Transcript for:
L'Église et le christianisme au Moyen-Âge

Mes chers camarades, bien le bonjour ! Imaginez si les historiens du futur étudiaient notre époque, mais sans les écrans, tous les écrans ! On parle de rediffusion historique, du premier pas sur la lune, mais aussi la propagande politique, les débats télévisés, la pub, l'informatique, donc le rapport au monde, à la vérité, à l'info et à l'intox, les séries et leurs stars, donc notre imaginaire. Culture, société, politique et même géopolitique, s'ils passaient à côté de nos écrans... les historiens du futur seraient vraiment largués. Eh ben, parler du Moyen-Âge sans parler de l'Église, c'est un peu pareil. L'Église est tellement au cœur de la société médiévale que parfois, pour désigner cette société du passé, on utilise juste le terme de la chrétienté. Point. Aujourd'hui, on va donc aborder ce giga fondamental, mais sur mille ans, l'Église, son histoire, son évolution, ses oppositions, va falloir se limiter un petit peu. Alors, coup de bol, le camarade hérodote.com a fait... tout un épisode sur l'église d'Orient sur sa chaîne, donc je vais vous mettre un lien en description et comme ça, nous, on se concentre uniquement sur l'église d'Occident. Pour commencer, il paraît important de savoir de quel christianisme on parle. Au début du Moyen-Âge, on ne parle pas encore de catholicisme pour désigner l'église de Rome et d'orthodoxie pour désigner celle de Constantinople. L'église, dans les frontières de l'ex-empire romain, est unifiée. Il y a bien d'autres églises au-delà de ces frontières, en Perse, en Arménie ou encore en Éthiopie. Mais comme j'ai dit, pour aujourd'hui, on va se mettre des limites. Ce qui nous intéresse, c'est le christianisme nicean. Ces principaux dogmes ont été fixés par une série de conciles dont le plus important a lieu en 325 à Nice dans l'actuelle Turquie. Un concile, en gros, c'est une réunion de tous les évêques chrétiens. Et ensemble, ils décident des grandes orientations dogmatiques de leur foi. Et vu qu'ils définissent la vérité de l'Église, à cette occasion ils prononcent aussi des anathèmes, la condamnation des doctrines qu'ils estiment être contraires à cette vérité de l'Église. Ce qui est pratique, c'est que ces débats font beaucoup écrire, et donc on sait parfaitement quelle est la doctrine du christianisme nicéen. Et il y a trois points essentiels. Premièrement, Dieu est une trinité. Ça ne veut pas dire qu'il y a trois dieux, ça serait du polythéisme. Mais il y a un dieu unique constitué de trois personnes. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit-Esprit. c'est pas simple. Deuxièmement, le Fils s'est incarné sur terre. Donc Jésus de Nazareth, le Christ, un homme réel, historique, dont on connaît d'ailleurs très bien la vie, a deux natures. Il est à la fois homme et à la fois Dieu. Décidément, ça ne simplifie pas la tâche. Enfin, troisièmement, Jésus est né d'une conception virginale. Donc sa mère, Marie, était vierge. Et pourtant, elle lui a donné naissance. Voilà, ça, c'est vraiment les fondaments. Dans le christianisme nicéen, on croit aux trois points, on ne peut pas faire ses courses, on n'a pas le choix. D'ailleurs, faire un choix, ça se dit hérésis en grec. Celui qui trie et ne prend que ce qui l'arrange fait donc preuve d'hérésie, c'est un hérétique. Et justement, dès 325 au concile de Nicée, il y a une hérésie qui est particulièrement condamnée, frappée par un anathème. Cette hérésie, c'est l'arianisme. Et si ça vous intéresse, on a fait un épisode dessus sur Nota Benoît. En effet, pour le théologien Arius, originaire de l'actuelle Libye, Dieu et Jésus sont deux personnes bien distinctes. En fait, oui, Jésus est bien Dieu, mais il y a une hiérarchie, une inégalité entre le père et le fils. Alors, je sais, c'est compliqué, mais rassurez-vous, même à l'époque, cette fine nuance théologique était incomprise par la plupart des gens. Par exemple, des seigneurs germains, arianistes, règnent sur des peuples de chrétiens nicéens, et la cohabitation se passe très bien. Selon l'historien Bruno Dumézil, l'arianisme sert surtout d'outil politique au peuple germanique. C'est leur façon, à eux, de se distinguer du pouvoir de Rome. Ainsi, à la fin du Vème siècle, l'arianisme est surnommé la loi des Goths, car c'est la religion officielle des peuples germaniques. Vous savez, les Lombards, Burgondes et autres Visigoths qui sont venus s'installer dans l'espace de l'ancien empire romain d'Occident. Mais du coup, si c'est toléré et si personne ne voit la différence, pourquoi l'arianisme a fini par décliner ? Eh bien, il y a un responsable bien connu, un puissant seigneur germain, un franc pour être précis, Clovis. Eh oui, vers 500, il est le premier à tourner le dos à l'arianisme pour embrasser le christianisme nicéen. Ce rapprochement avec Rome est savamment calculé. Il gagne le soutien des élites gallo-romaines et vint les Vésigos d'Aquitaine en 507 à la bataille de Vouillé. A partir de là, c'est la chute libre. Après les Francs, c'est au tour des Burgondes en 516, puis des Vandales et des Ostrogoths au VIe siècle, et enfin des Lombards au VIiie siècle de renoncer les uns après les autres à l'arianisme. permet à l'Europe de l'Ouest de faire bloc, et même d'envisager de nouvelles voies pour aller évangéliser les peuples païens de plus en plus lointain. Mais aussi, elle renforce considérablement Rome, et ça, ça bouleverse tout. En effet, dès le règne de l'empereur d'Orient Justinien, en 527-565, cinq grandes villes s'étaient démarquées pour devenir des pôles majeurs de la chrétienté. Rome, Constantinople, Antioche, Jérusalem et Alexandrie. Placé sur une carte, on se rend compte que le christianisme, c'est vraiment oriental. En fait, Rome semble presque un petit peu toute seule dans son coin. Chacune de ces villes abrite un patriarche, une sorte de super-évêque, ayant des pouvoirs renforcés par un vaste territoire. Comme il y a cinq patriarches, on parlait donc de pantharchie. Or, même si Rome semble lointaine, elle a une prééminence sur les autres. Alors pourquoi, vous me direz ? Eh bien parce que l'apôtre Pierre était reconnu par... tous les chrétiens comme le chef de file des apôtres. Or, Pierre est devenu évêque de Rome. L'évêque de Rome, ou patriarche de Rome, se fait donc assez rapidement appeler le pape. Alors, cette prééminence, c'est avant tout un statut honorifique. Il y a toute une étiquette, mais qui offre presque aucun pouvoir particulier, sauf à l'occasion pour un arbitrage par exemple. Mais quand on avance dans le temps, comme je l'ai dit, cet équilibre va être rompu. Pour commencer, au 7e siècle, l'expansion de l'islam fait tomber trois patriarcats. Antioche, Jérusalem et Alexandrie passent sous la domination musulmane. Il ne reste plus que Rome et Constantinople. A priori, Constantinople est bien adossée sur l'Empire d'Orient, héritier de toutes sortes de traditions anciennes, bien ancrées dans les mentalités. Mais les temps ont changé. Rome n'est plus isolée à l'ouest. Au contraire, on pourrait dire que, comme un jeune cadre dynamique, elle s'est donnée à fond pour évangéliser toujours plus de gens, toujours plus loin au nord et à l'ouest. Sa structure est de mieux en mieux hiérarchisée, ses évêques sont disciplinés, ses ordres religieux sont ultra performants, églises et monastères fleurissent de partout. Bref, peu à peu, le pape affirme de plus en plus sa volonté de diriger l'ensemble de la chrétienté, avec une capitale plus centrée sur la Méditerranée et plus éloignée de la menace musulmane. A la fin du IXe siècle, la distance commence à se creuser. On commence à distinguer dans l'Église le rite latin du rite grec. Au fil des malentendus, des tensions et des rivalités, les deux patriarches s'éloignent de plus en plus. En 1054 par exemple, ils se lancent mutuellement à un anathème. C'est à cause, officiellement, d'un autre débat théologique, la querelle de Philioque, toujours au sujet de la Trinité. Enfin ça, c'est la version officielle. En réalité, la dispute a des causes plus profondes. Car d'une part, le pape veut accentuer sa prééminence, comme on l'a dit, et d'autre part, le patriarche de Constantinople cherche aussi à marquer son territoire. Lorsque le sud de l'Italie passe sous domination byzantine, il veut en profiter pour imposer le rite grec, malgré les habitudes locales. Tous ceux qui ont vécu ces événements, ils n'ont pas forcément eu l'impression de vivre une rupture. En fait, c'est juste un désaccord théologique mineur pour eux entre les grecs et les latins. C'est dommage, mais c'est réparable. Pourtant, Eh bien ça ne s'est jamais réparé. Un peu comme quand on prend moins de nouvelles d'un ami, puis plus du tout, et à la fin, on est fâché et on ne sait plus vraiment pourquoi. Du coup, sur le moment, même lors de l'anathème de 1054, on ne se fait pas trop de soucis. Mais... Bien plus tard, à posteriori, on a retenu cette date qu'on a appelée le grand schisme, la grande séparation, d'après l'ancien grec schisma. Mais l'expression est trompeuse, car en réalité, les contacts et tentatives de conciliation ont perdu leur sens. perdurée pendant encore des siècles entre les églises latines et grecques. D'ailleurs, lors des croisades, les chevaliers latins luttent aussi pour défendre ou libérer des territoires d'Orient. Ils se distinguent même en fondant des états latins d'Orient, et même, encore pire, ils pillent Constantinople en 1204. Et pourtant, il n'y a pas de rupture durable entre les deux églises. On interprète ça comme un détournement de la quatrième croisade, ce qui était le cas, et pas comme une agression frontale. Cette idée, elle ne sera en fait construite qu'au... 19e siècle, donc on ne va pas l'aborder aujourd'hui. Mais assez parlé des évêques, des papes, des patriarches, le Moyen-Âge c'est aussi une période qui est marquée par de nouveaux usages et de nouvelles institutions au sein du clergé. Comme par exemple les moines, qui n'existaient pas du tout dans l'Empire romain. Le monachisme, c'est un mode de vie consistant à se mettre en retrait du monde pour se consacrer essentiellement à la prière. Il naît d'abord en Égypte, à la fin de l'Antiquité, avant de se répandre progressivement dans toute la chrétienté. En ce qui concerne l'Occident, la figure majeure du monarquisme est Saint-Esprit-Benoît. Né vers 490 à Norcia, à une centaine de kilomètres au nord de Rome, il est issu d'une famille aisée. Pourtant, Benoît fait assez rapidement le choix de se consacrer à un style de vie monarque. en se retirant pour prier dans une grotte. Il acquiert alors une grande renommée et fonde par la suite une dizaine de petits monastères qui servent notamment à accueillir les enfants de l'aristocratie romaine. Vers 530, il s'installe avec ses disciples au Mont Cassin où il vit jusqu'à sa mort en 560. C'est là-bas qu'il élabore la fameuse règle de Saint-Esprit Benoît. Son but ? Rompre avec les attaches du monde et ainsi mener une vie sainte sur cette terre avant celle promise dans l'au-delà. qui suivent la règle de Saint-Esprit-Benoît sont appelés les bénédictins. Sa règle encourage l'humilité, l'obéissance, le travail manuel qui rend la communauté autonome et bien sûr des prières permanentes. Mais aussi l'activité de copistes. Les moines écrivent, réécrivent, recopient les écritures saintes et permettent leur diffusion. Évidemment, cette pratique dans les monastères va beaucoup impacter l'histoire de l'écriture et ça, ça fait la joie des historiens. Le monastère bénédictin est donc un pôle économique très dynamique, important pour la mise en valeur des campagnes, mais aussi un pôle culturel indispensable à la transmission et à la conservation des savoirs. au Moyen-Âge. Au départ, cette fameuse règle de Saint-Esprit-Benoît n'était qu'un texte parmi plein d'autres. Mais elle a fini par s'imposer, notamment sous l'impulsion de Grégoire Ier. Parce qu'avant d'être pape, il était bénédictin. C'est notamment lui qui initie l'évangélisation des îles britanniques. Mission qu'il confie, je vous le donne en mille, à des moines bénédictins en qui il place toute sa confiance. Par la suite, de nouveaux moines bénédictins, apparus dans les îles britanniques, iront à leur tour évangéliser la Germanie et ainsi de suite. Progressivement, et tout au long du Moyen-Âge, ce type de monastère va donc gagner en importance. Un des exemples les plus éclatants, c'est le monastère de Cluny. Il est fondé en 909-910 par le duc d'Aquitaine Guillaume IiiI le Dieu. Dès le départ, le duc finance la construction, mais il renonce à tous ses droits sur le monastère, qu'il place plutôt sous l'autorité et la protection de Rome uniquement. De fait, Cluny se retrouve alors totalement indépendante des pouvoirs temporels ou spirituels locaux. Le monastère n'a même pas à obéir à l'évêque du coin. Sauf qu'à partir de cette institution mère se développe tout un vaste réseau d'abbayes, de prieurés et de sous-prieurés. Autant d'installations qui n'obéissent qu'à l'abbé de Cluny et à tous ses droits. à travers lui, à son supérieur, le pape. Ce réseau va être tellement développé et tellement riche que les historiens et historiennes parlent d'église clunisienne rien que pour le désigner. C'est un petit peu comme une église dans l'église. Ce succès va avoir une immense influence. Plusieurs papes et grands dignitaires ecclésiastiques sont directement issus des rangs de l'église clunisienne. Et après Cluny, d'autres grands ordres monastiques vont avoir leur heure de gloire et s'étendre dans toute l'Europe. comme les Cisterciens au XIiie siècle, puis les Franciscains et les Dominicains au XIiiIe siècle. La figure du moine célibataire, dévoué, priant, séparé du monde va devenir un modèle. C'est un peu ce que doit être un religieux parfait. Et ça va servir de laboratoire et d'inspiration à toute la chrétienté, notamment lors de la réforme grégorienne. Mais pas trop vite, parce qu'on va en parler juste après. D'abord, il faut quand même se dire qu'évidemment, tout le monde n'est pas moine. La plupart des gens qui vivent dans ce monde, ils sont soumis à des pouvoirs politiques locaux. Alors comment est-ce que l'église va s'adapter à ça ? Dès l'antiquité... Ambroise, évêque de Milan du IVe siècle, affirmait que, je cite, l'empereur est dans l'Église et non au-dessus de l'Église Évidemment, cette pensée va se renforcer avec l'effondrement de l'Empire romain d'Occident, qui pousse le clergé à réfléchir. Avec plein de nouveaux pouvoirs politiques tous différents, impossible de lier l'existence de l'Église à un unique État politique, par définition humain et terrestre. Rois et empereurs vont et viennent, comment pourrait-il diriger l'Église qui... elle est éternelle. Finalement, on aboutit à une sorte de répartition des pouvoirs. Il y a d'un côté le temporel et de l'autre le spirituel. D'un côté le droit civil et de l'autre le droit canonique ou religieux. Les deux sont inspirés de l'héritage romain. La théorie politique médiévale est intarissable sur cette notion des deux pouvoirs, sur la façon dont ils doivent s'agencer et sur lequel est supérieur à l'autre. Mais attention, tout ça reste bien souvent théorique. Dans les faits, la frontière entre temporel et spirituel se brouille assez régulièrement. En fait, on peut plus parler d'une distinction que d'une véritable séparation des pouvoirs. Ainsi, le droit religieux a une très grande influence sur le droit civil. En plus, le pouvoir des monarques fonde sa légitimité sur Dieu, et donc sur l'église. Il faut ajouter que l'église est une très grande propriétaire terrienne, alors... Non, elle n'a pas d'armée et les croisades ne lui servent pas du tout de conquête. Mais pendant des siècles, des générations et des générations de personnes lui font des dons. Tous ceux qui deviennent moines ou moniales cèdent leur bien et c'est pareil pour ceux qui n'ont pas d'héritier ou à la suite d'un procès ou en pénitentiaire. ou pour faire oeuvre de bienfaisance. Et quand on parle de dons de rois, de ducs ou de princes, ce sont parfois des cathédrales, des abbayes, des forêts et des contrées entières qui passent à l'église. Et il faut entretenir, exploiter, bâtir, tenir les routes, les moulins, les ponts et les pédales. tout ça, ça fait beaucoup de religieux, mais aussi des milliers et des milliers de laïcs qui, à travers toute l'Europe, vivent directement, très concrètement et matériellement sous la loi de l'Église. Enfin, dernier point... l'église avance parfois tellement main dans la main avec les pouvoirs politiques qu'elle occupe un rôle de rouage essentiel de l'administration. Les allemands ont une expression pour ça, Reichskirchen System, ce qui veut dire l'église d'empire. Tout simplement parce que dans les faits, les premiers empereurs du Saint-Esprit-Empire romain germanique s'appuyaient sur les évêques pour administrer leur territoire. Donc vous voyez, la séparation, c'est pas encore ça. D'ailleurs, faut oublier totalement l'idée très moderne d'un état laïque qui veut se séparer des églises et des cultes. Non. A l'époque, c'est vraiment tout le contraire. Comme les clercs, ils sont essentiels, on ne va pas les jeter dans un coin. Au contraire, on va chercher à les contrôler. Il y a une myriade de tentatives d'ingérence des pouvoirs laïcs sur le clergé. A l'échelle locale, on intervient dans les élections des évêques et des abbés. Si la plupart des prêtres ne se mariaient pas, ils n'en avaient pas non plus forcément l'interdiction stricte. Du coup, des aristocrates prenaient l'habitude de monopoliser les fonctions ecclésiastiques et de se les transmettre de père en fils. Bref. On privatisait le patrimoine religieux. A l'échelle plus globale, les tentatives d'influencer les élections papales provoquent des conflits sans merci entre les différentes familles de l'aristocratie romaine, mais aussi entre puissances étrangères. C'est ainsi que, tout au long du Moyen-Âge, apparaissent des antipapes. Plusieurs candidats revendiquent, en même temps, le trône de Saint-Esprit-Pierre. Finalement, même au Moyen-Âge, l'Église n'a pas la vie facile. Face à toutes ces intrusions qui provoquent des crises, elle tente de se redéfinir, de se réformer pour devenir plus forte. Alors, beaucoup de temps a passé depuis le concile de Nicée du IVe siècle, et maintenant nous sommes au XIe siècle, et là, ça va être le début d'une grande réforme, la réforme grégorienne. Bon, ok, on dit la réforme, mais en fait c'est plutôt une série de réformes qui ont eu lieu entre les pontificats de Léon IX et de Grégoire VIii. Mais comme Grégoire VIii... a été le plus marquant du lot, on retient son nom en parlant de réforme grégorienne. L'objectif est donc clairement de rendre plus indépendant le clergé face au monde politique. Mais comme on l'a dit, l'ordre de Cluny arrive aussi à donner un autre but à la réforme, créer un véritable statut pour le clergé distinct du statut des laïcs. Pour commencer, la réforme grégorienne dote l'église d'une forte structure hiérarchisée, une pyramide avec le pape en son sommet. Mais encore faut-il qu'il soit indépendant, ce pape. Or, jusque-là, en tant qu'évêque de Rome, il est élu comme n'importe quel évêque par son clergé local. Donc, il suffit qu'une faction ou une famille contrôle la ville de Rome pour décider du candidat de son choix qui dirigera peut-être tout le continent. C'est quand même un peu gros, donc on met fin à ça en instaurant un collège des cardinaux. Les cardinaux, ce sont donc des grands électeurs issus de toute la chrétienté qui ont désormais un seul boulot, élire les nouveaux papes. Du coup, le pape, déjà patriarche, Super-évêque, avec une primauté d'honneur qui en faisait la tête symbolique de l'église en Occident, devient une vraie émanation de toute l'église. On prend de la hauteur, on cherche à avoir un dirigeant qui ne dépend pas d'une ville, d'un état ou d'un souverain. Il doit être le vrai boss de tout le clergé, et ça, c'est le plan. Mais du coup, on inverse la vapeur. Là où les pouvoirs locaux faisaient beaucoup d'interventionnisme sur les évêques, ça devient l'inverse. Depuis très loin, à Rome, le pape fait de plus en plus d'interventions. d'interventionnisme sur les évêques. Jusque-là, les diocèses, ces circonscriptions de chaque évêque, étaient très autonomes. Mais maintenant, le pape redécoupe leurs frontières, quitte à créer de nouveaux diocèses si besoin. Les médiévistes parlent de l'avènement d'une véritable monarchie pontificale. Pour éviter les ingérences des laïcs et casser la formation des dynasties ecclésiastiques monopolisées par l'aristocratie, on s'inspire du modèle monacal de Cluny pour interdire entièrement le mariage des prêtres. Ces derniers ne peuvent pas non plus avoir de concubines et encore moins monnayer les sacrements. Sinon, c'est ce qu'on appelle de la simonie, c'est à dire un péché, puisqu'on cherche à se faire un revenu sur le dos des gens. Ah et bien sûr, dernier truc dissuasif, on blinde bien la formation des religieux. C'est pas rare que le pape bloque l'élection d'un évêque jugé indigne de sa fonction. Bref, on va professionnaliser, on cléricalise l'église. Alors tout de suite, vous imaginez le cadet de famille noble qui se disait bah Tiens, je vais glander un petit peu, je vais devenir curé. Il comprend que ce n'est plus vraiment la bonne planque. Mais malgré tout ça, la réforme grégorienne n'a pas réponse à tout. Premièrement, des seigneurs laïcs continuent de vouloir investir leurs proches comme évêques ou abbés. On parle de querelle des investitures entre les pouvoirs temporels et spirituels. La plus célèbre et la plus violente a eu lieu avec le Saint-Esprit-Empire romain germanique et l'église de Rome et a quand même duré 47 ans, de 1075 à 1122. Deuxièmement, les antipapes continuent de pauper régulièrement, ça et là. Les stars de cette catégorie sont les antipapes d'Avignon, placés loin de Rome, sous le contrôle du roi de France de 1378 à 1417. L'existence de ces deux papautés concurrentes, de Rome et d'Avignon, va d'ailleurs beaucoup entacher la fonction papale. Troisièmement, il y a d'autres courants que la réforme qui ont transformé l'Église. Ça s'inscrit dans un mouvement de fond qui continue tout au long de la période et même bien après. Celui du renforcement de la verticalité du pouvoir au sein de l'Église. Par exemple, c'est paradoxal, mais les antipapes d'Avignon ont beaucoup fait pour renforcer la hiérarchie et l'autorité du Saint-Esprit-Siège, mais aussi sa machine administrative et fiscale. A leur façon donc, ils ont donné un coup de main. Au final, les pouvoirs du pape sont si étendus et consolidés que les médiévistes parlent de théocratie pontificale. Ça veut tout dire. Mais attention parce que unifier, isoler, centraliser le pouvoir, ça... peut avoir des effets inattendus, surtout dans les périphéries de l'église. Parce que vous vous souvenez des hérésies comme l'arianisme qui date de l'antiquité ? Et bien à nouveau, elles vont pointer le bout de leur nez. En grec, orthodoxie veut dire la foi droite, la foi qui est conforme à la doctrine, à la vérité. A l'inverse, l'hétérodoxie, c'est une foi contraire à celle de l'église. Et l'hétéropraxie, c'est la pratique religieuse, le rituel, qui est non reconnu par l'église. Évidemment, dans les deux cas, c'est donc de l'hérésie. Mais au XIiie siècle, on n'est plus à l'époque des balbutiements de l'Église. On ne parle plus de nuances théologiques confuses, réservées aux élites, malgré lesquelles on s'arrangeait d'ailleurs assez bien entre chrétiens. Les nouvelles hérésies forment de véritables groupes religieux. Certes, ils ne sont pas extérieurs au christianisme, ils naissent bien au cœur de l'Occident chrétien. Mais ils contestent clairement, publiquement, parfois très rigoureusement, les dogmes et les institutions de l'Église. Les mouvements religieux dissidents, ils ont donc existé depuis toujours. Mais là, ils vont prendre de l'ampleur en réaction à la réforme grégorienne. On n'est plus dans un débat d'un télo, là c'est une vraie lutte de pouvoir. Selon l'historien Jean-Louis-Louis Biget, en cléricalisant l'église avec un clergé de plus en plus professionnel, certains contestataires ont l'impression d'un éloignement entre les prêtres et le peuple de Dieu. Beaucoup de ces contestataires viennent des villes. Déjà à l'époque médiévale, ces endroits concentrent les ressources matérielles et culturelles. Des élites bourgeoises émergent et réfléchissent sur la question de l'église. Ils se sentent parfois exclus des hautes responsabilités ecclésiastiques, qui restent malgré tout encore trop occupés par l'aristocratie. Ces personnes souhaitaient participer plus fortement au culte, avoir un accès direct à la parole divine. Quand l'église instaure plus de verticalité, ils aspirent à l'horizontalité. Parfois, ils ont donc le désir de suivre la réforme et même de la faire vivre et respirer. Prenons un premier exemple avec Pierre Vaudès, ou Valdo. Au XIiie siècle, ce bourgeois de Lyon prône la pauvreté et une meilleure instruction religieuse des laïcs. Lui et ses disciples, qu'on appellera les vaudois, reçoivent logiquement des encouragements du pape. Mais souvent, les ressentiments aboutissent à un fort anticléricalisme qui se radicalise. Les évangéliques urbains, comme les vaudois, restent limités dans leur rôle. On leur fait vite comprendre que l'enthousiasme, c'est cool, mais qu'ils ne feront pas ce qu'ils veulent. Frustrés par le peu qu'on leur accorde, ils finissent par affirmer que les institutions ecclésiastiques sont à l'opposé de l'Évangile. Au prétexte d'une lecture littérale du texte biblique, certains commencent à refuser les sacrements, l'ordination des prêtres, bref, toute la hiérarchie qui pourrait s'interposer entre eux et le Christ qui est le seul maître. Ils adoptent la pauvreté et la mendicité, ne revendiquant ni bien, ni femme. ni travail. Et parfois, ils peuvent être violents jusqu'à l'excès. Lors de certaines émeutes, on parle de maisons ravagées, de familles de riches massacrées. Mais pas dans le but de répartir les richesses ou quoi. Non, c'est juste du fanatisme. Et puis il y a une autre hérésie qui est restée célèbre dans l'histoire, et s'ils apparaissent dans un contexte social qui est similaire, ce ne sont pas les disciples de Vaudès et ils se surnomment eux-mêmes les bons hommes. Eux rejettent carrément le monde visible, matériel. qu'il considère comme étant entièrement l'œuvre de Satan. Il pousse donc encore plus à l'extrême le rejet de toute matérialité et se voue entièrement au monde spirituel et divin qui est promis dans l'au-delà. La plupart de ces hérésies sont connues aujourd'hui sous le nom de cathares, mais ce terme, il est problématique. En effet, il existait en réalité une diversité de mouvements qui n'avaient pas une doctrine et encore moins une église unifiée. D'ailleurs, il est possible que face à des mouvements Contestataires très variés, l'Église de l'époque est voulue voir une opposition globale. Et ça peut être un accident intellectuel. À force de réfléchir, de catégoriser, de comparer et d'agencer les mouvements entre eux, l'Éclair se serait fait de fausses idées. Ils auraient finalement eu une vision plus cohérente de l'hérésie que les hérétiques eux-mêmes, plus locaux, qui étaient divisés et moins éclairés qu'on ne le croit. L'Éclair catholique se serait donc inventé des hérésies. À moins que ça soit une manœuvre politique hein ! Attention ! Je ne vous parle pas d'un complot global du genre l'église s'est imaginée des faux ennemis. Mais à chaque difficulté rencontrée, chaque prêtre, prêcheur ou évêque a pu vouloir obtenir des soutiens et de l'aide de sa hiérarchie, notamment de Rome, en décrivant que sa paroisse, son diocèse, voire son pays entier, était en péril. Que ses ennemis, hérétiques, étaient vraiment redoutables et à prendre au sérieux. Dans les deux cas, c'est l'effet boule de neige. Et les médiévistes s'interrogent de plus en plus sur la réalité. qui se cache derrière des sources parfois difficiles à interpréter. Quoi qu'il en soit, il y avait au moins quelque chose de réellement périlleux dans la pensée et l'intention des hérétiques du XIiie siècle. Ne pas suivre une simple divergence théologique, mais bien une contestation profonde qui allait parfois jusqu'au fondement de l'église et de la société. Et la réaction ne va pas se faire attendre, vous la connaissez d'ailleurs déjà au moins de nom, et vous avez probablement mille idées voire idées reçues à son sujet, et cette réaction, c'est l'Inquisition. Dès le concile de Satan IiiI en 1179, une riposte commence à s'organiser. En 1199, le pape Innocent IiiI assimile l'hérésie à un crime de lèse-majesté divine qui implique la peine de mort. De 1209 à 1229, dans le sud de la France, a même lieu une croisade. Oui, une croisade en terre caractéristique. de chrétiens contre chrétiens. On parle de croisade contre les albijouas parce que la ville d'Albi abritait beaucoup d'hérétiques. Nombre d'entre eux sont tués ou chassés hors du pays mais pas totalement éradiqués. Bien sûr, comme toute croisade, on ne parle pas uniquement d'une réponse religieuse à l'hérésie, c'est aussi un conflit à part entière qui a son lot de considérations politiques. La zone est disputée, en fait elle est même encadrée par quatre puissances. La France au nord, l'Aquitaine anglaise à l'ouest, la Provence qui s'assimile à l'empire germanique à l'est et enfin le royaume d'Aragon au sud, dont le roi Pierre Iii vient d'ailleurs de remporter une grande victoire contre les musulmans en 1212 à Las Navas des Tolossas. Alors ça fait le jeu des puissants et ça permet aux chevaliers d'effectuer un pèlerinage guerrier sans aller jusqu'à Jérusalem, mais niveau religieux, c'est franchement pas un triomphe. On peut même parler d'échec. La persécution a acculé les derniers hérétiques, mais elle les a renforcés dans leurs convictions. Donc là, ça semble évident pour triompher d'une idée. le glaive ne suffit pas. C'est pourquoi en 1231, deux ans après la fin du conflit, on institue l'Inquisition. Inquisition, ça veut dire l'enquête. C'est une méthode d'investigation et d'interrogatoire très ciblée à un véritable dynamitage social. Dans une ville qui compte des centaines d'hérétiques, comme Carcassonne ou Albi par exemple, on ne va poursuivre que quelques dizaines d'individus. Mais leur procès est alimenté par des centaines de témoignages de rumeurs regroupées et comparées, de confrontations entre témoins. En fait, l'Inquisition est un véritable fichage de la population, une police de la pensée dont le principal organe de contrôle, c'est la paperasse et les argussies juridiques. Son but est d'exterminer l'hérésie et non l'hérétique. Même le mot exterminare veut plus dire jeter dehors chasser de la chrétienté que tuer On cherche donc à repérer les principaux dissidents pour les faire changer d'avis qui, quitte à utiliser la force. L'idée finale, c'est que tout le monde rejoigne le troupeau des croyants. Alors oui, on a toutes ces images en tête, l'inquisition c'est les bûchers, c'est la torture, c'est les vilains inquisiteurs qui regardent flamber leurs victimes avec une joie malsaine. Mais en fait, là, on parle vraiment du tout dernier recours. C'est même un aveu d'échec. Alors la joie malsaine, vous oubliez tout de suite. Mais en revanche, la torture, elle, elle a bien existé. Il s'agit alors d'un procédé légal, très limité, et qui ne s'improvise pas du tout. Il n'y a qu'un nombre réduit de séances de torture, et chacune est chronométrée. La victime a le droit à des pauses régulières, à la fois pour être soignée, pour tenir le coup, et pour avoir le temps de changer d'avis. Tout ça sous le contrôle attentif de notaires et de juristes experts. Les bûchers, eux aussi, ont eu cours. En fait, ils arrivent justement en toute fin de procédure si toutes les autres solutions ont échoué. Et donc, ils sont très rares. Par exemple, l'inquisiteur Bernard Guy, sur 980 procès, n'aboutit que, entre guillemets, à 42 bûchers. Certains inquisiteurs s'y refusent même, comme Jacques Fournier. De toute sa carrière, il ne mène qu'un seul et unique bûcher. Dégouté, il se jure de ne jamais recommencer. Si les hérétiques refusent de se repentir jusqu'au dernier moment, l'église prononce alors une condamnation. Et comme elle n'a pas le droit de tuer, elle s'arrête là, en tout cas, en théorie. Dans les faits, elle renonce à ses prisonniers, qu'elle remet aux pouvoirs temporels locaux. Ce sont alors les rois, les comtes et autres seigneurs du coin qui se chargent de conduire ces hérétiques au bûcher. Avec tout ça, l'inquisition se montre... bien plus efficace que n'importe quel conflit armé. Elle ne frappe pas toute une population, mais cible des individus précis. Et c'est assez terrible à dire, mais elle répond à un besoin social. Parce que avant l'Inquisition, avant même la croisade contre les albijouas, la population qui improvisait des bûchers sans procès ni procédure juridique, c'était les gens normaux qui, de crainte de voir leur ville infectée par l'hérésie, abandonnée par Dieu, pourchassaient leurs propres voisins. De plus, cette action répressive de l'Inquisition est confiée à l'ordre mendiant des Dominicains. Et c'est loin d'être leur seule activité. Elle s'accompagne de la reconquête spirituelle des esprits. C'est ce qu'on appelle la prédication, qui est le véritable cœur de leur mission. A leur côté, d'autres ordres mendiants grandissent les rangs des prêcheurs. Et cette reconquête spirituelle a un atout. Les membres des ordres mendiants sont sociologiquement assez proches de leurs auditoires. Ils ne sont ni des ordres monastiques classiques, tenus par l'aristocratie, ni de grands prélats connus pour leur richesse. En fait, ces ordres mendiants, itinérants, vont de ville en ville et sont justement constitués d'habitants des villes. Ce sont les fameuses élites urbaines bourgeoises, les premiers contestataires, à qui on a enfin fait une place. Parfois, les frères mendiants sont même issus de couches sociales plus populaires encore. Là, on peut parler d'un vrai triomphe de l'église. Comme quoi, avec une église nouvellement réformée, de plus en plus centralisée sur Rome, eh bien... Tout était une question d'intégration ou de rejet des marges, des périphéries finalement de la chrétienté. Telle pensée ou telle hérésie, est-ce qu'on peut la réintégrer ou est-ce qu'il faut la pourchasser ? Telle laïque, est-ce qu'ils ont le droit de prêcher ou non ? Telle couche sociale, est-ce qu'on lui donne accès aux saintes écritures ? Mais malgré tous ces progrès, les contestations du dogme et les institutions de Rome continueront pendant des siècles avec plus ou moins de virulence. Ainsi, à la toute fin du Moyen-Âge, au début du XVe siècle, on peut mentionner Jean-Louis Hus, le chef de file des Hus. Ce prêtre et prédicateur de Bohème a finalement des reproches assez identiques à ce qui a existé. Il dénonce à nouveau la corruption du clergé. Il revendique l'usage de la langue tchèque et non plus du latin dans la liturgie pour que la parole divine soit accessible à tous. Et enfin, il remet en cause la primauté de Rome sur l'église. Tant et si bien qu'il finit par être brûlé pour hérésie le 6 juillet 1415, avant de voir ses cendres dispersées dans le Rhin. Mais cette fois-ci, la mise à mort n'a pas l'effet escompté. Un véritable culte se développe en son honneur. Il est élevé au rang de martyr par un territoire de Bohème, qui prend alors les armes pour réclamer une réforme de l'église. S'en suivent 15 années de guerre, et pas moins de 5 croisades lancées contre les disciples de Hus, par le pape le Martin V et par l'empereur Sigismond, sans parvenir à triompher. Étant forcé de constater l'échec de la répression, un compromis est finalement trouvé au Concile de Bâle en 1436. L'accord qui est signé est en fin de compte largement favorable aux revendications uscites. Il permet même la création d'un statut d'exception rien que pour le clergé de Bohème. Comme quoi, c'est toujours la même rengaine. Périphérie, intégration, peut-on gérer à distance depuis Rome ou est-ce que chaque localité a le droit à ses arrangements, etc. etc. Cet événement est majeur, il est même généralement reconnu comme précurseur de la réforme protestante à venir, et même des guerres qui vont secouer l'Europe un siècle plus tard, à la Renaissance. Mais il est très peu connu dans le monde francophone, et je me demande si ça ne vaudrait pas le coup de faire un épisode rien que là-dessus. En effet, il reste encore beaucoup de boulot pour vraiment comprendre l'église au Moyen-Âge. De nos jours, particulièrement en France, nous sommes influencés par la philosophie de la laïcité. On a tendance, très artificiellement, à à séparer religion et politique. Et ça, ça ne colle pas trop avec la réalité. Car même de nos jours, surtout de nos jours, qui oserait sérieusement prétendre qu'il n'y a pas d'enjeu politique lié au monde religieux ? Mais, et ça c'est pire, on a aussi tendance à séparer religion et société. On voit les religions comme des institutions, aux contours bien déterminés, dont il est facile de savoir où elles commencent et où elles se terminent. Sauf que ça, ça n'a aucun sens. ni à l'époque médiévale, ni même, plus généralement, avant le XIXe siècle. Et c'est toujours le cas actuellement dans de très, très nombreux endroits du monde. D'ailleurs, pour conclure, on va faire un dernier petit tour d'horizon pour réaliser à quel point l'Église était omniprésente et impossible à distinguer du reste de la société médiévale. L'Église... rythme le passage du temps. Dans une journée, par le son des cloches et la succession des prières. Dans une semaine, avec la messe dominicale qu'il n'est pas question de rater. Dans une année, avec les nombreuses fêtes religieuses du calendrier. Mais aussi dans une vie du baptême à l'extrême onction en passant par le mariage. Autant de capes symboliques qui sont régis par l'Église. Et c'est la même chose pour la transmission, la préservation des connaissances, l'enseignement des sciences. L'Église est absolument partout. retenue les épisodes comme Galilée où l'Église limite et oppresse la science. Mais il ne faut pas oublier les milliers de fois où elle l'a soutenue, jusqu'à fonder des universités qui existent encore de nos jours. Elle est aussi profondément ancrée dans les réseaux socio-économiques. Par ses œuvres de charité, c'est un rouage essentiel de l'aide aux plus démunis. La mobilité répond parfois à des considérations religieuses, comme les pèlerinages, qui sont une occasion de voyager sur de longues distances. Et c'est la même chose pour la mobilité sociale. un fils de bourgeois pyrénéen, Jacques Fournier, Philioque cistercien, inquisiteur et finalement pape. L'intégration des élites urbaines a complètement damé le pion aux rois et aux souverains qui ne peuvent plus tout contrôler. Pour finir, l'église est au fondement même de l'ordre social tout entier en légitimant la division de la société en trois ordres. Ceux qui prient, les clercs. Ceux qui combattent, les nobles. Et ceux qui travaillent, le peuple. Du coup, rien ne se fait au hasard, ce sont les évolutions politiques et économiques de l'Europe et du bassin méditerranéen qui provoquent des évolutions structurelles et dogmatiques. de l'église. Et là, vous vous dites peut-être Ok Ben, mais pourquoi t'as pas parlé des cathédrales, du passage de l'art roman à l'art gothique, du culte des saints et des reliques, des ordres templiers, hospitaliers, des croisades ou même de la reconquista ? J'ai envie de vous dire que faire de la vulga, c'est faire des choix. Et le sujet du jour, il était tellement énorme qu'on pouvait pas tout traiter, tout simplement. Alors on s'est dit qu'on allait partir des épicentres, des origines, de Rome, des papes, des patriarches, et on allait voir ce que ça donnait. Malgré ces grosses limites, j'espère tout de même vous avoir permis de mieux comprendre les évolutions de l'église sur cette longue période. Maintenant vous savez ce qu'est un concile, un anathème, un hérétique ou un moine. Pour tout le reste, on a fait plein d'autres épisodes sur les cathédrales, les hospitaliers, etc. sur la chaîne. En tout cas, j'adresse un énorme merci très spécial à Damien Trandonnier de la chaîne Église Garé pour l'écriture et à Florian Besson, qui est historien médiéviste et animateur du collectif d'historiens et de la page Twitter Actuel Moyen Âge, pour la relecture. Pour eux, pour leur boulot, pour le nôtre, s'il vous plaît, faites-le voir, les likes, les partages, les commentaires, ça fait plaisir, et on se retrouve très bientôt sur Nota Benoît pour une nouvelle émission. Salut !