Loi 3. Dissimulez vos intentions. Principe. Maintenez votre entourage dans l'incertitude et le flou en ne révélant jamais le but qui se cache derrière vos actions. S'ils n'ont aucune idée de ce que vous prévoyez, ils ne pourront pas préparer de défense. Guidez-les assez loin dans une autre direction.
Enveloppez-les d'un écran de fumée et quand ils perceront à jour vos dessins, il sera trop tard. 1. Utilisez leurres et diversions pour créer de fausses pistes. Si, à un moment donné de la supercherie, votre entourage a le moindre soupçon de ce que vous tramez, tout est perdu. Ne leur en donnez pas l'occasion. Envoyez-les sur de fausses pistes en créant des diversions à chaque pas.
Faites preuve de feinte sincérité. Envoyez des signaux ambigus. Érigez de factices objets de désir.
Incapables de distinguer le vrai du faux, ils ne comprendront pas votre but réel. Violation de la loi. Ni nom de l'enclos, la plus célèbre courtisane française du XVIIe siècle, avait patiemment écouté pendant plusieurs semaines le marquis de Sévigné lui dépeindre ses émois à la poursuite d'une jeune comtesse, belle mais inaccessible. Ninon, alors âgé de 62 ans, était fort versé dans les choses de l'amour. Le marquis était un jeune homme de 22 ans, charmant, fringant, mais sans la moindre expérience sentimentale.
Au début, Ninon s'était amusé d'entendre le jeune marquis parler de ses erreurs Mais elle en eut vite assez. Incapable de souffrir à l'incompétence, surtout dans ce domaine, elle décida de l'instruire. Il devait avant tout comprendre qu'il s'agissait là d'une guerre, que la belle comtesse était une citadelle à assiéger suivant une stratégie digne d'un général d'armée. Chaque étape devait être planifiée et exécutée avec le plus grand soin. Il fallait, lui dit-elle, approcher la comtesse d'abord de loin nonchalamment puis quand ils se retrouveraient seuls ensemble la traiter en ami et non en éventuelle amante cela l'induire est dans l'erreur de croire que le marquis n'était peut-être intéressé que par une simple amitié une fois se met la confusion dans l'esprit de la comtesse il serait temps de la rendre jalouse à la rencontre suivante dans quelques réceptions parisienne Le marquis devrait se rendre avec une séduisante jeune femme à ses côtés.
Cette belle compagne aurait des amis aussi jolis qu'elle, en sorte que, partout où la comtesse rencontrerait désormais le marquis, il serait entouré des plus belles femmes de Paris. Non seulement la comtesse serait rongée de jalousie, mais elle en viendrait à considérer le marquis comme capable de susciter le désir d'autres femmes. Or, expliqua patiemment Ninon au jeune homme incrédule, Une femme intéressée par un homme aime avoir que les autres femmes s'intéressent aussi à lui. Non seulement cela lui confère une valeur immédiate, mais elle a la satisfaction de l'arracher au griffe de ses rivales.
Une fois la comtesse jalouse, mais intriguée, il serait temps d'entreprendre de la séduire. Le marquis s'abstiendrait de se montrer là où la comtesse espérait le voir. Puis soudain, il ferait irruption dans des salons qu'il n'avait jamais fréquentés auparavant, mais où la comtesse avait ses habitudes.
Elle serait incapable de prévoir ses apparitions. Tout cela la conduirait à l'état de confusion émotionnelle indispensable. Ainsi fut fait, et cela prit plusieurs semaines.
Ninon surveillait les progrès du marquis. Grâce à son réseau d'espions, elle savait que la comtesse riait un peu plus fort aux traits d'esprit du jeune homme, écoutait plus attentivement ses histoires, multipliait soudain les questions à son sujet, le regardait plus souvent. Ninon sentait la jeune femme en train de tomber sous le charme.
C'était une question de semaines maintenant, peut-être d'un mois ou deux, mais si tout allait bien, la citadelle serait bientôt prise. Quelques jours plus tard, le marquis se retrouva chez la comtesse. Ils étaient seuls.
Cédant à sa propre impulsion, plutôt que de suivre les instructions de Ninon, il saisit les mains de la belle et lui déclara sa flamme. La jeune femme sembla confuse, ce qui le surprit. Elle se montra distante, puis s'excusa.
Pendant tout le reste de la soirée, elle évita son regard, s'absenta quand il partit. Les quelques fois suivantes où il lui rendit visite, on lui annonça qu'elle n'était pas chez elle. Quand finalement elle accepta de le revoir, tous deux se sentirent gênés et mal à l'aise. Le charme était brisé. Interprétation Ninon de Lanclos savait tout sur l'art d'aimer.
Elle était passée entre les bras des plus grands écrivains, penseurs et politiciens de l'époque. La Rochefoucauld, Molière, Richelieu même avaient été ses amants. La séduction était pour elle un jeu à pratiquer avec talent. Avec l'âge, sa réputation grandit et les plus importantes familles de France lui envoyaient leur fils pour qu'elles les instruisent des choses de l'amour.
Les hommes et les femmes sont très différents. Ni non, on le savait. Pourtant, quand il s'agit de séduction, le même phénomène se produit au plus profond d'eux-mêmes.
Ils sentent qu'ils sont en train de succomber, mais ils cèdent à la sensation délicieuse d'être dirigés. Car c'est un plaisir de se laisser aller, de permettre à l'autre de vous emmener dans cet étrange pays. Tout se joue dans la suggestion.
Vous ne pouvez expliciter vos intentions ni les dévoiler directement. Il vous faut au contraire lancer des fausses pistes. Pour désirer s'abandonner à votre bon vouloir, vos proies doivent être troublées de la manière appropriée. Vous devez crypter vos signaux, paraître attiré par un autre, l'appât, puis insinuer que vous êtes intéressé par votre cible, puis feindre l'indifférence, etc.
Un tel comportement sème non seulement la confusion, mais accroît l'excitation. Imaginons l'histoire du point de vue de la comtesse. Après avoir observé le marquis quelque temps, elle comprit qu'il avait initié une sorte de jeu, et elle en fut ravie. Elle ne savait pas où il voulait la mener, mais ce n'en était que mieux.
Son comportement l'intriguait, chacun de ses gestes la laissant impatiente de connaître la suite. Même la jalousie et le trouble qu'il provoquait en elle lui plaisaient, car une émotion parfois vaut mieux que l'ennui de la sécurité. Peut-être le marquis avait-il quelques idées en tête. C'est le cas de la plupart des hommes.
Mais elle ne voulait pas le savoir trop vite. Et il est probable que si le marquis avait été capable de la faire attendre plus longtemps, il serait parvenu à ses fins. Mais lorsque le jeune homme prononça le mot fatal, amour, tout changea. Ce n'était plus un jeu.
Il avait dévoilé ses intentions. Il était en train de la séduire. Cela donnait un éclairage nouveau à ce qui avait précédé.
Tout ce qui lui avait paru charmant devenait à ses yeux des intrigues ignobles. La comtesse, embarrassée, en avait soudain perdu le goût. Une porte se ferma, elle ne se rouvrit jamais. Ne point passer pour homme d'artifice. Véritablement, on ne saurait vivre aujourd'hui sans en user, mais il faut plutôt choisir d'être prudent que d'être fin.
Le plus grand artifice est de bien cacher ce qui passe pour tromperie. Balthazar Gracian, 1601-1658, l'homme de cour, traduit par Hamelot de Laousset. Respect de la loi.
En 1850, Otto von Bismarck, âgé de 35 ans, député au Parlement prussien, était à un tournant de sa carrière. L'Allemagne était à l'époque morcelée en de nombreux États, dont la Prusse. Le projet de son unification était à l'ordre du jour, au risque d'une guerre avec l'Autriche, puissant voisin du Sud qui avait intérêt à garder une Allemagne faible et divisée, et menaçait même d'intervenir si elle tentait de s'unifier. Le prince Guillaume, héritier présomptif de la couronne de Prusse, était en faveur de la guerre. Le Parlement, rallié à cette cause, était prêt à voter la mobilisation.
Les seuls à être hostiles à la guerre étaient le roi, Frédéric Guillaume IV, et ceux de ses ministres qui préféraient négocier avec les puissants autrichiens. Toute sa carrière, Bismarck avait loyalement et passionnément servi la grandeur prussienne. Il rêvait d'une Allemagne unifiée.
Il souhaitait déclarer la guerre à l'Autriche et vaincre ce pays qui avait si longtemps empêché l'unité allemande. En tant que soldat, il considérait la guerre comme un devoir glorieux. et devait déclarer quelques années plus tard Ce ne sont pas par des discours et des votes que les grandes questions de notre temps seront résolues, mais par le fer et par le sang. Patriote convaincu et militariste à tout craint, Bismarck fit néanmoins, au plus fort de la fièvre guerrière, un discours au Parlement qui stupéfia ses auditeurs.
Malheur à l'homme d'État ! dit-il. Qui fait la guerre sans une raison qui restera valable une fois la guerre finie ? Après le conflit, ces questions seront envisagées différemment. Aurez-vous alors le courage de vous tourner vers le paysan pleurant sur les ruines de sa ferme, vers l'invalide, vers le père qui aura perdu ses enfants ?
Non seulement Bismarck plaidait contre la folie de la guerre, mais il faisait l'éloge de l'Autriche dont il défendait les positions. C'était une volte-face retentissante. Les conséquences furent immédiates.
Si Bismarck était contre la guerre, qu'est-ce que cela signifiait ? Les députés étaient perplexes. Plusieurs changèrent de camp. Finalement, le roi et ses ministres l'emportèrent et le conflit fut évité. Quelques semaines plus tard, le roi, par reconnaissance à Bismarck d'avoir prôné la paix, le fit ministre de la Prusse.
Quelques années plus tard, celui-ci deviendrait premier ministre. À ce poste, il conduirait finalement son pays et son roi pacifiste à la guerre contre l'Autriche, écraserait le Vieil Empire et fonderait un puissant État allemand, dominé par la Prusse. Interprétation. À l'époque de son discours de 1850, Bismarck s'était livré à plusieurs calculs.
Tout d'abord... Il s'était aperçu que l'armée prussienne, faute de la modernisation qu'avaient connue les autres armées européennes, n'était pas prête à la guerre. Les Autrichiens, eux, l'étaient. Leur victoire aurait été catastrophique pour le pays.
Ensuite, si Bismarck encourageait une guerre que perdait la Prusse, sa carrière ne s'en remettrait jamais. Le roi et ses ministres conservateurs voulaient la paix. Bismarck, lui, visait le pouvoir. Il choisit donc de berner le peuple en défendant une cause qu'il détestait, à l'aide d'arguments dont il se serait gaussé chez un autre. Le pays entier le crut.
Son discours lui valut le portefeuille des affaires étrangères, et de ce poste, il s'éleva rapidement au rang de Premier ministre, avec le pouvoir de renforcer l'armée prussienne et d'accomplir ce qu'il avait toujours voulu, humilier l'Autriche et unifier l'Allemagne sous l'égide de la Prusse. Bismarck était certainement l'un des hommes d'État les plus intelligents de tous les temps. Grand stratège et maître illusionniste. Personne ne soupçonna ce qu'il voulait vraiment. S'il avait annoncé ses intentions réelles, expliquant qu'il valait mieux attendre et se battre plus tard, il n'aurait pas eu gain de cause.
La plupart des Prussiens voulaient la guerre de suite, croyant à tort leur armée supérieure à celle des Autrichiens. S'il avait essayé de rentrer dans les bonnes grâces du roi en lui demandant de le nommer ministre en échange de son soutien à la paix, il n'aurait pas réussi davantage. Le roi se serait méfié de son ambition et aurait douté de sa sincérité. En défendant l'opposé de ses convictions les plus profondes et en envoyant des signaux factices, il trompa tout le monde et obtint exactement ce qu'il voulait. Voilà l'avantage de dissimuler ses intentions.
Les clés du pouvoir. La plupart des gens se lisent à livre ouvert. Ils disent ce qu'ils ressentent, laissent échapper étourdiment leurs opinions et révèlent leurs moindres projets et intentions. Les causes de cela sont multiples.
Tout d'abord, il est naturel d'exprimer ses sentiments et de dévoiler ses projets, alors que cela demande un effort de contrôler ses paroles. Ensuite, Beaucoup pensent qu'honnêteté et franchise leur feront gagner le cœur de leur entourage. Quelle illusion ! La franchise est une lame émoussée qui fait saigner plus qu'elle ne coupe.
Elle risque même d'offenser. Il est prudent de mesurer ses paroles, de ne dire aux gens que ce qu'ils veulent entendre et non la vérité brute, parfois hideuse. Surtout en s'exprimant ouvertement. On se rend tellement prévisible et familier qu'il est presque impossible de se faire respecter et surtout craindre.
Or, le pouvoir fuit ceux qui sont incapables d'inspirer de tels sentiments. Si vous cherchez le pouvoir, laissez l'honnêteté de côté. Passez maître dans l'art de la dissimulation et vous aurez toujours le dessus.
Appuyez-vous pour cela sur la nature humaine. La première impulsion conduit toujours à croire les apparences, car il serait impossible de vivre en doutant constamment de la réalité de ce que l'on perçoit. Faites simplement miroiter tel objet que vous prétendez convoiter, tel but que vous semblez vouloir atteindre, et...
et tout le monde s'y trompera. Une fois leur attention concentrée sur la part, les gens ne remarqueront pas que votre intention est tout autre. Par les artifices de la séduction, en jouant tour à tour l'intérêt et l'indifférence, non seulement vous les lancerez sur une fausse piste, mais vous enflammerez leur désir de vous posséder.
Une tactique souvent efficace pour lancer des leurres consiste à feindre de défendre une idée ou une cause à l'opposé de vos véritables sentiments, tel Bismarck dans son discours de 1850. La plupart des gens penseront que vous avez changé d'avis, tant il est inhabituel que l'on joue avec ses propres opinions et valeurs. La même remarque s'applique à n'importe quel objet factice de désir. Faites semblant de convoiter une chose pour laquelle vous n'avez en fait aucun intérêt, et vos ennemis du p... feront toutes sortes d'erreurs dans leurs calculs. En 1711, durant la guerre de succession d'Espagne, le duc de Marlboro, à la tête de l'armée anglaise, voulait détruire un fort français qui défendait une voie importante de pénétration en France.
Pourtant, il savait que s'il le détruisait, les Français comprendraient ses intentions, emprunter cette voie. Au lieu de cela, il captura simplement le fort et y installa quelques troupes, donnant l'impression qu'il le voulait pour un motif qui lui était propre. Les Français attaquèrent le fort comme si le duc avait une raison de le garder, et le duc les laissa l'enlever et le détruire. Le fort détruit, la route était ouverte, et Marlboro put aisément pénétrer en France.
Utilisez ce stratagème de la manière suivante. Au lieu de vous taire, au risque de paraître secret et de rendre les gens soupçonneux, Parlez librement de vos désirs et de vos buts, mais pas les vrais. Vous ferez ainsi d'une pierre trois coups. Sous des dehors amicaux, ouverts et confiants, vous cacherez vos intentions réelles et lancerez vos rivaux à la poursuite d'un leurre. Un autre puissant subterfuge est la fausse sincérité.
Les gens confondent facilement sincérité et honnêteté. Rappelez-vous. Leur instinct leur dicte de se fier aux apparences, et comme ils accordent de l'importance à l'honnêteté, et qu'ils veulent en trouver à ceux qui les entourent, ils douteront rarement de vous et ne verront pas vos actes.
Faites semblant de croire à ce que vous dites, cela donnera à vos paroles un grand poids. C'est ainsi que Iago trompa Othello. Étant donné la profondeur feinte de ses émotions, l'apparente sincérité de ses inquiétudes à propos de l'infidélité supposée de Desdemone, Comment Othello pouvait-il se méfier de lui ?
C'est ainsi que procédait le grand escroc Yellow Kid Vile. Il semblait si confiant dans les objets factices qu'il faisait miroiter, fausses actions, cheval de course prétendu gagnant, que leur réalité semblait indubitable. Seulement, il ne faut pas exagérer, bien sûr. La sincérité est à double tranchant.
Trop passionné, vous éveilleriez les soupçons. Restez mesuré et crédible ou votre ruse sera éventée. Pour faire de votre fausse sincérité une arme efficace, affichez votre foi en l'honnêteté et la droiture comme valeur sociale de premier plan.
Faites-le aussi ouvertement que possible en révélant quelques pensées qui vous viennent du fond du cœur. Attention ! Anodines ou de portée générale, bien sûr. Le ministre de Napoléon, Talleyrand... était un maître en la matière.
Il semblait mettre ses interlocuteurs dans la confidence en leur révélant un secret quelconque. Cette confiance feinte, l'appât, suscitait en eux une confiance véritable. Souvenez-vous, ceux qui trompent le mieux sont ceux qui déguisent le mieux leur malice. Ils cultivent un air d'honnêteté dans un domaine pour masquer leur malhonnêteté dans d'autres. L'honnêteté est une des choses qui est la plus importante dans l'histoire de l'Homme.
n'est rien de plus qu'une des armes de leur arsenal. 2. Cachez vos actes derrière des écrans de fumée. La tromperie est toujours la meilleure stratégie, mais les plus habiles supercheries nécessitent un écran de fumée pour distraire l'attention de votre but réel.
Une apparence neutre, telle l'impassibilité du joueur de poker, sera souvent l'écran idéal pour dissimuler vos intentions derrière un aspect familier et rassurant. Si vous entraînez un naïf sur un chemin familier, il ne s'apercevra pas que vous le conduisez vers un piège. Respect de la loi.
Premier exemple. En 1910, un certain Sam Gisiel de Chicago vendit ses entrepôts pour près d'un million de dollars. Il s'installa dans une semi-retraite pour gérer ses biens fonds, tout en regrettant le bon vieux temps des affaires.
Un jour, un jeune homme nommé Joseph Vile poussa la porte de son bureau. Il voulait acheter un appartement. Giselle lui fit connaître ses conditions.
Le bien coûtait 8 000 dollars, la compte était de 2 000. Vile répondit qu'il allait réfléchir. Il revint le lendemain. Il offrait de régler la totalité en espèces si Giselle voulait bien attendre quelques jours, le temps pour Vile de conclure une affaire en cours. Même à la retraite, l'homme d'affaires avisé qu'était Giselle était curieux de savoir comment Vile allait s'y prendre pour réunir si rapidement une telle somme, à peu près l'équivalent de 150 000 dollars d'aujourd'hui. Vile resta évasif et changea de sujet, mais Giselle revint à la charge.
Finalement, sous le sceau du secret, Vile lui raconta ceci. L'oncle de Vile était secrétaire d'une association de financiers multimillionnaires. Ces hommes fortunés avaient acheté à un très bon prix un pavillon de chasse dans le Michigan dix ans auparavant. Il ne l'utilisait plus depuis plusieurs années, aussi avait-il décidé de le vendre et demandait à l'oncle de Weil de voir ce qu'il pouvait en obtenir.
L'oncle, pour des raisons aussi excellentes que longues à détailler, nourrissait une rancune tenace contre ses millionnaires. Il tenait l'occasion de se faire justice. Il vendrait la propriété 35 000 dollars à un intermédiaire que Weil devait trouver. Les financiers étaient trop riches pour se soucier de la modicité de ce prix.
L'intermédiaire revendrait alors le pavillon à sa valeur réelle, environ 155 000 dollars. L'oncle, Vile et le troisième homme se partageraient la différence. Tout cela était légal. Et la cause ?
La juste rétribution de l'oncle, inattaquable. Jizzy l'en savait assez. Il voulait être l'intermédiaire. Weil hésitait à l'impliquer, mais Gisil t'a un bon. La perspective d'un important bénéfice assorti d'un frisson d'aventure le faisait trépigner.
Weil expliqua à Gisil qu'il devrait tout d'abord investir 35 000 dollars en espèces pour remporter le marché. Gisil, millionnaire, répondit qu'il pouvait réunir la somme en un clin d'œil. Weil se laissa finalement fléchir. et accepta d'organiser une rencontre entre l'oncle, Giselle et les financiers en question. Celle-ci devait se dérouler à Galesburg, dans l'Illinois.
Pendant le voyage en train, Giselle fit la connaissance de l'oncle, un homme imposant avec qui il discuta à faire tout le long du trajet. Vile avait aussi amené un compagnon un peu enveloppé du nom de George Gross. Vile se déclara à Giselle entraîneur de boxe présenta Gross comme l'un de ses poulains et prétendit qu'il lui avait demandé de venir avec lui pour s'assurer que le boxeur restait en forme. Avec ses cheveux grisonnants et sa bedaine, Gross n'avait rien d'insportif.
Mais Giselle était trop excitée par son affaire pour se poser de vraies questions. Une fois à Galesburg, Vile et son oncle allaient rechercher les financiers, laissant Giselle dans une chambre d'hôtel en compagnie de Gross, qui enfila rapidement une tenue de boxe, et, sous le regard distrait de Giselle, se mit à s'entraîner. L'athlète s'essouffla au bout de quelques minutes d'exercice, mais son style semblait assez correct, et Giselle n'y vit rien à redire.
Une heure plus tard, Vile et son oncle revenaient avec leur millionnaire d'un posant messieurs fort élégamment vêtus. La rencontre se déroula comme prévu, et les financiers acceptèrent de vendre le pavillon à Giselle qui avait déjà viré les 35 000 dollars sur un compte d'une banque locale. Une fois cette petite affaire réglée, les manias s'installèrent confortablement dans les fauteuils et commencèrent à échanger des plaisanteries à propos de hautes finances.
citant JP Morgan comme s'il était de leurs amis. Soudain, l'un d'eux avisa le boxeur dans un coin de la pièce. Vile expliqua ce qu'il faisait là.
L'homme d'affaires déclara que lui aussi connaissait un boxeur, qu'il nomma. Vile éclata de rire et s'exclama que son homme pouvait facilement le battre. La conversation dégénéra en dispute. Dans le feu de la colère, Weil mit au défi les financiers de parier une forte somme. Ceux-ci acceptèrent sur le champ et partirent en claquant la porte pour aller préparer leurs favoris au combat, qui aurait lieu dès le lendemain.
À peine avait-il quitté la pièce, que l'oncle, devant Gisèle, accabla Weil de reproches. Il n'avait pas assez de liquide pour assurer la mise. Dès que leurs adversaires s'en rendraient compte, l'oncle serait licencié.
Vile s'excusa de l'avoir mis dans une situation aussi difficile, cependant il avait une idée. Il connaissait bien l'autre boxeur, et moyennant un petit pot de vin, il pourrait truquer le match. Mais où trouver l'argent pour le pari ? filmina l'oncle.
Faute de pouvoir avancer la mise, ils étaient fichus. Finalement, Gisile n'y tint plus. Peu désireux de mettre en péril son affaire en faisant la sourde oreille, Il offrit ses 35 000 dollars. Même s'il perdait, il renouvellerait la provision. Le bénéfice sur la vente du pavillon serait malgré tout assez confortable.
L'oncle et le neveu le remercièrent. Avec l'apport de Gisèle et leurs propres ressources, il réunissait assez pour le pari. Ce soir-là, tandis que Gisèle regardait les deux boxeurs conclure le marché dans la chambre d'hôtel, Son esprit s'emballa à l'idée du coup double qu'il allait faire s'il gagnait le gros lot, en plus de la vente du pavillon.
Le combat eut lieu le lendemain, dans un gymnase. Vail se chargea d'emporter l'argent de la mise, qui fut placé en sécurité dans un coffre-fort. Tout se passa d'abord comme convenu.
Les millionnaires faisaient grise mine devant les mauvaises performances de leurs favoris. Gisile rêvait à l'argent facile qu'il était sur le point de gagner. Quand soudain, le champion des financiers envoyait un direct à Gross, qui tomba K.O., vomissant du sang. Puis, après quelques soubresauts, s'immobilisa, inerte.
Un des hommes d'affaires, docteur en médecine, vérifia son pouls. L'homme était mort. Les millionnaires paniquèrent. Il fallait lever le camp avant l'arrivée de la police, sinon ils seraient tous accusés de l'avoir tué. Terrifié, Giselle détala sans demander son reste et retourna à Chicago, laissant derrière lui les 35 000 dollars qu'il était trop content d'oublier.
Ce n'était pas cher payé pour échapper à la condamnation pour meurtre. Il ne chercha jamais à revoir Vile, ni ses comparses. Giselle partit.
Gross se releva, indemne. Son hémorragie spectaculaire provenait d'une vessie pleine de sang de poulet et d'eau chaude dissimulée dans sa joue. Toute l'affaire avait été montée par Vile, mieux connu sous le nom de Yellow Kid, un des escrocs les plus créatifs de l'histoire. Vile partagea les 35 000 dollars de Giselle avec les soi-disant financiers et boxeurs, tous ses comparses, une coquette somme pour quelques jours de travail.
Interprétation Joseph Weil avait repéré Gisil comme le parfait gogo longtemps avant d'organiser son coup. Il savait que le match de boxe truqué serait une ruse parfaite pour obtenir l'argent de Gisil rapidement et définitivement. Mais il savait aussi que s'il tentait d'emblée d'intéresser Gisil à un match de boxe, il échouerait lamentablement. Il lui fallait dissimuler ses intentions et donner le change, créer un écran de fumée, en l'occurrence une tractation immobilière. Pendant le trajet en train et dans la chambre d'hôtel, l'esprit de Giselle avait été obnubilé par l'affaire en cours, l'argent facile, l'occasion de frayer avec des hommes fortunés.
Peu lui importait que Gross n'eut ni l'allure ni l'âge d'un boxeur. Tel est le pouvoir d'un leurre. Absorbé par son marché, l'esprit de Giselle se laissa facilement aiguiller vers le match de boxe, mais il était déjà trop tard pour qu'il remarque les détails insolites de la personnalité de Gross.
Le match, après tout, dépendait maintenant plus d'un pot de vin que de la forme physique des combattants. Quant à l'issue du match, Gisil fut si affolé par la mort du boxeur qu'il en oublia complètement son argent. Retenez la leçon. Une façade familière et discrète constitue un parfait écran de fumée. Approchez votre cible avec une idée qui semble assez ordinaire, une proposition d'affaires, une opération financière quelconque.
Voilà le naïf distrait, ses soupçons dissipés. C'est alors que vous allez gentiment le guider ailleurs, vers la pente glissante qui le fera... irrémédiablement tombé dans votre piège.
Respect de la loi. Deuxième exemple. Au milieu des années 1920, les puissants chefs militaires éthiopiens comprirent qu'un jeune homme de l'aristocratie appelé le Ras Tafari, le futur empereur à Elé Célassier, était en train de les surpasser tous. Il était sur le point de se proclamer leur chef. unifiant le pays pour la première fois depuis des décennies.
La plupart de ses rivaux ne pouvaient comprendre comment cet homme simple, calme, aux manières agréables, avait pu acquérir autant de pouvoir. Pourtant, en 1927, Célassier convoqua les chefs militaires un par un à Addis Abeba pour faire allégeance et le reconnaître comme roi. Certains s'y précipitèrent, d'autres hésitèrent, mais un seul... Dajazmach Balcha, seigneur du Sidamo, osa le défier ouvertement.
Balcha était un homme impétueux, un grand guerrier, et il considérait le nouveau chef comme faible et sans valeur. Il resta ostensiblement loin de la capitale. Finalement, Célassier, à sa manière courtoise mais ferme, ordonna à Balcha de venir. Le seigneur de la guerre se résolut à obéir mais ce serait pour retourner la situation aux dépens du prétendant au trône d'Éthiopie.
Il viendrait à Addis Abeba à son rythme et à la tête d'une armée de dix mille hommes, suffisante pour le défendre, peut-être même pour déclencher une guerre civile. Il fit camper cette formidable armée dans une vallée à cinq kilomètres environ de la capitale et attendit, comme il s'y est à un roi. Célassier envoya en effet des émissaires conviant Balcha à un banquet d'après-midi en son honneur.
Mais Balcha, qui n'était pas un imbécile, connaissait l'histoire de son pays. Il savait que les rois et seigneurs d'Éthiopie avaient souvent prétexté des banquets pour capturer leurs adversaires. Une fois qu'il serait là et qu'il aurait bien bu, Célassier le ferait arrêter et assassiner. Pour bien faire savoir qu'il n'était pas dupe, il accepta l'invitation mais à la condition express d'amener avec lui sa garde personnelle, 600 de ses meilleurs soldats, armés jusqu'aux dents, et prêts à se défendre et à le protéger.
À la grande surprise de Balcha, Célassier répondit avec la plus exquise courtoisie qu'il serait honoré d'accueillir de tels guerriers. Sur le chemin du banquet, Balcha avertit ses soldats de ne pas boire et d'être sur leur garde. Quand ils arrivèrent au palais, Célassier se montra des plus agréables.
Il témoigna à Balcha la plus grande déférence, le traita comme s'il avait désespérément besoin de son accord et de sa coopération. Mais Balcha refusa de se laisser charmer. Il prévint Célassier que s'il n'était pas rentré au camp à la nuit tombée, son armée avait l'ordre d'attaquer la capitale.
Célassier sembla blessé de cette méfiance. Après le repas, quand vint le moment de célébrer les chefs par des chants traditionnels, il n'autorisa que ceux glorifiant son hôte. Balcha crut s'élassier effrayé, intimidé par ce grand guerrier qu'on ne pouvait duper. Il était persuadé que dans les jours à venir, ce serait lui qui aurait en main les cartes maîtresses.
À la fin de l'après-midi, le chef militaire et ses soldats repartirent vers leur camp sous les vivas et les salves d'honneur. Se retournant pour regarder la capitale par-dessus son épaule, Balcha réfléchissait à sa stratégie. Il voyait déjà ses propres soldats marcher triomphalement sur la ville dans quelques semaines. Quant à ses laciers, il serait expédié en prison ou au cimetière.
Mais lorsque Balcha fut en vue de son camp, ce qui l'attendait était un spectacle terrible. Au lieu d'un océan de tentes multicolores jusqu'à l'horizon, Il ne restait que la fumée de quelques feux qui achevaient de se consumer. Était-ce de la sorcellerie ?
Un témoin raconta à Balcha ce qui s'était passé. Pendant qu'ils étaient au banquet, une grande armée commandée par un allié de Sélassié s'était glissée jusqu'au camp de Balcha par une piste secondaire que celui-ci n'avait pas vue. Cette armée n'était pas venue pour combattre.
Le Rastafari savait que Balcha, entendant les tirs d'une bataille, aurait précipitamment fait demi-tour avec ses 600 hommes d'élite. Sélassié avait muni les siens de paniers pleins d'or et d'argent. Ils avaient encerclé l'armée de Balcha.
et achetaient toutes leurs armes. Ceux qui refusaient avaient été facilement intimidés. En quelques heures, l'armée entière de Balcha avait été désarmée et éparpillée.
Réalisant qu'il était en danger, Balcha décida de partir vers le sud avec ses 600 soldats pour regrouper ses hommes. Seulement la troupe qui avait désarmé son armée bloquait la route. L'autre issue consistait à marcher sur la capitale Mais Célassie avait aligné une grande armée pour la défendre.
Tel un joueur d'échecs, il avait prévu les mouvements de Balcha et l'avait neutralisé. Pour la première fois de sa vie, Balcha capitula. Humilié et contrit, il se retira dans un monastère.
Interprétation. De tout le long règne de Célassie, personne ne put jamais le percer à jour. Les Éthiopiens aiment les chefs féroces.
Pourtant, Célassier, en apparence courtois et pacifique, régna plus longtemps qu'aucun d'eux. Jamais irrité ni impatient, il trompait ses victimes par d'aimables sourires, les séduisait par son charme et sa courtoisie, puis passait à l'attaque. Dans le cas de Balcha, Célassier se joua de la méfiance de son adversaire, de ses soupçons.
Le banquet était en effet un piège, mais pas celui qu'il attendait. La façon qu'eut Célassier d'apaiser les craintes de Balcha, le laissant amener sa garde personnelle, lui donnant la place d'honneur de sorte qu'il se sente maître de la situation, était un écran de fumée cachant ce qui se passait réellement à cinq kilomètres de là. Souvenez-vous, les paranoïaques et les méfiants sont souvent les plus faciles à duper. Gagner leur confiance dans un domaine, et vous aurez là un écran de fumée qui les aveugle et les empêche de regarder ailleurs. Vous les prendrez alors par surprise et porterez le coup dévastateur.
Un comportement aimable ou apparemment honnête, tout ce qui amène l'adversaire à croire à sa propre supériorité, voilà de parfaits éléments de diversion. Correctement utilisé, l'écran de fumée est une arme de grand pouvoir. Il a permis au doux scellacier d'annihiler son ennemi. Sans coup férir.
Ne sous-estimez pas le rastafari. Il se faufile comme une souris, mais il a les mâchoires d'un lion. Tels furent les derniers mots de Balcha du Sidamo avant de se faire moine.
Les clés du pouvoir Si vous croyez que les imposteurs sont des personnages hauts en couleur qui échafaudent de spectaculaires mensonges, vous vous fourvoyez. Les plus doués gardent un profil bas pour ne pas attirer l'attention sur eux. Ils savent que les propos et comportements extravagants éveillent les soupçons. Au lieu de cela, ils tissent autour de leur cible un cocon familier, banal, inoffensif.
Dans l'exemple de Yellow Kid et Sam Giselle, Il s'agissait d'une simple transaction immobilière. Dans le cas éthiopien, c'était la somptueuse obséquiosité de ses laciers, exactement ce que Balcha attendait d'un chef militaire plus faible que lui. Une fois que vous avez ainsi détourné l'attention de votre naïf, il ne remarque pas la supercherie qui se trame dans son dos.
C'est la conséquence d'une vérité élémentaire. On ne peut se focaliser que sur une chose à la fois. Il est trop difficile d'imaginer que l'interlocuteur terne et inoffensif avec lequel on traite est en train de manigancer autre chose. Plus la fumée de votre écran est grise et uniforme, plus elle dissimule efficacement vos dessins. Nous avons évoqué plus haut les appâts et les leurres par lesquels vous distrayez activement les gens.
Dans le cas de l'écran de fumée, vous endormez vos victimes en les entraînant dans votre toile. C'est tellement hypnotique. que c'est souvent le meilleur moyen de cacher vos intentions. La forme la plus simple de l'écran de fumée est l'expression du visage.
À l'abri d'une apparence morne et impassible, On peut imaginer toutes sortes de manigances sans en manifester quoi que ce soit. C'est une arme que les plus puissants personnages de l'histoire ont appris à fourbir. Personne, dit-on, ne pouvait déchiffrer la moindre expression sur le visage de Franklin Roosevelt. Le baron James Rothschild pratiqua tout au long de sa vie l'art de masquer ses pensées derrière des sourires fades et une apparence ordinaire. Henry Kissinger faisait mourir d'ennui ses opposants à la table des négociations avec sa voix monocorde, son aspect quelconque et ses discours circonstanciés.
Puis, au moment où leurs yeux se perdaient dans le vague, il leur assénait une série de conditions audacieuses. Pris par surprise, il se laissait facilement intimider. Quand il a la main, explique un manuel de poker, Un bon joueur ne doit pas chercher à se faire bon acteur, qu'il adopte un comportement phallo impossible à déchiffrer, qui laisse perplexe ses adversaires et lui permettra une meilleure concentration.
Comme c'est un concept adaptable, l'écran de fumée peut être pratiqué à différents niveaux, tous fondés sur les principes psychologiques de la distraction et du détournement de l'attention. L'un des plus efficaces est le geste noble. Les gens veulent croire que des comportements apparemment nobles sont authentiques car cette croyance leur plaît. Ils remarquent rarement combien ces comportements peuvent être illusoires. Le marchand de tableaux Joseph Duvin fut un jour confronté à un terrible problème.
Les millionnaires qui lui avaient acheté si cher ces tableaux se retrouvaient à court de place. Et les droits de succession augmentant, il semblait peu probable qu'il puisse continuer à acheter. La solution au problème ? La Galerie Nationale d'Art de Washington, que Duveen aida à créer en 1937, en obtenant d'Andrew Mellon, qui lui donne sa collection.
La National Gallery était une couverture parfaite pour Duveen. Le système du don permettait à ses clients d'éviter les taxes, faisait de la place pour de nouveaux achats et asséchait le marché. Cette pénurie faisait encore monter les prix.
Tout cela pendant que les donateurs faisaient figure de mécènes. Un autre écran de fumée efficace est le modèle, l'établissement d'une série d'actes qui séduisent la victime en lui faisant croire que vous allez continuer sur la même voie. Le modèle se base sur un élément de psychologie, notre comportement se conforme à des modèles, ou du moins le croyons-nous. En 1878, l'américain Jay Gould, mania redouté de la finance, créa une société qui s'attaqua au monopole de la compagnie de télégraphes Western Union. Les directeurs de la Western Union décidèrent de racheter la compagnie de Gould.
Ils y mirent le prix, mais se débarrassèrent ainsi d'un rival gênant. Trois mois plus tard, pourtant, Gould refaisait surface et se plaignait d'avoir été traité injustement. Il fonda une nouvelle société, concurrente de la Western Union et de sa nouvelle acquisition.
tout recommença. La Western Union la racheta pour le faire taire. Le même schéma se reproduisit une troisième fois, mais cette fois-ci Gould frappa au point le plus faible. Il déclencha brusquement une offre publique d'achat et réussit à prendre le contrôle du groupe Western Union. Il avait établi un modèle qui avait trompé les directeurs de la compagnie en leur faisant croire que son but était de se faire racheter à bon prix.
Une fois qu'il l'avait payé, Il se détendait et ne remarquait pas qu'il visait désormais plus haut. Le modèle est un subterfuge puissant, car l'autre s'attend exactement au contraire de ce que vous êtes réellement en train de faire. Une autre faiblesse psychologique dont on peut tirer avantageusement parti est la tendance à prendre les apparences pour la réalité. Le sentiment que si quelqu'un semble appartenir à votre groupe, il en est effectivement.
Cette habitude fait de la fusion une couverture très efficace. L'astuce est simple, fondez-vous simplement dans votre entourage. Mieux vous vous intégrerez, moins on vous soupçonnera.
Pendant la guerre froide des années 1950 et 1960, c'est maintenant un fait notoire, de nombreux fonctionnaires britanniques renseignaient les soviétiques. Ils le firent pendant des années sans se faire repérer parce que c'était de braves types. qu'ils avaient fréquenté les écoles qu'il fallait et qu'ils s'intégraient parfaitement dans le réseau des anciens élèves.
La fusion est un parfait écran de fumée pour l'espionnage. Plus vous vous fondez dans l'ensemble, mieux vous pouvez cacher vos intentions. Souvenez-vous, il faut de la patience et de l'humilité pour ternir ces brillantes couleurs, pour revêtir le masque du personnage phallo. Ne vous laissez pas rebuter.
C'est souvent votre absence de relief qui conduira les gens à vous et qui fera de vous une personne de pouvoir. Image ? La toison du mouton.
Le mouton ne chasse pas. Le mouton ne trompe pas. Le mouton est bête et docile à souhait.
Avec une toison sur le dos, le renard pénètre aisément dans le poulailler. Autorité, avez-vous jamais vu un général habile, rempli du dessein de surprendre une place, annoncé à l'ennemi par tous ses mouvements sur qui l'orage alloua tomber ? En amour comme en guerre, demande-t-on jamais au vainqueur s'il doit ses succès à la force ou à l'adresse ? Il a vaincu, il reçoit la couronne, ses voeux sont comblés, il est heureux. Suivez son exemple et vous éprouverez le même fort.
Dérobez votre marche. Ne découvrez l'étendue de vos dessins que quand on ne pourra plus s'opposer à leur succès. Que le combat soit rendu et la victoire assurée avant que vous ayez déclaré la guerre. En un mot, imitez ces peuples guerriers dont on apprend les dessins et les entreprises que par les ravages qu'ils ont laissés.
Ninon de l'Enclos, 1623-1706, lettre de Ninon de l'Enclos au marquis de Sévigné. A contrario, aucun écran de fumée, aucun leurre, aucune fausse sincérité ou autre procédé de diversion ne pourra cacher vos intentions si vous avez déjà une réputation établie de malhonnêteté. Avec l'âge et le succès, Il vous deviendra de plus en plus difficile de masquer votre ruse. Tout le monde sait que vous pratiquez la supercherie.
En persistant à jouer les naïfs, vous courrez le risque d'apparaître comme le plus parfait hypocrite, ce qui va considérablement limiter votre marge de manœuvre. Alors il vaut mieux avouer, apparaître comme un honnête voyou, ou mieux, un voyou repentant. Non seulement vous serez admiré pour votre franchise, mais bizarrement... Oh, miracle !
Vous pourrez continuer vos agissements. Lorsque Pity Barnum, le roi des charlatans du XIXe siècle, commença à se faire vieux, il apprit à assumer sa réputation de grand arnaqueur. Un jour, il organisa une chasse aux bisons dans le New Jersey avec des Indiens et quelques bisons importés. Il annonça l'événement comme authentique, mais cette chasse se révéla si complètement fabriquée que la foule Au lieu de se mettre en colère et d'exiger le remboursement des billets, s'en amusa beaucoup.
Les gens savaient que Barnum avait plus d'un tour dans son sac. C'était le secret de son succès et il l'aimait pour cela. Barnum tira la leçon de cette histoire et cessa dès lors de cacher ses procédés, révélant même ses supercheries dans une autobiographie. Comme le dit le proverbe latin Mundus vult d'equipi ergo d'equipiatur Le monde veut être dupe, qu'il le soit. Finalement, bien qu'il soit plus sage de détourner l'attention de vos objectifs en présentant une apparence familière à quelconque, il peut arriver qu'un comportement ostentatoire soit la bonne tactique de diversion.
Les grands charlatans des XVIIe et XVIIIe siècles en Europe utilisaient l'humour et le divertissement pour duper leur public. Éblouis par un grand spectacle, Celui-ci oubliait l'objectif visé. Le maître sortait en ville dans un carrosse noir tiré par des chevaux noirs.
Des clowns, acrobates et autres amuseurs publics l'escortaient, attirant les badauds qui gobaient son boniment. Le divertissement semblait être l'affaire du jour. En fait, le vrai but était de vendre des élixirs et des potions. Le spectacle est certes un excellent procédé de diversion, mais il a ses limites.
À force, le public se lasse, devient soupçonneux et finalement découvre la supercherie. Les charlatans de jadis devaient rapidement lever le camp avant que ne se répande le bruit que leur potion était inefficace et leur divertissement une tromperie. Tandis que les hommes de pouvoir au charme discret, les Talleyrands, les Rothschilds, les Sélassiers, peuvent tromper leur monde au même endroit, leur vie durant. Ils ne sont jamais percés à jour.
et on les soupçonne rarement. L'écran de fumée avec flonflon et paillettes ne doit être utilisé qu'avec précaution et à bon escient.