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Analyse de Rimbaud et Émancipation

Salut c'est Tanguy de la Boîte à Bac et aujourd'hui grâce au soutien de la mairie de Douai et de Hattier j'ai le plaisir immense de t'accueillir dans la ville de Douai pour te parler de Rimbaud Pourquoi avoir choisi Douai ? Et bien tout simplement déjà, tu peux voir dans ton bouquin qui s'appelle Les Cahiers de Douai. Car c'est l'endroit où Rimbaud a passé deux fois un peu de temps lors de ses fugues et surtout c'est l'endroit où il a pu donner ses premiers poèmes à un éditeur qui s'appelait Paul Domini et qui plus tard va publier Les Cahiers de Domini qui deviendront Les Cahiers de Douai. Aujourd'hui je vais analyser trois questions que l'on pourrait te poser lors d'une dissertation ou lors d'un oral, notamment pour des épreuves type bac ou tout simplement...

ton bac de français. Quelles sont ces trois questions ? Sache par ailleurs que sur une vidéo réservée à notre application, j'analyse trois autres questions. Et avec ça, crois-moi, tu auras toutes les cartes pour réussir tes épreuves. Maintenant que je t'ai présenté les trois questions, allons les traiter ensemble.

Pourquoi l'art nécessite-t-il une émancipation ? S'émanciper, ça veut dire s'affranchir, c'est-à-dire prendre des libertés par rapport à sa condition sociale, morale ou encore la situation de l'époque et les personnes qui nous ont inspirés. L'émancipation est donc une condition indispensable de la création, car comment veut-on créer si on ne fait qu'imiter ceux qui nous ont précédés ? Et figure-toi que le mot poésie vient du grec poiesis, qui veut dire créer. Ainsi on voit un lien intime entre la création et la poésie.

Mais créer, qu'est-ce que ça signifie ? Je propose qu'on se réfère à une définition qu'Emmanuel Kant a donnée du génie artistique. Selon lui, il y a trois conditions au génie. L'originalité, l'exemplarité et l'inexplicabilité. L'originalité, c'est faire quelque chose que d'autres n'ont pas fait.

Ça ne veut pas dire forcément faire quelque chose de complètement nouveau, mais de faire quelque chose d'un peu différent de ce qui existait. et qui a la marque de ta personnalité. En tout cas, c'est la définition que les juristes utilisent. L'exemplarité, c'est le fait que ça puisse servir de modèle à d'autres œuvres. Et enfin, l'inexplicabilité, c'est probablement le plus dur.

C'est donner l'impression d'une fulgurance, qu'on ne puisse pas expliquer d'où vient l'idée de l'œuvre, donner l'impression que ça n'a pas été travaillé, mais que c'est venu de soi, comme ça, libéré. Par exemple, cette vidéo relève-t-elle du génie ? Eh bien...

On peut dire qu'il y a une originalité car personne n'a encore fait une vidéo sur les cahiers de doué à doué. Est-ce qu'elle est exemplaire ? Oui. Parce que je te donne des conseils que tu vas pouvoir utiliser toi-même et parce qu'on suit un modèle que d'autres vont vouloir imiter.

Et enfin, elle est inexplicable. Car moi-même, je ne m'attendais pas du tout à faire la vidéo à cet endroit-ci. C'est juste que c'était le seul endroit qui avait l'air un petit peu lyrique. Et donc, on s'est installé là. En gros, moi-même, je ne sais pas ce que je suis en train de faire.

Donc, je suis en génie. Rimbaud, d'une certaine façon, rejoint la position de Kant dans une lettre qu'il envoie à son ami Paul de Muny, qui habitait... juste ici, la lettre dite du voyant.

Dans cette lettre, il exprime l'idée que le poète doit se faire voyant, qu'il doit passer par un dérèglement des sens pour pouvoir rompre avec les formes conventionnelles. Et finalement, ce dérèglement des sens, c'est-à-dire le fait de ne plus contrôler complètement sa vue, son goût, etc., c'est une façon d'apporter de l'inexplicabilité à son œuvre. Et rompre avec les formes conventionnelles, c'est une façon d'apporter... L'originalité.

Ainsi, Rimbaud rejoint la philosophie de l'art posée par Emmanuel Kant. Mais on ne peut pas créer sans source d'inspiration. Cependant, on ne peut pas s'émanciper de rien.

Et si on veut avoir une création, il faut toujours avoir des modèles qu'on va chercher à dépasser. Rimbaud ne laisse pas de doute sur ses sources d'inspiration. Ainsi, quand il écrit Les Effarés, il s'inspire très clairement d'un des poèmes les plus connus du milieu du XIXe siècle, Mélancolia de Victor Hugo. qui dénonce lui aussi la misère des enfants.

À genoux, cinq petits, misère ! dans Les effarés rappelle les formules de Victor Hugo dans son poème. Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas, avec un constat suivi d'une interjection qui marque le désespoir.

Ils réinterprètent les grands classiques, que ce soit La balade des pendus de François Villon ou Ophélie, le personnage d'Hamlet de Shakespeare. Mais à chaque fois, il leur donne sa propre tournure. Ainsi, le bal des pendus de Rimbaud est une danse macabre où les squelettes s'amusent, tandis que la balade des pendus de Villon était plutôt une complainte de condamnés à mort qui demande la pitié des hommes et de Dieu. Ainsi, voici le refrain.

Mais priez Dieu que tous nous veuillent absoudre. Absoudre, c'est un terme chrétien qui signifie le pardon de Dieu. Mais Rimbaud le créateur change le message. Et les pendus ne sont plus des personnes qui demandent le pardon du Dieu chrétien, mais au contraire des personnes qui l'ont défié.

Au gibet noir, manchot aimable, danse, danse les paladins, les maigres paladins du diable, les squelettes de saladin. Comme tu le vois, ceux qui ont défié Dieu ont au contraire l'air aimable. et ont l'air de bien s'amuser en enfer, là où ils peuvent danser et danser, bien loin de l'ennui du paradis.

Je veux pas y aller au paradis Si l'on m'y colle, je m'en enfuis L'enfer, là, je suis sûr au moins D'y retrouver tous mes copains Bref, comme tu peux le voir avec mes exemples, créer, ça ne signifie pas faire quelque chose de complètement nouveau, car ça n'existe pas. Ça veut dire avoir des modèles, puis réussir à s'en émanciper pour faire quelque chose de nouveau, tout en reconnaissant qu'on a eu des modèles auparavant. De quelles valeurs Rimbaud s'émancipe-t-il ? Rimbaud s'émancipe de trois types de valeurs de son époque. Les valeurs familiales, les valeurs politiques et les valeurs religieuses.

Parlons des valeurs familiales. Tout d'abord, c'est un fugueur. D'ailleurs, il s'est installé ici pendant... deux de ses fugues chez les sœurs de son professeur, M. Isamba.

L'éducation de Rimbaud était très stricte, presque étouffante. C'est ce qui va lui donner envie, au contraire, d'une grande liberté. Le thème de la liberté est central dans son œuvre.

Et dans beaucoup de ses poèmes, par exemple Ma bohème il s'en va à l'aventure. Ainsi, Ma bohème commence ainsi. Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées. Mon palteau aussi devenait idéal.

Le palteau, c'est ce que prend le voyageur pour voir transporter ses affaires. Et c'est ainsi qu'il dort à la grande ourse, c'est-à-dire à la belle étoile. L'émancipation de Rimbaud prend aussi la forme d'une émancipation politique qui est sur deux sujets.

D'une part une colère sociale, d'autre part la critique du militarisme ambiant. Commençons par la colère sociale. Et c'est d'ailleurs pour cette colère qu'on a choisi de s'installer dans des corons qui étaient les endroits où les ouvriers travaillaient durant la période industrielle. En effet, Rimbaud, à la suite de Victor Hugo, veut utiliser la...

poésie pour dénoncer les grandes injustices du XIXe siècle. Et je trouve que rien ne capture mieux cet esprit-là que le poème Le Forgeron. Ce texte raconte un passage de la prise des Tuileries en 1792 durant lequel un forgeron en colère s'exprime contre le roi. Et à travers cette poésie, Rimbaud exprime en fait une colère contre toutes les formes de monarchie et de régime autoritaire comme celui de Napoléon III.

Je t'en choisis un passage et tu vas comprendre. J'ai trois petits, je suis crapule. Je connais des vieilles qui s'en vont pleurant sous leur bonnet parce qu'on leur a pris leur garçon ou leur fille. C'est la crapule. Un homme était à la Bastille, un autre était Força.

Et tous deux, citoyens. Honnêtes, libérés, ils sont comme des chiens. On les insulte. Alors ils ont là quelque chose.

La colère se manifeste ici par les nombreuses exclamations, le rythme heurté, l'anaphore de jeux qui, replacés bien, se forgeront au sein de sa colère. On a également la répétition de c'est la crapule pour montrer que pour le roi, pour les députés, le peuple ce n'est qu'une crapule. D'ailleurs le peuple devient ensuite canaille. Et je vais te rajouter une couche avec mon passage préféré du poème.

Chapeau bas mais pour joie, oh, ceux-là sont les hommes ! Nous sommes ouvriers, sire, ouvriers ! Nous sommes. Le possessif qui accompagne les bourgeois, mes bourgeois, est particulièrement irrévérencieux. Tandis que le H majuscule à homme montre bien que ceux-ci, le roi, les députés, se considèrent supérieurs aux autres.

Ils sont les véritables hommes, les autres ne sont que de simples ouvriers. Le bas peuple, même pas des hommes. Et regarde comme le chiasme est magnifique.

Nous sommes ouvriers, Sire. Ouvriers, nous sommes. Tu vois là que le roi, Sire, est entouré par le peuple ouvrier comme le drapeau républicain. qui cerne le blanc de la monarchie, qui cerne le roi avec les couleurs du peuple.

Et comme je te l'ai dit, il critique également le militarisme et la propagande de Napoléon III. Il faut bien comprendre le contexte. La France est en guerre car Napoléon a déclaré la guerre à la Prusse afin d'étendre son pouvoir, mais ça va se retourner contre lui.

L'exemple le plus célèbre est bien sûr le Dormeur du Val, dans lequel on a l'impression qu'un soldat est en train de dormir tranquillement et on découvre à la fin qu'il est mort. Mais l'exemple sur lequel je préfère m'attarder est le poème Les morts de 92 qui dénonce également la propagande militariste qui cherche à pousser les citoyens à aller combattre pour Napoléon III. Il dénonce également la propagande impériale avec le registre satirique dans le poème L'éclatante victoire de Sarbreuk Sarbreuk, c'est une bataille qui s'est vraiment passée, qui est en fait une bataille mineure, mais qui va être présentée par la propagande napoléonienne comme une victoire. Éclatante ! L'ironie se perçoit par l'usage d'antithèses.

Du constate qu'à la fin des deux premiers vers, on a apothéose et dada. En gros, un terme qui traduit la magnificence puisque l'apothéose, c'est une façon de désigner une victoire. Tandis que dada est un terme péjoratif qui présente le cheval de Napoléon comme un âne.

On a le même type d'antithèse à la fin de cette strophe. Féroce comme Zeus et doux comme un papa. Arthur Rimbaud s'inspire de Victor Hugo lorsqu'il s'agit de faire de la poésie une une arme politique.

En effet, Victor Hugo avait publié un recueil qui s'appelle Les Châtiments dans lequel il fustige Napoléon III, qu'il nomme Napoléon le Petit. Par ailleurs, le poème Les effarés s'inspire directement du poème de Victor Hugo Mélancolia Rimbaud s'émancipe aussi des valeurs religieuses, on en parle tout de suite. Rimbaud rejette la religion catholique. Il préfère revenir à une religiosité plus païenne et surtout plus proche de la nature.

Il exprime cela en particulier dans Soleil et chair Déjà, rien que le titre est évocateur. On a le soleil, donc les éléments, et chair, c'est-à-dire un rapprochement du corps. Il y évoque les dieux grecs et il semble vouloir se rapprocher d'eux. Car ces dieux-là sont à la fois plus proches des hommes et plus proches de la nature, tandis que l'autre dieu nous attèle à sa croix.

En clair, il est en train de dire que la religion catholique nous enferme, nous contraint à la croix, à la souffrance. D'ailleurs, il est intéressant de constater que la religion catholique nous entoure. constater qu'il s'adresse essentiellement aux dieux les plus proches de la nature, que ce soit les déesses de la fécondité, que sont Cybele, la déesse de la terre, ou Vénus, qu'il désigne également sous le nom d'Aphrodite et de Calipige, qui signifie aux belles fesses Il s'adresse également aux divinités liées au cosmos, que ce soit Pan qui représente l'univers et Sélénée qui est la déesse de la lune.

Enfin, il s'adresse aux dieux qui sont l'interface entre la nature et la nature, et l'homme, puisqu'il y a Dionysos qui est le dieu du vin et qui est également le dieu qui a choisi de vivre parmi les hommes, et Pan qui, même chose, vit au milieu de la nature, qui est à moitié bouc, à moitié homme, qui représente l'univers, la terre, l'être humain. Dans le forgeron, il emploie un ton irrévérencieux pour désigner les hommes d'église. Les chanoines au soleil filaient les pattes nôtres. Patte nôtre, c'est une contraction de pater noster, c'est-à-dire notre père.

En gros, les notre-pères n'ont plus aucun sens dans leur bouche, ça devient juste patenôtre, un peu comme les pieds de ces chanoines. Le Mal est le poème le plus agressif envers la religion catholique. Dans ce poème, il fait des références au Tédéum. Les Tédéum étaient une pratique ancienne sous la monarchie absolue qui consistait à avoir des chants de joie à chaque victoire militaire du roi. Ici, c'est exactement la même chose.

Les soldats sont en train de mourir sur le champ de bataille et la nature les plaint. Tandis que dans les églises, on entend les Hosannas, qui est un cri de joie, parce qu'il y a une grande messe pour célébrer une quelconque victoire du roi ou de Napoléon sans doute. Et les prêtres ne s'intéressent aux soldats qu'au moment où ils meurent, puisque c'est à ce moment-là que les gros sous sont donnés pour l'enterrement.

On voit ainsi que c'est un poème anticlérical, c'est-à-dire contre les prêtres, contre les hommes d'Église. Victor Hugo, lui, continue à croire au Dieu chrétien. En revanche, il ne pense pas qu'il appartienne à Église. En clair, Dieu ne se trouve pas dans ce bâtiment froid.

Il se trouve plutôt au milieu de la nature, avec pourquoi pas les oiseaux. C'est du moins ce qu'il dit. dans son poème l'a niché sous le portail. Oui. Va prier à l'église, va !

Mais regarde en passant, sous la vieille voûte grise, ce petit nid innocent. En clair, Dieu n'est pas dans ce bâtiment. Dieu se trouve dans cet arbre, avec les oiseaux dans un...

Avant de poursuivre avec la troisième question de cette vidéo, j'ai une petite recommandation à te faire. Pour rédiger cette vidéo, je me suis largement appuyé sur le classique de Hattier, car je le trouve super bien construit. Je t'explique pourquoi.

Alors, premier élément tout bête, mais il est bien aéré, comme ça je peux prendre des notes dessus. Également, j'adore le fait d'avoir une page comme ça, ça me permet d'avoir mon petit parquet page lorsque je veux retrouver facilement la dernière page que je suis en train de parcourir. Par ailleurs, ce qui m'a beaucoup servi, c'est les pages au tout début qui présentent l'auteur, le contexte historique, le contexte artistique, un peu comme ce dont je te parle finalement au quotidien. Et les différents poèmes sont souvent accompagnés de petits exercices que tu peux faire ou bien des suggestions de questions pour te guider.

afin que tu puisses mieux réviser tes lectures cursives. Par ailleurs, il contient des tableaux synthétiques comme ça, ou bien encore de nombreuses fiches pour pouvoir réviser très rapidement juste avant les épreuves. C'est vraiment un outil très complet.

Et si tu veux approfondir tes révisions, je te recommande également le ProfilBac. Un premier avantage tout bête, c'est qu'il y a des couleurs, ce qui me permet de faire des revisions de repérer encore plus facilement les mots importants. Il y a également plein de notes qui vont me permettre d'aller plus loin dans mes connaissances. Il y a plusieurs fiches synthétiques sur plusieurs grands enjeux liés au parcours émancipation créatrice afin de compléter ce qu'on a vu dans cette vidéo. J'ai bien aimé les mémos visuels qui me permettent d'avoir des idées de plans de dissertation.

Et il y a des petits quiz pour vérifier si j'ai bien retenu les informations essentielles. Enfin, tu peux trouver des exemples d'explications de poèmes, des exemples de dissertations, et ce que j'ai bien aimé, même des fiches de grammaire pour ton oral. Donc je te les recommande chaudement.

En plus, ils ne sont vraiment pas chers et ils peuvent bien compléter ton kit-back pour réviser tout au long de l'année. Les cahiers de Douai sont-ils une émancipation formelle ? Je trouve que la question est particulièrement intéressante lorsqu'il s'agit des cahiers de Douai. Car, si on veut être honnête, les 15 premiers poèmes sont globalement très classiques et on voit que Rimbaud ne s'est pas vraiment émancipé encore de ses prédécesseurs.

En revanche, les 7 derniers poèmes que Rimbaud a envoyés plus tard à Paul de Meunier, eux, prennent beaucoup plus de liberté au niveau des formes. on sent que Rimbaud est en train de trouver son style. Alors naturellement, comme Rimbaud est un vrai artiste, dès les 15 premiers poèmes, on trouve parfois des formes d'originalité qui sortent de la balade et du sonnet classique en alexandrin.

Je vais te donner un exemple, les réparties de Nina. Dans ce poème, Rimbaud transforme les alexandrins, puisque grâce à des rejets, il les transforme en octosyllabes suivies de tétrasyllabes. Ainsi, cela crée un rythme trésorté.

Ta poitrine sous ma poitrine, hein, nous irions ? Du bon matin bleu qui vous baigne. Du 22 jours ?

Ce rythme heurté traduit des formes d'hésitation, comme s'il semblait encore hésiter sur sa façon d'écrire. Il cherche à avoir un langage frais, un langage de jeunesse, qui traduit également son manque d'expérience face à la femme qu'il aime. Les effarés emploient également un rythme original, puisqu'ils sont formés d'octosyllabes, octosyllabes, tétrasyllabes, ce qui signifie 8 pieds, 8 pieds, 4 pieds. Et ainsi, les tétrasyllabes semblent être des formes de conclusions qui se répondent. Chaud comme un sein.

On sort le pain du ciel rouvert au vent d'hiver. Mais comme je te l'ai dit, ce sont les sept derniers poèmes qui marquent le plus d'originalité. Et on voit l'évolution du style de Rimbaud si on prend le poème Sensation et le poème Ma bohème Ces deux poèmes sont très intéressants à comparer car globalement, ils parlent de la même chose.

Sensation est encore très classique, avec un Rimbaud qui rêve de partir à l'aventure. Mais au niveau du style, il est encore le bon élève classique. C'est... deux quatrains qui sont des alexandrins avec une césure à l'hémistiche, c'est-à-dire que les alexandrins sont coupés en six puis six. La seule petite liberté qu'il prend, c'est un moment une cinérèse, c'est-à-dire le fait de prononcer deux pieds ensemble par la nature heureux comme avec une femme.

La bohème reprend ce thème du Rimbaud aventurier, sauf que cette fois, il est déjà parti à l'aventure. Alors que dans Sensation il aime répartir, c'est un poème qu'il a fait avant sa première fugue, à Ma Bohème il en est déjà à sa deuxième. Et son style aussi a largement évolué. Déjà, il manie avec merveille le rejet, qui est l'art de finir l'idée d'un vers au début du vers suivant. Petit poussé rêveur, j'ai gagné dans ma course Des Rimes Tu vois ici que Des Rimes est isolé au début du vers suivant grâce au rejet.

Et ça peut avoir deux interprétations. Soit... des rimes est isolé car les rimes n'ont plus d'importance pour Rimbaud, il les délaisse.

soit en les mettant au début du vers, ils montrent l'importance des rimes et donc des sons en poésie. Aussi dans ma bohème, on voit que Rimbaud maintenant adore jouer sur les mots. Et quand il dit mon paletot aussi devenait idéal ça a trois sens. Déjà le paletot, comme je te l'avais dit, c'est une sorte de sac quand tu voyages.

Le paletot qui devient idéal, c'est donc soit qu'il est devenu idéal pour porter ses affaires, soit c'est qu'il est devenu idéal, ça veut dire plus qu'une idée tant il a été utilisé. Ou encore, c'est qu'il est devenu idéal, dans le sens que ça lui permet d'accéder à son idéal, l'idéal de liberté. On retrouve également ces doubles sens dans le dernier vers de ma bohème, qui est un de mes préférés, de mes souliers blessés, un pied près de mon cœur. Alors, c'est à la fois son pied, son pied d'aventurier, celui qui marche, et également le pied, qui est une mesure des notes en poésie.

Rimbaud, désormais, dans ses sept derniers poèmes, adore tellement les rejets qu'il en fait constamment, au point de... cassé tout sens même au rejet. Je te donne l'exemple du cabaret vert.

Bien heureux, j'allongeais les jambes sous la table verte, je contemplais les sujets très naïfs de la tapisserie et ce fut adorable quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs. Celle-là, ce n'est pas un baiser qui les peur. Rieuse, m'apporta des tartines de beurre, du jambon tiède dans un plat colorié.

On a un premier rejet, verte, ok d'accord, il souligne une couleur, pourquoi pas. Après, un rejet plus long, de la tapisserie. puis on a un enjambement sur la strophe suivante, alors que normalement tu ne fais jamais d'enjambement d'une strophe à une autre.

Là on a celle-là, ce n'est pas un baiser qui les peur, c'est la fin de la strophe précédente alors qu'il en commence une autre. C'est très original, très novateur pour la poésie. Dernier exemple de ces rejets féconds, le dormeur du Val.

D'une part on a le rejet de d'or pour mettre en avant ce mot-là, on a l'impression que le soldat dort, en fait il est mort. Et d'autre part, on a le rejet de Tranquille qui lui donne un double sens. Soit on le voit comme le rejet de Poitrine Tranquille, ce qui signifie que la poitrine ne se gonfle plus, donc qu'il est mort. Soit on peut y voir la tranquillité, car Tranquille est seul, silencieux, le soldat repose en paix. Rimbaud fera de nouvelles expériences poétiques dans ses autres recueils.

Ainsi, Une saison en enfer est un recueil en prose, c'est-à-dire qu'il n'y a plus de versification. et la distinction entre poésie et roman est devenue très floue puisque finalement il écrit des paragraphes classiques. Cependant, cela reste bien de la poésie pour plusieurs raisons. D'une part, les sonorités comptent, bien que ce ne soient plus des rimes.

D'autre part, le rythme compte, bien que ce ne soient plus des vers. Et enfin, il y a un sens de la métaphore et de l'image marquante. Enfin, dans son recueil Les Illuminations, Il fait beaucoup de poésie en vers libre, c'est-à-dire qu'il a des vers mais avec des rythmes qui changent presque constamment. Et il fait également l'expérience de la synesthésie.

La synesthésie, c'est lorsqu'on associe les éléments d'un sens, par exemple la vue, avec les éléments d'un autre sens, par exemple un parfum. Et là, ce qui est intéressant, c'est qu'il va plutôt associer des couleurs à certains types de voyelles dans son poème Voyelles, qui commence ainsi. A noir, E. blanc, i rouge, u vert, o bleu, voyelle.

Il donne ainsi l'impression de ne plus juste entendre les mots, mais également de les percevoir sous la forme de couleurs qui se manifestent devant lui quand il écrit ses poèmes. Et grâce au symbolisme puis au surréalisme, la fin du XIXe puis le XXe siècle vont être une grande période d'expérimentation formelle en poésie. Pour te donner un exemple, il y a les calligrammes d'Apollinaire qui sont des poésies.

qui forment des dessins. Il y a également des poèmes qui prennent la forme de cadavres risqués, c'est-à-dire que les idées sont écrites par un poète, par un autre, qui mettent chacun un mot, et l'ensemble de ces mots forment des phrases auxquelles il ne s'était pas du tout attendu. On a également des poétesses comme Joyce Mansour qui cassent encore plus les frontières entre le récit et la poésie en faisant non seulement de la poésie en prose, mais de la poésie en prose narrativisée. Bref. des grandes expériences d'émancipation poétique et de modernité poétique que tu peux également trouver dans cette vidéo pour avoir plus de détails.

Et voilà, cette vidéo est finie. J'espère qu'avec ces trois réponses, tu as plein d'éléments pour répondre à tes sujets de dissertation. Et tu sais quoi ? Comme je te l'ai dit, on a trois autres sujets sur l'application. Il s'agit d'en quoi la poésie permet-elle une émancipation ?

Comment la poésie transforme le réel ? La poésie est-elle une émancipation du langage ? Vaste programme. Avant de vous quitter, je tiens une dernière fois à remercier Atier et la mairie de Douai. Et également, je tiens à vous remercier.

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