C'est effectivement que j'ai du mal à comprendre ce qui marche. J'ai du mal à comprendre pourquoi ça marche. Ce qui marche je le comprends, mais je comprends pas pourquoi. Si le militantisme sur internet ne se résume absolument pas uniquement aux youtubeurs, il est impossible de nier l'importance que les créateurs de contenu ont eu dans la politisation d'un large... public sur internet.
Il existe de nombreuses manières de se politiser, même au sein d'internet, mais le canal de Youtube et de Twitter, notamment dans le début des années 2010, a été décisif. Et si moi et plein d'autres, j'ai pu accéder à des discours de gauche, d'autres au même moment ou même avant avaient aussi accès à des contenus d'extrême droite. Cette politisation en ligne L'internet en ligne a évidemment des avantages et des défauts.
Si internet permet de s'exprimer et d'avoir accès plus facilement à beaucoup de discours, être sur internet ça veut aussi dire être plus isolé, plus susceptible à s'enfermer dans ses discours et manquer d'expérience de terrain. Il est absurde de penser que le militantisme sur internet peut tout faire, mais il est tout autant absurde de nier l'influence qu'il a sur les esprits et la situation politique actuelle. Je ne vais pas le cacher, ce sont bien les influenceurs et les créateurs de contenu et le rapport qu'ils ont à la politique qui va m'intéresser dans cette vidéo. Alors oui, vous pouvez vous placer comme militant pur qui ne s'attarde pas sur des sujets qui ne provoquent pas la révolution, mais je sais que pour beaucoup d'entre vous, c'est YouTube qui vous a formé, et que les critiques politiques de grandes personnalités sur Internet... c'est aussi un de vos sujets préférés.
En 2005, Dailymotion se créait dans un contexte où Internet et les technologies d'enregistrement commencent à sérieusement se démocratiser. En plus d'un ordinateur à usage personnel, avoir un caméscope, une webcam ou une simple caméra cassette devient peu à peu la norme. Dailymotion devient rapidement le premier site à succès en France pour héberger ses vidéos fait maison et si certains vont simplement poster leurs films de vacances, certaines personnes vont écrire, enregistrer et monter des vidéos pour le plaisir de les faire et de les partager avec des amis ou avec des inconnus.
Et les quelques-uns qui pour des raisons diverses et obscures vont obtenir du succès deviendront les premiers vidéastes et vous les connaissez. D'abord, il y a évidemment les premiers pas de la sphère des podcasteurs, qui marqueront au fer rouge de par leur format et leur style d'humour, ce qui sera associé à YouTube pendant ces premières années. Monsieur Dream, Norman, Hugo Tussle, Kemar, Mr V, etc. Une famille de créateurs au style et à l'écriture accessible et reconnaissable, malgré le côté geek et nerd de la plupart de ses membres.
Ce sont les fameux YouTubers qui parlent de trucs du quotidien en direct de leur chambre, et si à titre personnel je me suis assez rapidement désintéressé de ce type de contenu, il reste que j'ai encore du respect pour pas mal de créateurs et de créatrices de cette famille, qui ont été une porte d'entrée très efficace. vers tous les autres contenus trouvables sur YouTube. Sans Cyprien, je ne m'intéresse pas à tout le reste et donc je n'existe pas sur Internet. L'autre grande famille, bah c'est les gros Geekos.
Cyprien et la clique étaient aussi des geeks, mais là je parle de contenus et de créateurs centrés sur le jeu vidéo et sans être uniquement des sketchs. Des critiques, des analyses, des podcasts, des let's play, beaucoup de contenus très fortement inspirés du Game One des débuts et qui influenceront aussi. tout le début de YouTube. Les plus représentatifs sont pour moi les collectifs Nesblog et surtout Prestartbutton dans lequel on retrouve pas mal de têtes connues.
Déjà évidemment Punky, son fondateur et toujours vidéaste et mérite à ce jour. Aussi Benzaie, GE2, Sycefac, Mea, Fridot mais aussi Cœur de Vandal et Rilmiop et même Wendo. Si la plupart de ces créateurs sont encore actifs à un niveau plus ou moins haut de célébrité, il y en a deux qui vont m'intéresser tout particulièrement.
Des créateurs qui vont profondément représenter et lier l'histoire des geeks et de la gauche sur Internet. Salut c'est Nul ! Oula.
Salut c'est Usul et je suis ici pour vous parler de jeux vidéo. D'abord parce que j'adore les jeux vidéo et ensuite parce que j'adore parler. J'adore aussi fumer des pipes éteintes. D'abord parce que c'est beaucoup moins dangereux pour la santé et ensuite parce que c'est vraiment très élégant.
Je préférais... Vu que je suis un grand mégalo, j'adore SimCity. Je construis d'énormes villes et dès que ça me saoule parce qu'il y a trop de chômeurs ou trop de pauvres, j'envoie Godzilla. Vous saviez que beaucoup de nos responsables politiques jouent à SimCity ?
Parce qu'on apprend plein de choses sur la gestion d'une ville. Usul créé sur jeuxvideo.com avec Dorian Chandelier le 3615. Usul, un format hybride humour podcast jeux vidéo philo-politique et réalise une véritable introduction à des réflexions philosophiques et politiques à partir du jeu vidéo à des internautes qui ne s'attendaient pas trop à se prendre ça dans la gueule. Les deux étant des énormes gauchistes, ils introduisent à tous ces geeks des discours et des concepts de gauche radicales certes plutôt basiques mais quasiment inexistants dans l'imaginaire collectif d'internet et encore moins dans celui des geeks. En tout cas pas de façon aussi précise. Il faut bien repenser au fait que la génération née dans les années 80 était globalement pas énormément politisée, pas non plus pas du tout, mais pas...
énormément et quand Usul fait le 36-15, il s'adresse certes à des geeks de sa génération mais aussi et surtout aux geeks les plus jeunes ce n'est dans les années 90 et tout début 2000 et qui commence alors leur politisation Usul va devenir malgré lui le responsable d'un cursus de gauchisation des masses dans un internet surtout dominé pour l'instant par l'extrême droite notamment par la figure d'Alain Soral. Il va à la fois dédroitiser beaucoup des plus vieux et infuser des discours gauchistes chez les plus jeunes surtout que cet aspect des 36-15 devient de plus en plus plus en plus assumée au fur et à mesure des épisodes. Cette trajectoire atteindra son zénith quand à la fin du 36-15, Usul va commencer à partir de 2014 à réaliser les chroniques documentaires mes chers contemporains qui le propulseront comme incontestable figure essentielle de la gauche sur Internet.
Grâce à l'impulsion du ZUL, l'internet français va être témoin d'une forte politisation de gauche, surtout à partir justement de 2013 et 2014. Et associé aux nombreuses déceptions politiques de cette époque, il se crée en quelques années un blog de gauche sur Youtube, critique, actif et créateur de discours et de commentaires sur l'actualité. Si tout cela est magnifique raconté ainsi, avec mes yeux de jeune internaute qui a vécu toute cette construction politique, il faut aussi être capable d'un regard froid sur la situation. Et ce regard froid, c'est le constat d'un double échec.
Déjà, l'extrême droite est aujourd'hui majoritaire sur internet, plus présente, plus forte, plus diffuse. plus violente, plus normalisée, énormément de geeks de JVC qui avaient connu Usul à l'époque ont finalement viré à droite. Et les courants de pensée réactionnaires sont quelque chose d'assez connu parmi les communautés geeks et nerds. Mais ça ce n'est en réalité que la face visible.
Une relative façade très inquiétante et bruyante d'extrême droite cache derrière elle une énorme dépolitisation des internautes qui ne veulent simplement plus parler de politique, ou même s'y intéresser. Peu importe la raison, il existe une volonté souvent ouverte de garder le silence sur le sujet politique. Et le silence n'a jamais profité à la gauche. Le deuxième échec, c'est justement celui de la gauche. Si on peut remercier Usul d'avoir lancé une dynamique de gauche qui a permis l'existence d'une constellation de discours gauchistes, que ce soit dans le YouTube politique mais aussi dans le YouTube plus mainstream, dans laquelle l'humour et les discours de gauche n'étaient pas forcément des repoussoirs, cette gauche-là, bah, elle est morte.
Quasiment toutes les personnes qui y étaient rattachées ont soit disparu, soit flirtent bizarrement avec l'extrême droite, soit ne sont plus pertinents ou ne touchent plus qu'un petit public restreint et déjà convaincu. Que s'est-il passé ? Pas de guerre de chapelle sur cette vidéo si vous voulez débattre entre vous il n'y a pas de problème les commentaires c'est là pour ça maintenant ne partez pas dans des délires de lui c'est un connard lui c'est un fils de pute lui c'est un vendu lui ce qu'il fait c'est de la merde lui avant je l'aimais bien mais il m'a déçu s'il vous plaît Bon, il est peut-être enfin temps d'arriver au sujet de cette vidéo qui à mon sens permet de faire un lien entre tous ces éléments. L'histoire de la gauche sur internet est à mon sens profondément liée à celle des geeks et de la création vidéo.
Déjà parce que tous ces gauchistes dont j'ai parlé ainsi que leur public, bah c'était des geeks aussi. Et que même globalement sur internet, surtout dans les années 2010, bah y'a que des geeks. Mais pour pouvoir pleinement explorer ce lien, j'aimerais m'intéresser à un exemple qui les met tous en valeur. J'ai dit qu'il y avait deux créateurs qui m'intéressaient particulièrement et j'ai un petit peu menti.
Car les deuxièmes, c'est le Joueur du Grenier. Probablement l'émission de YouTube avec la plus grande longévité sans avoir perdu son succès, le Joueur du Grenier commence sur YouTube en 2009 créé par Sébastien Rassia et Frédéric Molas et procède à ne jamais s'arrêter pour les 12 ans qui suivent. Rejoint par Karim Debbache en 2013, il perfectionne leur format de base américain pour l'améliorer et le transcender à leur sauce avec plus de 100 épisodes sans compter les spin-offs et la chaîne secondaire.
Le JDG, c'est une émission particulière. Pili de la culture internet française, à la fois une des dernières émissions d'une avant-garde de YouTube, tout en étant quasiment à chaque épisode un des contenus les plus ambitieux de la plateforme, ils étaient les plus connus de Prestart Button avant d'être les plus connus de Nesblog. Si aujourd'hui, les chiffres sont moins impressionnants qu'à une époque, l'émission tape quasiment systématiquement au moins les 3 millions de vues. Et à part les turbo-zoomeurs, il est très rare de croiser quelqu'un qui n'a jamais regardé de JDG, tellement l'émission a réussi à traverser Internet et ses évolutions.
Alors oui... Vous l'aurez deviné, j'aime bien JDG. J'aime JDG et je respecte cette émission qui m'a accompagné pendant quasiment toute mon existence sur internet.
Car si Cyprien a été ma porte d'entrée sur Youtube, JDG est clairement l'émission qui m'a mis réellement sur les rails qui m'ont mené jusqu'à ici. Par son existence même, mais aussi pour toutes les personnes qu'elle m'a fait découvrir. Il va être compliqué de parler politiquement de JDG sans une certaine confusion.
Assez logiquement, ce n'est pas uniquement le contenu de l'émission Jour du Grenier créé par actuellement trois personnes qui va m'intéresser aujourd'hui, mais aussi et surtout LE Jour du Grenier en tant que tel. à savoir Frédéric Molas. Une confusion que je lui ai décidé d'assumer.
Si tous les propos de Frédéric Molas ne sont pas nécessairement approuvés par Sébastien Rassia et Karim Debach, je considère que tout ce qui est écrit et diffusé dans un épisode de JDG est approuvé par les trois. Si Frédéric Molas m'intéresse plus particulièrement, c'est pour des raisons assez évidentes. Déjà, c'est le visage de l'émission, mais c'est aussi et surtout le plus vocal des trois en termes de politique.
Et ce, non sans conséquences. Car oui, à partir de 2017, et suite à plusieurs transformations de la gauche sur Internet, une certaine révision critique de l'humour des JDG s'est fait sentir. Associé à la capacité de Frédéric Molas à sortir Assez souvent des techs de droite, entre ses votes pour Nicolas Dupont-Aignan, ses positions vis-à-vis des réseaux sociaux ou alors de la justice sociale, ses réactions plutôt épidermiques vis-à-vis des critiques qu'il a pu recevoir ou l'hallucinant et iconique contexte, Frédéric Molas passe en quelques années d'une image plutôt lisse et neutre à celle d'un boomer droitard que certains même traitent de facho. Sauf que voilà, c'est bien cette analyse que j'aimerais regarder d'un petit peu plus près.
S'il est absurde à mon sens d'essayer de prouver que Frédéric Molas et donc que JDG par extension seraient gauchistes, il reste important à mes yeux de revoir nos jugements avec plus de recul sur la place et l'histoire. du Joueur du Grenier. Par son créateur, ses évolutions et son contenu, le JDG témoigne à mon sens d'une relation sur Internet commune, complexe et tendue entre les geeks et la gauche.
Dans une méta actuelle où tous les plus gros influenceurs sont terrifiés à l'idée de ne serait-ce que citer le mot politique, où la droite et l'extrême droite a presque gagné la bataille culturelle et que les idées de gauche sont de plus en plus diabolisées, je pense qu'il est important de repenser le JDG pour ce qu'il est, un geek banalement de droite avec un humour gauchiste. Ceci est une vidéo à portée politique ouvertement de gauche, dans laquelle je vais tenter de défendre Le joueur du grenier. Les geeks, la gauche et le JDG, salut à tous.
C'est R4 qui vous parle. Bon, soyons un petit peu sérieux. Il est hors de question de créer une compilation des moments de gauche ou de droite de Frédéric Molas pour tenter de prouver définitivement quelque chose.
Si je peux défendre le JDG sur des points précis ou des propos qui sont datés ou déformés, par exemple je ne sais pas s'il serait encore d'accord aujourd'hui avec Nicolas Dupont-Aignan, il reste que même récemment, pas mal de ses sorties me restent opposées politiquement. Des tweets seuls ne peuvent constituer une réelle analyse politique. Pour comprendre JDG et Frédéric Molas, il faut prendre un regard un petit peu plus sincère. S'il y a bien une chose que Frédéric Mollas répète souvent, c'est que c'est quelqu'un de plutôt normal. Un geek né dans les années 80, grandit dans les années 90 avec une trajectoire plutôt commune.
Si le mot geek et culture geek peut vous faire grincer des dents, soit parce que vous n'en pouvez plus d'être appelé comme ça, soit parce que l'image de la culture aujourd'hui est... Compliqué ? Comprendre Frédéric Molas et tout ce qui lui ressemble, c'est surtout chercher à comprendre les geeks.
Et soyons clairs, quand je dis geek, je parle bien de l'image la plus basique de ce qu'est un geek, même si je sais qu'il existe des tonnes de nuances. Quasiment toujours un mec, relativement souvent blanc, pas très populaire, pas très à l'aise en société et donc fan de jeux vidéo, de manga, de jeux de rôle, etc. Des identités geek alternatives ne sont pas toujours incohérentes avec ce que je vais dire, mais gardez en tête que je parle surtout du geek. de base de JDG quoi.
Dans les années 90 voire même 2000, aimer les jeux vidéo, les jeux de rôle, les animés, bah c'était vraiment mal vu. La situation actuelle où tous les zoomers ont absolument aucun problème à parler de Chainsaw Man à la récré, bah c'est très récent. Avant le début des années 2010, les loisirs de nerd étaient des motifs d'exclusion ou de harcèlement plus ou moins violent.
Quasiment tous les geeks de cette époque là, quel que soit leur contexte social et culturel, ont vu leur passion constamment rabaisser et être forcés à un isolement parfois traumatique. Si la première génération des geeks des années 70 et 80 avait une certaine dynamique créatrice, parce qu'être fan de jeux vidéo à cette époque là ça voulait presque dire être programmeur, les années 90 et 2000 correspondent à la première grande démocratisation des médias geeks, où les personnes y entrant ne sont plus nécessairement des très grands experts dans leur domaine, mais aussi des simples consommateurs, dans une société qui voit très mal ce qu'ils consomment. Être geek dans les années 90 et 2000, ça voulait nécessairement dire être marginalisé.
En fait, si le mot geek est maintenant synonyme de nerd, le sens original du mot décrit simplement péjorativement un certain rapport à une passion, à une manière d'être. Être geek, c'est être considéré comme bizarre, comme à la marge, avec des passions trop curieuses. Et cette relation à l'étrange, aux marges, a fait que les geeks à une époque... étaient dans le même panier que beaucoup d'autres caractérisations qui vous rendaient bizarre ou à éviter.
Les geeks étaient par la force des choses et malgré souvent leur vaste différence sociale vus comme semblables à d'autres formes de marginalisation. Il a alors existé une certaine forme de solidarité, de superposition, d'alliance objective entre les geeks et les queers par exemple, entre les geeks et les marginaux, parce qu'ils en étaient eux-mêmes. Et si évidemment, même au sein de ces cercles marginaux, certains restent plus marginaux que d'autres, du fait d'une position similaire dans la hiérarchie sociale d'un collège, d'un lycée ou simplement d'un groupe de jeunes, un geek était vu plus proche d'un LGBT que d'un mec populaire.
Et ça, ça créait un pont des connexions de l'empathie. On avait un groupe de gens... A la récré en gros, c'est dans le balut où on était, il y avait une espèce de table de ping-pong qui était un petit peu au milieu de la cour, qui était un peu enfermée, il y avait des buissons autour, personne n'allait jamais là-bas.
Et on était un groupe de gens, c'était que des gens qui étaient rejetés d'autres groupes. que un groupe de rejetés. Donc il y avait de tout en dedans, il y avait des gros fans de jeux vidéo, des fans d'informatique, il y avait des mecs un peu bizarres, genre il y avait un gars qui collectionnait des araignées, tu vois, il y avait des homosexuels, enfin des gens qui pouvaient dire qu'ils étaient homos, et donc on s'en foutait, tout ce que je te dis, tu es homo et alors ? S'il y a quelque chose de beau là-dedans, ces cercles de marginaux n'étaient pas forgés à partir d'intérêts communs, mais surtout à partir d'une situation de souffrance commune qui créait alors une inconsciente solidarité.
Si les geeks n'ont certainement pas le monopole de l'oppression, il est impossible de nier la souffrance que peut provoquer une enfance collégienne et lycéenne entourée de personnes qui vous trouvent bizarres et parfois vous haïssent pour ça. Il existe un nombre incalculable d'histoires de geeks et de nerds harcelés, insultés, frappés. etc.
Je pense que c'est cette solidarité qui s'exprime dans le fameux on s'en fout que brandissent beaucoup de geeks encore aujourd'hui comme Frédéric Molas. Cette phrase facile et certes naïve est aussi le témoin d'une empathie qui a été rare à une époque. Et l'empathie, bah, ça mène à l'ouverture. Ce n'est évidemment pas automatique et des centaines de nuances peuvent être faites, mais il reste que grâce à cette présence au sein des marges, beaucoup de geeks ont pu croiser, discuter, créer des liens avec des personnes aux horizons totalement différentes.
Beaucoup de geeks ont ainsi trouvé des cultures et des identités qui soit leur correspondaient eux-mêmes, soit au minimum, bah, ça les a sensibilisés à beaucoup de thématiques et de situations de vie marginalisées et oppressées. Et là, un saut conceptuel est possible. Sans être nié, il reste évident que le discours qui parle et qui tente de défendre les marges avec plus ou moins de succès et avec plus ou moins de sincérité, bah c'est celui de la gauche.
La gauche a un rapport aux marges bien plus direct et empathique que celui de la droite. Et ainsi, la position de marginale a rendu beaucoup de geeks sensibles à des discours associés à la gauche. Un esprit gauchiste se retrouve parfois dans les créations des geeks de cette époque, de Game One des premières années jusqu'à 36-15 usules.
Si aujourd'hui, voir ce contenu sur jeuxvideo.com semble surprenant, il faut bien comprendre que ces contenus ont été faits dans un contexte où les discours de gauche faisaient un peu inconsciemment sens dans la tête de beaucoup de geeks. Malgré une sévère présence de blagues bien beaufes dans les JDG, il est également impossible de ne pas remarquer que la plupart du temps, des blagues racistes ou lgpthophobes sont souvent désamorcés ou critiqués. Bon, moins dans les premiers évidemment, mais ça vient assez rapidement.
C'est plus de la marginalisation dont on se moque que des marginalisés. Bon, moins souvent pour les meufs, mais bref. Mais cette solidarité au sein des milieux marginalisés avait tristement quelque chose de fragile. Si la plupart des personnes marginalisées par la société le sont par des mécaniques systémiques extrêmement profondes et ancrées, la position des geeks venait surtout de la nouveauté de leur centre d'intérêt et l'incompréhension qu'ils suscitaient. L'alliance des geeks et des marginaux s'est doucement et douloureusement révélée être un concours de circonstances assez inouïs, car il leur est arrivé la pire.
Pire chose qui aurait pu leur arriver. Leur culture a gagné. La décennie 2010 est le point clé de la transformation psychologique et politique des geeks. Internet et la démocratisation de plus en plus grandissante des médias geeks a simplement provoqué une victoire globale et absolument incontestable de la culture geek. S'il fut un temps extrêmement nerd de lire des comics, aujourd'hui être fan de Marvel ça veut juste dire aller au cinéma ou à la librairie du coin.
Les médias se sont diversifiés de manière exponentielle, le jeu vidéo et les mangas proposent aujourd'hui des expériences autant mainstream que arty pour plaire à quasiment tous les publics. Ce qui avait fait toute la marginalité des geeks est simplement devenu en l'espace d'une vingtaine d'années la culture populaire hégémonique. Les geeks sont devenus la norme.
Et ça, ça a révélé deux choses. Déjà, il y a eu une difficulté de la part de beaucoup de geeks de voir leurs médias chéris commencer à être consommés par des personnes bien différentes des cercles classiques de geeks. Et ça a donné un festival de gatekeeping.
S'il existait bien sûr des personnes tout à fait heureuses que leur culture se popularise, beaucoup sont aussi devenus méfiants, médisants, hautains, non-accueillants envers toutes les nouvelles personnes qui s'approchaient de ces nouveaux médias. Il y a eu une peur, très souvent présente dans les cultures underground qui deviennent hégémoniques, la peur que des personnes pas assez fans, pas assez connaisseuses, pas assez bien commencent à aimer ou à consommer leur art pour des soi-disant mauvaises raisons, de la mauvaise façon ou avec les mauvaises œuvres. Soyons clairs, cela a surtout révélé le caractère insupportable de beaucoup de geeks, mais il faut aussi comprendre que parfois, des geeks anciennement harcelés pour ce qu'ils aimaient voyaient leurs œuvres consommées et appréciées par des gens qui ressemblaient, parfois, à leurs anciens harceleuses et harceleurs.
La construction de la culture geek dans la douleur crée une rancœur et une fierté mal placée vis-à-vis de ceux qui la découvrent de manière plus libre et plus simple. On devient aigri, gardien du temple, en défase avec son temps. Et ça, ce n'est pas du tout disparu.
C'est exactement ce qu'il s'est passé sur les animés, avec la fameuse génération Netflix. Entre les geeks anciennement marginalisés qui flippaient à l'idée de la démocratisation de leur passion, s'est aussi construit une génération de jeunes geeks certes plus diverses, mais qui a aussi eu un rapport aux marges beaucoup moins présents. On a donc eu des personnes dans la norme qui se sont appropriées des codes geeks, et des geeks anciennement marginalisés qui ont été tirés vers la norme. Les geeks sont devenus de facto ce qu'ils ont appris à détester. Ainsi, il y a eu à la fois une impossibilité des plus vieux à se penser autrement qu'en victime, et pour les plus jeunes, un besoin de se penser en tant que victime pour éviter à tout prix de regarder en face le fait qu'ils étaient dans la norme.
Parce qu'au même moment, cette norme était de plus en plus critiquée. Bon, je ne pense pas avoir besoin de vous réexpliquer le Gamergate, mais il est clair que ça a été un moment charniat pour la place des geeks sur Internet. Car ça a fini d'inverser les rôles. Il était impossible de désormais considérer les geeks comme des oppressés, et non comme...
eux aussi faisant tacitement partie d'un système oppressif. Parce que oui, la misogynie qu'a révélé le Gamergate, c'est peut-être facilement le truc le plus répandu, et ce depuis le début à travers tous les milieux nerds. Dites-vous, même les meufs geeks étaient misogynes. Après un Gamergate, les arguments ne tiennent plus.
Le naïf et facile « je m'en fous que tu sois une femme, je m'en fous que tu sois noir ou blanc, on est tous potes » , ça ne tient plus, ça ne peut plus tenir, car ce n'est plus assez. JDG, je pense qu'il regrette une époque plus simple. plus naïve, dans lequel on s'en foutait de qui était quoi. Le truc, c'est que personne ne s'en est jamais vraiment foutu. Mais c'était surtout moins remarqué et plus inconscient.
La décennie 2010 a fait croire à beaucoup que les combats sociaux qu'elle a porté sont nouveaux, sont une invention récente. Mais pensez ça, c'est un manque de culture historique et politique, et c'est quelque chose dont les geeks sont souvent touchés. Anciennes victimes et nouvelles oppresseurs, confus politiquement, ils se sont beaucoup isolés. coupés des autres, coupés de leur empathie. En perte de repères, en volonté de ne surtout pas regarder en face les discours qui remettent à leur vécu en perspective, les geeks ne voulaient surtout pas arrêter d'être des victimes.
Il était presque naturel qu'une partie finisse par se faire draguer par la droite, et pour beaucoup, par l'extrême droite. Parce qu'il ne faut pas s'en douter, le discours d'une masculinité et d'une identité mise à mal et attaquée de toutes parts par les discours SJW, c'est un discours de victime. C'est un discours qui vous place en tant que victime.
Et c'est pour ça qu'il est rassurant. Une partie plus grande, c'est quant à elle dépolitisée. Ce qui correspond en vérité souvent à un rejet plus ou moins fort des idées de gauche et une acceptation passive de la société telle qu'elle est. Vu comme plus normale, plus neutre politiquement, éloignée des extrêmes. Comme on l'a dit, Frédéric Mollas quant à lui n'a pas tellement de mal à se définir comme quelqu'un dans la norme.
Mais quand il se dit normal ou hors des débats politiques classiques, il en profite aussi pour se placer comme plus rationnel que quelqu'un qu'il jugera trop politisé. Mais quand on gratte la surface, quand JDG est poussé à discuter vraiment politiquement, l'appel à son expérience d'ancien gros, et parfois aussi d'ancien marginal en général, même si légitime, est alors très utile pour ne pas avoir à trop penser les revendications d'autrui. JDG, dans ses moments les plus droits tard, est aussi devenu une forme d'exemple d'une difficulté grandissante des geeks de voir au-delà de leur propre expérience.
En perdant leur rapport aux marges, les geeks ont aussi perdu leur empathie. Et alors pour la gauche ? Nous l'avons dit vers 2013 et 2014, à partir d'Usul mais on peut aussi penser à Danny Caligula, Histonie, Hacking Social, le Stagirite, Bonjour Tristesse, Ginger Force, Marion Séclin, etc.
Une atmosphère et une ambiance plutôt gauchiste s'est créée sur l'internet français. Si ce sentiment était certainement faussé, la politisation grandissante des masses et les nouveaux et les nouvelles créatrices politiques qui arrivaient chaque année sur la plateforme était certainement enivrant. Une atmosphère gauchiste assez décomplexée qui fait que même les contenus les plus Mainstream était en partie parcouru d'une certaine saveur de gauche.
Prenez Mathieu Sommet, Links the Sun, Mister JD et du coup JDG, les blagues et les thèmes de gauche sont monnaie courante. Chérie, oui allô c'est moi, oui je vais avoir un peu de retard, pour le dîner j'ai encore une entreprise qui a fait faillite, une journée horrible, je t'en compte pas. Je sais pas, 200 ou 300 employés...
Ah, après tout... On s'en fiche ! Qu'est-ce qu'on mange ce soir ? Oh j'adore ça !
Et cette ambiance va durer environ 3 ans. Ce qui va changer la donne en 2016 et en 2017, ce sont deux conséquences du même problème. Il va arriver aux gauchistes la pire chose qui leur aurait pu leur arriver. L'extrême droite va gagner. Le Raptor dissident et sa communauté vont provoquer en 2016 une des campagnes de harcèlement les plus efficaces qui nous a été donnée de voir sur Internet.
Si évidemment le Raptor n'a pas inventé le harcèlement en ligne, bien au contraire, rarement ce genre d'affaires avait autant causé de discussions de réactions d'internautes et de conséquences. Sans donner trop d'importance au personnage, il est évident que le choix de Raptor, de passer d'une critique assez niche du milieu YouTube muscu, vers une du féminisme avec Marion Seclin, puis du gauchisme avec On Vaut Mieux Que Ça, et plus spécifiquement Danny Caligula, Raptor a mis en place un précédent, une démonstration de présence et de force. Le Raptor dissident n'est que l'exemple le plus connu et il se définira peut-être lui-même lâchement comme non-responsable, mais il reste qu'il a grandement participé à instaurer quelque chose dont son camp rêvait, une peur, une peur de s'exprimer. et une peur de donner du soutien.
Et ça a eu beaucoup de conséquences. La peur d'être harcelé n'a jamais été aujourd'hui aussi omniprésente et ce n'est pas injustifié, vu à quel point ce genre d'événement est aujourd'hui monnaie courante. C'est une arme à part entière du militantisme sur Internet, sournoise et lâche, car presque personne n'avouera jamais l'utiliser, malgré sa présence presque systématique.
Parallèlement à cela, la naïveté presque belle de l'ambiance gauchiste du début des années 2010 se voit face à un certain mur, un obstacle qui s'appelle la présidentielle de 2017 et l'arrivée d'Emmanuel Macron à la suite d'un quinquennat de François Hollande. Déjà pour la première fois, le sujet du vote et du positionnement politique est réellement mis sur la table. 2012 était passé mais personne sur internet ne s'y intéressait vraiment.
Là où 2017 ne sera pas du tout la même limonade. Quand Usul et Danny Caligula montrent directement leur intention de vote, quand Chris de Minute Papillon rentre dans la fièvre de l'UPR ou quand JDG affirme qu'il vote pour l'économie réelle avec Nicolas Dupont-Aignan, peu importe l'avis qu'on peut se faire de ces informations, elle reste le signe qu'il y avait une volonté à la fois des créateurs et du public de se positionner politiquement. Sauf que de l'autre côté, Emmanuel Macron a réalisé une campagne entièrement basée sur la confusion entre le nid de droite et le nid de gauche, le rapport socialiste, Troubles aux vestiges de Hollande et une extrême droite clairement laissée tranquille pour profiter du barrage républicain, 2017 correspond à une énorme perte de repères pour une société entière y compris sur internet. Macron arrive en tête, l'extrême droite est au second tour, le PS et les républicains sont morts, Mélenchon fait un score de fou mais n'obtient quasiment aucun siège à l'assemblée, bref c'est le bordel.
Associé à ça, le plomb dans l'aile que vient de se prendre la gauche sur internet par le harcèlement d'extrême droite et l'échec qui a été nuit debout et on vaut mieux que ça, c'est la dépression. A la suite de l'élection de Macron, une part des internautes n'en peuvent plus des trahisons et ont des demandes politiques plus radicales qu'avant, une autre part sont en train de devenir confus et finissent dans l'éventail du centre et de la droite, une autre encore sont terrifiés de parler politique et se dépolitisent fortement, sans compter ceux qui étaient déjà dépolitisés à cette époque. Pas mal de créateurs et de créatrices vont alors soit commencer une lente chute, soit arrêter de créer, soit perdre fortement en pertinence.
Alors qui il reste après 2017 ? Bah toujours le même. Salut, c'est Usul, le bobo gauchiste anti-France d'internet. Alors comme vous le savez peut-être, j'ai dès l'année dernière mis toutes mes convictions de côté pour collaborer avec un journal islamo-gauchiste qui m'a payé très cher pour dire du mal, par exemple, de l'UPR.
Alors jadis, quand j'avais le droit de dire ce que je voulais, j'avais la dent dure avec les journalistes. Et vous savez comment ça se passe, on vieillit, on se laisse convaincre, soudoyer. La pensée d'abord binaire devient pensée complexe, et d'ailleurs qui n'a jamais mis ses principes de côté pour accéder à une position sociale supérieure ? Certains s'y refusent et se font appeler dissidents.
Nous ici on les appelle des losers et on se moque d'eux en s'étouffant avec notre kyr lors de plantures et vernissages sur les pentes de l'aquarus. Coupez que nous sommes des réalités populaires. On peut penser ce que l'on veut de « ouvrir les guillemets » et surtout de « ouvrir les guillemets » des débuts, il reste que l'émission est clairement pensée comme un bastion, comme une présence de gauche de terrain nécessaire après une telle élection, et elle a réussi à être ça. Techniquement, Usul poursuit ce qu'il avait entrepris avec mes chers contemporains et le 36-15 Usul, c'est-à-dire être présent en diffusant des discours de gauche pour les rendre entendable, mais cette fois à une échelle plus réduite et un format moins théorique. Difficilement et avec une certaine résignation, Ouvrez les guillemets va tenter de recoller les pots cassés et notamment de remettre un peu d'ordre dans les discours politiques présents sur internet.
Et pour ça, Usul et Hostes politiques vont à la fois créer le meilleur outil imaginable pour répondre à la situation, mais aussi un des outils qui a le plus enfermé la gauche internet dans un cycle d'isolement. Le jeu des boîtes. Tantin, je vais te soumettre une épreuve.
Tu as sur ces papiers un certain nombre de personnages ou de moments historiques que tu vas devoir classer selon s'ils sont de gauche ou de droite et les mettre dans la boîte correspondante. Ah ouais, c'est un protocole expérimental stimulant. Absolument, vas-y. Alors, Gérard Collomb, bah il est au PS. Donc ?
Bah, du coup c'est le droite. Et bah voilà. Alors oui, c'est quand même un petit peu absurde.
Vous trouverez certainement que j'exagère et c'est un petit peu le cas, mais pour moi le jeu des boîtes reste un des outils les plus emblématiques pour analyser l'évolution de la gauche sur Internet. et ce grâce aux discours et aux positions qu'il a participé à répandre. Déjà payons un petit peu nos respects. Le jeu des boîtes a réellement permis d'identifier des adversaires politiques.
L'idée était bien de contrecarrer ceux qui à la Macron se considéraient hors du champ politique, en attribuant souvent de force et à partir d'éléments plus ou moins matérialistes leur véritable positionnement. Et ça a très très bien marché. Trop bien marché. Tout le monde le faisait et a commencé à le faire de façon presque automatique, souvent pour la vanne et dans une ambiance plutôt légère, mais qui rapidement est devenue plus ambiguë.
Quand vous associez une grande peur de l'extrême droite, une confusion générale qui Cette même droite et une suite de trahison politique venant de la gauche, ça créé une volonté de pureté au sein des luttes. Et le jeu des boîtes a été un formidable outil d'épuration. Dans un grand désir de plus grande radicalité gauchiste, et en étant un petit peu persuadé qu'on était en train de réinventer la politisation, cet outil du jeu des boîtes a été même inconsciemment appliqué de façon extrêmement littérale et très automatique.
Outre le fait que beaucoup de gens associaient juste ce qu'ils aimaient à la gauche et ce qu'ils n'aimaient pas à la droite, cela a surtout révélé une réalité beaucoup plus inquiétante et dont le jeu des boîtes et son utilisation n'est qu'une émanation presque mineure. La gauche avait peur. et commencer à profondément s'isoler. Avec beaucoup de douleur, la gauche s'est enfermée dans son propre statut de perdante, entourée d'ennemis, avec des idées et des personnes qui se sentent de plus en plus vulnérables face aux attaques politiques.
Une position de victime, de perdante, qui n'est pas du tout totalement fausse et illégitime, mais qui nous a aussi enfermés dans des positions aujourd'hui sclérosées. Déjà, il nous a été impossible pendant longtemps de penser nos propres méthodes et positionnements politiques, à commencer par le harcèlement, que la gauche a aussi utilisé, mais aussi l'avalanche du gatekeeping, souvent à la suite d'un jeu des boîtes appliquées sans nuance. Parfois les faux pas et le manque de connaissances le plus basique suffisaient à être catégorisés comme ennemis politiques. Et si oui, évidemment c'était parfois mérité, et que sous couvert d'ignorance il évolue des avis droits tard, il y a eu également un oubli que la théorie gauchiste n'est pas innée, qu'elle a besoin de se confronter pour convaincre et se diffuser. L'ignorance peut cacher toutes les sensibilités, et si oui, on ne doit pas tout le temps à tout le monde la pédagogie, la refuser n'est pas non plus la norme.
La gauche a voulu à ce moment-là créer un espace pur, un positionnement militant qui serait par principe impénétrable par les idées droitardes et combattrait toutes les oppressions. Et si ça a pu aider beaucoup de gens et a aussi rendu plus radicaux les débats et les revendications de la gauche, c'est à ce moment là que la norme dont on parlait devient beaucoup plus critiquée, je le rappelle, cela a aussi révélé qu'une personne, même avec des sensibilités gauchistes ou en tout cas avec des intérêts communs, si elle ne correspond pas aux critères de ce que cette gauche a défini comme étant de gauche, est alors écartée, voire antagonisée. Beaucoup de personnes n'ayant pas forcément les codes de cette gauche sont alors de facto devenues des ennemis politiques.
Je n'ai pas un grand amour de l'utilisation qu'en font les gens des réseaux sociaux. Parce que je trouve que ça favorise trop les phénomènes de bulles, où genre tu as des gens qui se regroupent entre eux, et ils pensent les mêmes choses entre eux, et vu qu'ils ne sont qu'entre eux, ils se disent « Ah, tout le monde pense comme nous » , et c'est pas bon. C'est pas bon parce que tu dois te confronter à des opinions différentes, tu dois te confronter à des gens qui ne pensent pas comme toi. Alors est-ce que c'était toujours injustifié ?
Non. Si ça a pu éloigner des droits d'art, ça a aussi éloigné des gens qui avaient souvent moins d'éducation, moins accès à de la théorie politique, ou avec des vies qui rentraient parfois en contradiction avec une radicalité gauchiste plus pure. Et ces gens, pas tout le temps, mais souvent, ce sont des précaires, des racisés, des beaufs, des dépolitisés, des marginaux, etc.
Souvent des gens assez communs, assez banals en fait. La gauche sur internet s'est construit une image assez faussement safe, car souvent aveugle à ses propres biais, mais surtout... très très très hermétique. La gauche déjà en perte d'hégémonie sur YouTube et les réseaux sociaux a eu pour réflexe de se renfermer sur elle-même et même si elle a gagné en radicalité, elle a aussi perdu en empathie. Le réflexe de beaucoup de gauchistes face à une société qui se droitardise a été de quitter les contenus les plus mainstream, de quitter le contact avec des parts moins formées et moins gauchistes d'internet, de créer une bulle et d'aborder les autres selon le jeu des boîtes.
Et cette tendance sur internet, bah quelqu'un en 2018 le critiquait déjà. A être tout le temps dans l'agression systématique Dans l'agression, c'est plutôt dans la surdéfensive en fait, tu vois ce que j'ai ? Qui fait que le moindre truc, tu vas le prendre pour toi, le moindre truc tu vas le vivre comme une agression Ben finalement, tu deviens toi-même un agresseur en fait La société est infiniment crispée aujourd'hui, sur tous les sujets Et c'est pas en crispant plus la société qu'on va l'arranger moi Ces gens qui font la police de l'humour en chassant les drogues Oui, il a dit ça, il a sous-entendu ça Alors attention parce qu'il y a une blague là où il sous-entend ça Est-ce que vous trouvez vraiment que les gens sont plus heureux aujourd'hui ? C'est un petit peu injuste de sortir JDG comme ça avec cet extrait précis, surtout qu'en 2018 est la période où Frédéric Mollas nous enchaîne ses avis les plus intéressants on va dire. Mais je pense que vous commencez à voir où je veux en venir.
Frédéric Mollas est peut-être un des meilleurs exemples de victimes du jeu des boîtes, et ce de façon pas forcément non méritée. Aujourd'hui considéré presque universellement comme un droitard, à tel point qu'il n'existe pas trois jours sans qu'il fasse des blagues dessus, tout droitard qu'il est, JDG touche à mon sens à ce moment-là, en 2018, une analyse plutôt pertinente de comment est en train d'évoluer la façon dont nous nous positionnons politiquement sur Internet. Je pense que cet avis vient aussi quand même.
d'une volonté de JDG de voir sur internet plus de sincérité et d'empathie. Une des plus grandes erreurs des geeks a été de penser que les nouveaux geeks grandissant hors d'un contexte de marginalisation étaient les mêmes personnes qui les harcelaient eux quand ils étaient petits. Et une des plus grandes erreurs des gauchistes a été de croire que tous les confus et dépolitisés étaient les mêmes que l'extrême droite qui les harcelait et les battait. Si je pense les deux liés, c'est parce que leur situation est à mon sens en partie issue du même mécanisme.
Pour des raisons plus ou moins légitimes, la peur et l'isolement ont servi à la volonté d'un espace plus sûr plus rassurant, plus confortable et plus hermétique. Et même si ces mécaniques ont parfois été nécessaires et utiles surtout pour la gauche, je pense tout de même qu'elles sont à combattre chez les geeks comme dans la gauche. Les pires avis du JDG sont en fait souvent des avis qui manquent d'information ou simplement de contradictions gauchistes. Souvent des avis désinformés, simples, beaufs en fait.
Parce que des geeks démarginalisés, bah, ce sont des beaufs ! Avec un humour de beauf, des références de beauf, des avis de beauf. Je dis beauf de façon un peu péjorative, mais ça veut surtout dire banal, répandu, l'avis majoritaire sur la question.
Les avis réactionnaires de JDG, vous avez au moins 5 à 10 personnes dans votre famille et probablement dans vos amis qui ont exactement les mêmes. Et je l'ai dit plus tôt, mais malgré ça, il est impressionnant de voir comment le joueur du grenier est parcouru de discours qui se moquent des oppresseurs et non des opprimés, qui se moquent justement des idées reçues. La différence entre un psychodélique et un JDG, c'est ce rapport aux marges, cette présence d'empathie, une connexion qui n'a pas été totalement détruite.
Être empathique, ça ne veut pas dire tout accepter. Ça ne veut pas non plus dire mettre le débat sur un piédestal. Ça ne veut pas dire qu'on peut convaincre tout le monde.
Mais il faut bien repenser notre position non comme un bastion, mais comme une véritable conquête d'influence, dans laquelle réussir à toucher les autres est absolument primordial, et ce même au-delà de la plupart des critères gauchistes. Il faut réinvestir les espaces, réussir à reconstruire des portes d'entrée vers nos discours. Bien sûr, on peut ne pas...
pas vouloir effectuer ce travail, il existe différents types de rapports politiques aux autres, différents types de militantisme, et il y a des questions bien plus radicales et bien plus proches de vous certainement que les geeks à la gauche. Mais ça ne veut pas dire que ce travail n'est pas à faire. Les geeks dont je parle sont un exemple parmi d'autres de personnes qu'il ne faut pas nécessairement laisser tomber. Il faut réussir à comprendre, écouter, saisir les discours qui nous entourent et les raisons de leur existence.
Rappelez-vous, comprendre n'est pas excuser. Comprendre c'est mettre en perspective, écouter les discours pour mieux s'adapter, apprendre. et répondre de manière alors plus forte et plus pertinente, que ce soit par le rejet ou par la discussion.
L'isolement a mené à des situations sclérosées. JDG reste un exemple simple à rejeter, car cela reste un geek dans la norme un peu droitard et plutôt désintéressé de la politique. Mais cette position ne rejette pas que des personnes qui ne sont pas gauchistes. Les engueulades entre courants de gauche sont très très courantes, évidemment, mais l'atmosphère de pureté a fait qu'un désaccord devient rejet et qu'une remise en question devient adversaire politique. S'il y a bien une chose que je reconnais à JDG, du début et j'espère jusqu'à la fin de son existence, c'est d'avoir conservé son empathie envers les autres, et surtout envers les marges.
Joueur du grenier, à mon sens, a toujours été une source de pont, de possible, de connexion entre des gens, entre des communautés, entre des parcours différents. En étant pionnier sur YouTube, en ceci, entre le podcast et la chronique, en perpétuant des traditions d'humour souvent françaises, en étant regardé par quasiment tout le monde, en transmettant une passion vers une masse de jeunes internautes qui n'allaient pas avoir à vivre la marginalisation qui l'accompagnait, en étant presque malgré eux un vecteur de discussion constant sur internet entre les geeks et la gauche. Parce que si j'ai découvert Usul, bah c'est aussi grâce à JDG. Le Joueur du Grenier, l'émission et Frédéric Molas sont beaufs, un peu droits-tards, un peu boomers et un peu dépolitisés, mais ils ont un humour et des discours souvent de gauche, et je pense que c'est précieux.
Musique Qu'est-ce que vous foutez chez moi ? Bah on squatte ta vidéo. Vous squattez ma vidéo ! On sort en frigo ! Y'a mille fois pire que ça, la bombe atomique.
Y'a mille fois pire que ça, y'a ton générique. Ces mots signifient qu'il y a bien pire dans la vie. Merci les amis, sortez d'ici.
Y'a mille fois pire que ça, pire que ça. Là où je respecte le Joueur du Grenier, c'est que finalement malgré les évolutions dans la culture et dans la création sur internet, il est aussi toujours resté quelque part à la marge. En étant un dinosaure qui enterrera presque tous les autres vidéastes, en étant un des derniers représentants d'un contenu d'une autre époque même dans sa production, parce que avoir sa société et son propre studio à fougères, bah je trouve ça un peu marginal.
Et c'est un petit peu pareil pour son rapport à la politique, parce que même si plus timide en ce moment, celle-ci reste plus présente que dans beaucoup de contenus mainstream qui ne veulent surtout pas. l'effleurer. JDG est toujours parfois moqué pour son côté boomer ou son côté beauf, mais une si grande longévité sur internet ne peut être pour moi qu'associée à une certaine lucidité et une capacité d'adaptation vis-à-vis de son temps. Le JDG est à la fois un contenu nostalgique et en même temps terriblement actuel. Il ne faut pas se mettre des œillères, si les geeks ont eu un rapport aux marges plutôt proche, la misogynie et autres bigoteries de ces milieux n'étaient pas du tout inexistants.
Mais je l'ai dit en 2017 et je le redirai en 2022, les jeux vidéo, et du coup peut-être par extension être geek, nous permet de nous projeter, de nous penser au-delà de notre propre vision de soi et ainsi de travailler notre empathie. Si cette vision de la gauche empathique est optimiste et nécessite beaucoup de prudence et de nuance, parce qu'aller tranquillement discuter avec l'extrême droite ce n'est pas possible, je pense quand même qu'avoir au moins la volonté de se reconnecter aux autres est nécessaire. Ça ne veut pas dire qu'il faut tout accepter et que tout le monde doit forcément aller parler à tout le monde, mais qu'il faut penser ce qui nous entoure.
leurs avis et leurs biais, avec un peu de contexte. Si j'ai pris comme point de départ de cette vidéo le positionnement politique ambigu des geeks et de leur histoire, droitards par leur rapport à la norme, gauchistes par leur rapport aux marges, cette complexité dans nos rapports politiques existe bien au-delà de ces sphères. Et pour agir de façon encore plus efficace, je pense qu'il faut prendre de face ces complexités, parfois paradoxales, pour mieux les prendre en compte, les comprendre, avancer à partir d'elles, plutôt que de s'en servir pour nous isoler. Nous sommes aujourd'hui dans un contexte où les médias sont globalement droitards, voire extrême droite, où Internet est globalement droitard, voire extrême droite.
Nous n'avons pas le luxe. de disparaître. Aujourd'hui je n'ai évidemment parlé que d'un certain type de geek, mais ils ne sont qu'un exemple parlant parmi une constellation de nuances et de diversité.
Les différentes méthodes de militantisme ne sont pas à penser en opposition, mais en concordance. Bref, si vous aimez les jeux vidéo et que vous êtes de droite, vous n'avez rien compris. C'était R4 qui vous parlait.
1, 2... Si le dimanche matin est propice à la glande S'il y a dans le JDD une interview de François Hollande Toi t'es déjà bloc, le nez dans ton café Toi t'es déjà bloqué, tu veux commenter et tu postes lol MDR Tu me fais trop rigoler Tu me fais trop rigoler Et tu postes lol, MDR Parce que toi t'aimes bien commenter Mais c'est comme Select et Reset Ça sert à rien, rien, rien, rien, rien, rien, rien Mais c'est comme Select et Reset C'est la magie de l'internet