Bonjour tout le monde, soyez les bienvenus sur Légendes, émission exceptionnelle aujourd'hui. Notre invité c'est Didier François qui est journaliste et reporter de guerre qui a été enlevé par Daesh, qui a été otage de Daesh pendant plus de dix mois. Il va nous raconter ça, ça fait dix ans maintenant, il n'a pas beaucoup parlé depuis sa sortie.
Il va nous expliquer, il s'est aussi pris une balle dans la jambe à Gaza en 2006. Il va nous raconter toutes ces histoires de reporter de guerre, son métier. En tout cas, sachez que cette émission est disponible en podcast audio aussi. On est numéro un des podcasts audio en France au jour du tournage, donc merci beaucoup.
Vous pouvez nous écouter quand vous êtes à vélo, quand vous êtes en train de faire du sport, quand vous êtes dans le lit, quand vous êtes en voiture, dans les transports. Vous pouvez nous écouter sur Spotify, Deezer, Google Podcasts ou Apple Podcasts. N'hésitez pas à nous mettre 5 étoiles, ça nous aide vraiment sur le référencement.
Et c'est parti avec Didier François. Bonjour, je m'appelle Didier François, je suis journaliste. Je vais vous raconter ce que c'est que le métier de correspondant de guerre et ma détention par Daesh.
Eh bien merci Didier. Merci à toi. Je vais te reprendre le clap, content de te recevoir. Ça fait plaisir.
Tu vas nous raconter justement ton métier, reporter de guerre, journaliste. Tu as été otage par Daesh pendant une dizaine de mois. Juste première question, refaire ta vie comme... toujours, c'est le principe de légende.
D'accord. Comment ça se fait qu'il y a si peu d'interviews de toi ? Je ne t'ai pas vu raconter ton histoire. D'habitude, c'est moi qui pose les questions.
En fait, je suis journaliste, effectivement, donc j'ai quand même plus l'habitude de m'occuper… de l'information ou transmettre de l'information qu'être l'information. L'interview n'est pas un exercice que j'affectionne outre mesure. C'est vrai, merci d'être là alors. Avec plaisir.
Ça fait 10 ans à peu près et j'ai vu juste le moment où tu arrives sur le tarmac avec François Hollande où tu parles de ça très rapidement comme tu l'as fait. Et après, rapidement sur Europe 1 aussi, une interview assez courte finalement. Tu vas nous raconter tout ça après, mais il n'y a que ces deux petits moments où on te voit assez peu expliqué finalement.
Donc je te remercie d'être là pour essayer de te faire un petit peu plus de temps. pour expliquer ton métier, ta vie, ton parcours. Nous ce qu'on aime bien c'est comprendre l'humain, comment il en est arrivé là, pourquoi tu t'es retrouvé sur des zones de guerre, comment tu t'es retrouvé à faire ce métier, est-ce que c'est une passion, tu vas nous expliquer ça. Oui, c'est un mode de vie.
C'est un mode de vie ? Plus qu'un métier en fait. Alors est-ce que ça vient du fait, on va prendre ta vie, mais tu es fils de militaire ? Oui, oui, exact, pas que de militaire, mon père était militaire mais ma mère était orthophoniste. Oui c'est ça, mais donc tu as quand même un des deux qui était militaire.
C'est surtout quand je suis ici d'une famille qui a toujours été élevée. et qui a vécu à l'étranger. Mes parents eux-mêmes, déjà, se sont rencontrés au lycée à Madagascar.
Moi, j'ai été... J'ai fait quasiment tout mon primaire en Afrique, Afrique de l'Ouest, Afrique du Nord, un peu à Tahiti. Et puis, voilà, je suis rentré ensuite pour préparer mon bac et ma fac en France. Mais j'ai vécu l'essentiel de ma jeunesse à l'étranger. T'as grandi dans combien de pays ?
Algérie, Cameroun, Congo... Euh... Maroc, on n'aurait peut-être pas rentré dans tous les pays.
Oui, tu en as fait beaucoup. Est-ce que tu as pensé à devenir militaire avant de partir en journalisme ? Alors, en fait, non. Ce n'est pas que je n'ai pas pensé. C'est quand j'étais gamin au lycée, vers l'âge de 11 ans.
En fait, on m'avait présenté deux options. C'était rentrer au lycée, au Pré-déalé militaire de la Flèche en France. Et finalement, je suis parti au lycée au Cameroun.
Ou au petit séminaire. Et finalement, je préférais continuer mes études normalement. Et donc, je n'ai pas fait militaire. Oui, tu t'es proposé, ce n'était pas une option. C'était une option en fait, puisque comme tout enfant, tout fils dans une famille plutôt liée à l'armée, c'était évidemment une des options qui vous est proposée assez naturellement.
Mais en fait, non, ce n'est pas ce que j'avais envie de faire, en tout cas pas à 11 ans. Et donc, je me suis orienté vers autre chose. Et puis finalement, la vie est en ce moment. ce qu'elle est. Parce qu'en fait, tu fais une partie de tes études en France, j'avais noté, pour refaire un peu ton parcours précisément, tu passes ton bac, prépa-philo, licence d'histoire, DE en stratégie et relations internationales.
Comment tu passes de tout ça au journalisme ? Comment tu bascules ? Tu fais plein d'études. Déjà, plein de choses.
D'abord, parce que, un, les études me passionnaient. Étudier te passionnait ? Oui, en fait.
Et puis, j'ai fait des sujets que j'aimais. Je trouve que l'histoire, c'est fondamental. La philo, ça aide à réfléchir, quel que soit le sujet.
Là, j'ai... la géographie, ça me permet de comprendre dans quel monde on vit, et la stratégie, j'avais envie de comprendre le monde. J'ai commencé d'ailleurs, mon premier métier, ça a été assistant de recherche dans un institut stratégique, mais en fait, c'est là que je me suis rendu compte qu'à 23 ans, honnêtement, écrire des sommes un peu sérieuses sur des sujets que finalement je maîtrisais quand même franchement peu, il faut dire ce qu'il y est, même si j'avais une approche beaucoup trop théorique, et ce n'était pas ce que je cherchais, et je me suis dit, mais non, ce n'est pas pour ça. possible, en fait, il faut que t'ailles comprendre sur le terrain. Et je me demandais bien ce que je pourrais faire.
Alors, il se trouve que, par ailleurs, j'étais assez actif. dans le syndicalisme étudiant. Politisé ou pas ? Très politisé à l'époque.
Très politisé ? Oui, assez politisé. Politisé quoi ? Très extrême gauche. Je suis de ma génération, donc les années 70, honnêtement, c'était quand même assez… Ce n'était pas ultra original.
Franchement. J'avais aussi les cheveux longs. Ah c'est vrai ?
Évidemment. Si je récupère une photo, je vous la mettrai. Si je récupère une photo volée… Normalement, vous êtes détruite. Tout se passe bien. Tu as détruit toutes les preuves ?
C'est ça. Non, mais il y en a. À commencer, par ça, le bon permis de conduire. Ah c'est vrai ?
Ça, c'est vraiment un marqueur. du temps, je dois dire. C'est une tuerie. C'est une preuve.
Il faut toujours le mettre sous clé. C'est indispensable. Et donc, en fait, il se trouve que j'ai eu une opportunité dans un journal qui était en train de bouger, qui s'appelait Le Matin de Paris. À l'époque, c'était un quotidien.
C'était un des plus grands quotidiens en France et qui cherchait justement un jeune journaliste ou apprenti journaliste, en tout cas, qui ait envie d'aller sur le terrain et de faire du reportage et qui connaissait un peu les questions de défense. C'est comme ça que j'ai commencé. J'ai commencé au matin de Paris, embauché par Max Gallo, qui était à l'époque son directeur. C'est en septembre 86, première conférence de presse, pour resituer un petit peu.
Conférence de rédaction, oui. Et tu pars au Tchad en 86 aussi. C'est ton premier reportage.
Comment tu te retrouves ? Ils te disent, tiens, tu pars au Tchad demain. Comment ça se passe ? En fait, comme tout dans ma vie, c'est une succession de coups de bol. C'est vrai ?
Oui, honnêtement. C'est un coup de bol. Tu vois, c'est intéressant, ça, ce que tu dis. C'est un coup de bol. de partir sur une zone de guerre ?
Alors qu'il y a plein de gens qui voudraient justement ne pas y aller. En fait, franchement, je ne savais rien faire. J'avais fait plein d'études, mais je n'avais pas de compétences particulières.
Donc oui, c'est un coup de bol. Alors en fait, moi, comme je suivais justement ces affaires, c'est à l'époque où il y avait ce conflit entre le Tchad et la Libye, où la France était très impliquée, donc je savais qu'il y avait une intervention française qui était en préparation, donc j'en parle en conférence de rédaction. Et en pensant que ça allait quelque part.
quelqu'un de plus capé que moi, plus ancien, plus expérimenté qu'à l'être envoyé. Et il se trouve que non, pas du tout. À la conférence d'érection, ils me disent tu pars Évidemment, c'est à la fois une chance et à la fois un ouf. Vous avez quand même un peu l'impression d'être dans l'ascenseur qui rate un étage parce qu'on se dit il va falloir quand même y aller Est-ce que c'est dangereux vraiment d'être envoyé pour un reporter ?
Ce n'est pas tellement le problème d'être dangereux. Je ne savais pas si j'étais capable de le faire. L'enjeu est quand même vachement important.
Vous allez être en fait le journaliste. qui va aller sur un gros truc quand même. Bien sûr, bien sûr.
En plus, j'étais jeune, j'avais 26 ans, je me disais, oh là là, on me donnait en fait une responsabilité qui… c'était ça qui me foutait plus. Oui, c'était un costume un peu gros. Voilà, c'était tout ce qui me foutait la trouille, c'était ça honnêtement. Et alors à l'époque, en plus, il fallait voir ce que c'était, parce qu'on partait, on prenait une machine à écrire, je vous rappelle qu'il n'y avait pas d'ordinateur. Non mais alors ça c'est fou, là oui, en 86, tu parais… On n'avait pas de portable.
Tu parais avec une vraie machine à écrire. Avec une machine à écrire, oui, donc on la mettait dans une espèce de petite boîte. Une sorte de coffret, là.
un coffret à machine à écrire, et on mettait dedans, à l'intérieur du même coffret, des feuilles de papier, puisque c'est ce qu'on appelait des feuillets, parce que quand on écrivait nos papiers, à l'époque, chaque feuille devait faire 1500 signes. C'était le calibrage des papiers. C'est comme sur Twitter, t'as un nombre de caractères.
Voilà, exactement. C'est un tout petit poil plus long que Twitter. Mais en fait, c'était ça.
Et après, on partait, mais en plus, on n'avait pas de portable, il n'y avait pas de satellite, il n'y avait rien du tout. Personne ne savait où on était. On partait faire une... une bataille, donc là c'était à Ouadidoum, qui avait été la reprise de la grande base libyenne par les Tchadiens. Étonnamment d'ailleurs, sur place, alors il fallait partir avec l'armée tchadienne à travers le désert, ça prenait des jours et des jours d'aller là-bas.
Non mais tu pars combien de temps ? On a du mal à y aller. On partait entre trois semaines et un mois. Ah ouais ? Quand on allait en Afghanistan pour aller faire la bataille de Djalalabad, il fallait aller à Peshawar, de Peshawar il fallait trouver les contacts qui nous faisaient traverser la frontière par la Riber Pass en douce.
Après, on marchait avec les gars jusqu'à la bataille, on voyait la bataille, on revenait. Là, après, c'est pareil au Tchad. Quand on fait tout ça avec eux, quand on rentre, on écrit, on se met dans une petite chambre d'hôtel avec notre petite machine à écrire, et on fait nos feuillets.
Après, on va se faire enfermer dans la poste centrale de Jamena parce qu'il faut transformer les feuillets qu'on a écrits en bandes parce qu'à l'époque, on transmettait avec des telex. Je vous mets une photo d'un telex, c'est comme un ordinateur, c'est une sorte de... C'est un enceinte de l'ordinateur !
Il n'y avait pas de mémoire, il n'y avait rien, c'était tout mécanique. Mais en fait, on est d'accord, c'est bien ça en photo. C'est ça le telex. Tiens, je vous la mets à l'écran, vous voyez... En fait, c'est une machine à écrire électrique qui sort des petites bandes avec des trous.
Oui, qu'on voit là, ok, ok. Ensuite, les trous, on les passe et donc ça envoie des signaux... À Paris, tu envoies à Paris ? À Paris, et à la fin, il y avait une petite touche qui faisait gling, gling, gling, gling...
On essayait de réveiller les gars qui, pendant la... Oui, bien sûr ! Qui étaient de l'autre côté de la machine à Paris, et qui, eux, attendaient que nos papiers arrivent, et qui, de temps en temps, avaient quand même tendance à piquer un roupillon, parce que...
Et donc, nous, on voulait absolument qu'ils nous répondent pour être sûrs que le truc était bien passé, parce que ça coupait régulièrement, donc il fallait reprendre à quel endroit ça coupait, etc. C'était l'enfer. Enfin, l'enfer. En même temps, il y avait deux avantages à ça.
Honnêtement. Le temps pour comprendre. Parce que quand vous faites un papier, vous avez entre trois semaines et un mois pour accompagner les gens, discuter avec eux, avoir des sources, vous commencez quand même un peu à comprendre mieux l'affaire que 48 heures, ce qu'on appelle aujourd'hui le fameux planté de drapeau, où on arrive en reportage, on sort de l'avion, vous interviewez le chauffeur de taxi et vous filmez trois barrages dans la rue avant d'arriver à l'hôtel. Ce n'est pas tout à fait la même chose.
Ce n'est pas le même métier, quoi. C'est surtout... Le métier...
est le même, mais les conditions de le faire n'est pas pareil. On était à cette époque-là vraiment dans un métier, au sens où c'était de l'artisanat quasiment. On est devenu dans les années 91-92 avec l'apparition des valises satellitaires et de CNN, la guerre du golfe, on est passé à une profession, vous voyez, où on peut en direct voir… Envoyer de l'info. Voilà, enfin, voilà, où vous avez le gars sur sur le toit de l'hôtel à Bagdad, j'y étais, mais c'était… Ce n'est pas un reproche, mais on voit les traçantes qui passent en vert derrière, etc. Donc les gens voient la guerre en direct à ce moment-là.
Sauf qu'en fait, on ne contrôle quasiment plus ce qu'on envoie, puisqu'on n'a plus le temps. Il faut en permanence fournir. Et avec le satellite, on a en permanence le rédacteur en chef qui vous organise, d'un certain point de vue, dans la mise en place de la formation, comment les choses s'agencent.
Alors qu'avant… on faisait quand on rentrait on faisait pendant une semaine une double page ou un magazine donc on avait à la fois du temps pour comprendre et de l'espace pour expliquer quand on a du temps et de l'espace honnêtement on est dans d'excellentes conditions de travail le temps vous le savez puisque vous faites des interviews longues justement c'est ça le but du jeu parce que c'est important d'avoir le temps exactement le temps pour comprendre c'est important c'est pas la même donc en fait c'est toujours la même chose dans toutes les la presse et l'information et aussi un enjeu économique, donc il faut toujours se battre pour le faire du mieux possible. C'est ça aussi la force du grand reporter, c'est qu'on est un peu effectivement les danseuses, on est peut-être parfois un peu grognons, on a des caractères un peu rugueux. C'est endurci d'être dans les zones de guerre ? Je ne sais pas si… Il y a une question de caractère. Je pense que… Alors, honnêtement, en ce qui me concerne, je ne savais rien faire d'autre et je trouvais que ça, c'était facile à faire.
C'est vrai ? Mais c'est une passion ? Je veux juste comprendre l'humain.
C'est le but de l'émission. C'est une passion ? Tu voulais ramener de l'amour ? Parce que c'est risqué. Tu vas justement le prouver avec ta vie.
Tu t'es pris une balle dans la glisse à Gaza, tu nous raconteras, tu as failli perdre ta jambe. C'est quand même risqué et tu y retournes. Chaque métier a ses avantages et ses inconvénients.
Oui, mais... Donc, comme je disais, si vous avez peur des chiens, il ne faut pas faire facteur. Donc, c'est sûr qu'il y a des risques. Mais après, ça a d'autres avantages. Honnêtement, c'est un métier qui est génial parce que moi, je voulais comprendre.
En fait, je me suis toujours posé la question. Comment des gens normaux prennent un... un fusil et se battent.
C'est une vraie question. Tous les gens qui se battent, ce n'est pas des monstres. Au contraire, y compris par exemple la résistance, etc.
Il y a même des moments où il faut être capable de se battre et de résister. Donc, qu'est-ce qui fait qu'à un moment ou à un autre, quelqu'un de parfaitement normal, intelligent, on n'est pas des anges, mais on n'est pas non plus des diables, et à un moment ou à un autre, la question de l'engagement va se poser. Parce que dans une guerre, en fait, vous vous rendez compte qu'il y a quoi ? pourcentage qui en profite, un petit pourcentage qui l'a fait par idéologie, et puis il y a une grosse partie des gens qui la subissent. Et donc en fait, c'est ça qui moi m'intéressait, d'aller voir comment ça fonctionnait.
Comment ça fonctionnait, pourquoi, et puis enfin je sais pas, il faut quand même rendre compte de ce qui se passe ailleurs. On vit toujours, on a quand même cette chance extraordinaire de vivre dans des pays où on vit bien. Alors certes, il y a des problèmes, certes c'est pas toujours sans les serrains, mais honnêtement, comparé au reste du monde où les gens vivent avec un dollar par jour. dans la misère, la souffrance, dans le droit, etc. Honnêtement, c'est quand même intéressant de comprendre comment fonctionne le monde.
Oui, on a de la chance d'être là. Et pour comprendre, il faut aller voir. Il n'y a pas d'autre solution.
On ne peut pas observer de loin. Et il se trouve que par hasard, comme je ne savais pas quoi faire, j'ai fait ça. Et il se trouve que je me suis rendu compte que finalement, ça fonctionnait assez bien pour moi.
Je pourrais rester longtemps dans une zone de guerre, passer une frontière, etc. Je ne me posais pas vraiment. vraiment de problème.
Et donc, en fait, ce qui pourrait sembler difficile, puisque c'est certaines questions qu'on pose, en tout cas, pour moi, n'a jamais été une difficulté particulière. Donc, je n'ai aucun mérite à le faire. Ça serait plus dur pour moi d'être obligé de me lever tous les matins pour faire le même métier, en faisant la même chose. Voilà. Donc, d'un certain point de vue, c'est par opportunité et opportunisme, presque, que je me suis devenu...
Oui, il faut dire les choses, c'est de quatre secondes. Et tu t'es rendu compte que tu étais bon là-dedans ? Et comme là-dedans, en fait, j'étais bon, finalement, ça a fait boule de neige. J'ai les gars...
En 38 ans, t'as fait ça après ? Voilà. C'est-à-dire que tu n'as pas eu de... Voilà, t'as enchaîné les succès, les reportages.
Les succès restent calmes, mais enfin, je l'ai fait, ce truc-là. T'as fait beaucoup de choses, tu vas nous dire. Qu'est-ce qui t'impressionne en tant que jeune reporter de guerre, quand t'arrives là-bas, qu'est-ce qui t'impressionne le plus au Tchad ?
Qu'est-ce qui te frappe ? Que t'imaginais pas, tu sais, il y a forcément des choses... Oui, oui, oui.
De toute manière, le choc avec le monde réel est toujours... Plus fort que le romanesque, honnêtement. Un exemple tout bête.
Évidemment, les Tchadiens étaient durs au mal, et durs à la peine. Solides. On va dire ça.
Rustiques et solides. Donc, ils sont quand même montés à l'assaut. d'une base fortifiée avec des appuis d'artillerie, etc. bien défendues dans le désert.
Eux, avec des petites Toyota, misant sur la vitesse et le déplacement rapide. rapide pour casser une mine défensive avec des chars, des canons, etc. Ils sont passés et ils ont détruit le dispositif. Alors, ils ont réussi à passer à travers la ligne et ensuite, hop, ils les ont pris à revers.
Bon, bref, il y a eu de la casse. Il y a eu, oui, plusieurs centaines de blessés graves. Une partie a pu être évacuée en hélicoptère, de manière un peu discrète par les Français, puisque c'était au nord du...
une ligne parallèle que les soldats français n'étaient pas censés traverser. Mais en fait, ils sont allés quand même récupérer les blessés les plus lourds. Et tous les autres blessés, y compris des fractures ouvertes, barbales, etc., ont été ramenés en Toyota depuis le tout nord du Tchad, à travers l'ensemble du désert, pour redescendre sur Mongo et Djamena, où étaient les hôpitaux de campagne. Mais ça, tu le vois ?
Eh bien, on était avec eux, puisque… Ah, mais attends, tu les accompagnes dans l'assaut ? Oui, alors on est… On s'est pas rentrés ? Voilà, on n'est jamais totalement, totalement dans… dans la première ligne du combat.
Mais oui, on revient avec des blessés, avec tout le matériel qui avait été récupéré sur la base, donc les missiles antiaériens, dont les SAM-6, qui ont aujourd'hui servi à développer le matériel soviétique, ont servi à développer les radars du Rafale, le premier hélicoptère soviétique d'assaut, le Mi-24, en parfait état, qui avait été pris sur place. Tout ça a été ramené avec des soldats blessés qui ne... pour avoir été blessé après, je peux vous dire, je sais quelle était la douleur.
Moi, j'ai pris une balle dans la jambe, une fracture ouverte. Une balle de quoi ? Une fracture ouverte. Je suis resté 8 heures sans morphine. J'ai douillé, mais grave.
Et là, les gars, on fait plusieurs jours avec ces fractures ouvertes. Mais non. Mais bien sûr que c'est hyper risqué, même pour une gangrène.
Oui, bien sûr. En fait, vous apprenez quand même. ce que c'est que les vraies difficultés de la vie.
Et en fait, moi j'ai toujours, que ce soit chez les combattants dans les zones de guerre ou les civils qui la subissent, moi j'ai découvert la dignité. Des gens qui, avec le dénuement complet, restent d'une extrême dignité. Le courage, la capacité à vouloir tenir, cette résilience des gens dans le malheur et dans la guerre, une solidarité. Quand je suis dans les zones de guerre, les zones de guerre où il n'y a pas d'hôtel, quand on est à Tchétchénie, etc.
Les gens, ils vous logent chez eux. Ils n'ont rien. Leurs baraques sont détruits. Ils ont perdu des gens de leur famille. Ils n'ont rien à manger.
Ils vous nourrissent. Ils vous filent des couvertures pour dormir. C'est quand même une sacrée leçon de choses.
Et donc, honnêtement, de la même manière que la peur est communicative, je pense que le courage est communicatif et c'est un exemple. Je dis franchement, ces années-là, j'ai appris le courage grâce à ces gens dans les zones de guerre. Je parle de la peur. même pas des Tchétchènes qui eux m'ont vraiment appris, parce que la haute intensité, les bombardements d'artillerie, etc., là on apprend même à lutter contre la panique. Il faut savoir, c'est là que j'ai réalisé ce que me racontait mon grand-père qui avait fait le chemin des Dames et Verdun, et dont je pensais qu'il avait un petit pète au casque, et logiquement, on peut comprendre l'ampleur du traumatisme.
C'est vrai, ça tu t'en rends compte ? Quand tu pars en Tchétchénie, c'est encore différent du Tchad ? C'est une guerre différente ?
Alors, je suis en Tchétchénie en 1994, où après avoir passé… J'ai passé déjà deux ans en Bosnie, j'étais à Sarajevo. Là c'était pour Libération, c'est ça ? Tu pars chez Libération en 88 ?
En fait en 88, le matin de Paris ferme, je rentre dans une agence de presse, ça s'appelle l'agence centrale de presse, où je fais pas mal d'Aganistan, pas mal d'Iran, Irak, etc. Et en 1989, Libération me propose de partir comme correspondant en Afrique du Sud, au moment où Mandela est encore en prison, mais où l'apartheid va basculer. Donc de 89 à 91, je suis correspondant basé à Johannesbourg et je fais toute l'Afrique australe.
l'Angola, les coups d'État au Comores avec Bob Denard, le Mozambique et l'Afrique du Sud. Et en 1991, je bascule sur l'Union soviétique. Pendant le putsch, il reste deux ans jusqu'en 92. En 92, un des camarades de Libération, Jean Asfeld, se prend une balle dans la jambe et est amputé à Saint-Denis.
Un journaliste, du coup ? Oui, un journaliste de Libé, qui a écrit ce formidable livre qui s'appelle L'ère de la guerre et qui a depuis fait beaucoup de bouquins sur le Rwanda aussi, sur le génocide, qui sont absolument formidables. Donc je vais le remplacer, puisque malheureusement... Il est évacué.
Et jusqu'en 1994, je suis à Sarajevo, enfin en Bosnie. Et là, en 1994, commence la Tchétchénie et je bascule là-bas. Et donc je pensais, après, j'étais un peu mariole, donc je crois que c'est que, après la Bosnie, on ne la faisait pas à moi.
Tu le voyais déjà en violon de mer. Oui, je croyais que j'étais super costaud parce que j'avais eu quelques snipers et des bombardements de mortiers. Ce qui est déjà beaucoup pour la plupart des gens.
Des bombardements de mortiers. Et puis un peu, de temps en temps, un peu de combat en première ligne, etc. Mais quand même, honnêtement, quand j'ai découvert la bataille de Grozny, et ce que c'est que les effets d'un bombardement d'artillerie, d'une division d'artillerie...
les lance-roquettes, les 122, les 152, plus les hélicos, plus les avions, etc. Il y a un moment, c'était pendant, j'étais avec les gens du chef d'état-major tchétchène, ça s'appelle Masradov, on était en train de descendre de la place de la Minutka, le long d'une avenue pour aller essayer de renforcer les gens du palais présidentiel, que vous êtes pris sous ce barrage permanent d'artillerie, vous avez beau être dans une cave, les murs tremblent, le bruit sur tout, c'est ça ? En fait, ce n'est même pas le bruit, c'est la puissance de la terre qui tremble.
Vous avez l'impression d'être un fœtu de paille. C'est là qu'on se rend compte qu'en fait, on n'est rien du tout et que c'est une question de bol. Et qu'il y a un moment où il faut prendre la décision de se lever quand même et de marcher.
Au début, l'image qui me venait en tête, j'étais dans mon petit bunker à ramasser tout ce que je pouvais. Il faut lutter contre la panique dans un premier temps. Toi, au début, tu as peur ? Évidemment, j'en chie dans mon froc presque. C'est...
c'est infernal. En fait, on se rend compte qu'on n'est rien du tout. On a l'impression qu'on est recroquevillé, et on a l'impression que son squelette veut se marier en courant et sortir de son corps. C'est l'enfer ! Donc, c'est comme ça que ça marche.
Tu regrettes d'être là, à ce moment-là ? De faire ce métier ? Non, en fait, c'est toujours le problème de l'appréhension, la peur, la panique. En général, on a toujours de l'appréhension avant.
L'appréhension, c'est parce qu'on ne sait pas très bien ce qui va se passer, on sait que c'est dangereux, que j'y vais. j'y vais pas, c'est son métier donc on y va. Et en fait, c'est bête comme chou, c'est rare qu'on se jette dans... Mais il y a toujours un espace, on se dit bon bah ok, je vais rentrer dans cette ville, il y a encore des... Si je peux rentrer, c'est qu'il y a encore un passage.
Et puis on reste 2-3 jours, 4 jours, puis on se dit finalement, là il y a 3 passages qui sont fermés mais il en reste un donc je... Puis à la fin, pof, on est dedans. Une fois qu'on est dedans, c'est trop tard, ça sert plus à rien de se foutre en l'air.
Donc en fait, petit à petit, on est dans des situations où on est là, on est avec les gens, donc on reste avec les gens. Puis on voit qu'il y a les gens qui restent de toute manière, il y a des civils qui sont à l'arrêt, il y a des condamnations, etc. Donc on reste avec eux. Et puis là, on se dit, bon ben non, on y est.
Donc une fois qu'on y est… Tu peux revenir en arrière. D'abord, un, on ne peut plus se barrer, donc l'affaire est réglée. Deuxièmement, ça ne sert plus à rien d'avoir peur, parce que le problème, c'est… En fait, on passe en mode survie. C'est comment je fais pour justement m'en sortir ?
Donc la question de la peur, ça n'a pas de sens. Tu arrives à faire ton boulot quand même ? Bien sûr, oui. Mais surtout en pensant. En fait, l'astuce, c'est que le boulot, ça vous permet de penser à autre chose.
Alors, d'autant que quand on est en presse écrite ou quoi, on n'a même pas la caméra, etc. pour faire le lien. Donc, il faut faire quelque chose. Moi, souvent, m'occuper des blessés, faire des interviews, le machin, c'est bien. Ça permet de s'occuper. L'esprit.
Et d'être concentré sur... Il y a marqué presse sur toi ? Tu as les scratchs, là ?
Des fois, oui. Des fois, non. Ça dépend de... Honnêtement, aujourd'hui, avoir presse écrite, malheureusement, ce n'est plus une sécurité.
Ah, c'est vrai ? Non, il y a plein de styles. aujourd'hui sur pleine île de front, qui se tapent les journalistes exprès parce qu'ils savent que ça fait parler.
Ah bon ? Aujourd'hui l'information est devenue un enjeu de la guerre. Et la désinformation aussi. C'est la même chose.
Ça va avec. Donc la désinformation c'est déjà, enfin c'est un travail de désinformation qui existe et qui est fait par les différents acteurs, mais le fait de faire parler du conflit, si vous tuez, j'avais vu ça, on a commencé à voir ça assez nettement à Sarajevo, quelqu'un, un casque bleu de l'ONU ou un journaliste, vous allez faire parler de vous beaucoup plus que si vous tuez 200, 300, 400 personnes. Prendre l'exemple des otages qui sont des Bosniaques ou des Yougoslaves.
Prendre l'exemple typique de ma prise d'otage. Les 19 journalistes et membres des organisations internationales qui ont été pris en otage par Daesh pendant que moi j'étais pris otage, tout le monde en a parlé. Les vidéos de leurs exécutions, on en parlait. Qui a parlé, à ce même titre, des milliers de Syriens, d'Irakiens, de Yézidis qui ont été pris en otage et égorgés, etc. ?
Beaucoup moins, proportionnellement. Donc l'impact de... Médiatique. Médiatique. Et donc, les effets qu'espèrent les différents chefs de guerre ou chefs de clans sont bien plus importants, ils l'ont compris.
En fait, les ONG et les journalistes sont devenus, pour ces chefs-là, des enjeux de pouvoir. Souvent dans l'émission, je pose la question sur les échecs, et c'est assez intéressant de voir les échecs. À ce niveau-là, au début, est-ce que tu fais une erreur, comme tout débutant dans une carrière, même pas que les débutants, on fait tous des erreurs toute notre vie, qui auraient pu te coûter cher ?
Est-ce que tu fais trop confiance à quelqu'un, tu le suis, tu te retrouves dans un... Oui et non. Oui, oui, non, mais c'est ultra intéressant, parce qu'en fait, la vérité, c'est compliqué comme affaire, parce qu'on sait que c'est une connerie de faire totalement confiance à tout le monde.
on n'est pas totalement neuneux non plus. Surtout dans ces coins-là où tout le monde est armé. Et où il y a quand même un petit peu des...
Voilà, il y a quand même... En même temps, on n'a pas le choix. Notre métier à nous, c'est de se jeter dans la gueule du loup. Sans arme ? C'est-à-dire que là, t'es entouré de mecs armés ?
Oui, mais attention, parce que le coup de genre... Il n'y a que dans les films, il n'y a que dans... Je ne sais pas comment ça s'appelle, 24 heures, machin, je ne sais pas quoi, qu'un gars tout seul avec son petit 9 mm se prend ou dans Rambo, qu'il détruit des divisions entières.
il fait trois saltos arrière, après avoir été touché quatre fois, se met à courir, à faire un sprint, revient et sauve le monde. C'est du cinéma. Oui, c'est pas possible.
Ça n'existe pas, donc ça sert à rien. Le combat, c'est collectif, on a une section, il y a des appuis, il y a des aires de feu, etc. Donc tout seul, avec son petit pétard à la main, ça ne va pas changer grand-chose.
Et en revanche, ça me met en danger, donc c'est inutile, honnêtement. Quand tu pars, on va en reparler après, suite à la prise d'otages, mais qu'est-ce que tu dis à ce moment-là ? à ta famille, proche, je sais pas si t'es en couple à ce moment-là, pour la tétudiernie, etc. Qu'est-ce que tu dis quand tu parles ?
Est-ce que tu les préviens ou tu préfères ne pas les prévenir pour pas qu'ils s'inquiètent ? Je suis bien obligé de dire à mon épouse que je pars au boulot, quand même. C'est pas comme tout le monde ! Alors, Georges, excusez-moi, mais...
Avec tes parents, par exemple. Mes parents, ils le savent ! Ah, c'est vrai ?
Je suis journaliste. Ils vont lire mes papiers ou vont les écouter à la radio ou les voir à la télé. Donc honnêtement, Georges, je vais te voir de toute façon ! Oui, oui, ils peuvent te voir.
Tous les ans, je peux me mettre un gros nez... et un faux nom pour pas déshonorer ma famille, mais enfin en vrai, ils vont le savoir de toute façon. Comment ils le vivent tes parents ? Mal. C'est vrai ?
Non mais c'est dur pour eux, honnêtement. Quand tu sais que ton fils est là-bas… En fait, nous quand on est sur place, on sait ce qui se passe. Donc au moment où on a peur, on a peur, puis quand ça s'arrête, ça s'arrête. C'est la même chose dans la détention d'ailleurs, quand on se prend des coups, on se prend des coups, quand la torture s'arrête, la torture s'arrête, on le sait.
Les gens qui restent derrière, eux, ça cogite en permanence, ils savent pas. Or, à la guerre… et quand on envoie des papiers, souvent, c'est quand même un condensé un peu dense, justement, parce que c'est un condensé, excuse-moi, des choses les plus fortes. Ce qu'on envoie très, très, très, très, très rarement en reportage, et ce qui est pourtant le quotidien de la guerre, c'est les heures d'attente.
Parce que qu'est-ce qu'on peut se faire chier, parfois ? C'est vrai, c'est un métier. On passe son temps à attendre.
On passe son temps à se faire fouiller, à faire des accréditations. C'est étonnamment, il y a quand même beaucoup de temps qui sont passés à attendre, à chercher à bouffer, à trouver du pétrole pour foutre dans son générateur ou dans sa bagnole, à prendre des contacts, à attendre que les mecs décident, qu'ils viennent bien vous prendre avec vous, qu'eux-mêmes passent à l'action, qu'ils eux attendent les munitions, disent venez demain, et puis revenez demain, et puis quand on arrive après c'est trop. La guerre c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup d'attentes, pour très peu.
Oui, dans un portage tu as vraiment l'échange. Et voilà, exactement. Comme au cinéma on se souhaite à temps plein.
Oui, parce que... Sinon, à ce moment-là, les gens iraient eux-mêmes. C'est quand même aussi toute la difficulté de ramener aussi de l'information. C'est que l'information, par définition, va aller sur les choses saillantes et rarement sur le temps long qui est le temps long de la préparation. C'est comme au restaurant.
Vous allez rarement voir comment ça se passe dans la cuisine avec le chef. Vous, ce qui vous intéresse, c'est ce qu'il y a dans votre assiette. C'est comme quand tu regardes un film, tu n'imagines pas le scénario écrit, sinon c'est que ce n'est pas un bon film. Exactement. Il y a un autre truc qu'on ne voit pas dans les reporters.
finalement c'est les cadavres. On les voit très peu à la télé ou sur internet. Parfois tu as des images mais c'est très violent.
C'est surtout que c'est gore. En fait le problème des cadavres c'est que... C'est un vrai sujet. Montrer ou pas montrer ?
D'abord, c'est comme tout. C'est un peu comme on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui. Donc on peut tout montrer, mais c'est compliqué, parce que ça dépend de comment on le montre, et quel est l'objectif réel. Le gore pour le gore, c'est affreux.
L'autre chose qui est compliquée, c'est que en fait, voir un homme se faire tuer... Mais, enfin, rien que le voir, je ne veux pas te tuer. Est-ce que toi tu l'as vu ça ?
Malheureusement oui. C'est ça la réalité de la guerre. Mais c'est-à-dire que ça fait des morts.
Tu es assez en avant sur le front pour voir ça, c'est ça que je veux dire. Même en arrière, regardez aujourd'hui ce que la Russie balance sur l'Ukraine, vous allez dans les villes, est-ce qu'ils se prennent dans les oeuvres, enfin il y a les civils qui meurent… Oui tu les vois même en arrière. Bien sûr, enfin des morts on en voit dans les guerres, malheureusement on en voit plein avec les famines.
les morts dans le monde entier, ça c'est un truc qu'on a du mal à voir dans nos sociétés à nous, ce sont des sociétés riches et protectrices, où on voit quasiment plus de morts, y compris dans la fête. Les animaux non plus même ? Oui, alors les animaux n'en parlons même pas, mais il y a une vraie différence. entre l'animal et l'homme sur le cadre.
Il y a une identification. Quand on voit un homme mourir, quel qu'il soit, même si c'est un ennemi, il y a une identification qui fait qu'on ne peut pas ne pas penser sa mort quand on voit la mort d'un autre. Et ça reste marqué plus que même la blessure, etc.
La blessure, la difficulté, etc. sont des traumatismes, comme tout traumatisme, après, sûrement consurmantable, même la mort, mais la mort, c'est quand même... enfin, donner la mort à un être humain est quelque chose, enfin en tout cas, moi dans mon expérience, c'est comme ça que je la vois, qui est éminemment, on se voit dans ce geste. Je ne pense pas qu'on puisse, enfin ce n'est pas la même chose, ce n'est pas du tout la même chose qu'un animal, et l'identification n'est pas la même.
Et ce n'est pas un geste neutre. Il ne peut pas l'être, à part chez les psychopathes. Et la mère... Les gens ne le sont pas, heureusement.
Tu n'en fais des poches pas ? Non, jamais. Alors moi, j'ai cette chance-là.
D'abord parce que moi, j'ai commencé à avoir des morts jeunes, avant même la guerre, parce que justement, j'ai vécu dans des pays où j'ai vu des épidémies, où j'ai vu des révoltes qui avaient été réprimées, etc. Donc ce n'est pas quelque chose... On a toujours eu un rapport assez rationnel à la mort dans ma famille.
Mes parents m'ont parlé de la guerre, etc. Donc j'ai peut-être... Peut-être cette chance-là.
En fait, le traumatisme se surmonte toujours. Et surtout, ce qui est difficile, c'est de se prendre la foudre au milieu du champ parce qu'on ne s'y attend pas. En fait, moi, j'ai toujours eu cette chance de savoir que ce risque existait et donc s'est intégré.
La littérature est importante. Quand vous lisez, par exemple, la détention ou la torture, voilà, vous allez... Primo Levi décrit parfaitement bien nos grands anciens qui avaient été chopés à diem bien.
qui viennent fous et qui ont fait la marge de la mort dans les cas de la mine aussi. Donc en fait, étonnamment, quand on lit, la littérature peut vous aider, fortement, parce que l'expérience se transmet aussi par le livre, à appréhender, et c'est pour ça que ce type de témoignages, à mon avis, ont un intérêt, c'est une des raisons pour lesquelles je pense qu'il faut les faire, c'est qu'on peut surmonter ces traumatismes. Si on les voit, si on les regarde en face, qu'on ose en parler, si on a des problèmes, on se fait aider, et sinon, ce sont des choses qui font... qui font malheureusement partie de la vie humaine. Ça fait quand même what's-milliard d'années que l'homme se fout des coups de silex sur la tronche, donc je ne pense pas que ça va s'arrêter demain.
Ça fait partie des… Il se trouve qu'en Occident et en Europe, on a cette chance d'avoir vécu une parenthèse de paix de 70 à 90 ans, Qui n'arrive jamais. Mais qui en fait, c'est exceptionnel. Aujourd'hui, on pense que c'est la règle, mais pas du tout.
C'est la règle en Europe pendant 70 ans. D'abord, un, c'est en train de changer, on le voit bien. Et deuxièmement, ce bien-être n'existait qu'en se masquant joyeusement les yeux sur ce qui se passait un peu plus loin. Et encore, quand je dis en Europe, quand on prend la Bosnie dans le Oui, l'Europe de l'Est un peu.
Voilà, l'affaire n'était pas gagnée. Donc en fait, c'est malheureusement des choses qu'il faut réapprendre à connaître et à comprendre et à regarder en face. Si vous ne regardez pas le danger en face, si vous ne regardez pas les risques en face, si vous ne regardez pas la violence, la douleur, le rapport de force… là c'est difficile à assumer. C'est vrai que dans… alors je ne vais pas faire le vieux réac parce que ce n'est pas du tout mon truc, mais aujourd'hui on est encore dans des débats, quand on a des débats sur la fessée, et il faut avoir des débats sur la fessée, je n'ai pas de sujet avec ça, je ne suis pas pour frapper les gosses… Je n'ai pas de débat sur la fessée.
Non mais que ce soit, non mais généreux. Mais on a quand même un peu de difficulté à comprendre le degré de violence, de la torture, les massacres, les crimes collectifs, l'usage de la violence comme un outil… pour imposer sa volonté de manière massive. Après, c'est des questions qu'on se pose, là.
On a aussi la paix parce qu'on a la diffusion nucléaire. Et c'est une excellente chose, parce que ça nous a garanti cette paix. C'est depuis qu'il y a la bombe atomique qu'il y a eu la paix. Oui, mais là aussi, il y a une espèce de chose qu'on se refuse de voir, c'est que la paix par la dissuasion, c'est la menace crédible de massacrer plusieurs centaines ou plusieurs millions d'adversaires potentiels.
En un bouton. Voilà, et ça, personne ne se pose la question. C'est l'ultime violence, la bombe atomique aujourd'hui. En fait, c'est l'util-violence qu'on n'utilise pas parce qu'elle est tellement justement impensable que… Mais néanmoins, elle se base sur la crédibilité d'un recours à la violence. Donc, ce n'est pas totalement neutre.
Donc, il faut avoir… Et encore une fois, ce n'est pas du tout une remise en cause. Je pense que c'est malheureusement une nécessité. Mais il faut être conscient du monde dans lequel on vit et il faut être conscient de ce que veut dire vouloir défendre et ce que ça implique en termes de choix, d'organisation. d'entraînement, de structuration que défendre notre société et nos valeurs parce que justement, elles valent le coup. d'être défendu.
Mais ça a un prix. Il faut le connaître, et ne pas le connaître, c'est dangereux. C'est quoi pour... Si tu peux donner une vraie anecdote, en donnant un peu de détails sans trop, pour pas être trop choquant, mais quelle est une des images qui t'a le plus marqué ? On essaye de toujours se mettre à la place de l'invité.
Alors malheureusement j'en ai quand même pas mal... Je parle de la mort là. Oui bien sûr, d'une situation réelle.
Il y en a plusieurs, mais il y en a une que... Je raconte à mes proches. Je fais peu en fait.
Je sais, je te remercie encore. Non mais quand on part, ça ne sert à rien d'inquiéter les gens qu'on aime. Donc en fait, moi je fais mon métier et souvent je ne les embête pas avec ce que je vois sur place. On raconte ce qu'on raconte dans les articles et pas ce qui s'y passe pour de vrai parce qu'il viendrait encore plus dingo. Et les gens que tu aimes, tu les protèges.
Et vouloir... Et donc c'est le même débat d'ailleurs sur qu'est-ce qu'on montre et qu'est-ce qu'on montre pas. D'un certain point de vue, on peut protéger nos compatriotes de l'exposition à des choses qui sont quand même très dures, très désagréables et dangereuses.
Mais il y a un moment, je pense qu'il faut quand même leur dire un peu et leur montrer un peu parce que sinon, ils croient qu'on est dans un monde de bisounours et que tout le monde nous aime. Ce qui n'est pas totalement le cas. Je vais prendre cet exemple bête.
C'était à Sarajevo, pas très loin de la route de l'aéroport, sur un des quartiers qui était à l'ouest de la ville. Et j'accompagnais des casques bleus d'un régiment français qui allait porter... de la nourriture à un asile psychiatrique.
Et donc, des gens qui étaient un peu à l'abandon sur la ligne de front, et qui étaient sous le feu. L'hôpital psychiatrique avec les vrais patients. Avec les patients.
des militaires quoi. Non, non. Mais qui était, c'était un peu étrange parce que cet hôpital psychiatrique était un peu sur la ligne de front et donc très difficile d'accès.
Donc il y avait les patients qui étaient là, un peu errants. On part avec une section, je crois que c'était le deuxième rep de légionnaires français. Et je discutais avec, on fait la distribution d'aides humanitaires. Je discutais avec le lieutenant, on était derrière un véhicule de l'avant-blindé, donc un espèce de véhicule blindé. Un vabre ?
Oui, ça s'appelle un vabre. Une photo. Voilà, et on discutait là, tranquillou.
Et puis, il y avait un vieil homme qui coupait du bois à l'abri d'un mur à côté de nous, mais lui était à l'abri du mur, il coupait son bois, et il y avait sa brouette entre le mur et nous, sur lequel il mettait ses bûches. Et là, à un moment, il prend les bûches qu'il a coupées pour les mettre dans sa brouette. Nous, on était à côté de la brouette.
Et un sniper serbe lui a tiré une balle entre les deux yeux, devant nous. Pour montrer que nous, il y avait une demi-heure pour discuter là. Il aurait pu nous tuer. Il ne l'a pas fait.
Mais il a voulu tuer cet homme qui n'y était pour rien, pour nous montrer qu'il était capable de le faire. Et avec la balle qui rentre, le trou, le sang, etc. Ce vieil homme est mort pour nous faire la démonstration de notre vulnérabilité. C'est ça la guerre.
C'est un crime de guerre par ailleurs. Mais c'est ça. Donc si vous vouliez un exemple, je vous le donne.
Oui bien sûr. Tu nous as dit quand on s'était vu avant, tu m'as dit un truc. tu m'as dit tout le monde peut être un tueur. C'est-à-dire que tout le monde peut faire la guerre. Ça m'a marqué, je sais que je t'en parlerai dans l'émission.
Tu en as parlé rapidement tout à l'heure, mais tu disais que tu as vu des gens totalement classiques, pas que des militaires, sur la guerre. Oui, il y a plusieurs choses en fait, il y a plusieurs mécanismes. Il y a ceux qui utilisent la peur, il y a les manipulateurs qui font monter les peurs pour t'amener à te battre. La peur est une motivation assez profonde. Si tu as peur que l'autre t'attaque, tu vas avoir tendance à vouloir faire une frappe préventive pour le faire.
Donc ça, ça peut être un fort levier. De la même manière que souvent aussi, tu peux te battre pour défendre les tiens. parce que tu as peur qu'il soit attaqué, donc ça peut être légitime ou illégitime, mais dans les deux cas, la peur peut être un énorme levier qui te permet d'utiliser la violence. Souvent, au combat aussi, tu vas te rendre compte, certes, il y a du patriotisme, il y a l'amour d'eux, etc.
Souvent aussi, il y a la solidarité de ton camarade. Tu te bats d'abord parce que tu veux te sauver toi-même, parce que le mec en face te tire dessus, donc tu tires dessus, parce que c'est lui ou toi, parce que tu défends le camarade qui est à côté de toi, donc... parce que tu sais qu'il va te défendre. Ça, c'est aussi un mécanisme assez fort.
Après, tu as le fait de ne pas avoir le choix. Les Ukrainiens, quand ils ont été envahis en février 2022, il a fallu qu'ils se lèvent pour défendre leur pays. Ou alors ça veut dire qu'on accepte que n'importe quelle personne, n'importe quel système totalitaire décide de venir t'imposer.
sa façon de penser, sa façon de vivre et que toi parce que tu as peur pour ton confort tu vas pas défendre tes valeurs et tes principes mais ça n'a pas de sens ça veut dire qu'on est tous des moutons et que n'importe quel loup peut venir le bouffer. T'as pas l'impression que c'est ça en ce moment ? On a des patous, ça s'appelle les armées, qui sont là pour protéger les moutons. Et les preuves, entre guillemets, je ne dis pas que les gens sont des moutons. Non, non, mais dans le sens où chacun, et c'est très naturel et normal, aujourd'hui, va avoir peur de plein de choses, mais ne va pas le dire, ne va pas le montrer, ne va pas le… Alors, faire attention.
Il y a des manifestations de temps en temps en France ? C'est encore autre chose, après c'est normal, il y a du débat démocratique, après ça prend des formes, ce qu'on veut, etc. Et pareil, sur la question des moutons et des loups, c'est une image, il ne faut pas non plus réduire les gens à… à ce genre de choses, sinon les gens seront plus complexes que ça.
Néanmoins, pour rester dans cette espèce de parabole un peu caricaturale, aujourd'hui on a une armée professionnelle qui protège nos sociétés des agressions extérieures et qui peut parfois aller le protéger au plus loin pour éviter justement que ça revienne à vue avec les attentats, etc. Les attentats de Paris. fait par les gens de Daech. C'est une importation d'un conflit ? En fait, ils ont été rendus possibles par le fait qu'ils aient une base arrière et qu'ils ont pu préparer cette attaque, c'est ce qu'on appelle la violence projetée, la menace projetée.
Et donc le fait d'aller détruire cette base arrière a permis de protéger le territoire national des attaques combinées, organisées, complexes qu'il y avait à cette époque-là. Aujourd'hui, on a de temps en temps des attentats, mais beaucoup plus... fait par des individus, certes ils sont organisés, je ne crois pas à la question, il n'y a pas de blues solitaire, il fallait qu'ils soient recrutés, etc.
Mais on n'a pas d'attaque complexe aujourd'hui parce que justement les bases arrière ont été frappées. Mais ce modèle-là n'existe pas quand c'est l'ensemble de la société qui est en guerre. Il faut bien qu'à ce moment-là les armées soient renforcées par leur population parce qu'on voit aujourd'hui par exemple la question de la masse est importante.
La masse ne suffisant pas, il faut quand même bien prévoir en amont le fait de pouvoir équiper sa population le jour où elle serait nécessairement appelée à protéger son pays, c'est aussi ça. La différence entre une société et une nation, c'est que dans une société on vit… une nation c'est aussi qu'on fait corps quand notre société et son mode de fonctionnement est attaqué. C'est bien passé de l'un à l'autre. La société… on peut s'acheter des baskets de marque. La nation, c'est, on défend le pourquoi on vit ensemble.
Donc ça veut dire qu'il faut faire des choix. Alors c'est vrai que dans les... Comme je suis un vieux con, on était dans une période où il y avait le service national, qui faisait que les garçons, pour une grande partie de l'ordre, apprenaient un certain nombre de choses. Aujourd'hui, s'ils devaient repasser à une mobilisation, là, il y a un petit peu... Le petit problème, c'est qu'il va y avoir une période compliquée qui met le passage de l'adaptation du rien du tout au combat.
Effectivement, il y aura peu de sasses de décompression. Donc, il y a bien la réserve, etc. Donc, en fait, c'est pour ça qu'on est toujours obligé. Je ne dis pas un vat en guerre, je ne dis pas attention, il faut que vous vous disiez tout le monde, il est différent de faire des pompes, aller tous tirer le week-end, etc.
Mais il est toujours délicat de ne pas se poser les questions en amont. Parce que sinon, il y a toujours un petit problème d'adaptation. et le problème d'adaptation ça se paye avec du sang. C'est ce qu'ont appris tous les pays qui sont entrés en guerre alors qu'ils ne le voulaient pas, c'est qu'il y a un moment, si on ne s'est pas préparé, on paye plus cher le fait de se défendre parce qu'on ne sait pas le faire et qu'on n'a pas les moyens de le faire.
Est-ce qu'on a perdu un patriotisme aujourd'hui ? Je ne sais pas si on l'a perdu ou pas, mais le fait est qu'il y a toujours au départ, dans une situation difficile pour le pays, une petite partie de la jeunesse et de la moins jeunesse qui réagit et qui entraînera le rêve. C'est exactement ce qu'on a vu en 1939, où les premiers résistants ne sont pas très nombreux finalement, parce que justement il y a eu le poids du massacre de 14-18 qui pesait encore très lourd, mais il y a des jeunes et des moins jeunes qui se sont levés et qui ont refusé.
Alors il y a, si on regarde le musée de l'ordre national de la libération, il y a beaucoup de témoignages de cette ordre. de cette nature qui... que, ben voilà, ce sont les petits ruisseaux qui font les grands fleuves.
Mais encore une fois, c'est toujours important de se poser la question avant. Il ne faut pas être paranoïaque, il faut vivre sereinement. Il ne faut pas commencer à regarder sous son lit tous les soirs. La question ne se pose pas dans ces termes-là. Mais être conscient que, en fait, la liberté a un coût, que la démocratie est un acquis que nous avons.
obtenu d'un long combat de nos ancêtres et que nous devons transmettre à nos futures générations et que rien n'est jamais acquis, que ça se défend en fait. On a tendance à vivre dans des sociétés où on pense... que tout tombe du ciel.
Moi j'ai connu les fermes de nos grands-parents où on avait de l'eau dans le puits, il n'y avait pas les téléphones et voilà donc et tout ça a été construit. Nos sociétés aujourd'hui, le droit de s'exprimer, l'état de droit etc. Alors il y a des imperfections, tout ça est terriblement perspectif, tout ce que vous voulez.
Néanmoins cette base, ce socle qui fait que... que nous sommes une nation. Et pas n'importe laquelle, d'après moi, parce qu'il y a quand même pas mal de gens qui veulent venir vivre chez nous. Mais ça a aussi, enfin, tout ce qui...
Il faut vraiment toujours avoir conscience... Ça a un prix. Ça a un prix, c'est-à-dire que, en fait, tout droit implique des devoirs. C'est comme les choix.
Un choix, c'est l'exclusion de quelque chose. Si on choisit ça, on ne va pas là. Et toute notre vie, en fait, on fait des choix. Et le choix est exclusif. Et de la même manière que tout droit...
et Dieu sait s'il faut des droits, impliquent des devoirs, des responsabilités. La solidarité, c'est ça. Ça veut dire qu'on aide ceux qui vont pas bien dans leur phase où c'est pas bien, mais ça devient pas n'importe quoi.
C'est-à-dire que les gens remettent au point. derrière, on n'en abuse pas. Tout ça, enfin voilà, je vous dis... Non mais c'est d'une banalité absolue ce que je dis là. Oui et non, parce que c'est bien de le dire.
De toute manière, l'air de rien, quand c'est pas quoi, quand c'est pas ce qu'il faut faire, revenir aux fondamentaux, à ce que disait la grand-mère, à ce que disait le grand-père, c'est pas plus con. Je vais te dire un truc tout bête. Ce matin, j'ai pris une douche.
Il y a une baisse de pression dans l'eau. Ça ne m'arrive jamais. Où j'habite, etc. Sur Paris, l'Île-de-France, il y a eu un peu...
J'avais quasiment plus de... d'eau et là je me suis dit mais attends c'est vrai que c'est incroyable en fait on a de l'eau autant qu'on veut juste en levant un bouton sur toute l'île de france on peut prendre notre douche en même temps avec la même pression c'est fou quand même non mais on a oublié les systèmes qu'il faut pour envoyer l'eau à chaque robinet etc à la même pression c'est incroyable rien que ça on a un problème de zapping aujourd'hui les choses vont très vite on a l'impression que c'est naturel mais en plus il y a aussi un petit problème de virtualité il faut quand même parfois revenir à la matière la matière c'est dur pour casser un caillou faut lui donner des gros coups de marteau tout Grosso modo, c'est pas juste cailloux, s'il te plaît. Comme les tunnels dans la montagne, ça s'est pas fait tout seul. Exactement, c'est très con, mais il faut jamais oublier ce genre de trucs de base.
Chaque maître, ça a été des petites rencontres, c'est vrai. Moi, je suis un peu particulier. On va filer en café du commerce, mais enfin, quand même. Non, mais c'est le principe de l'émission, on discute. Juste avant de parler à Gaza de ta blessure, et après, quand tu as été pris en otage, c'est toi qui as fait le slogan Touche pas, mon pote Oui.
C'est toi qui l'as inventé ? Exact. Qui n'a rien à voir avec l'émission de télé, c'est Touche pas à mon pote et ça a été créé en 1900 combien ?
1984. 1984. T'étais à SOS Racisme à l'époque ? Ouais, on a créé SOS Racisme à ce moment-là. C'est ça ? Oui. C'est important de comprendre aussi chaque détail.
Ça t'a fait quoi que ce slogan soit repris partout à l'époque ? Bah à la fois j'étais content, enfin bien sûr que j'étais content, mais surtout ça voulait dire une chose. D'abord, j'ai toujours pensé que la... la proportion de cons est malheureusement la même partout et que c'est ça qui nous fout la vie en l'air.
C'est-à-dire que, grosso modo, mais ils font partie de la vie. Donc... Non mais c'est idiot.
Alors après, moi honnêtement, je me fous de savoir quelle est l'origine du con qui nous emmerde ou du gars qui pourrit la vie de ses voisins et de sa société. C'est inacceptable. Quelle que soit son origine.
Mais en revanche, Encore une fois, une société se fait par l'adhésion à quelque chose. La force de la société française a toujours été ça. Depuis Clovis, on a toujours eu le droit du sol.
On n'a pas le droit du sang. On n'est pas un peuple issu du sang en France. On est un peuple qui fait corps parce qu'il défend une histoire.
des valeurs et un objectif que C'est compliqué à comprendre, c'est compliqué à saisir, mais c'est parfois peu palpable. Quand on travaille, quand on discute à l'étranger, c'est la République, la laïcité, c'est la promesse de tout faire pour la fraternité et l'égalité. Ça ne veut pas dire qu'on y arrive, mais c'est cette promesse d'avoir, d'adhérer. à un projet commun, voilà, et d'en débattre sur ces bases-là, et donc de respecter les autres, et de faire corps à ce projet.
Donc voilà, j'étais... ces valeurs-là, de ce point de vue-là, je n'ai jamais bougé d'un iota là-dessus. Mais parce que, encore une fois, moi j'ai été élevé à l'étranger, minoritaire.
J'ai été élevé dans des pays étrangers où j'étais un des rares. C'était toi l'étranger ? C'était moi l'étranger.
Et pourtant, j'ai toujours été profondément français, toujours été porteur de ma culture, que j'adore et que je défendrai jusqu'au bout. Ça ne veut pas dire que je la trouve supérieure aux autres, mais c'est la mienne. Elle me va très bien.
Et je pense que, voilà, et que peut-être justement, le fait d'avoir été... à élever à l'étranger fait que on a un rapport plus charnel et plus fort avec son origine. Parfois, des camarades, des amis qui ont toujours été élevés en France, c'est plus distant pour eux parce qu'ils n'ont peut-être pas cette petite nostalgie de ce pays qu'on a quand on l'aime et qu'on n'y vit pas.
Et comme moi, j'ai toujours vécu à l'étranger. Alors une fois, je suis parfaitement capable, j'adore les autres cultures, je suis très adaptable, il n'y a pas de problème, mais je reste fondamentalement attaché à la mienne. Le 11 septembre 2001, il y a l'attentat à New York, on ne va pas le refaire, le World Trade Center, celui du Pentagone en même temps, etc.
Le monde entier voit les images, découvre un peu tout ça, en fait, pour beaucoup de gens, c'est vraiment la mise à niveau d'un coup, on se dit waouh en fait c'est réel, c'est palpable. visibles, etc. Est-ce que toi ça te change quelque chose dans tes reportages ? Est-ce qu'il y a une bascule aussi ?
Alors, il se trouve que j'ai travaillé sur les mouvements islamistes radicaux et djihadistes transnationaux depuis longtemps. Il se trouve qu'en France, on n'a pas attendu le 11 septembre 2001 pour connaître la dangerosité des attaques des islamistes sur le sol national ou pas que sur le sol national. On a Mary-Niane 96 avec la menace du Gélias qui voulait quand même... quand même a craché son avion sur la tour de Lamparnasse et que ça n'a été bloqué que par l'intervention du GIGN à Marseille et grâce au renseignement en amont qui avait permis justement de comprendre quelles étaient leurs intentions.
Donc avant de devenir journaliste, c'est marrant, dans mon institut de recherche déjà en 1983, c'est-à-dire si ce n'est pas 19, un des sujets de recherche. qu'avait la Fondation pour les études à défense nationale étaient des fondements théoriques du terrorisme proche-oriental. Là aussi, il y avait quand même, parce qu'on a une proximité géographique avec des pays qui ont été taraudés, pénétrés par l'islamisme radical depuis les années 1920, la création des frères musulmans, Banna en Égypte.
que Seidkot et toutes ses théories sur le takfir, etc. On est depuis longtemps confrontés, géographiquement, à cette idéologie extrêmement radicale et extrêmement mortifère. donc l'assassinat de Sadat 1979, etc.
Donc en fait on n'a pas eu de surprise nous en 2001, la surprise a été de voir la capacité qu'avait cette organisation Al-Qaïda qui pourtant à l'origine on l'a vu se construire à partir du Maghreb el-Kadimat. le fameux bureau des services d'Abdallah Azam, qui était basé à Peshawar. J'y suis allé à plusieurs reprises, parce qu'à l'époque du djihad afghan, je passais très fréquemment à Peshawar, je connais très bien le fils d'Abdallah Azam.
On savait que cette mouvance existait, on n'avait pas pris la mesure de leur capacité, pourtant c'était dans la théorie de Zawahiri, à ce qu'ils appelaient frapper la tête du serpent, le serpent étant les Etats-Unis qui étaient le chef. de la coalition occidentale qui aidait les régimes qu'ils voulaient abattre. Et donc cette capacité à projeter de la puissance de manière aussi spectaculaire, malgré les attentats de Tanzanie et du Kenya sur les ambassades américaines en 1998, etc. On ne l'avait pas vu venir.
C'est ça qui a été la vraie surprise. La vraie surprise a été le mode d'action, pas la dangerosité de l'organisation, qui était un danger pour l'Occident, mais aussi pour l'époque. Les populations arabes et musulmanes qui sont les premières victimes, parce que nous, comme d'habitude, encore une fois, il faut toujours faire attention aux relativistes. Bien sûr que c'est un danger, il faut se défendre, il n'y a pas de discussion là-dessus. Néanmoins, n'oublions jamais que si nos sociétés sont frappées, et si c'est ce qui est intéressant, les sociétés arabo-musulmanes ont payé en termes de morts et de blessés un prix beaucoup plus élevé.
Prenez l'Irak, prenez l'Algérie, prenez la Tunisie, enfin tous les pays du monde arabo-musulman jusqu'à l'Indonésie ont payé des... des prix encore plus lourds en termes d'or que nous. C'est-à-dire que les djihadistes ont tué plus de musulmans ou d'arabes qu'ils n'auront jamais tué à ce stade d'occidentaux. Tu vas partir en Afghanistan en 2001, en Irak 2003-2005, tu parles quelle langue là-bas ?
Tu parles français, anglais ? Alors… Tu apprends l'arabe ou pas ? Alors je comprends, mais l'arabe je ne parle pas très bien, je ne parle franchement pas, je parle un peu le russe, c'est ce que je me débrouille, sinon l'anglais… Oui, ça marche très bien, mais le sujet, ce n'est pas trop quelle langue on parle, parce que quand on travaille comme reporter, c'est un truc qu'il faut bien comprendre.
On a toujours avec nous ce qu'on appelle un fixeur. Un fixeur, c'est quelqu'un qu'on a choisi, parce que c'est notre clé d'entrée dans la société ou le milieu sur lequel on veut travailler. C'est quelqu'un qui parle la langue, évidemment, et parle aussi la nôtre. C'est forcément un local. C'est forcément quelqu'un de local.
Et c'est forcément quelqu'un qui connaît les deux cultures et donc qui a les deux langues. C'est d'ailleurs, on dit souvent à l'interprète, c'est bien plus que ça. Il faut lui faire confiance. Oui, en fait, c'est toujours la même chose.
Nous, on a besoin d'avoir accès à certaines parties, mais y compris les gens d'Al-Qaïda. Moi, j'ai interviewé des gens d'Al-Qaïda. Il a bien fallu que j'y ai accès. Donc, il faut quelqu'un qui les connaisse et qui me connaisse.
D'accord ? Sinon, ça ne fonctionne pas. Donc cette personne-là connaît les deux mondes, par nature.
Ouais, bien sûr. Donc confiance ou pas confiance, la question se pose pas, faut bien y aller. Voilà.
C'est comme ça que ça marche. Faut pas avoir peur quand même. Bah de toute manière sinon encore une fois...
Tu fais pas ce métier. Faut aller faire autre chose. en 2006 tu as 45 ans à l'époque et c'est là que tu étais blessé grèvement à gaza tu es où exactement et qu'est ce qui Est-ce que tu y fais ? Est-ce que tu peux resituer ? Oui, alors c'est 2006, il faut comprendre, le Hamas, le mouvement islamiste palestinien, vient de remporter les élections dans la bande de Gaza, et donc l'autorité palestinienne qui dirigeait jusqu'à présent la bande de Gaza, décide de… il y a un conflit qui oppose le groupe islamiste et l'autorité palestinienne.
Donc des tirs s'affrontent avec… dans toute la bande de Gaza, et donc je vais faire… c'était un week-end, je pars en reportage là-bas, je suis dans le centre de Gaza avec une petite équipe d'autres journalistes, et on est sur une position qui est tenue par la guerre présidentielle de Marmoud Abbas, donc de l'autorité palestinienne, et qui est plutôt un endroit assez sûr, et puis manque de bol, il y a une contre-attaque du Hamas qui déboule de l'université. islamiste qui était un peu plus haut et qui met en place une mitrailleuse qui se met en tir fichant dessus donc on peut plus rester là où on est il faut bouger comme j'ai un peu plus d'expérience que ceux d'avant je passe devant pour essayer de voir si ça et puis là je me fais shooter au moment où je pars et je me donc je prends une balle dans la cuisse qui me fait une fracture ouverte du instantanément abîmé encore une fois pour le coup il n'y a que dans les films on se cavale comme des lapins après avoir pris 4 balles une cartouche de Kalachnikov une 7.62 la cartouche est comme ça et la balle est à peu près comme ça elle rentre ici et elle sort là donc là en fait si vous voyez j'ai un trou encore comme ça à l'intérieur de la jambe ça fait éclater 15 cm d'os et honnêtement le fémur c'est le plus gros J'ai une jambe qui part à 45 degrés, j'ai jamais été aussi souple dans ce sens-là, avec une fracture ouverte. Et en fait, quand on se prend la balle, je me retrouve le cul par terre, vraiment, sans comprendre comment je suis arrivé là.
On a l'impression d'avoir été balayé par un camion. En fait, on est projeté vraiment par terre. Et là, quand on est par terre...
Il y a une douleur instantanée ? Sur le coup, d'abord, on est un peu... on est un peu choqué surtout que Ça continue de tirer dans tous les sens. C'est ce que j'allais dire, t'en prends pas d'autres ?
T'arrives à te cacher ? Bah non, j'arrive à rien du tout. Là vous êtes par terre, vous êtes en vrac.
C'est-à-dire, grosso modo, j'ai une jambe... Donc là, en fait... Là-dessus je te dis, j'ai une viande, tellement... Ouais, j'ai une viande ! En fait...
j'ai la jambe complètement nette de côté. Là, la première chose que je fais, c'est que j'essaie de remuer les doigts de pied pour voir si ça passe encore. Je sens que je remue les doigts de pied.
La deuxième chose que je regarde, c'est que je vois qu'on n'est pas très loin de l'artère. Fémorale. Donc, si tu t'ouvres, là, c'est...
Alors qu'il y a l'os qui est quand même un peu dans tous ses états. Donc là, il n'y a pas de 50 000 solutions. Il faut tout de suite remettre la jambe dans... d'aplomb parce que sinon il y a quand même un risque que ça parte vite en sucette. Je profite justement de ce moment où on a encore monté, on a des réalignes très très très fort pour effectivement ramener, en fait faire la réduction de fracture en ramenant...
Tu le fais tout seul ? Oui, il n'y a personne d'autre pour le faire. Les autres qui te suivent ?
Ils ne savent pas le faire. Il n'y a pas des militaires, des médecins ? Non, il n'y a pas de militaires, il n'y a pas de médecins. Moi je suis tout seul sur une zone. Il y a mon chauffeur et mon interprète, enfin mon fixeur, qui sont là mais eux qui ne savent pas faire.
Il y a un copain qui est photographe. Noël Kiddu qui prend des photos parce que lui aussi ne peut pas faire sous le feu. Il prend des photos au lieu de télé ? Oui, il fait son boulot en même temps, c'est normal.
Et qui est un super photographe qu'on se connaît depuis, on a fait la Tchétchénie ensemble, enfin l'été. Donc il te prend en photo avec la jambe de travers ? Ah bah oui, ça il y a toutes les photos, il les a même mises sur un CD, c'est marrant maintenant.
Donc je ramène ma jambe, là on douille, on gueule bien, après je me fais une attelle des deux jambes, j'attèl... la jambe blessée sur la jambe valide, et après je... je me fais mon point de compression pour pouvoir être dégagé. Vous avez appris à faire ça ? Oui, en fait depuis la Bosnie en 92, on a eu quand même beaucoup de blessés et de morts.
On a décidé, plusieurs journalistes, on a une association qui s'appelait l'Association des journalistes de défense, on a été voir les militaires pour voir avec eux s'ils pouvaient nous aider à monter un stage de formation, justement sur les premiers secours au combat, sur les effets des armes, sur les déplacements sous le feu. Et donc ils nous l'ont fait, on fait ce stage. au Centre National d'Entraînement Commando à Collioure, deux fois par an.
Qui permet justement d'apprendre et de renouveler ces gestes de premier secours ensuite. Et ça c'est vraiment important. Que ça soit frais toujours et continuer de les pratiquer. C'est pas au moment où on se prend le choc, qu'on est en vrac, et qu'on va réinventer les gestes simples.
Donc ça c'est du drill, c'est plus on va répéter, et plus c'est automatique, on a dans la tête, on a la fiche, on sait ce qu'il faut faire, et ça doit être un acte réflexe. Tu te fais un garrot tout seul ? Alors là j'avais pas mon garrot sur moi à l'époque, on n'avait pas encore les tourniquets. Maintenant on aurait passé un tourniquet.
Tourniquet c'est une sorte de lanière qui tourne et ça serre très très fort et ensuite on le bloque. Après on met l'heure, on met l'endroit, la flèche pour montrer, on met l'heure à laquelle on se l'habille. Ah oui ? Ah bah oui parce qu'il faut quand même que quand on va le desserrer et ouvrir, il faut que le tout bibe.
Parce qu'en fait ce qu'on apprend à faire en premier secours sous le feu, c'est en fait on se conditionne et on met à l'abri et on conditionne. Oui, marque-leur où ? Sur le front en général.
Ah c'est vrai ? Oui, c'est ce qu'on appelle la nine lines. Ce qui fait que quand après on passe dans… Et même si on tombe dans les paumes… Ah oui, comme ça le docteur sait.
Le docteur il sait ce qui se passe. Il sait, il a tous les trucs… Il va falloir la présence d'esprit dans la même… C'est pour ça qu'on ne va pas l'inventer sous le feu, où on a déjà autre chose à foutre. Donc ça, ça doit être automatique.
Donc ça c'est de la répétition. C'est con mais c'est comme… Enfin c'est la même chose que l'entreprise. Si vous apprenez à faire… Le défibrillateur, ça doit être automatique. Comment tu t'en sors de la cuisse ? Tu colles les deux jambes ?
Pour éviter que ça se balade, il faut bien s'appuyer sur quelque chose. Tu t'appuies sur la jambe droite ? Comme je suis touché à la jambe gauche, j'accroche avec un foulard ma jambe gauche à ma jambe droite pour qu'elle soit solidaire et que ça ne bouge pas trop dans tous les sens. C'est bête comme chou.
Comment tu sors de là ? C'est mon fixeur et mon chauffeur qui arrivent à me tirer. à l'abri.
Là, on m'amène à l'hôpital Shifa de Gaza, dont on a beaucoup parlé ces derniers temps. Bon, ils mettent vaguement un bandeau parce qu'ils n'ont pas grand-chose. Pendant ce temps, ça négocie pas mal entre Paris et Tel Aviv pour sortir, puisque Gaza était fermé, le checkpoint d'Erez, par où passe, qui est le seul endroit par où on peut rentrer et sortir, comme il y avait des combats. Les Israéliens avaient fermé, donc il fallait obtenir...
négocier une sortie, ce qui est fait. Mais ça prend un peu de temps, ça prend 8 heures. Et là, à ce moment-là, je suis amené sur l'hôpital de Barzilay à Hkelon, où j'ai deux premières opérations, dont la première qui dure 8 heures pour essayer de sauver la jambe.
Ce qu'ils arrivent à faire. En mettant un clou sans trop méduler, une barre en titane à l'intérieur de la jambe. Parce que tu pouvais peut-être perdre ta jambe à ce niveau-là. Oui. Et donc après, il me stabilise pendant 15 jours.
Là, je suis rapatrié sur Paris dans un avion d'Air France. Tu rentres avec un vol ? Ils mettent mon brancard à l'arrière sur trois sièges.
Sur le dessus des trois sièges. Sous les coffres à bagages. Tu as mal ?
C'est intéressant parce que tu sais que t'avais pas mal. T'as mal à partir de combien de temps ? Ça va vite. Ça va super vite. Et j'ai eu ma première injection de morphine 8 heures après.
Dans 8 heures, t'as rien eu ? Non, j'ai rien eu. J'avais perdu 3 kilos de sang. Là, je commençais à être pas bien du tout.
Fatigué. Oui, même plus fatigué. Tu t'endormais. Ça commençait à être chaud patate.
Tu perds 3 litres de sang ? Non, 3 kilos. C'est 3 poches.
Ça doit être 1,5 litres. 1,5 litres ? Oui. Donc ce qui est déjà pas mal.
C'est déjà beaucoup, c'est une bouteille. Donc je commençais à ne pas être très frais. Et pendant 8 heures, tu souffres ? Ah oui, tu douilles comme une... Il n'y a pas le moment où la douleur s'en va, où le cerveau arrive à éponger ?
Éplonger une douleur comme ça, non. Tu prends tout plein de gueule. Tu arrives à Paris, du coup ? Après, il m'évacue sur l'hôpital, au bout de 15 jours, il m'évacue sur l'hôpital militaire de Percy. À Clamart ?
où là j'ai deux nouvelles opérations et surtout ils me mettent en rééducation parce qu'il faut que je réapprenne à nager et à marcher ah là là, combien de temps ? alors en tout 6 mois donc 4 mois et demi plein temps, 7 heures par jour waouh, tu récupères là tu marches complètement oui alors au début ils me disaient si tu reprends 20 degrés tu pourras faire les escaliers ah là là, sur ta cuisse t'as toujours une main il y a un énorme Mais bon, il faut bourriner et ça fait mal, c'est dur, mais c'est comme ça qu'on récupère. Encore une fois, moi mon objectif c'était de repartir en reportage. Donc dès le premier jour, je me suis dit, en avant.
Et donc voilà, il n'y a que ça en fait. Tu étais avec ta femme encore à l'époque ? Oui, toujours. Tu es la même ? Je ne sais pas.
Depuis 1978, c'est la même. Bravo. Ce n'est pas tout neuf.
Quand tu arrives avec ta jambe pendant six mois en maille, elle ne te dit pas d'arrêter à ce moment-là ? Vous n'avez pas eu une discussion ? Non.
Il n'y a pas un moment où ça s'explique ? Le pire. En fait, quand je suis blessé, on devait partir en vacances ensemble, c'était juste avant Noël.
Et donc je l'ai au téléphone pour lui dire, parce qu'on a essayé de la joindre, pour lui dire que j'avais été blessé. La pauvre, le nombre de coups de fiche qu'elle a pris à chaque fois, elle est solide, heureusement. Ouais, il faut être solide. Mais c'est un rock. Moi, à côté, je suis du marshmallow.
Est-ce que quelqu'un l'appelle ? Il faut bien la prévenir, quand même. Vous pouvez dire, il s'est pris de la joie dans la jambe, maintenant ? Mais quel enfer !
Elle est quand même venue me rejoindre. l'hôpital en Israël et après elle m'a raccompagné gentiment. Elle était avec toi dans l'avion ? Oui, c'était cool.
Elle ne te demande pas d'arrêter du coup tu dis ? Non, en même temps non. Je pense qu'elle me respecte, elle respecte mon métier comme je la respecte et je respecte le sien. Je l'aime pour ce qu'elle est, je ne voudrais pas qu'elle change.
Elle fait quoi son métier ? Je ne pense pas que… Rien à voir avec toi ? Rien à voir avec moi. D'accord, ok.
Elle comprend que tu dois avoir, que c'est ta vie finalement. C'est ma vie, voilà, exactement. Oui. Non mais t'es d'accord que c'est...
C'est un couple ! C'est rare ! C'est la même chose que le reste !
Parce que tu repars directement ? 6 mois après ? Oui, je repars en Afghanistan. C'est fou !
Là, tu arrêtes Libération ? Oui, alors il se trouve que juste avant de me faire blesser, je quittais Libération pour rejoindre Europe 1. Et Europe 1 a eu la gentillesse d'attendre, de me garder mon poste tant que choix, donc ils m'ont pas... vu arriver avant six mois.
Ah oui, il t'embauche blessé. Ah bah oui ! Et en plus, en France, évidemment, je suis accidenté du travail, ça s'appelle. Et donc, pendant un accident du travail, tu peux pas être licencié, donc je peux pas partir. Il fallait que j'attende, donc je reste salibé.
Mais on a quand même de la chance avec un système, voilà, pareil. Protecteur. Mais énormément. Moi, tout ça, en fait, c'est la sécu qui prend en charge.
Quand tu prends une... Eh oui, alors, j'aurais été aux États-Unis et tout, c'était une assurance privée. Voilà, on est quand même, on se rend compte que...
pas compte c'est vrai et c'est voilà et je récupère toute ma gambette et toutes mes capacités de travailler il peut courir dans les chambres et ça ne coûte pas un fifrelin à la sortie donc non enfin je veux dire voilà enfin moi je veux bien qu'on gueule tout le temps mais il y a un moment faut aussi se dire attention voilà ce qu'on a oui donc ça te coûte absolument rien ta cuisse tous les six mois dans l'éducation sont en charge t'arrives à Europe 1 six mois plus tard et tu dis tu es renvoyé directement c'est toi qui décide de repartir il te demande évidemment évidemment, comme toujours. pour ça donc je vais pas leur dire... Non mais tu pourrais rester à Paris ou faire...
Ils ont embauché un grand reporter de guerre, les mecs je veux bien rester à Paris mais là ils ont commencé à quiller quand même c'est pas... il y aura peut-être un peu... enfin c'est quand même pas très logique Là tu pars où ?
Mali, Irak j'avais noté Syrie après Afghanistan au départ et c'est en Syrie donc c'est là que tu te fais enlever le 6 juin 2013 donc voilà tu pars en Turquie le 4 juin donc c'est deux jours après Là tu pars pour quoi en Syrie ? Qu'est-ce que tu vas vouloir montrer ? En fait, c'est le juin 2013, il faut se rappeler, c'est le moment où Bachar el-Assad, son régime, utilise des gaz chimiques contre sa population. Donc c'est un sujet quand même extrêmement… Il y a dix ans, effectivement, ça en parlait beaucoup. Donc c'est un sujet très fort.
On sait que le risque que je prends est énorme, parce que la situation est très très très très très mauvaise. Mais voilà, on discute avec mon rédacteur en chef et mon directeur de la rédaction, et on se dit, bon ben… On sent que ça a pu le pâter, quand même, honnêtement. Oui, avec un peu de recul, tu te dis, là, il y avait… Non, mais on le sentait déjà, je voyais, mon fixeur n'était pas chaud, il était sous pression. On n'avait pas encore vu l'État islamique, puisqu'en fait, à l'époque, l'État islamique était caché dans la structure locale d'Al-Qaïda, qui s'appelle Jabhat al-Nasra.
Et au moment où je pars, c'est là qu'il y a cette scission à l'intérieur d'Al-Qaïda et où l'État islamique se crée. Donc, on sent bien que ça se tend, mais on n'a pas encore totalement les infos sur ce qui se passe. qui se passe. Et bon, on se dit finalement, vu l'importance du risque, j'y vais mais pas pour longtemps.
Je vais juste recueillir quelques témoignages et je ressors. C'est quoi pas longtemps pour toi ? Tu pars en Syrie combien de temps ? Je pensais y aller une semaine ou deux, pas plus, ou quelques jours. Aller récupérer les témoignages et partir, ce qui n'était pas non plus.
Et en fait, je me fais choper dès que j'ai passé la frontière. Mais tu es avec ton fixeur à ce moment-là ? Oui, c'est mon fixeur qui vient me chercher.
Alors, le moment de l'enlèvement est toujours un moment délicat, parce que c'est un moment qui est, d'un point de vue sécurité, compliqué pour les gens qui t'enlèvent. Parce que, voilà. Alors là, ce qui se passe, c'est que les gars savent que je vais venir, parce qu'en fait, il se trouve que mon fixeur, qui était un très bon fixeur et qui m'avait sauvé la vie à plusieurs reprises par son courage dans les mois précédents.
Oui, il était fiable. Il était... Il est fiable. Il faisait son...
C'est quelqu'un en qui j'avais confiance pour ce dont j'avais besoin. Il fait partie d'une grande famille sur la frontière entre la Turquie et la Syrie, il est très connecté, etc. Donc tout ça sont des avantages. Après, il est lui-même soumis à la pression de cette nouvelle organisation ultra-violente qui apparaît parce qu'il a une femme, il a des enfants, il a sa famille, et sur qui pèse la menace.
Et quand finalement, à la sortie, le choix c'est entre menacer sa famille et moi, bon ben voilà. Mais il savait que tu allais être enlevé là ? On peut le penser.
Ah oui. En tout cas, quand on arrive, les gars nous suivent, on a une voiture derrière, une voiture qui nous attend sur la route devant. T'es avec qui là ?
Moi j'étais avec Edouard Elias, qui est… L'autre journaliste. Photographe, voilà. Qui a été enlevé. Qui a été formidable dans cette affaire.
Et qui, donc on est, en fait on voit, on arrive… un petit village qui s'appelle Maria, en descendant sur Alep. En plus, c'est un coin où je connaissais bien le commandant de cette zone, donc je n'avais pas vraiment d'inquiétude à cet endroit-là. Là, il y a une 4x4 qui coupe la route avec cinq mecs armés, avec des kalachs à bord, un qui reste au volant.
Et derrière, il y a une voiture et une camionnette qui bloquent notre camionnette, qui, pareil, l'empêchent de bouger, qui viennent, qui se mettent en position autour de notre camionnette, qui s'adressent. au chauffeur qui est mon fixeur et qui lui dit où sont les français c'est là que je pense qu'il devait à peu près savoir de quoi il s'agissait et là comme toujours il y a pas de problème il y a un petit truc qu'on veut vérifier mais ça va bien se passer ils te disent toujours et nous pareil on calme le jeu parce que les mecs sont un peu nerveux ils ressemblent à quoi ? ils sont cagoulés ?
c'est des faux flics ? non même pas nous Non, dans ce cas-là, tout le monde est armé, c'est en pleine guerre, c'est le Nord Alep, il n'y a pas de sujet de police, de police, ça n'existe plus. Non mais ils sont pas… Est-ce qu'ils sont cagoulés ?
Est-ce qu'il y a le drapeau noir ? Ils sont tous cagoulés, non ils ont pas les drapeaux noirs, parce que justement ils veulent pas trop que ça se voit. Tant qu'ils m'ont pas chopé et mis dans un endroit dont ils ont le contrôle complet, c'est pour ça que c'est toujours… La prise d'otages, le moment de la capture est toujours un moment compliqué.
Donc ensuite, là tout de suite, ils vous enlèvent vos pompes, vous les… vous enlèvez votre ceinture, ils enlèvent les lunettes. Il t'enlève les chaussures pour pas que tu cours ? Ben oui.
Wow, ok. Et là, il prête nos téléphones évidemment. Ils font partir notre chauffeur et nous, ils nous emmènent. Alors là, c'est la phase, toujours aussi la phase compliquée.
C'est les trois, quatre premiers jours où, grosso modo, ils vous apprennent c'est qui Raoul. C'est un peu dur, ils vous montrent qui c'est. Attends, juste pour comprendre, quand ils te prennent, ils te mettent quelque chose sur les yeux pour pas que tu vois où tu es ? Oui, ils nous mettent des bandeaux sur les yeux. Donc là, tu entends, mais tu vois plus ce qui se passe.
On entend tout, mais on voit plus ce qui se passe. Et tu roules plusieurs jours ? Non, non, on laisse quelques heures, c'est vrai. Ils ne vont pas si loin que ça.
Mais c'est quand même très long, des heures où tu ne sais pas où tu vas. Après, de toute manière, pour être long, ça va être long. Toi, tu comprends que tu aies enlevé ? Ah oui, ça ne s'en faisait aucun sens. Tu sais qui t'enlève à ce moment-là ? Non, je ne sais pas qui enlève.
Je ne sais pas si c'est le régime, si c'est un groupe, si c'est des... On ne sait pas à ce moment-là. Et eux, d'ailleurs, pendant les premiers jours, laissent planer le doute pour essayer.
Ils ne disent rien, ils ne parlent pas. En fait, pendant quatre jours, enfin trois jours et demi exactement, on est menotté main dans le dos. un radiateur séparé dans une pièce. Moi, ils mettent du gaz lacrymogène sur le bandeau que j'ai sur les yeux.
Donc on ne peut pas se gratter. Ah là, quel enfer. C'est de la torture, clairement.
Et on est frappés toutes les... 10 minutes, un quart d'heure, après une demi-heure, une heure, 10 minutes, de manière régulière. Et interdiction de dormir.
Ils nous appellent régulièrement ou ils viennent nous frapper. Et... Tu es...
physiquement ? Ça ressemble à quoi ? C'est un sous-sol ? Ça ressemble à rien du tout parce qu'on sent qu'on rentre dans un espèce de grand hangar parce qu'on entend que ça résonne.
On monte des escaliers en béton parce que je les sens sous les pieds et c'est rugueux et c'est pas fini. On tourne mais parce qu'on voit pas. Ah oui, ils tournent même jamais le bandeau ?
Non, non, non. Même quand ils t'interrogent ? Ah non, non, ils s'en foutent.
Il n'y a pas d'interrogatoire. C'est juste attendre. t'engerre la viande. Donc là, il te frappe, mais il n'y a pas de discussion. On entend les mecs se faire torturer à côté, on entend des bruits de chaînes de gars suspendus.
En fait, là, la mémoire, elle est uniquement auditive et sensorielle. Donc on monte cet escalier, on tourne, on retourne. C'est là qu'Edouard est enchaîné à un premier radiateur.
Moi, je vais dans une pièce qui donne visiblement plus sur le hangar en bas, où j'entends les trucs. Et moi, je suis le long du mur. à enchaîner un autre radiateur.
Et là, on n'a ni à manger, ni à boire pendant trois jours et demi. Et là, le problème, c'est qu'en fait, trois jours et demi sans boire... Je croyais même que tu mourrais à trois jours. Pour moi, c'était un peu la limite.
Trois jours et demi, ça commence à être chaud sur les risques, sur les reins, sur le reste. Et surtout, on commence à partir en vrille, à halluciner, etc. Ça, c'est un peu emmerdant.
Après, les coûts, c'est marrant, les coûts. C'est intéressant en tout cas, parce que quand un gars a la torture, on ramasse. Là, c'était dur, c'était violent, mais clairement, les premiers coups m'apprennent qu'en fait, ils n'ont pas décidé de me péter.
De te tuer, tu veux dire ? Oui, parce qu'ils sont forts, ils sont durs, mais ils sont encaissables. ça pourrait être bien pire. Oui.
Ils ne prennent pas de couteau, ils te... Non, ils te prennent des... des bâtons, des conneries, mais...
Tu vois que ce n'est pas vital qu'ils n'essayent pas de... Il n'y a rien de vital. Voilà. Il y a juste un moment où ils font pas gaffe, c'est comme j'ai les yeux, je me prends un coup de satan fouetté dans l'œil, mais rien honnêtement qui puisse être… Voilà, donc c'est dur, mais je me dis tiens, il y a un espace.
C'est quoi un coup de satan ? Un coup de pompe quoi. Ah oui d'accord, ok, ok. Ah il te shoot dans le visage. Donc en fait, ce qu'il y a d'intéressant, c'est que… en fait ça m'apprend que finalement on a un peu de valeur et que ça va être dur mais qu'on a peut-être un espace.
C'est le seul truc… Ça te donne un peu d'espoir, quelque part ? Ça donne une indication, en tout cas. Tu peux parler à l'autre journaliste avec qui tu es ?
Alors, à un moment, oui, je le fais. Parce qu'après, on s'en reprend plein la gueule, parce qu'ils ne veulent pas qu'on se parle, et je le fais. Et il est à côté de toi, enchaîné, tu dis ?
Non, il est à, disons, 5-6 mètres. Toi, tu avais plus de bouteilles, plus d'habitude ? Oui.
Lui, comment il réagit au début ? Est-ce que c'est toi qui le rassure ? Il faudrait lui demander, mais il a été formidable. Il a vraiment été incroyable, il a 23 ans.
Ah oui ? Non, il a réagi. avec une force de caractère vraiment pendant les dix mois et demi. Honnêtement, je n'aurais pas réussi à tenir ces dix mois et demi de détention.
On était vraiment en binôme, on était menottés tout le temps ensemble. Mais il a été incroyable en protection, en solidarité, en droiture. C'est important d'avoir quelqu'un avec qui pouvoir tenir. C'est Edouard, c'est ça ?
Edouard, oui. Là, ça dure quatre jours. Tu dis à tendreur de la viande, ils vous font mal exprès.
Qu'est-ce qui se passe après ? Là, au bout du troisième jour et demi, il nous amène un demi-morceau de pain et un triangle de... de fromage type vache qui rit. Et je mets quasiment une demi-heure à le bouffer, tellement j'ai la bouche pâteuse et tout. Pour la première fois, il nous emmène pisser aux toilettes.
Là, je marche sur des corps qui étaient devant les toilettes. Des gens décédés, pas des gens qui... Non, pas décédés, mais qui se faisaient torturer, qui étaient là, qui étaient par terre.
Parce que je les entends gémir quand on leur marche dessus. Moi, je ne vois toujours rien, j'ai toujours mon bandeau sur la gueule. et là on entend une grosse agitation donc un chef vient nous récupérer ils nous font monter à l'arrière d'un 4x4 et il y a une troisième personne qui est mise avec nous et on découvrira plus tard que c'est un autre otage qui lui a été très très sévèrement torturé qui est un Danois et donc il nous amène dans ce qu'on découvrira plus tard être le centre de détention de Daesh à Alep qui est l'hôpital pédiatrique... du centre-ville. Là, ils nous descendent dans les sous-sols et en fait, dans les sous-sols de l'hôpital, il y a toute une prison et un centre d'interrogatoire et de torture.
Pourquoi ils se mettent dans les hôpitaux pédiatriques ? Pour ne pas se faire descendre... Par des bombes et des drones ?
Ils se protègent toujours dans les hôpitaux, dans les écoles, toujours. C'est intéressant ça. Ça explique plein de trucs.
C'est pas des enfants de chœurs, pour que les choses soient claires. Donc voilà. Donc toi t'es là, mais tu sais pas où t'es. Ils t'enlèvent le bandeau à un moment donné, tu peux voir quelque chose à partir de quoi ? C'est là qu'ils nous enlèvent les bandeaux.
Après quatre jours, dans le noir. Mais tu dois être complètement déboussolé. Bon, déjà, enfin, encore une fois...
Parce que t'as l'air solide quand tu parles et que tu racontes, mais il y a quand même le moment où tu dois être sonné, non ? En fait, une fois que tu sais que t'es chopé, tu te mets... Enfin, le seul moyen de s'en sortir, c'est de passer.
Mais dans la seconde qui suit, il faut passer en mode survie. Ça sert à rien de se lamenter pendant des heures. Rien, t'es chopé, t'es chopé.
Tu perds ta liberté. Tu perds... Tu es entre les mains de gens qui en fait peuvent faire ce qu'ils veulent. Peuvent te flinguer.
en 2 minutes 50, ou pas de flinguer, c'est eux qui décident, c'est eux qui sont responsables de tout. Ils peuvent te torturer, pas te torturer, te nourrir, pas te nourrir, te donner de l'eau, pas te donner de l'eau... En fait, tu passes, c'est la troisième dimension, tu passes dans la quatrième. Voilà, donc c'est, comme disait, il y avait un des geôliers qui disait vous êtes passé de l'autre côté de la Matrix.
Tous nos geôliers étaient les terroristes qui ont fait les attentats de Paris et ceux de Bruxelles, pour que les choses soient claires. Donc il y a quand même beaucoup de Français dans le tas, des Belges, des Anglais, beaucoup de djihadistes. Il y avait Médine et Mouche, j'ai vu, qui a fait l'attentat du musée juif de Bruxelles.
Et celui qui s'est explosé dans l'aéroport de Bruxelles. La boue de Ries, voilà. Ça c'est les... Oui, ce sont nos geôliers, donc vous voyez bien, ils parlent français. Alors, je vais me permettre de te demander quelque chose, c'est très intéressant l'émission, et je me rends compte qu'on est vraiment déjà à une émission très longue… Je suis bavard en fait.
Mais c'est plutôt cool, est-ce que tu es d'accord qu'on continue cette histoire qui est très intéressante dans une autre émission ? C'est-à-dire qu'on va couper en deux, on va continuer l'émission aujourd'hui, on va la diffuser en deux extraits, pas que ce soit trop long, est-ce que tu es d'accord pour ça ? Oui, c'est ça, Didier François, le retour.
Rendez-vous pour la partie 2 avec Didier François dans une prochaine interview juste après du coup gros bisous à vous tous on se retrouve pour la partie 2 avec Didier François Dans la deuxième partie de l'émission Didier François va nous raconter ses conditions de détention la torture physique et psychologique qu'il a subie comment il a tenu le coup et les négociations qui lui ont permis de revenir en vie Quand tu dis t'es torturé, c'est donc le bandeau et tu dis sur les doigts, qu'est-ce qu'ils te font ? Alors sur les doigts par exemple, c'était avec des tenailles sur les ongles, des coups de bâton sur la tête. Non pas arrachés, ils s'amusaient à appuyer avec...
la tenaille, en appuyant et en faisant croire qu'ils allaient couper. Ils ne l'ont jamais fait. Ils ont juste fait tomber les ongles.
Tous les ongles. Mais ils n'ont jamais coupé une phalange. Rendez-vous sur la chaîne de Les Jambes pour voir la deuxième partie de l'émission. Musique