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Débat sur la loi d'immigration en France

Bonjour Laurent Geoffrin, directeur du quotidien de Journal.info, Tugdu Aldeni, bonjour, directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles. On va rentrer dans le détail de ce qui pourrait y avoir dans cette loi, mais d'abord, est-ce que c'est bien utile ? J'ai écouté tous les gens bien intentionnés à l'égard de Bruno Rotailleau et de Michel Barnier cités par Benoît. Il y a quand même aussi un certain nombre de responsables politiques et de personnes dans l'opinion qui considèrent qu'il y a un sujet sur l'immigration en France. La précédente loi immigration ne résolvait pas tout....

la popularité de Bruno Retailleau alors qu'il ne fait que parler d'immigration et de manière dure, raide sans concession depuis qu'il est ministre de l'Intérieur prouve qu'il y a une attente chez les français, il y a le sujet de l'immigration légale et son durcissement qui n'est pas le moindre des sujets, il y a le sujet des centres de rétention administratives et de la durée des gens dans ces centres de rétention, on va en parler j'imagine, on va rentrer dans le détail mais si vous voulez, il y a quand même un climat en France qui fait que l'opinion est exaspérée des chiffres de l'immigration. Il y a eu 337 000 premiers titres de séjour délivrés en 2023. C'est plus de 100% par rapport à ce qui était délivré 10 ans plus tôt. Est-ce que la France a les moyens, tous les gens, de donner 300 000 titres de séjour à 18 000 égrés légaux ? Est-ce que la France a les moyens aujourd'hui de lutter efficacement contre l'immigration illégale ?

Je ne pense pas qu'on puisse... balayer d'un revers de main ces questions qui sont assez fondamentales. Laurent, est-ce que vous balayez cette question ? Pas du tout, non non.

La question de raccompagner les gens hors de France, c'est une vraie question. C'est très mal appliqué et ça pourrait l'être mieux, ça c'est vrai. Est-ce qu'il vous ferait une loi pour ça ?

Non. D'ailleurs, Rotaillot avait commencé parce qu'il a dit on va prendre des mesures pour que les OQTF, comme on dit les obligations de quitter le territoire, soient mieux appliquées. Pourquoi est-ce qu'il n'a pas fait ça ? Il y a une raison qui est très simple, c'est une raison.

politique, d'abord c'est une revanche personnelle pour Retailleau, puisque la fois d'avant, il y a un an, il avait été battu finalement au cours du débat parlementaire et au Conseil constitutionnel. Surtout au Conseil constitutionnel. Oui, surtout au Conseil constitutionnel. Il avait retoqué une bonne partie de la loi que lui-même avait amendée.

Exactement. Et donc maintenant, il réessaye la même chose. Et il le fait sur des bases qui sont inquiétantes, je trouve. Et c'est vrai aussi dans ce qu'a dit Maude Bréjon. Parce que c'est intéressant quand les gens parlent sans trop réfléchir, ils disent parfois la vérité.

Ils disent, voilà, nous prendrons toutes les mesures pour protéger les Français. Donc, tout immigré est une menace. C'est ça que ça veut dire.

C'est évident. Tout immigré, il faut protéger d'une menace, forcément. Donc, l'immigration est une menace globale.

Donc, tout immigré est suspect. C'est ça que ça veut dire. Vous allez un peu vite dans le syllogisme, quand même, Laurent Joplin. C'est pas un syllogisme.

C'est un syllogisme rigoureux. Ça veut dire que, par définition... L'immigration est une menace. Ça veut dire qu'il peut y avoir des gens menaçants ?

Non, c'est pas il peut, c'est sa caractéristique principale. Mais ils n'ont pas dit ça du tout, ils ont dit on prendra toutes les mesures pour protéger. Protéger de l'immigration, c'est évident, c'est une loi sur l'immigration, c'est pas une loi sur le viol ou sur le crime, c'est pas ça, c'est une loi sur l'immigration. Et premier point, deuxième point, Retailleau est un identitaire, il considère que l'immigration... vient corrompre la pureté ethnique du pays.

C'est ça que c'est son... Pareil, vous parlez à sa place, c'est très dur ce que vous dites. C'est même quasiment diffamatoire.

C'est ce qu'il ne cesse de dire. C'est toute sa formation. Il n'a jamais dit que l'immigration corrompt la pureté ethnique d'un pays. Ce qui est quand même... Heureusement que s'il dit une phrase comme ça...

Non, il dit trop d'immigration provoque un malaise dans la société. Il a dit que ces gens-là sont renvoyés... Il a envoyé le mot ethnique une fois, d'ailleurs. Il y a des tensions ethniques et communautaires. C'était après les émeutes.

Après les émeutes, il a dit que ces gens-là reviennent à leurs origines ethniques. Comme si le fait d'être d'origine arabe ou musulmane, je ne sais quoi, ça vous conduisait naturellement à la violence, ce qui est absurde. On peut dire qu'il y a des tensions communautaires et ethniques dans ce pays. Je le dis aussi, mais pas comme ça.

Si vous analysez les propos, c'est très clair. Il a la même vision que le RN. C'est simplement au sens que les études duales, c'est que quand vous parlez de pureté ethnique, il était parlé complètement sur ce terrain, là, Bruno Rotailleau. En tout cas, pas avec ces mots-là. Vous pouvez dire, je pense que c'est ce qu'il pense, mais c'est pas ce qu'il a dit.

En termes de soupçons, je soupçonne qu'il pense ça. Laurent, est-ce qu'on peut être d'accord sur quelque chose ? Je reprends toujours ce chiffre qui a été donné par Jean-Luc Mélenchon dans une interview au Figaro.

Il y a 50 ans, un Français sur 10 avait un grand-parent d'origine immigrée. Aujourd'hui, c'est un Français sur 4. Est-ce qu'on peut être d'accord sur le fait de dire que c'est quelque chose qui peut déstabiliser une société dans son équilibre, dans sa cohérence ? Dans son instabilité.

Quand il y a un afflux très important d'immigration, ça peut déstabiliser. Mais ce que vous dites là, ça veut dire que ces gens-là ne s'intègrent jamais ? C'est implicite à votre propos.

Dès lors qu'on a des parents, des grands-parents immigrés, on n'est pas des Français comme les autres. La France doit être moins préventueuse et avoir l'humilité de reconnaître qu'on n'est pas les champions internationaux de l'intégration et qu'on n'y arrive pas, on n'y arrive plus. Et que donc, si on n'y arrive pas, si on n'y arrive plus, si il y a un problème d'intégration en France, c'est à cause du nombre.

C'est parce que c'est plus facile d'intégrer des immigrés que ça. Vous présentez ça comme une évidence. Je pense que c'est faux.

C'est vrai en partie, mais les choses qui sont vraies... Attendez, laissez-moi terminer ma phrase. Les choses qui sont vraies en partie sont fausses pour le reste. Et pour le reste, vous avez la grande majorité des immigrés qui s'intègrent très bien en France.

C'est pas vrai, ça. Regarde, il suffit d'entrer ici, ou dans n'importe quel bâtiment de ce quartier. Qui est à l'accueil ?

Qui s'occupe de la peinture ? Ça serait bien peut-être un jour que les gens d'origine immigrée ne soient pas juste à l'accueil et juste dans les arrières-prévenues. J'en suis bien d'accord.

Ça pour moi justement c'est une preuve de notre mauvaise intégration. Social. Mais est-ce que ces gens-là sont des gens dangereux ?

Si c'était dangereux, vous n'auriez pas embauché. Mais puisque vous parlez de Bruno Retailleau et des émeutes... Oui, mais vous ne répondez pas à mon argument.

Vous dites que c'est un problème parce qu'on a tous des ancêtres immigrés. Moi aussi, j'en ai des ancêtres immigrés. Ce que je vous dis, c'est qu'on a vu lors des émeutes, et d'ailleurs ça a été souligné par Bruno Retailleau, énormément de gens immigrés, mais aussi des gens issus de l'immigration et qui s'attaquaient à des mairies, des écoles, des bâtiments publics, parce que... reprochant à la France d'être ce qu'elle est.

Et donc ça, c'est un sujet d'intégration. Vous prenez la partie pour le tout. Quand on attaque un policier, c'est un problème.

Mais quand on attaque une école, qu'est-ce qui se passe ? On va prendre un exemple concret. Parce que précisément, le gouvernement donne cet exemple-là sur qui aura-t-il dans cette loi.

Le gouvernement dit qu'on pourrait, par exemple, augmenter le délai maximum de rétention pour ceux qui sont visés par une OPTF et le porter, par exemple, à 210 jours. Et prend, pour exemple... qui s'était passé au moment du meurtre de Philippine, où celui qui est accusé du meurtre, précisément, a été libéré de rétention administrative quelques jours avant d'obtenir le laissé-passer consulaire pour repartir au Maroc. C'est une bêtise administrative manifeste. Mais vous voyez ce que vous avez dit ?

Les gens qui sont en rétention pour au QTF. Mais ce n'est pas ce qu'il a dit, le ministre. Il n'a pas dit ce qu'il a dit pour les gens dangereux. C'est vrai.

Vous avez raison. Ce n'est pas du tout pareil. Il y a un risque de glissement. Donc tout... C'est combien ?

190 jours, c'est ça ? Aujourd'hui, c'est 90. Vous le pensez à 210. À 210. C'est 9 mois de prison. C'est pas vraiment de la prison.

C'est de la rétention. Pendant 9 mois, vous êtes enfermé. Pourquoi ?

Il y a des pays qui sont beaucoup plus durs que ça encore en Europe. Oui, les ministres illimités. Oui, mais il y a des problèmes de liberté publique quand même en France.

On est censé, nous, défendre la liberté publique, y compris celle des étrangers. pour les droits qui les concernent. Garder quelqu'un pendant 9 mois parce qu'il a franchi une frontière ? Non, non, non.

L'occurrence, ce n'est pas ça. C'est notamment pour les criminels. D'où ma correction. Vous avez raison.

Je retire ce que je disais. Ce n'est pas pour vous mettre en cause, excusez-moi. Mais si c'est des gens dangereux, je suis d'accord.

En clair, pour résumer les choses, aujourd'hui, on peut laisser beaucoup plus longtemps des personnes qui sont en rétention s'ils sont visés, par exemple, dans les affaires de terrorisme. Ce que dit le gouvernement, c'est qu'on pourrait l'étendre à d'autres incriminations, et notamment un certain nombre de crimes, pour rallonger si ces personnes-là, précisément, ont fait l'objet de poursuites là-dedans. Autant je me méfie des restrictions de liberté publique, mais dans ce cas-là, ça me paraît assez justifié.

Là-dessus, on vous met d'accord. Donc effectivement, on a besoin d'une loi. pour cette disposition-là. À condition que ce soit vraiment des gens dangereux, que ce soit pas étendu à toutes sortes de... En tout cas, c'est ce qu'ils disent, moi je vous verrai avec eux, je suis pas en parole de gouvernement, mais c'est...

Non mais on est là pour commenter ce qu'ils font. Oui, oui, en tout cas, ça me va bien, ça me va autant que vous, effectivement que quelqu'un, par exemple dans le cas du violeur de Philippines qui avait déjà été condamné pour viol, qui avait déjà fait 5 ans de prison au lieu de 7, pour viol, et qui est sous la menace d'une QTF et qui reste que 90 jours, et qui, comme le Maroc lui a pas le... ne nous a pas donné son laissé-passer consulaire, repart dans la nature et quelques jours après, viole et tue Philippine.

Oui, ça me va bien que cette personne-là, en fait, on s'assure. qu'elle reste plus longtemps dans le temps de rétention administrative. Mais si il y en a un qui commet un crime au bout de...

C'est combien ? 200, c'est ça ? 210 jours.

Qui commet un crime le 212ème jour, vous allez encore allonger la durée. Non mais Laurent, je ne sais pas, il vaut mieux prendre plus de précautions que pas assez, non ? Oui mais... Dans ce cas-là, si on suit votre règlement, on ne fait rien du tout.

Vous savez très bien qu'on a des obligations en matière de liberté publique. Vous avez raison de dire que sur l'exécution des OQTF, effectivement c'est une question de moyens, de consignes aux préfets, et d'ailleurs Bruno Retailleau assez rapidement, une fois qu'il est rentré place Beauvau, a donné des indications en ce sens au préfet. Et donc là, il n'y a pas besoin d'une loi.

Mais pour tout le reste, pour tout ce qui a été détricoté par le Conseil constitutionnel, notamment pour des raisons de forme, avant tout, de cavalier législatif, comme on dit, c'est-à-dire qui n'avait pas, qui était mal rédigé dans la loi amendée, notamment par les propositions du Sénat, c'est assez légitime, sur le plan juste politique et juridique et institutionnel, de pouvoir représenter une loi. Et donc, sur le sujet de l'immigration légale, Et le durcissement, par exemple, du regroupement familial, ça, ce n'était pas inclus dans le projet de loi d'Armanin. Et si le gouvernement a tout à fait le droit, après on a le droit de ne pas être d'accord et on n'en débattra, de dire qu'effectivement il y a un sujet sur l'immigration illégale en France, mais il y a aussi un sujet sur l'immigration légale. Pour conclure, Laurent Geoffrin.

La France a signé une convention internationale depuis les années 50, deux, une européenne, une mondiale, qui prévoit le droit à vivre en famille quand on est immigré. Donc il faudrait quand même la respecter. Ça, c'est l'état du droit. Et effectivement, l'accumulation des jurisprudences et des juridictions internationales... On est censé être la patrie du droit de l'homme, donc on respecte au moins les conventions internationales qui ont été signées par dizaines de pays.

Je note une dernière chose, c'est qu'il y aura visiblement une loi Retailleux en 2025, là où Michel Barnier, la semaine dernière, disait on vient de légiférer, peut-être qu'on peut déjà appliquer les lois. C'est Bruno Retailleux qui a gagné ce bras de fer là. Et il aura quand même toute l'année, d'ici là, tous les mois qui nous restent à essayer d'agir par décret, par circulaire, et on l'a vu notamment sur le sujet de l'immigration avec...

La fin de la circulaire valse qui compte agir sans même faire des lois. Sur la régularisation des sans-papiers. Merci à tous les trois.