, publiées en france et écrites en français. D’ailleurs sa carrière d’auteur est surtout marquée par la publication d’une oeuvre : il a écrit de nombreux livres, et notamment des pièces de théâtre mais je crois que tout commence vraiment avec le recueil de poèmes « Alcools » paru en 1913. Ce n’est pas de ce livre que je voulais vous parler en priorité mais je crois que ce petit détour est essentiel. C’est en 1913 que la carrière d’Apollinaire débute vraiment et c’est particulièrement la parution du recueil Alcools qui dévoile au public français le génie et la modernité de ce poète : il est à la fois très cultivé donc particulièrement inspiré par la poésie classique et en même temps influencé, guidé par les artistes qui incarnent l’avant-garde, la modernité de cette époque, notamment son ami Pablo Picasso… je sais pas si vous en avez déjà entendu parler… mais dans le genre moderne, le gars était pas mal. L’idée principale qui guide l’oeuvre d’Apollinaire c’est de s’inspirer de thèmes très classiques et notamment le thème du temps qui passe, le thème de la nostalgie, qui a toujours été une inspiration pour les poètes, et ce, tout en adoptant une forme innovante, libérée, donc moderne. Et ça, Apollinaire le développe dans Alcools mais je crois que c’est avec les calligrammes qu’il parvient à le montrer complètement. Les calligrammes ce sont des oeuvres hybrides qui lient dessin et poésie. Apollinaire n’invente pas le calligramme : il y a déjà eu, auparavant, des textes organisés, non pas en lignes et en paragraphes mais agencés de manière à créer une forme. c’est pourtant bien Apollinaire qui, le premier a traité le calligramme non comme un simple jeu mais comme une discipline artistique et il est le premier à leur consacrer un recueil : il les a compilés comme on compile des poèmes dans un livre qui leur est totalement dédié. Passons par un peu d’étymologie pour bien comprendre de quoi il s’agit. Calligramme c’est un mot inventé par Apollinaire lui-même pour désigner ce mode de création artistique. c’est un mélange du mot calligraphie : bon, vous savez ce que c’est la calligraphie : une écriture particulièrement esthétique et du mot idéogramme : un symbole qui, comme dans l’écriture chinoise ou dans les hiéroglyphes par exemple, représente plus le sens d’un mot que les sons qui permettent de le prononcer. L’objectif c’est donc à la fois d’utiliser les mots qui délivrent leur sens, qui expriment l’idée et la représentation picturale-même de l’idée inspirante. Concrètement, c’est un dessin dans lequel les mots créent les formes et c’est comme ça que Guillaume Apollinaire s’est distingué avec une toute nouvelle forme d’art : entre littérature et dessin : le calligramme. On raconte qu’en lui montrant un calligramme, Apollinaire aurait dit à Picasso lui-même : « tu vois, moi aussi je suis peintre ». Ah on savait rire à l’époque. Le calligramme permet l’expression plus directe de l’idée en associant d’une part le texte comme on le fait généralement quand on écrit un poème et d’autre part sa représentation graphique. En fait le calligramme permet d’associer comme jamais cela n’avait été fait auparavant le fond (ce qui est exprimé) et la forme (la manière dont c’est exprimé) Alors… Je ne sais pas pour vous mais pour moi ça suscite énormément de questions… est-ce qu’on commence par le texte ? Ou par la silhouette qu’il devra former ? En fait… Est-ce qu’on fond le texte rédigé dans la forme ou est-ce qu’on remplit la forme voulue avec les mots du texte… Et puis, au fond, est-ce qu’on doit encadrer un calligramme et l’exposer dans un musée à l’instar d’un tableau ? Ou alors, est-ce qu’on doit compiler des calligrammes dans des recueils comme s’ils étaient de simples poèmes ? Bref, c’est une discipline assez moderne et que je trouve très intéressante puisqu’elle vient bousculer les traditions, elle vient bousculer les codes les codes en brisant la frontière entre deux arts : les arts visuels et la littérature. Les principaux calligrammes d’Apollinaire sont rassemblés dans un recueil sorti en 1918 qui s’appelle lui-même Calligrammes : alors, ça ne semble pas très original aujourd’hui mais comme je vous le disais, c’est Apollinaire lui-même qui invente ce mot… donc dès le titre, ce recueil intrigue ! Pour terminer avec quelques éléments biographiques, il me faut revenir un peu en arrière. Vous avez certainement entendu dire qu’entre Alcools paru en 1913 et Calligrammes sorti en 1918… il s’en est passé des choses en Europe et donc, dans la vie d’Apollinaire aussi ! Dès la fin de l’année 1914, alors que la première guerre mondiale fait rage depuis l’été, Apollinaire s’engage dans l’armée française. Il rencontre à ce moment une femme qu’il appelle Lou, et tombe follement amoureux d’elle. Elle aura une importance énorme tant dans sa vie personnelle que dans sa carrière, en tant qu’auteur, elle sera sa muse, en quelque sorte, il va lui écrire énormément de lettres depuis le front et elle lui inspirera de nombreux poèmes et quelques calligrammes dont celui qui est, je crois, le calligramme le plus célèbre de Guillaume Apollinaire : « Reconnais-toi » envoyé par courrier en février 1915. Apollinaire, comme pas mal de monde à cette époque fait la guerre mais il ne combattra pas pendant les 4 ans que dure 14-18 : il est blessé à la tête par un éclat d’obus en 1916 et souffrira de cette blessure jusqu’à sa mort. Il mourra de la grippe espagnole deux ans plus tard en 1918… à l’âge des 38 ans. Enfin… il meurt de la grippe espagnole et de cet éclat d’obus dont il n’est toujours pas remis… on imagine que ça ne l’a pas aidé. Et c’est certainement pour ça que dans les archives militaires, il est déclaré mort de « blessure de guerre » Apollinaire c’est un auteur, dont la carrière a été marquée par l’histoire avec un grand H mais qui a su marquer lui-même l’histoire, en tout cas l’histoire de la littérature et des arts grâce à une certaine modernité. Il nous a laissé des oeuvres tout à fait marquantes: à la fois des poèmes à la forme assez classique comme le pont Mirabeau mais aussi… et surtout les calligrammes D’ailleurs, avant de se quitter, il serait dommage de ne pas prendre le temps de lire ou d’observer, comme vous préférez un calligramme ! Il y en a beaucoup qui mériteraient d’être lus ici… mais puisqu’il faut faire un choix et afin d’appuyer encore ce lien entre le poète et le soldat de tranchées, je vous propose un calligramme qui s’intitule La Tour Eiffel ! « Salut monde dont je suis la langue éloquente que sa bouche O Paris tire et tirera toujours aux allemands ». Bon… Un peu limite cette référence aux soldats Allemands… Je ne sais pas si la tour Eiffel a vraiment été considérée comme un affront, comme une langue tirée aux ennemis d’autrefois… En tout cas, mes sincères amitiés aux éventuels spectateurs germaniques et germanosympathiques de cette vidéo ! Je vous souhaite, à tous, une bonne journée.