Si vous vous demandez qui est François Rabelais, quelle est son importance dans l'histoire de la littérature, quels sont les liens qu'il a pu entretenir avec le mouvement humaniste, ou plus globalement, ce qu'il faut retenir de son travail d'écrivain, vous êtes au bon endroit. Laissez-moi juste quelques minutes pour tout vous expliquer. François Rabelais est certainement né en 1494, près de Chinon, une petite ville connue aujourd'hui encore pour la qualité de sa vigne, ça pose le cadre. Rabelais est un intellectuel, très clairement, qui a su s'illustrer dans un certain nombre de domaines. Il se fait religieux, devient moine, mais étudie tout de même le grec, le droit, puis la médecine.
Et pas simplement pour accumuler des connaissances, non non, il se donne à fond à chaque fois, il... publie ses traductions, il donne des cours sur des œuvres antiques, et va même jusqu'à exercer la médecine au sein de l'Hôtel-Dieu à Lyon. Mais concentrons-nous sur l'essentiel, Rabelais, si on l'étudie, c'est surtout en tant qu'auteur.
Son premier récit mémorable, que l'on appelle Pentagruel, est publié en 1532, et avait en fait pour titre « Les horribles et espouvantables faits et prouesses du très renommé Pentagruel, roi d'Édip-Sode, fils du grand géant Gargantua, composé nouvellement par Maistre... » Alcofribas Nasier. Vous voyez que l'orthographe n'est pas tout à fait la nôtre et qu'à l'époque, on n'avait certainement pas de quatrième de couverture, alors on profitait du titre pour raconter la moitié du bouquin.
Vous remarquez aussi que Rabelais publie cette première œuvre sous un pseudonyme, Alcofribas Nasier, qui est tout simplement l'anagramme de François Rabelais. Anagramme, ça veut dire que les deux noms contiennent les mêmes lettres mais dans un ordre différent, comme Marie et Aimée, par exemple, ou Migraine et Imaginée. Avec ce petit clin d'œil, on sent déjà qu'Alcofribas a la boutade facile.
Ou alors il fait ça pour protéger son identité, parce qu'il a bien conscience que son récit risque de lui attirer les foudres de sa hiérarchie. Ou peut-être qu'il souhaite marquer clairement la distinction entre les œuvres sérieuses qu'il publie sous son véritable nom et ses créations plus fantaisistes. Je pose la question. Je ne crois pas qu'on sache vraiment pourquoi Rabelais s'est caché derrière ce pseudonyme d'Alcofribas nazier.
Pantagruel est donc le premier roman d'une série composée de cinq oeuvres. Après Pantagruel vient Gargantua, puis le tiers livre, puis le quart livre, et enfin le cinquième livre. Sur la fin, il s'est quand même moins embêté avec les titres.
Attention cependant, les plus rigoureux d'entre vous me feront certainement remarquer que la dernière de ses oeuvres, le cinquième livre, est très certainement inspirée des notes de Rabelais, mais puisqu'il a été publié plusieurs années après sa mort, il n'a peut-être pas été rédigé intégralement par l'auteur qui nous occupe aujourd'hui. À l'échelle de l'histoire littéraire, Rabelais est l'une des grandes incarnations du mouvement humaniste. Et on ne peut pas parler de l'auteur sans parler de ce courant intellectuel. Donc parlons-en.
L'humanisme, c'est le courant de pensée qui a marqué la Renaissance, donc la fin du Moyen-Âge. En France, ça concerne majoritairement le XVIe siècle, et se matérialise par un intérêt centré sur l'humain en tant qu'individu, en tant que personne. Ça semble assez naturel aujourd'hui, mais à l'époque, c'était assez révolutionnaire pour être souligné.
L'auteur humaniste étudie l'humain. Il le montre dans ce qu'il a de grand, de noble, mais n'oublie pas ses limites. Il s'intéresse à l'homme en tant qu'être pensant et en tant que corps, dans sa dimension spirituelle et intellectuelle, autant que dans sa dimension physique. En gros.
C'est très important, ça, dans l'œuvre de Rabelais, l'aspect physique de l'homme. Gargantua nous montre toute l'importance du corps du géant. y compris dans ses dimensions les moins élégantes. Je cite. « Il fiantait, pissait, rendait sa gorge, rôtait, pétait, baillait, crachait, toussait, sanglotait, éternuait et se morvait en archidiacre.
» Pas très ragoutant. Mais on ne peut évidemment pas réduire la production de Rabelais à ça. Oui, on trouve des passages répugnants et d'autres qui nous permettent de réfléchir à l'éducation des enfants.
Certains qui critiquent la guerre, remettent en question la médecine de l'époque ou imaginent une société idéale. Un monde de liberté totale. L'idéal de Rabelais apparaît notamment dans le passage consacré aux Télémites, les habitants de l'abbaye de Télème, dont voici un très court extrait. Toute leur vie était dirigée non par les lois, des statuts ou des règles, mais selon leur volonté et leur libre arbitre.
Ils sortaient du lit quand bon leur semblait, buvaient, mangeaient, travaillaient, dormaient quand le désir leur en venait. Nul ne les éveillait, nul ne les forçait ni à boire, ni à manger, ni à faire quoi que ce soit. Ainsi en avait décidé Gargantua.
Toutes leurs règles tenaient en cette clause. Fais ce que tu voudras. Car des gens libres, bien-nés, bien éduqués, vivants en honnête compagnie, ont par nature un instinct et un aiguillon qui poussent toujours vers la vertu.
Et les éloignent du vice, c'est ce qu'il nommait l'honneur. Ça fait rêver, hein ? Il s'agit là d'une utopie. Un monde parfait, certes, mais un monde qui n'existe pas. Et vous le savez certainement, derrière chaque utopie se cache, en creux, une vision critique de notre monde.
Tout ce qui est salué, valorisé dans la société idéale, soulève en fait un problème, un manque dans le monde réel. Ici, Rabelais imagine, rêve, mais critique aussi. Il dénonce discrètement les entraves, tout ce qui peut nuire à la liberté individuelle. Ce qu'il faut avoir en tête lorsqu'on lit Rabelais, c'est qu'un message est caché.
Oui, on peut réduire son œuvre à un simple divertissement et se contenter d'une lecture superficielle. Mais derrière l'histoire, derrière le récit, se cache toujours une réflexion plus profonde, ce que l'auteur appelle lui-même la substantifique moelle. J'espère vous avoir donné une certaine idée de Rabelais et de son œuvre dans cette vidéo.
Je vous remercie de l'avoir suivi jusque là et je vous souhaite une bonne journée.