Tout le monde croit que les vaccins à ARN messager sont apparus en 2020, comme par miracle. Ils pensent qu'ils sont sortis de nulle part. Mais c'est faux, complètement faux. En fait, pendant des dizaines d'années, des laboratoires du monde entier ont mené des recherches qui ont ouvert la voie à cette découverte.
Et le parcours qui a permis d'aboutir au vaccin a été difficile, mais il y a aussi eu de grands moments d'exaltation. Je pense vraiment que les vaccins à ARN sont un exploit qui vaut bien celui d'envoyer un homme sur la Lune. Et aujourd'hui, l'ARN marque le début d'une révolution médicale sans précédent. Grimper les marches de l'Institut Pasteur, c'est comme remonter dans le temps pour Pierre Jacob. Il se souvient du jour où son père a décroché le prix Nobel de médecine.
C'est l'année de mon bac. C'est aussi l'année où je suis amoureux de la première fille que j'ai connue dans ma vie. Et donc tout ça fait...
ça fait des bulles. Tout d'un coup, un personnage que personne ne connaissait devient une célébrité française. Ça c'est François-Jacques-Côte-Monpère, Jacques Monod, André Le Vau. Donc c'est quelques jours après l'annonce du prix Nobel.
Et le titre c'est Nos trois Nobel sans cesse. Comment ils ont approché le mystère de la vie ? Petit, un petit béni.
Donc il n'y a pas tellement de prix Nobel. Donc les trois prix Nobel français de 1965 deviennent évidemment des héros. C'est par Telegram que l'annonce du prix arrive à Paris.
Il récompense la découverte du rôle de l'ARN dans le monde du vivant. Le trio devient la coqueluche de la presse. Des émissions entières leur sont consacrées. Sur le petit écran, la découverte de l'ARN rivalise avec les plus grandes aventures de l'époque.
La conquête de l'espace côtoie celle de l'infiniment petit. Dans les années 60, les scientifiques connaissent déjà la double hélice d'ADN. Elle contient les informations qui, depuis les noyaux, contrôlent l'activité des cellules.
Les scientifiques connaissaient également les protéines, les machines qui, autour du noyau, font le travail pour faire fonctionner les cellules. Mais quel est l'intermédiaire entre le noyau et la salle des machines ? Qui transmet les instructions pour faire fabriquer les bonnes protéines au bon moment ? C'est cet intermédiaire que les trois Français ont identifié, l'acide ribonucléique, qu'ils baptisent ARN messager. La règle est universelle.
Chez tous les êtres vivants, l'ADN fabrique l'ARN qui dicte la production des protéines. C'est ainsi que les cellules du pancréas font de l'insuline ou que les cellules de la peau font des cheveux. Dans les années 60, les biotechnologies n'existent pas encore.
Faire un vaccin à partir d'ARN n'est pas envisageable. Mais c'est un moment clé. Le point de départ d'une révolution scientifique dans un monde en pleine ébullition.
Tandis qu'à Paris, le vieux monde croule sous les pavés, la vague hippie déferle sur les campus américains. Ici, cinq ans après le Nobel, l'ARN messager est enseigné à l'université. Ça, c'est une danse interprétée par des étudiants de l'Université de Stanford qui viennent de suivre un cours sur l'ARN messager et la synthèse des protéines.
Là, vous voyez arriver l'ARN messager, et on sent bien toute leur joie. Et tout ça se fait en musique, du rock bien sûr, parce qu'on est dans les années 70. Ce sont les prémices de la révolution ARN. Tom Tchetch, alors étudiant, est convaincu qu'un nouveau chapitre de la biologie est à écrire. Il va y consacrer sa carrière. Ce professeur de l'Université du Colorado décrypte en détail le fonctionnement de la RN.
Il reçoit à son tour le prix Nobel. Quand j'ai reçu l'appel de Stockholm, on m'a tout de suite dit Nous allons vous passer une de vos amies suédoises pour que vous soyez sûrs que ce n'est pas une blague. Et donc, elle a pris l'appareil, m'a dit bonjour.
Et là, j'ai su que c'était vraiment vrai, qu'il me décernait bel et bien le prix Nobel de chimie. Quand le Nobel consacre la recherche sur la RN pour la deuxième fois, l'époque a complètement changé. C'est le grand boom des biotechnologies, avec une molécule devenue star, l'ADN. L'ADN thérapeutique était considéré comme l'avenir de la médecine, ce qu'on appelle les thérapies géniques. La double hélice hypnotise les années 80. Les gènes sont de toutes les promesses.
On les utilise déjà pour fabriquer de nouveaux vaccins, de l'hormone de croissance pour faire grandir les nains, de l'insuline purifiée pour soigner les diabétiques. Mais déjà, certaines recherches prévoient de leur faire fabriquer du carburant, de la soie ou du caoutchouc. L'ADN aspire tous les financements. Difficile d'exister quand on travaille sur l'ARN, même pour Tom Tchetch et son Nobel.
Tout se passait un peu comme si ceux qui essayaient de développer l'ARN marchaient sur le bas côté de la route, pendant que ceux qui travaillaient sur l'ADN filaient à toute allure en Ferrari. Dans l'industrie pharmaceutique, les gens sont très frileux. Alors, avant de se lancer dans quelque chose de totalement nouveau, qui n'a jamais été fait, comme un ARN messager thérapeutique, les investisseurs se sont dit Oh là, mais personne n'a jamais encore fait ça !
On ne va surtout pas s'engager là-dedans ! La plupart des scientifiques font donc le pari de l'ADN à l'époque. Mais un jeune chercheur, lui, va voir dans l'ARN l'occasion de se démarquer.
Robert Malone vit aujourd'hui un peu à l'écart, en Virginie, aux Etats-Unis. Quand on a acheté ces terres, il n'y avait rien. C'était il y a six ans, c'est ça ?
Il n'y avait ni barrière, ni eau, ni fosses septiques, ni électricité, ni granges, ni maisons. Mon activité principale, c'est la recherche, écrire. J'écris beaucoup pour Robert. Et pendant longtemps, on n'a fait que ça, travailler, faire du conseil et développer des essais cliniques. Robert Malone est un scientifique que le succès du vaccin anti-Covid a sorti de l'anonymat.
a bouleversé nos vies. On passe notre temps à voyager, donner des conférences, enregistrer des podcasts, écrire, faire du conseil en leadership, en stratégie. Et on vient profiter de nos chevaux de temps en temps, quand on peut.
Mais c'est aussi un chercheur amer qui n'a pas eu la carrière qu'il espérait. J'ai toujours tiré le diable par la queue. Je n'ai jamais eu de poste universitaire avec un salaire fixe.
Ça fait que je suis juste un gagne-petit. Robert Malone a pourtant fait ses études dans les meilleurs laboratoires de l'époque. J'ai travaillé dans le laboratoire qui a été le premier à découvrir qu'un rétrovirus était responsable du sida. C'était en 1983. En tant que jeune étudiant, j'avais pris part à tout ça et j'avais pu observer et côtoyer...
les personnalités les plus connues. J'ai rencontré Bob Gallo, Luc Montagnier et bien d'autres. Le VIH était un nouveau type de virus.
Il était à l'origine de nouvelles technologies scientifiques. Mais développer un vaccin coûte cher. Très cher.
Les associations de malades descendent dans la rue. En 1987, l'épidémie a déjà fait 27 000 morts aux États-Unis. Sous pression, l'administration Reagan débloque des millions de dollars. L'argent inonde les laboratoires et donne un coup de fouet à la recherche sur les virus.
Mais il aiguise aussi les appétits, les rivalités. Robert Malone va donc tenter un coup. Le défi pour un jeune diplômé qui intègre un environnement extrêmement compétitif comme le Salk Institute est comment trouver un petit créneau sur lequel travailler sans être totalement étouffé par les scientifiques plus influents qui l'entourent.
C'est comme ça que j'ai choisi de travailler sur l'ARN. La décision est risquée. L'ARN a mauvaise réputation dans les laboratoires. Tout un mythe s'était construit autour de l'ARN, notamment chez les scientifiques qui travaillaient en laboratoire. On sait qu'il est vraiment difficile à manipuler.
Il se casse facilement, c'est très compliqué. L'intuition de Robert Malone, c'est qu'il est possible de détourner la machinerie cellulaire. En introduisant des ARN choisis dans les cellules, il espère les forcer à produire des protéines d'intérêt thérapeutique.
Son projet va bénéficier d'une innovation toute récente. Une équipe de Harvard vient de réussir la fabrication d'ARN en éprouvette avec quelques ingrédients de base. Un bout d'ADN, le gène, sert de modèle.
Les briques élémentaires de l'ARN, A, U, G et C. sont ajoutés dans le tube. Puis intervient une machine particulière, l'ARN polymérase.
Elle relie entre elles les briques élémentaires en respectant la séquence de l'ADN pour en copier les instructions. De l'ARN messager a été produit in vitro. Robert Malone dispose désormais de la recette pour en fabriquer à volonté. À partir de là, j'avais un procédé qui permettait de produire de l'ARN en grande quantité et de le purifier. Cet ARN était stable et j'ai enfin pu commencer à tester différentes méthodes pour l'introduire dans les cellules.
Ça avait l'air très facile, mais dans les faits, ça l'était beaucoup moins. Ses premières tentatives pour faire entrer l'ARN dans les cellules tombent à l'eau. Mais le jeune César va à nouveau bénéficier de l'effervescence scientifique du Salk Institute. La solution surgit au détour d'une conversation avec un collègue.
Je ne sais pas exactement comment, mais il avait appris qu'une technologie révolutionnaire avait été développée à Palo Alto par un laboratoire qui s'appelle Sintex. Et il a pris les devants. Pourquoi ?
Je n'en ai aucune idée. Peut-être qu'il avait pitié de moi, moi qui me tapais la tête contre les murs. Il m'a dit, Robert, j'ai entendu parler d'une découverte liée au liposome, et je pense vraiment qu'il faut que tu te renseignes.
C'est là que j'ai rencontré le docteur Phil Feldner pour la première fois. En 1989, Phil Feigner travaille comme chimiste dans un gros laboratoire pharmaceutique en panne d'innovation. Sommé de développer de nouveaux produits, c'est dans sa cuisine qu'il trouve l'inspiration.
Alors ici on a un tube qui contient un peu d'huile d'olive. Je vais y ajouter de l'eau. Quand on mélange, on voit apparaître toutes ces jolies gouttelettes.
C'est ça qu'on a appelé les liposomes. Ce que nous avons découvert, en fait, c'est un moyen plutôt malin d'encapsuler de l'acide nucléique à l'intérieur de ces petites gouttes d'huile. Les acides nucléiques, comme l'ADN et l'ARN, sont protégés quand ils se retrouvent enfermés dans ces boules de graisse. Baptisé lipofectine, l'invention permet surtout de faire entrer le contenu des liposomes à l'intérieur des cellules. C'est une innovation majeure pour délivrer des molécules médicaments comme l'ADN et peut-être aussi l'ARN.
Mais les patrons de Phil Feigner restent sceptiques. Quand j'en ai parlé à ma hiérarchie, on m'a dit non. On m'a dit non, la thérapie génique, ce sera plutôt pour 2020. Phil Feigner refuse d'avoir raison trop tôt.
Il décide de faire profiter les autres de son invention, au frais de son employeur. J'ai pris contact avec des scientifiques et je leur ai dit, vous voulez tenter une expérience ? Je peux vous envoyer le réactif.
Et vous voyez ce que ça donne. Ça a fait boule de neige. On envoyait de plus en plus de réactifs de jour en jour. Finalement, ça générait pas mal de frais et ça coûtait tellement cher que ma société s'est plainte. Je crois que la facture a été plutôt salée.
J'ai reçu le réactif par la poste. C'était une petite fiole emballée dans une boîte avec des instructions. Ils expliquaient comment ils l'utilisaient avec l'ADN. Et je me suis dit, bon ok, je vais faire exactement la même chose, mais avec mon ARN. Avec la lipofectine mise au point pour l'ADN, Robert Malone va pouvoir faire entrer ses ARN dans les cellules.
Une étape capitale, mais il reste encore un détail à régler. L'un des grands problèmes quand on développait une nouvelle technologie de transfert de gènes, à cette époque, milieu, fin des années 80-90, c'était de savoir comment obtenir la preuve qu'on avait réussi. Un jeune scientifique de l'UCSD, qui était juste en face du sol, venait de publier un article à propos d'une nouvelle protéine qui fait briller la luciole. Et en fait, cette protéine avait des caractéristiques idéales pour les protéines de la luce. type d'expérience qui m'intéressait.
Elle était extrêmement sensible et elle produisait des photons de lumière. C'était LE système parfait. Ça ne coûtait à peu près rien, le test durait 30 secondes et c'était reproductible.
S'il y a bien une chose qui a fait toute la différence dans tout ça, et qui d'ailleurs est encore utilisée aujourd'hui, c'est la luciférase. Robert Malone décide donc de fabriquer des ARN messagers de la luciférase dans son laboratoire. S'il parvient à les faire entrer dans les cellules grâce au liposome de Phil Feigner, alors elles produiront des protéines lumineuses faciles à voir.
La preuve qu'il a réussi. On a commencé à l'injecter à des souris, et puis on a fait des prélèvements de muscles qu'on a broyés et mis dans un tube à essai. Ensuite, on a configuré le luminomètre. qui est un appareil qui mesure les photons qui sont libérés.
Et soudain, les compteurs ont commencé à s'affoler. On a détecté des milliers, des dizaines de milliers, des centaines de milliers de photons. Et tout ça en 30 secondes.
Là, on a clairement compris qu'on tenait vraiment quelque chose. Le résultat est publié dans la prestigieuse revue Science. La fabrication de protéines par des ARN pourrait être utilisée pour soigner des maladies ou fabriquer des vaccins. La société Merck, qui indirectement a financé une partie des recherches, dépose un brevet.
Ça a fait un peu de bruit à l'époque, mais bon, pas plus que ça. Parce qu'encore une fois, c'est l'ADN qui était roi. L'ARN était juste son serviteur.
Et donc, à quoi bon s'intéresser à ce que peut faire le serviteur quand on maîtrise le roi ? Et en effet, le laboratoire Merck décide de faire une croix sur le brevet ARN. Malone se sent dépossédé de son travail. Un jour, j'ai reçu une lettre officielle. À l'époque, j'étais encore jeune chercheur.
On me signifiait que si j'allais travailler dans n'importe quel autre labo, je serais poursuivi en justice. C'est eux qui détenaient les droits de ce que j'avais fait. Donc, on me dépossédait de mon brevet, de mes inventions.
Beaucoup de travaux brevetés par des scientifiques n'obtiennent jamais de licence d'exploitation. Ce n'est pas rare. Ça arrive même régulièrement qu'une technologie qui a donné de bons résultats en laboratoire se perde et que ça n'aboutisse jamais à la phase d'utilisation. J'étais jeune scientifique, et à ce moment-là, le monde a commencé à s'écrouler pour moi.
J'étais totalement déprimé parce que ça représentait tellement d'efforts, tellement de passion, tellement d'heures. Et je savais que c'était vraiment important. J'ai été complètement détruit psychologiquement.
C'est bien que j'ai démissionné et que j'ai choisi la seule alternative. En attendant que ma femme termine sa licence à l'université de San Diego, J'ai commencé à travailler en tant que technicien, et ça m'a poursuivi toute mon existence. J'ai passé ma vie professionnelle à voir des gens s'attribuer le mérite de mon travail.
Je suis resté le grand oublié de l'histoire. En 1990, grâce aux travaux de Malone et Feigner, des souris de laboratoire produisent des protéines à la demande par simple injection d'ARN. Une nouvelle approche est en train de voir le jour.
Mais c'est en France, à Paris, que ce résultat va devenir une technique de vaccination. Frédéric Martinon termine alors sa thèse à l'Inserm. A l'époque, je travaille sur les cellules du système immunitaire et l'idée qui est derrière ça, c'est d'essayer d'appliquer ces connaissances à l'obtention de nouveaux vaccins. Les comptes rendus de ces expériences sont conservés au quatrième sous-sol du service des archives.
Je vais vous montrer comment ça se passe. On a un numéro de cotation, le numéro d'enregistrement des boîtes, qui correspond à une année, inversement, et puis après un numéro de boîte. Pour votre unité, ça va être un peu plus loin dans le local, sur la droite.
Et moi, je vais rester par là. Si vous avez besoin de moi, n'hésitez pas à m'appeler. Entendu, merci. Comme tous les jeunes chercheurs en immunologie, Frédéric Martinon est fasciné par l'énigme du sida.
Depuis 7 ans, les immunologistes, virologistes et autres vaccinologues ont à peu près épuisé toutes les méthodes classiques de vaccination. Rien ne fonctionne et tout le monde se dit que de toute évidence, il va falloir aller chercher des nouvelles idées et en particulier des nouveaux types de vaccins. Il y a un article qui vient d'être publié par une équipe à laquelle appartient Malone et Fegner et qui fait référence à l'utilisation d'ARN injecté in vivo et qui montre qu'après cette injection, on a chez la souris... une expression de la protéine codée par l'ARN en question. Donc l'idée suivante, c'est de se dire, à partir du moment où il y a une protéine, il peut y avoir une réponse du système immunitaire.
Pourquoi ne pas tenter d'utiliser cette approche pour la vaccination ? La vaccination consiste à protéger l'organisme d'une infection en stimulant les défenses immunitaires avec un fragment du microbe. Mais pas question de travailler directement avec le VIH. Trop compliqué. Pour tester son idée, Frédéric Martinon choisit un ARN du virus de la grippe.
Concrètement, il va inoculer aux souris cet ARN. Celui-ci va pousser les cellules à fabriquer des protéines de virus. Quand celles-ci se retrouvent dans le sang, elles sont reconnues comme un agent étranger.
L'intrusion déclenche une alerte qui conduit à la production d'anticorps. En théorie, la souris est protégée contre la grippe. C'est le principe de la vaccination.
En pratique, les expériences vont durer des mois. Alors ça c'est toutes les étapes pour la préparation de l'ARN. Alors ça par contre ça n'a pas toujours été très facile parce que c'est pas toujours très stable l'ARN, on sait même que c'est pas stable du tout, mais on arrive assez facilement finalement quand même au bout du compte à obtenir des ARN en quantité suffisante et là ce que l'on voit c'est que notre ARN est... mais bien fonctionnelle puisqu'on arrive à produire une protéine dans des quantités tout à fait significatives et qui nous permettent tout à fait de travailler. La première injection chez l'animal a eu lieu le 20 décembre 1990. Le 13 février, on a quelque chose qui est tout à fait en agréable.
Une réponse qui est très très très très forte par rapport aux différents contrôles. Bon alors quand on découvre les premiers résultats, forcément on est très enthousiaste parce que c'est une nouvelle approche qui n'a jamais été montrée et donc c'est extrêmement enthousiasmant. Il faut à tout prix creuser cette voie parce que la preuve de concept de la vaccination par ARN est posée.
Nous sommes en 1991. La découverte marque une étape historique dans le développement des vaccins ARN. Pourtant, les revues prestigieuses, qui sont normalement la vitrine des grandes découvertes, refusent l'article. Alors évidemment c'est une grosse déception quand l'article est rejeté, dans la mesure où on a de toute évidence des résultats extrêmement intéressants, on a une preuve de concept d'un nouveau type de vaccin, et on ne comprend pas pourquoi les revues n'en veulent pas. Un article concurrent avait été publié, et il portait sur une approche par l'ADN.
Cet article leur a fait de l'ombre. Mais voilà, ça arrive tout le temps en science. Je suis désolé pour eux, mais c'est comme ça que ça se passe. Et la désillusion des Français ne s'arrête pas là.
Comme pour Robert Malone, Pasteur Mérieux, le laboratoire qui a financé les recherches, bout de la découverte. Alors un peu plus tard j'apprends que le brevet a été abandonné, il n'a pas été renouvelé, il n'a pas été entendu à d'autres pays, donc je suis un petit peu incrédule, j'en discute avec les gens concernés, on me dit oui mais... Forcément, ce n'était pas si reproductible que ça.
Le fait qu'il y ait des souris qui ne répondent pas, on n'a pas pu séduire les industriels à cause de ça. Parce qu'il y avait encore des inconnus au niveau de la science fondamentale. Et forcément, je comprends pourquoi ils ne se sont pas lancés dans l'aventure, mais je le regrette quand même.
Merck d'abord avec Malone et Pasteur-Mérieux ensuite, deux géants pharmaceutiques, ont laissé filer la technique qui aurait pu leur rapporter des milliards de dollars en 2021. Au début des années 90, la preuve est faite qu'un vaccin ARN est possible. Mais les quelques souris qui répondent mal dans les expériences de Frédéric Martinon masquent une difficulté qui va bloquer la technique jusqu'en 2005. Elle ne sera surmontée que par la magie d'une rencontre. On a commencé à se croiser à la photocopieuse. C'est à la photocopieuse que j'ai rencontré ce gars qui était nouveau. Je venais d'arriver à l'université et je ne savais pas du tout qui c'était.
C'est typiquement moi, d'être toujours celle qui engage la conversation. C'était forcément Cathy. Tout le monde sait que ce n'est jamais moi qui parle le premier.
Je la ramenais un peu. Je lui ai dit qui j'étais et ce que je faisais. Elle était très extravertie, assez rentre-dedans, mais vraiment intelligente.
Il m'a expliqué qu'il allait développer un vaccin contre le VIH. Elle s'est vantée de son ARN et de tout ce qu'on pouvait en faire. Et elle m'a demandé si je voulais l'essayer.
Il a répondu que oui, ce serait bien d'essayer. C'est comme dans la pub Ritz, quand le chocolat et le beurre de cacahuète se rencontrent. C'est le mariage idéal. Mais pour comprendre la contribution scientifique de ce duo, il faut remonter dans le passé, franchir le rideau de fer et se rendre en Hongrie, le pays natal de Katalin Karikó.
Pourquoi je suis partie pour Séguède ? C'est parce que je voulais à tout prix travailler dans un centre de recherche biologique. Et parce que c'était l'Académie hongroise des sciences, l'institution la plus prestigieuse du pays.
C'était génial. La bibliothèque était ouverte jour et nuit. Dans le meilleur institut scientifique de Hongrie, en 1978, une équipe travaille déjà sur la RN.
Cette photo a été prise pendant que je préparais mon doctorat. C'est là-bas que j'ai synthétisé chimie. Vous pouvez voir que c'est un laboratoire de chimie ordinaire. Moi aussi, j'essayais d'introduire l'ARN grâce à un liposome.
Mais dans le labo, les moyens sont limités. C'est le règne du système D. Pour produire des liposomes, on avait besoin de phospholipides.
Mais on n'en avait pas. On était de l'autre côté du rideau de fer. Et c'était impossible de commander ces molécules. En feuilletant des manuels de science, nous avons découvert comment isoler des phospholipides à partir d'une cervelle de vache. Je suis donc allée à l'abattoir et j'ai rapporté une cervelle de vache.
Et ça m'a bien aidée d'être la fille d'un boucher, parce que ça m'a évité d'être dégoûtée. J'en avais déjà vu. On s'est mis au travail pendant une semaine. Et enfin, le tout dernier jour, on a obtenu une fraction de phospholipides.
C'était vraiment crucial pour nous. Ça nous a permis de commencer à obtenir et à générer des liposomes. Nous sommes six ans avant la chute du mur de Berlin.
L'économie du bloc de l'Est vacille. L'argent manque dans les laboratoires. L'Académie des sciences sacrifie son programme ARN.
Ça a été une journée très triste. J'avais 30 ans et j'ai dit adieu au centre de recherche biologique. J'ai été obligée de tout quitter.
Pour poursuivre ses recherches, Kathleen a été enceinte. Carrico postule dans une multitude de laboratoires à l'Est comme à l'Ouest. Après des mois, la chance lui sourit.
Elle reçoit enfin la promesse d'embauche d'une université américaine. L'administration l'autorise à franchir le rideau de fer avec sa fille et son mari. On n'avait pas le droit de sortir plus de 100 dollars du pays.
Mais on avait besoin de plus que ça. Alors, on a vendu la voiture russe qu'on avait en Hongrie. Ça, c'est une photo de ma fille, qui avait à peu près deux ans à l'époque.
Elle avait un ours en pluche. Alors, j'ai opéré l'ours et j'ai caché l'argent à l'intérieur. Avec 1000 dollars en poche, la famille Carrico s'installe aux Etats-Unis. C'est le début de la seconde vie de Kathleen. Elle reprend ses recherches sur la RN.
Son nouveau laboratoire vient de recevoir un colis de Phil Feigner. La corvée cervelle de vache est derrière elle. La lipofectine. Je m'en souviens. J'ai reçu le premier échantillon en 1989. Je l'ai testé avec de l'ADN et ça a très bien marché.
Plus tard, je l'ai utilisé pour transporter de l'ARN messager. J'étais complètement subjuguée par l'ARN messager. Peu à peu, l'idée m'est venue que l'ARN messager serait un jour utilisé à des fins thérapeutiques.
Mais la scientifique hongroise va vite déchanter. Ses supérieurs se montrent insensibles à l'ARN, imperméables à ses arguments. Les moyens commencent à manquer pour ses expériences. J'ai déposé des demandes de subventions tous les mois.
pendant deux ans, mais sans jamais les obtenir. Cinq ans plus tard, je ne pouvais plus être promue. Et automatiquement, j'ai été rétrogradée, si bien que je n'étais plus universitaire. C'est en janvier 1995 que ça a été le plus dur. D'abord parce qu'on m'a découvert une grosseur dans le sein.
Et j'ai dû être opérée. Et au même moment, À un moment, mon mari s'est retrouvé coincé en Hongrie. Il ne pouvait plus rentrer. J'étais toute seule.
Alors que tout s'écroule autour de Kathleen Carrico, l'université de Pennsylvanie recrute Drew Weissman. Le jeune médecin a été formé dans les meilleurs labos américains pour mettre au point un vaccin contre le sida. En 1997, Drew Weissman s'acharne depuis dix ans déjà sur ce problème. Moi je dis têtu, mais mes amis scientifiques n'aiment pas ce mot. Ils parlent plutôt de constance, de persévérance.
Quand on croit vraiment en quelque chose, il ne faut rien lâcher. On n'abandonne pas. C'est exactement ce qu'on a fait, Cathy et moi.
On a vu le potentiel et on s'est accrochés. Le premier ARN que Cathy a fabriqué pour moi était une protéine essentielle du VIH. On l'a injecté à des souris pour voir si on pouvait obtenir une réponse vaccinale.
Les premiers résultats sont enthousiasmants. Mais il ne faut pas longtemps à Drew Weissman pour détecter la difficulté rencontrée 5 ans plus tôt par Frédéric Martinon. Des souris répondent mal.
Certaines tombent même malades. Elles se crispaient, se recroquevillaient, elles se traînaient. Elles avaient le poil dressé. Elles ne mangeaient plus, ne buvaient plus et restaient là, prostrées. Elles avaient l'air malades.
Il leur fallait une journée pour se remettre. On a fait des analyses pour voir ce qui se passait et on a constaté qu'elles subissaient un orage. cytokinique, qui était associé à une réaction inflammatoire causée par l'ARN.
Lorsqu'il m'a présenté les données qui montraient clairement que l'ARN que j'avais fabriqué avait généré des molécules inflammatoires, j'étais catastrophée. Je ne comprenais pas. Mais pourquoi cet ARN était inflammatoire ? C'est un peu comme si on donnait de la vitamine C à quelqu'un et qu'on le voyait s'écrouler sur place. On ne s'y attend pas.
La réaction des souris est une catastrophe pour les deux chercheurs. Si l'ARN est toxique, comment imaginer en faire un vaccin ou un médicament ? Pendant toutes les années qui ont suivi, on a cherché à comprendre comment et pourquoi notre ARN était inflammatoire.
On avait très peu de moyens, on n'avait publié aucun article. C'était donc impossible d'obtenir des subventions. Je devais trouver des solutions pour financer ces recherches.
On savait que le potentiel était là. Ne pas laisser tomber. Sept longues années de galères, d'échecs, de frustrations. Et enfin une piste.
C'est le U, l'uridine, l'un des quatre constituants de l'ARN qui pose problème. On a donc éliminé l'uridine et on l'a remplacée par la pseudo-uridine. L'ARN fonctionnait, il continuait à produire des protéines et il n'était plus inflammatoire.
La pseudo-uridine est une uridine modifiée que la cellule utilise naturellement pour fabriquer certains ARN. Quand on a remplacé l'uridine par la pseudo-uridine, l'ARN a produit dix fois plus de protéines. C'était la cerise sur le gâteau.
On avait obtenu un ARN qui n'était plus inflammatoire et qui nous permettait de produire beaucoup plus de protéines. On pouvait enfin avancer. En 2005, le temps est venu de passer de la souris à l'homme. Le vaccin ARN est à portée d'éprouvettes.
Pourtant, le duo n'est pas au bout de ses peines. La lipofectine, qui marche si bien chez l'animal pour transporter l'ARN, provoque chez l'homme des effets secondaires inacceptables. Avant de lancer les essais cliniques, il faut trouver un autre liposome pour emballer l'ARN.
La solution est entre les mains de Peter Cullis. En 2005, ce chercheur canadien est déjà la rockstar des liposomes. Il vient de mettre au point une invention qui sera cruciale pour le vaccin anti-Covid.
Quand j'ai été vacciné en mai 2021, j'ai dit à l'infirmière, vous savez, j'ai quelque chose à voir avec le développement de ce vaccin. Clairement, elle ne m'a pas pris au sérieux. Elle m'a regardé comme si je débarquais de Mars et j'ai cru qu'elle allait me répondre.
Oui, et moi, je suis la femme de Brad Pitt ou quelque chose d'aussi improbable que ça. Je me suis tué, mais c'était vraiment un grand moment pour moi, vous pouvez me croire. Tout repose sur cette machine qui a fait sa renommée. C'est très simple en fait.
Il suffit de mélanger des lipides avec de l'eau, puis de tout verser dans cette cuve et de la fermer hermétiquement. Il faut faire attention à ce que le bouchon soit bien fermé, sinon il risque d'être projeté en l'air. En général, on a une grosse bonbonne d'azote juste à côté, et ensuite les liposomes sortent de ce tube.
C'est très rapide, si bien qu'on peut fabriquer des liposomes en 10 minutes. La machine simplifie la préparation de liposomes mieux tolérés par le corps humain. On a donc trouvé la solution en utilisant ce qu'on appelle des lipides ionisés, qui, dans certaines conditions, sont chargés positivement.
C'est ça qui nous permet d'introduire l'acide nucléique dans ces nanolipides. Par une fois dans le sang, les nanoparticules de lipides deviennent neutres, et donc beaucoup moins toxiques. C'est là que tout a commencé, et qu'on a développé des systèmes qui pouvaient être injectés dans l'organisme.
L'invention est brevetée. Elle rapportera des millions quand elle sera utilisée pour les vaccins anti-Covid. Mais en 2005, quand Kathleen Carrico et Drew Weissman s'adressent à Peter Cullis pour l'utiliser, leur demande reste lettre morte.
Et ça va coincer pendant longtemps. J'ai essayé d'obtenir ces nanoparticules de lipides pendant des années. Je suis sûr que vous avez entendu Kathleen Carrico se plaindre de ne pas avoir pu mettre la main sur les premières versions de ces liposomes, de ces nanoparticules de lipides qui achetaient des nanoparticules.
Je chemine l'ARN messager pour fabriquer un vaccin. Je l'ai sollicité plusieurs fois. Mais il était toujours absorbé par d'autres sujets.
Je n'arrêtais pas de le relancer. J'ai même essayé de faire bonne impression. Je lui ai dit, vous savez, quand j'étais étudiante, j'ai fabriqué des liposomes.
J'ai essayé de lui en parler, mais il n'y m'était... aucune bonne volonté. Oui, il y a eu des gens comme Cathy Carrico et surtout Drew qui ont dit qu'ils n'avaient pas pu se procurer ce matériel.
Pourquoi ? Tout ce que je leur ai dit, c'est que ce n'était pas ma faute. Je n'y suis absolument pour rien.
Toute cette histoire est un peu compliquée. Peter est toujours mal à l'aise avec cette histoire. Il nous a fallu 7 ou 8 temps pour obtenir les nanoparticules de lipides. Ça arrive souvent. Quand une entreprise développe un nouveau produit, elle ne veut pas que d'autres l'utilisent parce que s'ils découvrent un défaut, ça peut ruiner la réputation de leur produit.
Je pense que c'est pour ça qu'il a fallu si longtemps. pour obtenir les nanoparticules de lipides. À l'époque, la frustration est grande pour les deux chercheurs.
Ils ne seront même pas les premiers servis. C'est un autre pionnier de l'ARN qui va profiter de l'invention. Andrew Gill est directeur de l'innovation chez le géant pharmaceutique Novartis.
Mon grand moment de fierté, c'est quand l'équipe de Novartis a été la toute première à utiliser une nanoparticule lipidique pour administrer un vaccin à ARN. C'était l'opportunité d'utiliser une technologie que nous n'avions pas conçue. Elle sortait des laboratoires de Peter Cullis à Vancouver. A partir des travaux publiés, en utilisant notre ARN, on a monté notre première expérience. Dans cette entreprise, qui joue surtout la carte de l'ADN, Andrew Gill a réussi à imposer un petit département ARN.
Les vaccins ADN ne fonctionnent pas très bien chez l'homme. On a vu qu'on pouvait explorer une autre piste avec l'ARN. Mais chez Novartis, nous nous battions avec la culture du tout-ADN.
Et au fur et à mesure des expériences, on a clairement démontré que, non, la solution n'était pas l'ADN et que notre technologie vaccinale fonctionnait bien mieux. En 2013, l'ARN a déjà un pied dans l'industrie pharmaceutique. Cette année-là, quand la crise de la grippe aviaire éclate, Andrew Gill est convaincu qu'il tient l'occasion de montrer au monde le potentiel de la RN. Un vendredi soir, Mon portable a sonné.
C'était le directeur mondial de la recherche. Il voulait savoir si ça nous intéressait de répondre en temps réel avec notre programme de vaccins ARN. Évidemment, j'ai dit oui.
Apparu dans une ferme-usine chinoise, un virus mutant vient de passer chez l'humain. L'alerte est maximale. De la séquence au vaccin, il nous a fallu exactement 8 jours.
Vous pouvez le voir ici. Jour 1, la séquence est mise en ligne en Chine. Ici, vous voyez l'ARN et jour 8, le vaccin est produit.
Les doses ARN sont prêtes. Un essai clinique va être lancé. Mais l'épidémie s'éteint sans qu'on sache pourquoi. Personne ne recevra jamais ce vaccin ARN. Heureusement, il ne s'agissait pas d'une pandémie.
Le monde ne s'est pas retrouvé plongé dans une crise sanitaire. Mais on a eu l'opportunité de prouver qu'il s'agissait bien de la technologie du futur. A l'époque, Kathleen Carrico entend évidemment parler de ce vaccin ARN. Mais elle attend toujours les liposomes de Peter Cullis.
Dépité, elle lâche son poste à l'université et rejoint la société allemande BioNTech. Son fondateur, Ougour Sahin, tente aussi d'utiliser l'ARN en médecine. Son rêve, faire un traitement contre le cancer. Ces équipes joueront un rôle crucial dans la crise du Covid.
Kathleen Carrico lisait nos publications, je lisais les siennes. De temps en temps, nous nous envoyons des messages pour nous féliciter de nos travaux. En 2013, elle est venue à Mayence pour donner une conférence. Et après, nous sommes allés dîner ensemble.
Et là, nous avons constaté que nous avions beaucoup de points communs, que nous partageons les mêmes valeurs. Elle aussi a commencé à faire de la recherche pour aider les gens. Ougourma est... Nous avons discuté et il m'a dit Toi, je sais que tu es compétente, je le vois clairement Il voyait bien que j'étais enthousiaste et il voulait que je travaille là-bas.
Il m'a dit qu'avec mon travail, on emmènerait la RN jusqu'aux essais cliniques. Quelques semaines plus tard, elle était avec nous. Et nous avons commencé à travailler ensemble, en combinant les recherches qu'elle avait déjà lancées à Youpen avec celles que nous avions développées. ici en Allemagne.
Avec BioNTech en Allemagne et le programme de Novartis aux Etats-Unis, un nouveau chapitre semble commencer pour la RN. Pourtant, Andrew Gill va tomber de haut. Le géant pharmaceutique rabote le budget de son équipe. Et donc j'ai commencé à m'adresser à ma hiérarchie. Mais tout ce qu'on me disait, c'était non.
J'ai finalement décroché un déjeuner en tête à tête avec le PDG de l'époque et il m'a dit non. Alors je lui ai posé une question piège. Ça veut dire quoi ?
Non. Il m'a regardé, très énervé sur le coup, et il m'a répondu non, ça veut dire plus de budget, plus de financement à l'interne. La pharma est très douée pour commercialiser des technologies, ou pour les intégrer à un stade avancé de leur développement. Ils industrialisent et les développent à grande échelle.
Mais elles ne s'est vraiment pas innovées. Le coup de grâce tombe en 2015, quand Novartis se débarrasse de son activité ARN. Parfois, il faut juste avoir le courage de s'en aller. Lorsque j'ai annoncé mon départ à mes collègues, ils m'ont dit que c'était la meilleure chose à faire.
Ça, c'est l'une des rares photos que j'ai de quelques membres de l'équipe qui travaillaient sur la technologie vaccinale chez Novartis. Ils sont tous partis et ils ont été embolisés. du côté de Boston, dans des sociétés comme Moderna qui recrutaient activement à l'époque.
En effet, Moderna, positionné exclusivement sur la RN, est alors en pleine ascension. A sa tête, le Marseillais Stéphane Bancel. Il n'a pas réussi à recruter Kathleen Carrico, mais il vient de lever 2 milliards de dollars. En 2011, Moderna n'était qu'une micro-start-up. Pour en prendre la direction, il a d'abord dû convaincre son épouse américaine.
C'est quoi la chance de succès ? Je lui ai dit 5%. Donc elle m'a dit, je ne suis pas très fort en maths, mais ça veut dire 95% de chance d'échec.
Je lui ai dit oui. Mais donc je lui ai expliqué encore une fois ce que ça pouvait faire pour la santé mondiale dans tellement de domaines qu'à la fin elle a dit, tu devrais le faire parce que tu es tellement têtu que tu arriveras peut-être à trouver la manière de faire fonctionner les MSAG et de gérer toutes les difficultés sur le chemin. Stéphane Bancel, formé à la chimie et au marketing, a tout de suite compris l'intérêt industriel de la RN par rapport aux médicaments classiques.
La RN messager c'est une molécule d'information. Tous les messages, que ce soit des vaccins ou des produits thérapeutiques, sont écrits avec quatre lettres. C'est juste l'ordre des lettres qui changent comme les 0 et 1 sur l'informatique. Et donc le processus industriel est le même pour tous les produits.
On fait tous les produits dans la même usine et dans le même réacteur, avec les mêmes équipes, avec les mêmes matières premières. Ce qui rend la pharma folle parce que c'est un concept inconcevable. C'est ce concept révolutionnaire qui va propulser les pionniers de l'ARN sur le devant de la scène dans la crise du Covid.
Début avril 2020. Un million de malades et déjà 50 000 morts à travers le monde. Après des semaines de déni, Donald Trump lance un plan d'urgence pour financer et coordonner la recherche d'un vaccin. SLOEI, un immunologue renomé du monde qui a aidé à créer 14 nouvelles vaccins.
C'est beaucoup de nos nouvelles vaccins. Merci, Monsieur le Président. Bonsoir à tous. Nous pourrons délivrer quelques centaines de millions de doses de vaccins à l'arrivée de l'année 2020. Et nous ferons le mieux que nous pouvons. Le mieux que nous pouvons faire.
Merci. Ebola, cancer, paludisme. Dans sa carrière, Monsef Slaoui a travaillé sur les maladies les plus meurtrières. Sa vocation est née après la disparition de sa jeune sœur, morte d'une maladie infectieuse. Ce grand sportif quitte alors le Maroc pour étudier l'immunologie.
En Belgique d'abord, puis à Harvard. Après, tout va très vite. Il gravit tous les échelons de la pharma jusqu'à figurer en tête des personnalités qui changent le monde dans le magazine Fortune. Monsef Slaoui a été choisi car il vient de l'univers des vaccins traditionnels, mais qu'il connaît aussi la technologie ARN. Il a déjà travaillé avec Stéphane Bancel chez Moderna.
Un jour du mois d'avril 2020, j'ai reçu un coup de fil de quelqu'un qui était le président de l'association des sociétés de biotechnologie. Et il m'a dit, Monsef, est-ce que tu penses qu'un vaccin est possible contre Covid-19 ? Avec beaucoup d'enthousiasme, parce que j'y croyais vraiment, j'étais sur le bord de Moderna à l'époque, au conseil d'administration, et je connaissais la technologie.
Je lui ai expliqué comment on pourrait le faire. Il m'a dit, écoute, Monsef, tu vas recevoir un coup de fil, sûrement de la Maison Blanche. pour te demander si tu peux aider.
J'ai raccroché, j'étais chez ma femme, j'ai dit non, non, parce que je ne suis absolument pas aligné avec Trump et je ne pouvais pas imaginer de faire quelque chose avec Trump. Mais bon, on a passé un quart d'heure à discuter et on a bien... J'ai bien sûr conclu qu'aider à contrôler cette pandémie était beaucoup plus important que n'importe quoi d'autre.
Monsef Slaoui sélectionne 8 programmes de vaccination dont 2, celui de BioNTech et celui de Moderna, utilisent la RN. C'est la toute première fois que cette technologie se trouve en compétition directe avec des vaccins classiques. Mais il était impératif qu'on puisse comparer des oranges avec des oranges.
Et franchement, la chose qui a été la plus difficile à faire, c'était ça. C'était de dire à des compagnies concurrentes, on va vous mettre dans des conditions où vous ne pouvez plus vous cacher. La performance de votre technologie va devenir transparente, puisqu'on va la comparer parfaitement aux autres.
En Allemagne, Ougour Saïn ajourne ses recherches sur le cancer et réorganise l'activité de ses équipes. Nous avions plein de projets pour l'année 2020, développer des immunothérapies anti-cancer et lancer des essais cliniques. Et bien sûr, nous n'avions pas prévu la mise au point d'un vaccin contre une maladie infectieuse.
Quand nous avons compris qu'une pandémie arrivait, nous nous sommes dit que nous devions faire quelque chose. Notre technologie permet de produire des vaccins en quelques semaines. Quand la Chine met en ligne la séquence génétique du coronavirus, BioNTech fait alliance avec le géant Pfizer pour produire massivement son vaccin.
La première usine ARN de Moderna, elle, est flambe en œuvre. Le timing est idéal pour l'ARN messager. Mes équipes sont allées sur la toile et ont copié la séquence avec leur souris.
Ils sont allés dans le logiciel qui s'appelle le Drug Design Studio, donc c'est un studio pour faire des médicaments. et ils font CTRL-V pour copier la séquence. Ça part électroniquement à notre usine à Norwood.
Et à Norwood, ça démarre sur des robots qui commencent d'abord par faire un petit bout d'ADN qui sert en fait de modèle pour l'information génétique. Ce bout d'ADN est mis dans un réacteur. Le réacteur met une enzyme qui va s'attacher à ce petit modèle et qui va créer un ARN messager à partir de ce modèle-là. Après, le prochain réacteur met une boule de lipides, c'est du gras, autour de l'ARN messager. Après ça va dans des grands sacs de 100 litres, et ça va dans une société qui met ça dans des flacons, et c'est fini.
Ah, je me rappelle très bien ! Dans mes coups de fil à 4h du matin, en fait, je reçois un texte d'Albert Bourla, qui est le président électeur général de Pfizer. Je pense que c'était un mercredi. Je ne suis pas certain. 4h du matin, je reçois un texte, il me dit Can I call you ?
Est-ce que je peux t'appeler ? Oui. Il me dit Ah, il était extraordinaire ! Il me dit Écoute, c'est dingue !
On a les résultats, c'est 97% d'efficacité. C'est inimaginable. Mes voisins dans les chambres d'hôtel à côté, on me disait Merde, qu'est-ce qui se passe ? J'ai poussé un très grand cri.
Et puis, je pense qu'il s'est passé dix jours. Avant qu'on ait le résultat de Moderna, et qu'ils sont arrivés un tout petit peu meilleurs. C'était extraordinaire, c'était vraiment extraordinaire.
Yes, c'était enfin la grande revanche de l'ARN sur l'ADN. Parce que, comme je vous le disais, l'ADN avait été roi. Et tout à coup, l'ARN messager était devenue la reine.
Et on sait tous qu'elle a mis le roi échec et mat. L'ARN messager a joué un rôle crucial dans ce temps. terrible drame humain.
Et voilà, on n'avait plus besoin du roi. Lorsque le vaccin a été proposé aux professionnels de santé, l'Université de Pennsylvanie, comme les autres d'ailleurs, a vacciné en priorité les urgentistes, les infirmières et les médecins. C'étaient eux les vrais héros. Vous savez, sentir à quel point ils étaient soulagés, c'était vraiment très émouvant. Rien que d'y penser aujourd'hui, j'ai envie de pleurer.
J'ai senti ce que ça voulait dire pour eux, d'avoir ce vaccin, de pouvoir rentrer chez eux et embrasser leurs familles. J'ai fait partie de la deuxième campagne de vaccination. Et je me suis débrouillé pour que Cathy, qui travaillait à Philadelphie à l'époque, soit avec moi.
Parce que c'était important d'être tous les deux vaccinés en même temps. On travaillait ensemble et on a reçu au même moment le vaccin qu'on avait développé tous les deux. On y avait consacré tant d'années et fait tant de sacrifices. Ça a été une expérience magnifique. Être à l'origine d'une certaine façon du vaccin ARN, aujourd'hui, c'est forcément extrêmement valorisant.
Maintenant, ce qui est un petit peu frustrant, c'est de se dire qu'à l'époque, ça n'a pas été reconnu comme tel. Entre le mois de mai et le mois de novembre 2020, je n'ai pas entendu un seul... experts scientifiques, que je connais personnellement, dire que le vaccin allait marcher. Tout le monde disait que ce serait impossible, que ça n'a jamais été fait avant. Mais ça a eu un effet dramatique sur la confiance de la population dans le vaccin.
Et parmi les détracteurs du vaccin, un certain Robert Malone. Depuis l'été 2020, il court les plateaux télé et revendique la paternité du vaccin ARN. Paradoxalement... Il dénonce aussi ses dangers potentiels, selon lui. Pour le couple Malone, le succès du vaccin anti-Covid aurait pu être l'occasion de se réjouir.
Mais Robert n'a pas reçu de distinction officielle pour sa contribution. La colère est remontée. Il a contribué à l'invention, pas au vaccin à proprement parler.
Mais certaines des personnes qui ont joué un rôle important dans le développement des vaccins anti-Covid se sont attribuées le mérite de son invention. Lui voulait laisser faire, mais pas moi. Ça m'a mise en colère. Alors j'ai commencé à écrire des lettres et à prendre la parole.
Je l'ai un peu secoué et je lui ai dit, Robert... Tu ne peux pas laisser passer ça. Dis quelque chose. Donc ce n'était pas l'ego de Robert qui était à la manœuvre. C'était moi, sa femme, qui le poussait par derrière et qui lui disait Tu mérites qu'on reconnaisse ce que tu as fait Voilà, c'est ça l'histoire.
Les déclarations publiques de Robert Malone sur le vaccin ARN, seraient-elles le fait de son ressentiment ? 15 milliards de doses ont été injectées au cours de la pandémie. Les agences de santé estiment que 20 millions de vies ont été sauvées.
Comme l'ADN dans les années 80. L'ARN devient le produit fétiche de la pharma. Après le succès du vaccin anti-Covid, tous les laboratoires pharmaceutiques m'ont appelé pour me dire Venez chez nous, on veut travailler avec vous, on veut développer la technologie ARN Pour les pionniers de l'ARN, le temps des galères est révolu. Les moyens sont là pour lancer la révolution médicale à laquelle ils croient depuis si longtemps. Au stade où nous en sommes, on a des nanoparticules d'or qui ont la forme adéquate pour absorber très efficacement la lumière violette.
Peter Cullis, dont les liposomes ont rendu possible le vaccin, explore maintenant les pistes les plus futuristes pour la réduction de la lumière. améliorer leur efficacité. Il veut pouvoir guider les ARN à l'intérieur du corps des malades. Les médicaments à petites molécules qu'on utilise, dans les traitements contre le cancer par exemple, circulent partout dans le corps, mais seule une très faible proportion parvient jusqu'à la tumeur, c'est-à-dire là où on en a besoin.
Donc il faut trouver le moyen d'acheminer ces médicaments là où ils sont utiles. Pour cela, il combine particules d'or et rayons laser afin de délivrer la RN uniquement aux cellules malades. Le rayon laser sert à désigner la cible.
L'or rend le liposome sensible à la lumière. Ces nanoparticules d'or absorbent l'énergie. Cela va provoquer une accélération qui va les faire exploser dans une région très localisée, ce qui produira l'effet exactement là où on le souhaite. On est vraiment à la pointe du progrès.
Ça ne marche pas encore, mais le principe général en science, c'est d'essayer de faire fonctionner un prototype dans une situation donnée et de voir ensuite si l'on peut ou non passer en phase clinique. Simple gadget ou invention incontournable dans 20 ans ? Le chercheur reste prudent.
Mais un brevet protège déjà son liposome à visée laser. C'est passionnant, parce que nous en sommes à un point où les perspectives sont presque illimitées. Mais on ne peut pas encore dire laquelle va aboutir. L'une des pistes les plus intéressantes est la création d'un vaccin contre le cancer. Est-ce qu'il sera un jour possible de préparer le système immunitaire à lutter contre des cancers avant même qu'ils ne se développent ?
L'idée d'utiliser la RN pour lutter contre le cancer est déjà ancienne. Dans les années 2000, Steve Pascolo a été l'un des tout premiers à la défendre. Les recherches de ce scientifique français, passé par l'Institut Pasteur, n'intéressent pas le monde médical.
Il a pourtant pris tous les risques à l'époque. Dès 2003, j'ai voulu savoir si l'ARN messager était fonctionnel chez l'homme. Donc j'ai reçu des injections d'ARN messager synthétique. Il y a eu des prélèvements qui ont été effectués au niveau des sites d'injection qui m'ont laissé encore quelques cicatrices.
20 ans après, il est fier de montrer la trace de son exploit. On a pu démontrer ainsi, dans les injections qui m'ont été faites, que les ARN messages synthétiques ne créaient pas de problèmes, pas de toxicité, et qu'ils étaient fonctionnels. Mais ce pionnier ne fait pas partie des grands gagnants de l'histoire de l'ARN. CureVac, la start-up qui l'a fondée alors, a échoué dans la course aux vaccins anti-Covid.
Malgré la déconvenue, aujourd'hui Steve Pascolo reste à la pointe de la recherche sur la RN. A l'hôpital de l'université de Zurich, il prépare un nouvel essai clinique sur le cancer de la peau. Le patient pourrait recevoir un vaccin ARN qui serait une aide supplémentaire ?
Absolument, on pourra espérer un pronostic plus favorable. Les médecins sélectionnent les patients chez qui le vaccin ARN aura le plus de chances de faire reculer la tumeur. L'essai est conduit en collaboration avec BioNTech et Ougour Saïn qui a pu enfin retourner à ses grands rêves d'oncologue. La technique consiste à établir le portrait robot de la tumeur pour en faire un avis de recherche.
Cette information est alors codée dans un ARN messager. C'est lui qui alerte le système immunitaire. En pratique, le médecin prélève un morceau de la tumeur et analyse son ADN. Il peut ainsi établir le portrait robot des cellules malades.
Quand les protéines marqueurs du cancer sont en train de se débrouiller, sont identifiés, il fait fabriquer in vitro les ARN correspondants, ceux qui seront injectés aux patients. Les ARN messagers obligent alors le corps à produire les protéines suspectes en grande quantité. Le système immunitaire est activé. Il répond avec des anticorps qui reconnaissent et détruisent les cellules cancéreuses. Nous avons maintenant des preuves que notre immunothérapie contre le cancer...
Ces vaccins individualisés sont actifs dans le cas du mélanome. Nous avons des preuves que notre immunothérapie est également active pour des maladies très, très graves, comme le cancer du pancréas. Et nous avons aussi mené des études sur des patients atteints de cancer du sein.
Dans ces trois cas, nous constatons que le système immunitaire de l'organisme peut être activé contre le cancer. La technique préfigure une révolution médicale. Le traitement personnalisé contre le cancer.
Et c'est aussi une transformation de la chaîne de soins qui se profile. Là on va fabriquer un ARN messager qui va produire une protéine vue chez une personne. C'est le vaccin haute couture.
C'est le vaccin qui est fait pour une personne. Et ça c'est possible parce que l'ARN c'est facile à produire. Les hôpitaux vont pouvoir fabriquer ces traitements à la demande. Des entreprises s'engouffrent déjà sur ce nouveau marché. C'est le cas de Nutcracker.
La société n'avait encore jamais laissé entrer une caméra dans son département recherche et développement. Elle travaille sur des imprimantes à ARN, utilisables comme des imprimantes de bureau. Le processus de fabrication se déroule en trois étapes.
A la première, on fabrique la matrice ADN. A la seconde, la RN messager. Et à la troisième, on combine la RN messager et le système de transport pour en faire des produits pharmaceutiques. C'est la même machine qui s'occupe de tout. Cette machine est une boîte de 60 sur 60 par 50 cm.
Elle est placée dans une armoire de sécurité. Vous pouvez tout à fait partir skier et faire tourner cette machine. Un ordinateur va tout piloter et vous pourrez tout suivre sur votre téléphone.
Ok, c'est bon, ça roule. Et hop, une autre piste. Comme dans toutes les start-up de la Silicon Valley, le patron vend du rêve.
Les détails, eux, sont réservés aux investisseurs. Ils défilent depuis la crise du Covid. Vous pouvez contrôler très précisément la façon dont vous dosez les fluides au cours de la production et dans les cuves.
et la façon dont vous mélangez les produits entre eux. Donc, tout est en circuit fermé. Et c'est important, ça ?
Oui, c'est important, parce que vous souhaitez que tout le processus se passe sans contact avec l'air. La fragilité de l'ARN messager, qui rebutait tant les industriels, n'est plus qu'un mauvais souvenir. Igor Kandros prophétise la fin du modèle classique, une usine pour un seul médicament, le même pour tout le monde. C'est l'avènement du sur-mesure en pharmacie.
Alors disons par exemple, on se projette dans le temps, dans 10, 20 ou 30 ans, on pourra analyser la situation d'un patient. Et on pourra dire, parmi 20 composés... Ce dont il a besoin, c'est un traitement formulé à partir d'un ARN de tel ou tel type.
Vous appuierez sur un bouton, la machine le fabriquera, et vous l'administrerez au patient qui sera à côté, au centre de soins ou à la pharmacie. La production d'ARN messager synthétique de façon pharmaceutique localement dans un hôpital universitaire, c'est mon rêve depuis 20 ans. Je pense que des productions locales dans des hôpitaux, par exemple des hôpitaux universitaires, permettront à moyen et long terme d'offrir aux patients, de façon individualisée, des solutions contre n'importe quelle pathologie.
Mais ce n'est pas pour demain, parce que chacun de ces produits, du moins c'est ce que le gouvernement va dire, chacun de ces produits va devoir subir ses propres essais de fiabilité et d'efficacité. Et ça, ça va beaucoup ralentir les choses. Je me suis battu pendant des années contre un système qui ne veut pas vraiment innover. J'ai fini par démissionner de Novartis et venir à San Diego, où j'ai fondé un cabinet de conseil pour les vaccins à ARN. Nous sommes spécialisés dans l'ARN de seconde génération.
Andrew Gill, lui, veut s'attaquer à une injustice que la crise du Covid a rendue flagrante. Le manque de vaccins dans les pays les moins industrialisés. Pour cela, il développe des ARN autoréplicants.
Ici, on a un ARN autorépliquant. On lui a juste fourni la capacité de s'autorépliquer. Donc, une fois introduite dans la cellule, cette molécule se réplique spontanément. Une seule molécule devient plusieurs molécules. En théorie, elle en produit plusieurs milliers en l'espace de quelques heures.
Avec un bioréacteur d'un litre, on peut produire jusqu'à 5 millions de doses de vaccins humains. La Nouvelle-Zélande, c'est 5 millions d'habitants. Donc, avec un bioréacteur d'un litre, on peut produire en quelques heures assez de vaccins pour toute la population. Ça change tout en cas de pandémie.
La promesse est d'autant plus séduisante qu'elle peut se coupler aux imprimantes ARN. Typiquement, une machine peut produire 10 à 15 millions de doses. Si vous en voulez plus, si vous en voulez 100 millions par mois, vous prenez 10 machines. Si vous en voulez 300 millions...
Vous ajoutez encore des machines et vous les alignez en rond, comme dans une salle de danse. Ça change la donne, parce que pour la première fois, on envisage l'idée de décentraliser la production et donc de pouvoir produire un peu partout. L'ARN messager soulève un nouvel espoir dans la lutte contre les maladies infectieuses. Même la plus pernicieuse.
A Philadelphie, le jeune chercheur parti en guerre contre le VIH il y a 30 ans est toujours à son poste. Il travaille aujourd'hui sans Kathleen Carrico. Mais il reste convaincu que l'ARN viendra aussi à bout du sida. Tout ce qu'on a appris en essayant de mettre au point le vaccin contre le sida nous a aidé à développer rapidement le vaccin contre le Covid. Aujourd'hui, on est dans la situation inverse.
Le fait que la moitié de la population mondiale a reçu un vaccin ARN a un effet accélérateur sur les traitements contre le sida et les autres traitements à base d'ARN. On pense que ça a de grandes chances de marcher. On va y arriver.
Le vieux rêve de Drew Weissman se réalisera-t-il avant la fin de sa carrière ? Même pour la RN, le sida reste un gigantesque défi. Alors dans le laboratoire, d'autres maladies entrent dans le collimateur de la nouvelle génération de chercheurs.
Avant de partir, Kathleen Carrico a formé son héritier. Cette photo a été prise en 1949. Là, c'est mon grand-père. Et là, le père de Katie. Ils travaillaient dans la même boucherie, dans la ville où je suis né.
Norbert et moi, on a grandi dans la même petite ville de Hongrie. Bien sûr, on n'est pas de la même génération, il est plus jeune que moi. Il a l'âge de ma fille. Tous les ans, on a fait des choses qui nous ont plu. Elle rentrait en Hongrie pour voir sa mère.
Et tous les étés, on se voyait et on parlait de science. C'est pendant l'une de ces conversations qu'elle m'a convaincu de finir mon doctorat et de les rejoindre, elle et Drew Weissman, �� l'Université de Pennsylvanie. Il a travaillé avec moi et je l'ai traité à la hongroise. Du genre, fais pas ci, fais pas ça, vous voyez ce que je veux dire.
Il m'a dit qu'aujourd'hui, il faisait pareil avec les autres, pour leur expliquer les bonnes pratiques de laboratoire et comment faire leurs expériences. En 2012, 63 ans plus tard, on a pris la même photo, Cathy et moi, dans un des bâtiments du campus. C'est marrant, à l'époque on ne savait pas qu'elle allait devenir célèbre.
Le successeur de Kathleen Carrico concentre ses recherches sur la grippe qui fait encore 600 000 morts chaque année. La production classique des vaccins ne permet pas de suivre les mutations rapides du virus. Certaines années, l'efficacité tombe sous les 30%.
Si l'on prend l'exemple du vaccin à ARN messager contre la grippe, l'avantage, c'est que c'est facile à produire. Et comme il est synthétique, on peut facilement introduire des mutations récentes en fonction de l'évolution du virus, et de là, obtenir un vaccin qui correspond exactement au virus qui circule. Si tout se passe bien, peut-être que les gens pourront avoir accès à un vaccin de ce type en 2025 ou 2026. Cancer, grippe, paludisme, maladie génétique, cardiaque, diabète, Alzheimer.
L'ARN messager est désormais de tous les programmes de recherche médicale. L'argent coule à flot. Mais les scientifiques ont encore d'immenses défis à relever.
Quand ces nouvelles thérapies verront-elles le jour ? Quelle sera l'ampleur de la révolution ARN ? Certains investisseurs vous diront qu'ils le savent.
Mais en vérité, en tant que scientifique, je ne peux absolument pas vous dire si cela va être limité à certaines thérapies ou si, au contraire, ça va se répandre dans tout le secteur médical. On ne se rend pas compte du nombre de thérapies qui peuvent être envisagées avec l'ARN. En fait, je passe mes nuits à me demander ce qu'on pourrait encore faire avec.
Quand vous vous lancez en science, vous ne pouvez pas savoir où ça va vous mener. Vous vous jetez à corps perdu, vous y mettez tout votre enthousiasme, et les découvertes que vous faites finissent par aider des millions de personnes. Et ça, vous ne pouvez pas le prédire. La morale scientifique dans tout ça, c'est que l'investissement dans la recherche fondamentale est incroyablement utile, même lorsqu'il se fait à fond perdu, au moins à court terme. Et même lorsqu'il n'y a pas de produit.
Parce que l'investissement dans la recherche fondamentale permet d'obtenir des connaissances et des technologies nouvelles quand il se passe. ce qu'il s'est passé en 2020, et qu'on a soudainement besoin de tout ça. Tout est là, sur la table. On peut prendre tel et tel élément et les réunir. Alors, s'il y a bien un bon argument pour soutenir la recherche fondamentale en sciences du vivant, c'est bien cette histoire.