Bonjour à tous et à toutes et bienvenue dans cet épisode de mise au point. Aujourd'hui je vais vous parler d'une histoire dont vous avez sûrement entendu parler, celle du trou dans la couche d'ozone. L'ozone est une molécule constituée de trois atomes d'oxygène. C'est une molécule instable et un oxydant très puissant.
Dans la partie basse de l'atmosphère c'est un polluant généré par nos activités. Comme il aime bien réagir avec les tissus et en particulier avec les muqueuses de nos poumons, Il peut avoir d'assez graves conséquences pour notre santé, mais c'est quelque chose dont on parlera dans une prochaine vidéo. L'ozone qui nous intéresse ici, c'est l'ozone situé dans la haute atmosphère, dans la stratosphère, le bon ozone si on veut, celui qui protège la vie sur terre. En réalité, il est très peu concentré dans cette couche, il ne représente qu'une molécule sur 100 000. Si vous êtes un auditeur attentif, vous savez qu'une substance peut avoir un effet important même à une faible concentration, puisque c'est le cas des gaz à effet de serre.
Et vous vous doutez que pour qu'on se soit intéressé à ce gaz, il doit avoir une importance. Mais alors, que fait-il ? C'est simple, il protège le sol d'une partie du rayonnement solaire.
Comme vous le savez, le rayonnement solaire comporte des ultraviolets. Ce sont des rayonnements plus énergétiques et donc plus élevés en fréquence que le rayonnement visible. Les ultraviolets sont décomposés en fonction de leur fréquence en trois sous-catégories.
Les UVA, les UVB et les UVC. Les UVA sont les plus proches du visible, ce sont donc les ultraviolets les moins énergétiques. Heureusement pour notre peau, ils constituent 95% du rayonnement ultraviolet atteignant la surface de la Terre. Ils sont responsables de l'effet de bronzage immédiat, favorisent le vieillissement de la peau et l'apparition de rides.
Ce n'est certes pas très cool, mais ils sont moins dangereux que les UVB et C. Les UVC, c'est l'autre extrême. Ce sont les plus énergétiques et donc les plus nocifs.... Au point que les lampes UVC sont utilisées pour stériliser des zones de travail, des outils ou des équipements médicaux.
Heureusement, les UVC sont totalement absorbés par le diocygène de l'atmosphère. S'ils passaient, ils pourraient stériliser la surface terrestre, ce qui ne serait pas une très bonne nouvelle. Entre les deux, il y a les UVB.
Les UVB sont arrêtés en majeure partie par l'ozone de la haute atmosphère. Même si les UVB atteignent le sol en faible quantité, ils sont dangereux. Ce sont eux qui causent les coups de soleil, ces charmantes brûlures cutanées bien connues des vacanciers imprudents. Toute augmentation des UVB atteignant le sol augmenterait considérablement la chance d'avoir des problèmes de peau et notamment des cancers car l'ADN est sensible à des rayonnements de cette fréquence. Cela pourrait aussi induire des troubles de la vision, le cristallin de l'œil n'arrêtant pas entièrement les UVB et ceci pourrait brûler la cornée.
Il va sans dire que les règnes animal et végétal souffriraient également d'une augmentation des UVB. Les micro-organismes comme le plancton et les végétaux sont en première ligne face au rayonnement. Ils ne peuvent pas mettre de crème solaire, de chapeau ou se mettre à l'ombre.
Et évidemment, comme ils forment la base de la chaîne alimentaire, une déstabilisation importante de ces éléments aurait rapidement de très graves conséquences. En gros, une augmentation des UVB reçus par le sol affecterait fortement la vie sur Terre. Et c'est justement ce qui arrive quand la concentration en ozone stratosphérique diminue.
Vous l'avez compris, la couche d'ozone est nécessaire à la vie sur terre telle que nous la connaissons. Maintenant que je vous ai parlé du gentil ozone, il est temps d'introduire le méchant de l'histoire. En 1974, deux articles scientifiques indépendants apparaissent. Le premier explique que les atomes de chlore dans la stratosphère sont de puissants destructeurs de la couche d'ozone.
Le second montre que certains gaz de synthèse, les CFC, libèrent des atomes de chlore en atteignant la stratosphère. Bon, là vous voyez un peu le mécanisme qui se met en place. Mais je dois faire un petit point sur ces gaz.
Les CFC ou chloro-fluoro-carbure sont des gaz dérivés des alcanes où tous les atomes d'hydrogène ont été substitués par des atomes de chlore et de fluor. Pour bien faire, ce sont aussi de puissants gaz à effet de serre. Ils ont été utilisés à grande échelle parce qu'ils ont des propriétés très intéressantes.
Les CFC sont ininflammables, ils sont peu coûteux et ils sont stables et inertes. Ces excellentes propriétés ont permis aux CFC d'être utilisés dans plusieurs domaines d'application. Comme les systèmes frigorifiques, les nettoyants industriels ou électroniques, les bombes d'aérosols ou encore les mousses isolantes.
Et il faut comprendre qu'à l'époque, c'était une avancée majeure. Avant les CFC, on utilisait des gaz inflammables, explosifs ou toxiques, et parfois même les trois en même temps. Ces gaz ont causé des accidents et mine de rien, mourir asphyxié ou brûlé vif à cause d'une fuite de frigo, ça reste un peu la loose. Mais le problème, c'est que l'effet secondaire que personne n'avait vu venir, c'est que les CFC détruisent la couche d'ozone.
Pour faire simple, les CFC résistent à beaucoup de choses et finissent par se retrouver dans la stratosphère où ils font la connaissance de rayonnements UV trop énergétiques pour eux. Donc, ils se cassent en libérant des atomes de chlore. Ce chlore va réagir immédiatement avec l'ozone pour former du monoxyde de chlore, CLO, et du dioxygène. Mais le monoxyde de chlore va réagir avec de l'oxygène pour former du dioxygène et libérer à nouveau l'atome de chlore qui peut recommencer toute la réaction.
Et cet atome de chlore peut faire cette réaction de nombreuses fois. Un seul atome de chlore peut détruire 100 000 molécules d'ozone avant de quitter la stratosphère. Aux Etats-Unis, dès 1974, les recherches se multiplient sur le sujet.
Les politiques sont rapidement mis au courant et le public se mobilise, boycottant certains produits. Pour protéger leurs intérêts, les industriels freinent des quatre fers et expliquent que le lien n'est pour l'instant que supposé. Tant qu'il n'y aura pas plus d'informations et des preuves concrètes, ils n'agiront pas.
En 1978, les CFC sont interdits dans les bombes à aérosols aux Etats-Unis. Mais globalement, l'utilisation de CFC continue d'augmenter. En 1984, dix ans après les premiers indices, tout s'accélère. Les scientifiques détectent une baisse de 40% de la concentration en ozone au niveau de l'Antarctique. Et l'année d'après, ces travaux sont publiés et on voit apparaître le terme trou dans la couche d'ozone pour la première fois.
C'est un énorme choc. La couche d'ozone se dégrade beaucoup, beaucoup plus vite que prévu. Dès 1974, la compréhension du problème et de ses conséquences poussent les politiques à s'intéresser à la question.
Sous l'impulsion des scientifiques, les discussions politiques nationales et internationales commencent bien avant le premier accord. A l'époque, on sait qu'un trou dans la couche d'ozone se forme et que les CFC sont probablement responsables, mais les données sont limitées. On ne comprend pas totalement les mécanismes en jeu, l'ampleur du phénomène ou les possibles inerties.
La communauté scientifique ne sait pas encore pourquoi le trou dans la couche d'ozone se forme au-dessus des pôles et à quel point cela impacte le reste de la planète. Le fait que des pièces manquent encore au puzzle n'empêche pas les premières négociations. Et c'est quelque chose qui mérite d'être souligné. Les négociations ont commencé bien avant que le problème ne soit parfaitement compris. C'est le programme des Nations Unies pour l'environnement, le PNUE, qui a permis les discussions entre les pays en rassemblant et interprétant les preuves scientifiques et en jouant le rôle de médiateur et de vulgarisateur.
La vulgarisation est nécessaire parce que les publications scientifiques sont souvent nombreuses et compliquées. Il faut des individus ou des organismes capables de les synthétiser et de les expliquer aux politiques et au public. Le PNUE a aussi permis de fournir un terrain neutre pour les discussions entre les états. Grâce à lui, le premier accord visant à diminuer la production et la consommation de CFC est signé à Montréal en 87. C'est le fameux protocole de Montréal ou de son nom complet protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone C'est une avancée historique et les chiffres sont ambitieux. L'accord va plus loin que ce que les écologistes de l'époque pensaient politiquement possible.
Mais les réductions prévues se sont vite montrées insuffisantes. La même année, un avion vole de l'Amérique du Sud vers l'Antarctique en mesurant simultanément l'ozone et le monoxyde de chlore, le CLO. On avait une partie de la compréhension théorique, cette mesure vient l'appuyer de façon éloquente, il n'y a plus de discussion possible.
Au passage, les scientifiques comprendront également pourquoi ce trou se forme au niveau de l'Antarctique. Durant l'hiver, les températures extrêmes et l'absence de rayonnement solaire permet le stockage du chlore dans la stratosphère sous une forme stable. Mais...
Dès les premiers rayons de soleil, ce stock de chlore redevient extrêmement réactif et s'attaque à l'ozone. Dès que l'Antarctique reçoit du rayonnement solaire, on observe une chute spectaculaire de la concentration d'ozone. Quand le vortex polaire se disperse, l'atmosphère se mélange et la concentration en ozone augmente au niveau des pôles et diminue sur le reste de la planète. Ainsi, même si le trou dans la couche d'ozone se forme au-dessus des pôles, cela amoindrit la concentration en ozone de la stratosphère sur l'ensemble de la Terre.
Les mesures des scientifiques réalisées après 1987 montrent que le problème continue de s'aggraver. C'est pourquoi il va y avoir une succession d'accords de plus en plus stricts. Vous pouvez voir sur la figure suivante la concentration de chlore stratosphérique projetée suivant les différents accords successifs.
Dupont-Denemour, un des plus gros producteurs de CFC à l'époque, a annoncé l'arrêt complet de la production en 89, alors qu'au début de la crise, il les avait rechignés à abandonner leur poule aux œufs d'or. L'Allemagne a annoncé l'arrêt complet de la production de CFC plus vite que ce qui était prévu. Et de nombreux autres pays et multinationales ont suivi l'exemple.
Il ne fait aucun doute que ces initiatives ont permis de résoudre le problème plus rapidement. La mobilisation publique sur le sujet a aussi joué un rôle dans la dynamique. L'histoire du trou dans la couche d'ozone montre que les initiatives sont utiles, qu'elles viennent du grand public, du monde politique ou du monde économique.
Le protocole de Montréal est considéré comme le traité de l'ONU le plus réussi parce qu'il a été universellement ratifié et a atteint ses objectifs plus tôt que prévu. Le programme des Nations Unies pour l'environnement estime que le protocole de Montréal a permis d'éviter des millions de cancers et des milliards de dépenses dans les domaines de santé. La diminution drastique de la production et de la consommation de CFC a aussi été rendue possible par les efforts de l'industrie.
Une des premières mesures, loin d'être négligeable, a été la diminution des pertes en renforçant par exemple l'isolation des systèmes frigorifiques. Associés à des systèmes de recyclage et de collecte, ces mesures se sont montrées très efficaces. On a aussi fabriqué des substituts aux CFC, les HCFC, qui possèdent moins d'atomes de chlore. Certes, ces gaz sont encore mauvais pour la couche d'ozone, mais ils ne possèdent que 2 à 10% du potentiel destructeur des CFC. Ces gaz doivent être progressivement éliminés d'ici 2030. Ce ne sont que des substituts temporaires, permettant aux différents systèmes de s'adapter tout en limitant l'impact de la transition.
Pour les bombes aérosols, les substituts ont été trouvés, parfois même moins chers. Pour le nettoyage de circuits imprimés ou de pièces d'avion, de nouveaux solvants ont été élaborés, dont de simples solutions à base d'eau. Dans certains cas, le processus de fabrication a été repensé pour ne pas avoir besoin de phase de nettoyage.
L'industrie avait aussi prévenu que les nouveaux systèmes frigorifiques pour les voitures coûteraient entre 1000 et 1500 dollars de plus par voiture. En réalité, cela a coûté entre 50 et 100 dollars. Et ce ne sont que quelques exemples. Mais il est intéressant et important de souligner que les nombreuses catastrophes économiques prévues si on se passait des CFC, comme les emplois en moins ou les produits beaucoup plus chers, ne se sont jamais produites. Alors où en est-on ?
On ne parle plus beaucoup du trou dans la couche d'ozone parce que la communauté internationale a fait ce qu'elle pouvait. Mais celui-ci ne s'est pas refermé soudainement. Le trou dans la couche d'ozone au-dessus de l'Antarctique a atteint sa superficie maximum en 2001. Celui au-dessus de l'Arctique en 2011. Vu la durée de vie des CFC et celle du chlore dans la stratosphère, une molécule peut avoir un impact négatif un siècle après sa fabrication.
Donc le trou dans la couche d'ozone devrait se refermer dans les décennies qui viennent, mais avec lenteur, et en supposant qu'on ne recommence pas à émettre de gaz destructeur de la couche d'ozone. Il faudra encore entre 50 et 100 ans pour que l'ozone stratosphérique retrouve sa concentration naturelle. Le parallèle est souvent fait entre le trou dans la couche d'ozone et le changement climatique.
Et c'est vrai qu'il existe des points de comparaison. D'abord, il s'agit dans les deux cas d'un problème global qui concerne l'ensemble de l'humanité. Et dans les deux cas, les conséquences peuvent être très graves pour les sociétés humaines et l'environnement.
Les deux problèmes sont la conséquence d'émissions de gaz liées aux activités humaines. Donc on pourrait penser que les solutions qu'on a mises en place pour le trou dans la couche d'ozone pourraient être celles à mettre en place dans le cas du changement climatique. Et puis la résistance aux mesures nécessaires a l'air de suivre le même chemin. On a d'abord nié l'existence du problème du trou dans la couche d'ozone, ensuite on a nié la culpabilité des CFC, et enfin on a essayé de minimiser la gravité du problème. Et puis tout le long, évidemment, on a expliqué que ce ne serait pas possible de se passer des CFC.
Mais il y a aussi des différences majeures, et je vais juste vous donner les trois plus importantes. D'abord, les CFC ne concernaient qu'une faible partie de l'économie mondiale. Ils étaient par conséquent plus faciles à contrôler, à réglementer et à substituer. Ensuite, on a pu fabriquer des substituts, un peu plus chers mais pas beaucoup plus.
Et enfin, et surtout, on n'a rien changé à nos modes de vie. On a toujours des frigos, des bombes aérosols et des mousses isolantes. Penser que l'on peut résoudre le problème du changement climatique sans rien changer de nos comportements ou nos habitudes relève à mon avis d'un optimisme forcené ou d'un aveuglement.
Il y a des solutions, je ne dis pas le contraire. Mais ces solutions passent par des changements dans nos habitudes de consommation, de production, de transport ou encore d'alimentation. Alors qu'est-ce qu'il faut retenir de cette histoire de trou dans la couche d'ozone ? D'abord, et c'est quelque chose que l'on verra beaucoup dans les problèmes de pollution, la présence d'une limite. En l'occurrence, la capacité de l'atmosphère à absorber certains de nos gaz.
Le fait que l'on ait diminué la concentration de l'ozone stratosphérique montre qu'on a été au-delà de cette limite. Il y a eu dépassement. Ensuite, et c'est aussi quelque chose que l'on verra souvent avec les problèmes environnementaux, la présence d'inertie. Il a fallu 15 ans entre les premiers éléments scientifiques et ce qui est considéré comme une bonne compréhension du problème.
Il a fallu encore une quinzaine d'années de plus pour que les protocoles entrent entièrement en action. Pire, il y a un délai entre le moment où le CFC est produit et le moment où il atteint la stratosphère. Et là, il faut encore davantage de temps pour que le chlore ainsi libéré sorte de la stratosphère. Pour ces raisons, il faudra encore des dizaines d'années avant que l'ozone stratosphérique retrouve sa concentration normale. Ce type de décalage complique énormément le problème et peut s'avérer extrêmement dangereux.
Mais bon, au moins la couche d'ozone se régénère et c'est la bonne nouvelle. Les différents acteurs ont réussi à résoudre ce problème. L'ensemble des pays, malgré leurs différents, ont réussi à s'entendre sur la question. Ils ont réussi à se projeter et à prendre des décisions sur le long terme.
Cela montre que nous en sommes capables. Que les scientifiques peuvent identifier les problèmes et les communiquer. Que la société civile peut les comprendre et se mobiliser.
Que les politiques peuvent mettre en place des accords internationaux et des réglementations. Et que les activités économiques peuvent intégrer ces nouvelles contraintes et s'y adapter. Et même, dans certains cas, proposer des solutions et agir préventivement.
L'histoire du trou dans la couche d'ozone montre que tout le monde a réussi à se mobiliser pour résoudre un des problèmes environnementaux majeurs du siècle dernier. C'est possible. A nous maintenant de faire le maximum pour résoudre tous les problèmes qui ne le sont pas encore.
Merci à tous d'avoir regardé cette vidéo, j'espère qu'elle vous a plu. N'hésitez pas à me filer un coup de main en me mettant un pouce bleu et en me partageant sur les réseaux sociaux. Pour ceux qui ont raté l'information, je suis passé à La Tronche en Live, c'est une émission de 2 heures sur Radio Campus Lorraine. C'est animé par La Tronche en Biais et je les remercie encore une fois de m'avoir donné cette opportunité de m'exprimer.
Sinon, on se rapproche des 1 an de la chaîne et je pensais faire une séance de questions-réponses. Mais cela suppose que vous avez des questions à me poser. Donc allez-y, n'hésitez pas sur le fond, sur la forme, sur moi, et je trierai en fonction des questions que je recevrai. C'était le Réveilleur et à bientôt sur le net.