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Le rôle de la connaissance dans la société

Bonjour, une nouvelle vidéo aujourd'hui sur le dernier thème de spécialité du programme de terminale d'AGGSP, l'enjeu de la connaissance. Bon, vous avez l'habitude maintenant, on commence toujours par définir les mots-clés, ici définir la connaissance. Nous dirons que la connaissance, c'est un processus mental de transformation d'une information en savoir. En fait, dans le langage courant, connaissance et savoir sont plus ou moins synonymes. Mais dans la connaissance, il y a une idée de production, l'action de produire, de construire. Alors que le savoir, lui, est plus passif. C'est le résultat, si vous voulez. Alors, dès l'Antiquité, la production du savoir s'est faite au sein d'institutions. Vous avez peut-être vu en philo l'académie de Platon, mais on peut aussi penser aux premières universités au Moyen-Âge, d'abord dans le monde arabe, et puis ensuite en Europe. Vous avez Oxford, Paris, Salamanque, tout ça, vers la fin du XIIe, début du XIIIe siècle. Plus tard, cette connaissance, elle passe par les sociétés savantes, à partir du XVIIe, XVIIIe siècle. Ce sont des groupes d'experts ou de passionnés qui échangent sur leur sujet de prédilection et qui, peu à peu, vont s'institutionnaliser. C'est-à-dire que ces sociétés vont se doter de lieux, de valeurs, de méthodes communes. Alors, parmi ces valeurs, par exemple, l'idée du travail collectif, avec une validation des travaux par les pairs. C'est-à-dire que ce sont des chercheurs qui analysent de manière critique les travaux d'autres chercheurs. Vous avez aussi l'idée de l'universalisme, du désintéressement, la mise en place d'institutions, de congrès, de diplômes reconnus, etc. Et tout cela forme ce que l'on appelle désormais la communauté scientifique, sans que l'on sache très bien d'ailleurs ce que cette notion recouvre exactement. Et cette communauté scientifique produit donc des connaissances qui sont diffusées à une échelle de plus en plus vaste et de manière de plus en plus rapide. Car c'est l'un des grands bouleversements du XXIe siècle, avec Internet et le numérique, les modes d'accès au savoir ont profondément changé. Internet et les réseaux sociaux permettent d'avoir un accès à des ressources quasi illimitées, et chacun peut désormais être... producteurs de connaissances. Cette vidéo en est un parfait exemple. Publiée sur Internet, elle permet de toucher potentiellement des millions, voire des milliards de personnes à travers le monde. Alors, j'ai bien dit potentiellement. Alors qu'il y a quelques années, le seul canal disponible, le seul canal vidéo, c'était la télévision avec quelques chaînes. Mais cette plus grande disponibilité du savoir, elle pose aussi la question de la fiabilité des informations qui circulent. Puisque les normes qui permettaient autrefois de valider les savoirs, c'est-à-dire le contrôle par les pairs, les diplômes, etc., ne sont plus les seules normes reconnues aujourd'hui. Pour certains, par exemple, le nombre d'abonnés ou de followers donne une légitimité à un influenceur pour parler sur n'importe quel domaine, y compris sur des sujets sur lesquels il n'est pas expert. Alors tout cela nous amène à ce que l'américain Peter Drucker a appelé la société de la connaissance à la fin des années 60, c'est-à-dire une société dans laquelle le savoir est une ressource à exploiter, au même titre que le pétrole ou la main-d'oeuvre. C'est une ressource qui donne à un pays ou à une économie une richesse, un développement et une influence géopolitique. Et d'ailleurs, en 2000, dans sa stratégie de Lisbonne, le Conseil européen voulait créer une Europe de la connaissance. Cette société de la connaissance, elle est parfois associée à l'idée de partage des savoirs, des innovations, de coopération internationale. On peut penser à l'exemple de Wikipédia, on y reviendra, qui est co-construite par l'ensemble des contributeurs de la planète. Mais cette société peut aussi être source de compétitivité, on l'a vu avec les vaccins. où la recherche de la rentabilité ou de l'influence géopolitique peut parfois prendre le pas sur des principes éthiques. Et c'est une des limites finalement de cette société de la connaissance, c'est qu'elle est porteuse d'inégalités, car tous les individus n'ont pas le même accès à l'alphabétisation, aux études, à Internet, et cela peut priver les pays les moins développés de leurs futures élites qui rejoignent les pays développés et cette fameuse société de la connaissance. C'est ce qu'on appelle la fuite des cerveaux. Donc, au final, il y a plusieurs enjeux dans ce thème. Le premier, c'est celui de la production et de la diffusion des connaissances. Pour produire des connaissances, il faut déjà être alphabétisé. Et alors, historiquement, l'alphabétisation, et notamment l'alphabétisation des femmes, elle s'est développée en Europe, surtout à partir de la réforme protestante au XVIe siècle. Vous vous souvenez peut-être avoir vu ça. L'idée, c'était que chacune et chacun devait pouvoir lire la Bible, soit en latin ou dans sa langue nationale. Et on en était loin, puisqu'à l'époque, on estime que le taux d'alphabétisation en France approchait au mieux les 30% de la population, sachant que les hommes étaient beaucoup plus alphabétisés que les femmes. Cette hausse de l'alphabétisation a connu finalement un temps fort, surtout au XIXe siècle, avec les lois scolaires, notamment en France les lois Falou en 1850, qui créent les écoles de filles, et puis vous avez bien sûr les célèbres lois Ferry en 1881-1882, qui rendent la scolarité obligatoire, y compris pour les filles. Mais aujourd'hui encore, l'alphabétisation est très inégale selon les régions du monde. Par exemple, vous avez environ un tiers d'analphabètes en Afrique subsaharienne ou en Asie du Sud. Et puis vous avez aussi une alphabétisation très inégale selon les sexes. Même si à l'échelle globale, la proportion de personnes analphabètes dans le monde a été divisée par 3 depuis 1950, aujourd'hui les deux tiers des analphabètes dans le monde sont des femmes, pour des raisons, soit religieuses, socio-culturelles, économiques, etc. Par exemple, dans certaines sociétés, on investit moins sur les jeunes filles car elles sont destinées à se marier jeune et à quitter la famille ou à s'occuper du foyer, donc on estime que c'est moins rentable. L'autre aspect de la production de la connaissance, c'est qu'elle est le fruit des recherches et des échanges des hommes et des femmes. C'est ce que montre l'exemple de la question de la radioactivité dans la première moitié du XXe siècle. Alors, la radioactivité a été découverte par Henri Becquerel en 1896, un peu par hasard, mais c'est une femme, Marie Curie, une franco-polonaise, qui va lui donner son nom et qui va approfondir les recherches avec son époux, Pierre Curie. Cela vaudra à tous les trois, Henri Becquerel, Pierre et Marie Curie, le prix Nobel de physique en 1903. Et ça incarne bien cet esprit de communauté scientifique dont on a déjà parlé, puisque Pierre et Marie Curie refusent de faire breveter leurs découvertes, ils communiquent les détails de leurs recherches, participent à des congrès avec d'autres scientifiques, comme lors des fameuses conférences Solvay, avec toujours un seul but, coopérer et faire avancer la science. C'est dans ce même esprit que pendant la Première Guerre mondiale, Marie Curie fait équiper des voitures de radiologie, les fameuses petites Curies, qui se déplacent sur le front pour aider à soigner les soldats. Dans l'entre-deux-guerres, la radioactivité continue de passionner les chercheurs. Elle incarne aux yeux du grand public la modernité, le progrès, dans le domaine médical avec la radiothérapie par exemple, ou dans d'autres domaines plus inattendus, comme vous le voyez sur cette publicité, vantant les sous-vêtements radioactifs. Il faudra attendre un peu avant que les dangers de la radioactivité soient bien identifiés. Plus tard, c'est encore une femme, Irène Joliot-Curie, la fille de Pierre et Marie Curie, qui va faire... avancer la recherche en découvrant, avec son mari Frédéric Joliot-Curie, la radioactivité artificielle. Mais la question de la radioactivité elle montre aussi que les découvertes scientifiques peuvent avoir d'autres usages. En l'occurrence, évidemment ici, la fabrication de la bombe atomique, qui est l'aboutissement du projet Manhattan, dans lequel collaborent scientifiques et militaires, sous l'autorité du gouvernement américain, jusqu'au bombardement d'Hiroshima et Nagasaki en août 1945. Donc, On voit bien que la question de la radioactivité, elle montre l'importance des échanges et des complémentarités au sein de la communauté scientifique, mais elle montre aussi comment la production de connaissances peut être utilisée à des fins militaires et politiques, ici avec l'armatomique. Et si, avec la guerre froide, les échanges entre scientifiques sont bloqués entre l'Est et l'Ouest, l'acquisition de connaissances peut se faire sous une autre forme, par exemple l'espionnage, et ça, c'est ce que nous verrons dans un deuxième épisode.